Alexander se réveilla en sursaut. Les petites heures du matin, lorsque la garde touchait à sa fin et que la nuit se calmait, étaient les plus difficiles à traverser éveillé. Il s’était endormi, adossé au mur derrière le tabouret sur lequel il était assis. L’alarme hurlait dans toute la caserne et ses collègues, tout aussi  hébétés que lui, marmonnaient en remontant les fermetures éclairs de leurs vestes ignifugées. Le phénix sauta sur le marchepied du fourgon et la sirène les poursuivit dans les rues de Los Angeles pour ne se taire qu’une fois arrivés sur le lieu d’intervention.

La brigade avait délaissé un jeu de cartes rendu amorphe par le sommeil qui pesait sur leurs paupières et le troquait bon gré mal gré pour un immeuble en feu. Les badauds étaient attroupés de l’autre côté de la rue et Xander obéit à contre cœur lorsque son supérieur l’envoya dérouler les banderoles de sécurité pour maintenir la foule à l’écart. On distinguait difficilement les habitants du bâtiment parti en flammes des voisins et autres curieux.

Une conversation affolée attira cependant son attention. Un couple tentait de consoler leur petite fille terrifiée par l’incendie. L’oiseau de la gamine était encore à l’intérieur et elle hurlait que la personne qui l’avait sortie des flammes était partie le chercher. Xander regarda autour de lui mais son équipe était au complet et tâchait d’éteindre les flammes. Quelqu’un, un civil probablement, était encore coincé à l’intérieur. Sans réfléchir, le phénix profita de ne pas encore avoir attiré l’attention pour aller un peu plus à l’écart et se jeter dans le foyer de l’incendie.

Les flammes l’engloutirent et il accueillit leur étreinte passionnée avec un sentiment de soulagement dont il ne s’était jamais défait. C’était au cœur des flammes qu’il appartenait, le feu ravivait son âme assoupie par les siècles qu’il traînait derrière lui. La chaleur familière de ses amies de toujours le guida jusqu’à l’appartement de la famille éplorée à l’extérieur et il sortit des flammes d’un pas pressé, regardant autour de lui. Il trouva bientôt la cage de l’oiseau.

Il ne s’y trouvait pas. La prison de fer s’était refermée autour de celle qui avait libéré le volatile et malgré ses deux millénaires d’expérience, Ekerahi fut surpris en découvrant une fée. Elle était affaiblie par le métal néfaste pour son espèce et emprisonnée à l’intérieur. Xander brisa la loquet et ouvrit la grille sans perdre de temps, récupérant délicatement la créature au creux de sa paume. Il la tira prudemment de sa prison et la recouvrit de son autre main pour revenir sur ses pas sans la mettre en danger.

Le phénix traversa les flammes jusqu’à la cage d’escalier effondrée par la chaleur du feu qui dévorait l’immeuble. Se laissant tomber à l’étage inférieur, Xander défonça une porte dérobée qui donnait sur une ruelle perpendiculaire à l’avenue dans laquelle se trouvait le bâtiment et s’écarta de la fournaise qu’étaient devenus les appartements en feu. Il fallait que la fée retrouve son apparence humaine avant qu’il la ramène dans l’avenue principale pour que les secours la prennent en charge.

Son supérieur serait furieux d’apprendre qu’il s’était encore aventuré dans l’incendie mais qui d’autre que lui pouvait se permettre de récupérer les humains prisonniers des flammes ? Le phénix était le seul capable de les sauver, méritait de prendre ce risque ridicule pour libérer des fées enfermées dans des prisons de fer. Il ajusta sa prise sur celle qu’il venait de secourir, prêt à la retenir si elle reprenait sa forme normale.

Malgré le risque inconsidéré qu’elle venait de prendre, la jeune femme ne méritait pas qu’il la laisse tomber sans prévenir. Inconsciente peut-être, mais tout de même une créature légendaire, l’une de ses semblables. Il se devait de la protéger, elle aussi.

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Un frisson remonta le long de sa colonne vertébrale et Xander eut besoin de quelques secondes pour comprendre ce qui l’avait provoqué. Il baissa les yeux sur ses mains jointes et reconnut finalement l’effleurement d’une minuscule main sur ses doigts.

La fée était revenue à elle, réalisa-t-il. Le contact était aussi léger que l’aile d’un papillon et l’aurait chatouillé si elle avait continué, mais elle attendait sûrement qu’il la libère. Le phénix vérifia qu’il n’y avait personne dans la ruelle avant d’ouvrir les mains.

Elle était étendue sur sa paume, enveloppée d’un halo de lumière étincelant. Elle brillait dans la nuit comme le feu qui dévorait le bâtiment face à lui et Xander se laissa un instant absorber par la contemplation des ailes transparentes qui reposaient sous elle.

Il se ressaisit et secoua la tête, vérifiant une nouvelle fois que personne ne serait témoin de la transformation de la créature légendaire. La jeune femme grandissait à vue d’oeil et bientôt il la tenait par la taille, soutenant ses jambes de l’autre bras.

Elle avait un teint de pèche et de longs cheveux flamboyants qui lui volèrent un sourire amusé car il portait les mêmes reflets dans les siens. Ce n’était pas une apparence surprenante pour une fée mais Xander n’en avait jamais vraiment fréquentées.

Il observa donc la jeune femme avec curiosité et surtout sans gêne tandis qu’elle reprenait finalement forme humaine. Il pouvait bien se le permettre, puisqu’il venait de la sauver. Le phénix se demanda soudain si elle allait deviner sa nature à lui.

Les yeux plissés, l’australien décida de ne pas lui laisser le temps de poser de questions et se dirigea d’un pas vif vers la sortie de la ruelle afin de rejoindre la foule assemblée devant le bâtiment. Il longea les banderoles de sécurité jusqu’à rejoindre le fourgon.

Ses collègues avaient maîtrisé l’incendie et il n’y avait personne autour du véhicule. Le pompier déposa prudemment l’inconnue sur le rebord du coffre, dont les portes étaient ouvertes pour qu’ils aient accès aux premiers secours.

« Comment vous sentez-vous ? demanda-t-il en attrapant son matériel. »

La trousse de secours dans les mains, il jaugea la jeune femme du regard pour évaluer son état et décider des soins qui pressaient le plus. Quelque chose lui disait qu’à part la quantité de fumée qu’elle avait peut-être inhalée et quelques brûlures, elle se portait bien.

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