Réunis au réfectoire, face à face, ils pouvaient dès lors continuer à s'apprivoiser à coup d'anecdotes. Les regards sur eux demeuraient persistants, mais Karl s'en fichait. Il ne voulait plus leur donner l'importance qu'ils ne méritaient pas d'avoir et encore moins se conduire en victime. Alors, il se concentra sur Lyanna, sur son regard, le son de sa voix et sur chacune des paroles qui sortaient de sa bouche. Elle venait d'accepter l'invitation à condition de prévenir en amont, car il était impensable pour elle d'imposer sa présence, ses parents ne tolérant pas cette façon de faire. Karl acquiesça aussitôt pour la forme, bien qu'il connaissance d'avance la réponse de sa mère, qui trop fière de le voir sociabiliser, ne pourrait lui refuser cette visite. « - Ok, je ferais les choses en bon et due forme alors. » Toutefois, il ne put s'empêcher de ressentir un léger pincement au cœur lorsque la demoiselle fit entendre que ces parents ne reviendraient pas avant décembre. Ça voulait dire qu'elle restait seule et justifiait sa présence quotidienne entre les murs de l'Académie. Le manque engendré par cette absence devait être difficile à gérer, sauf bien sûr si les parents de Lilly étaient de ceux qui élèvent leur enfant à la dure, sans démonstrations affectives. « - Mais ils ne te manquent pas parfois ? » demandait-il innocemment incapable de dompter sa curiosité avant de se saisir de sa tasse pour laisser le loisir à la jeune sorcière de répondre, si elle en avait envie, le cas échéant, il ne s'en offusquerait pas. La seconde gorgée fut encore meilleure que la première, et ce, malgré la tiédeur du thé. Cela n'enlevait rien au plaisir de savourer cette boisson qu'il avait découverte l'année passée et dont il peinait à se passer à présent à la grande joie de Penelope une fervente partisane de la théine et de quelques autres décoctions de son cru.
« - Tu as une idée ? Moi aussi ça tombe bien, mais vas-y, je suis galant, je t'écoute ! » Elle lui proposa avec candeur de se prêter au jeu des questions réponses pour apprendre à mieux se connaître avant que l'apprenti blagueur ne lui propose de réaliser la plus folle des activités en allant manger une glace. Ce qui lui valut un éclat de rire de l'intéressée. « - Ouais, je parle d'une véritable crème glacée tout ce qu'il y a de plus artisanal avec tout ce qu'il faut dessus pour quitter ce monde à dos de licorne sur un arc-en-ciel. Tiens, pour rebondir sur ton jeu de questions-réponses commençons fort ! Enfin non, à bien y réfléchir ça l'est moins vu que tu viens de me spoiler ton parfum préféré. C'est un critère très important le parfum de la glace. Crème glacée au café avec des petits grains à l'intérieur ? J'en déduis que tu es une fille énergique, qui aime l'amertume, mais qui a ce petit, quelque chose, ce pep qui croque en bouche tels des petits grains. Le profilage de la glace, c'est tout un métier hein ! Tiens essaye avec moi. Mon parfum préféré c'est menthe-chocolat. Qu'est-ce que tu en penses ? » Leurs doigts achevèrent de s'entrelacer, tout comme leurs regards qui peinaient à se détacher l'un de l'autre. « - Marché conclu alors. On ira vivre une folle aventure glacée. » Le sourire était appelé à perdurer du moins avant que la jeune demoiselle n'évoque maladroitement le sujet de l'internat « - Ce n’est rien » laissa entendre Karl pour dissiper le moindre malaise et ne pas lire de la culpabilité dans le regard en amande de sa chérie qui l'emmena sans entendre dans les tréfonds d'un dortoir de filles. « - Ok, je ne dirais rien, je serais mué comme un brochet ! »
Intrigué d'être en ces lieux d'ordinaire interdit aux garçons, Karl prit le temps de tout observer, tout en répondant de bonne grâce aux questions de Lyanna sur les familiers. « - Tes questions ne sont pas idiotes et je serais le dernier des hypocrites si je rétorquais le contraire. J'étais aussi curieux que toi l'année dernière dans l'attente de son apparition. Je l'ai même invoqué à plusieurs reprises. Il restait silencieux, j'ai même fini par croire qu'il ne viendrait jamais. Et au moment où je m'y attendais le moins et ou accessoirement, j'avais vraiment besoin d'aide, il est arrivé. J'étais effrayé et impressionné à la fois qu'un animal aussi majestueux puisse me faire face. Je pourrais essayer de te le présenter, mais il faudra attendre que le soleil décline et qu'on se trouve dans un endroit au calme. C'est un loup, il a son petit caractère. » Le regard brillant, il parlait de son familier avec affection malgré sa nature et le danger qu'il pouvait représenter. « - J'ai toujours été fasciné par les loups en plus. Même dans mes rêves les plus fous, je n'aurais pas imaginé qu'un familier pourvu de cette forme me choisisse. » Une fois encore, il doutait de lui, une mauvaise habitude qu'il lui faudrait perdre, il le savait. Mais il avait encore besoin d'être rassuré et espérait que celle qu'il pouvait fièrement appeler sa petite-amie, le comprendrait à son tour. « - Si tu préfères m'embrasser plutôt que de me pincer, je suis preneur. » Arrivé à sa hauteur, il la laissa poser ses lèvres sur les siennes avec un plaisir à peine dissimulé. C'était bien plus encore que la plus belle des récompenses, cela était appelé à devenir son quotidien tout comme cette fille intelligence et sublime qui lui faisait face. Le contact de ses mains contre les siennes, acheva de le convaincre que ce n'était pas un rêve tout comme ses paroles « - Et ce n'est certainement pas un cauchemar » tenta-il pour la titiller à nouveau. « - Ecoute, je n'ai rien contre l'académie, mais je préférerais quand même ne pas y passer tout mon week-end. Aller, on décolle, prends tes affaires, je t'emmène ! Partons en guette d'un plaisir glacé » Tout sourire, les deux amoureux mirent les voiles. Karl paya le bus qui les rapprocha de la plage de Verona Beach où le soleil brillait déjà avec intensité. « - Il y a un marchant pas très loin. » Et effectivement Mr Frost comme il se faisait appeler auprès des plus petits, distribuait déjà ces premiers cornés. Karl, au fait des goûts de Lyanna passa commande et s'empressa de sortir de quoi régler avant de se saisir du cône qu'il tendit aussitôt à la jeune sorcière pour qu'ensuite, ils prennent la direction de la plage.
« - Ce sont les plaisirs simples les meilleurs. Tu ne trouves pas ? Je faisais ça souvent avec mes amis mortels. On se prenait une glace après les cours et on venait ici. On s'amusait de tout, on écoutait de la musique et parfois, on traînait juste pour voir le soleil se coucher et les premières étoiles apparaître dans l'horizon. Mais assez parlé de moi. Toi qu'est-ce que tu aimes faire ? C'est quoi ton petit plaisir simple ? »
La perspective d’avoir un autre endroit que l’académie où aller le week-end, et l’idée que cet endroit soit chez Karl, enchantaient Lyanna. Elle avait hâte de découvrir son monde, connaître ses parents et tout ce qui l’entourait, pour apprendre à mieux connaître ce garçon qui la fascinait. L’évocation de ses propres parents lui provoqua un petit sourire triste.
- Si, bien sûr qu’ils me manquent. On s’appelle très souvent, d’ailleurs je les ai appelés hier soir, j’ai même parlé de toi. Je sais qu’on fera une super fête à Noël, j’aurais même une autorisation officielle de sortie le week-end d’avant pour aller décorer la maison. Et puis je les comprends, Salem c’est tellement cool. Tu sais, ils sont nés là-bas tous les deux. Je sais même pas pourquoi ils sont venus à L.A tout ce temps, mais ça leur manquait.
Elle haussa nonchalamment les épaules.
- J’ai pas à les juger. Ils m’ont toujours beaucoup soutenue, tu sais.
Les idées des deux adolescents fusèrent, comme jouer aux questions-réponses et s’évader pour aller manger une glace, sans oublier un profilage complet à base de parfum de glace. Lily se mit à rire de nouveau avant de se mettre à réfléchir d’un air sérieux et concentré, un main sous le menton.
- Menthe-chocolat ? Hum alors… Le chocolat révèle que tu es emphatique, gai, charmant, séducteur, et attirant, et la menthe, je dirais un côté prudent. Je me trompe ?
Passées ces sages paroles, les deux adolescents s’éclipsèrent pour rejoindre la chambre que Lily partageait avec deux de ses amies et purent continuer leur conversation. La jeune fille était curieuse à propos des familiers, elle était si pressée d’avoir le sien.
- Mon père a un aigle et ma mère une hermine blanche. Et toi ? Attends, tu l’as appelé plusieurs fois ? Au cours de la même nuit ? J’ai entendu qu’on doit les invoquer après notre quinzième anniversaire lors d’une lune de sang… Il n’y en a que deux par ans, c’est bien ça ?
Elle l’écouta ensuite parler de son loup, on sentait une réelle passion l’animer et cela fit plaisir à Lyanna. Elle secoua la tête avec une petite moue légèrement réprobatrice en l’entendant encore une fois se rabaisser.
- Plus encore que son apparence, c’est le lien qui t’unit à lui, à ce gobelin qui t’a choisi pour te soutenir tout le reste de sa vie, qui compte. Peut-être qu’il a pris cette apparence pour te faire plaisir, qui sait ?
L’adolescente vint embrasser à nouveau son petit-ami pour lui confirmer qu’il ne rêvait pas, tandis que lui la taquina sur un éventuel cauchemar.
- Je peux toujours devenir ton pire cauchemar tu sais… Tu crains les chatouilles ? tenta-t-elle en glissant ses doigts sur ses flancs pour le chatouiller.
C’est là que Karl proposa la petite escapade. Le regard de Lily se mit à briller. Elle attrapa son petit sac en bandoulière qui contenait son porte-feuille et accepta de bon coeur de suivre le jeune sorcier, s’éclipsant tous deux discrètement de l’académie pour prendre le bus pour enfin se retrouver face au marchand de glace.
- Merci, mais eh, j’avais dit que c’était pour moi… Je me vengerai, tu le sais ça ? le taquina-t-elle en lui mettant un peu de glace sur le bout du nez.
Ils allèrent s’installer sur la plage face à l’océan. Karl était au moins aussi fascinant que lui et Lily se plaisait l’écouter, le regarder, et déguster sa glace au café.
- Oui, les balades sur la plage ou les samedis à patauger dans les vagues étaient aussi pas mal notre quotidiens, à mes anciens amis et moi. Sans parler des fêtes clandestines sur la plage l’été dernier.
Mais Karl semblait curieux à son sujet, ce qui la fit sourire.
- Moi ? Oh j’aime pas mal de choses. J’aime être la meilleure, j’aime danser sur des musiques rythmées, j’aime aussi le petit frisson que ça procure quand on fait le mur ou qu’on fait des trucs qu’on n’est pas sensés faire, tant que c’est pas illégal bien sûr. J’aime manger des glaces comme celle-ci, boire un café au lait d’amande devant la cheminée en hiver, regarder les étoiles en essayant d’imaginer l’avenir plus ou moins proche. Toi, tu le vois comment ton avenir ? Dans dix, quinze ou vingt ans, quel sera le quotidien de Karl Fitzgerald ?
Le simple fait de l'imaginer chez lui, l'enthousiasmait déjà et pourtant, il n'était pas le genre de garçon à faire des plans sur la comète. Lui préférait s'armer de certitude avant de penser à l'avenir. Mais désormais, au fait de la réponse de la jeune demoiselle, tout aussi enthousiaste à l'idée de passer le week-end et d'autres avec lui, Karl semblait plus serein, assez pour faire parler sa curiosité sans gêne et peut-être avec maladresse au vu du petit sourire triste qui venait d'élire domicile sur le visage de Lyanna. « - Je suis désolé, vraiment ! Je n'image pas à quel point, ils doivent te manquer. Parfois, je devrais peut-être réfléchir un peu avant de parler. » Mais Lyanna, n'étant pas du genre à se laisser abattre si facilement, fit entendre à sa nouvelle conquête, que le contact avec ses parents, était quotidien. D'ailleurs, la veille, elle n'avait point manqué d'évoquer avec eux, ce fameux garçon qui lui faisait face à présent. « - Cette fois, je vais réfréner ma curiosité et ne pas te demander ce que tu leur as dit sur moi. Je vais plutôt me concentrer sur Salem. Je trouve ça cool que tes parents viennent de là-bas et c'est encore plus fascinant de savoir que toi et ta famille, êtes des descendants de celles et ceux qui furent injustement jugés et brûlés à Salem. Je connais quelqu'un aussi, qui fait partie des descendants. C'est un ami proche de mes parents, mais à chaque fois que je lui pose des questions, je vois bien qu'il n'est pas très à l'aise avec le sujet. Donc je ne préfère pas insister » Tu parles trop Fitz ! Question de non-habitude sûrement. La sociabilité lui faisant défaut, il rattrapait dès lors son retard avec Lyanna qui ne semblait s'offusquer d'être en compagnie de quelqu'un d'affable et curieux.
Ensuite, puisqu'ils avaient la bougeotte, nos deux jeunes sorciers quittèrent le réfectoire pour regagner le dortoir des filles avant de se livrer non pas à des confessions, mais à une séance de profilage glacier qui fit bien rire et comment ne pas être hilare avec un tel sujet traîné de cette façon ? C'était en quelque sorte une prémisse, avant des sujets moins loufoques et une façon, inconsciente, de continuer à maintenir cette complicité naissante entre eux « - Alors je pense que je me reconnais sur l'empathie et la prudence, pour le reste, c'est me faire trop d'honneur mademoiselle. Je n'en demeure pas moins ravit de savoir que je suis charmant séducteur et attirant » Mais nul besoin d'entendre ces mots, le regard de la jeune Johnston parlait pour elle. « Jamais personne ne m'avait regardé comme ça. Je devrais lui dire quelque chose... Non, abstiens-toi, c'est préférable ! Contente-toi de profiter de l'instant Karl et laisse-toi aller. Elle ne te fera jamais aucun mal, c'est évident » Il sourit une fois encore, ravit d'y parvenir aussi facilement et sans se forcer ne serait-ce que pour lui faire plaisir. Puis ils changèrent de sujet, la curiosité de Lilly prenant le pas sur la conversation. « - Ma mère a un renard et mon père un corbeau. Non, ne rigole pas, je t'assure que c'est vrai et que ce n'est pas du tout comme dans la fable. Moi, je les enviais tellement et tous les sorciers avec leur familier. Je trouve ça génial et je crois que j'étais trop pressé d'avoir le mien, alors ouais je l'ai invoqué à plusieurs reprises, sans me soucier des pré-requis, bien que de toi à moi, je ne suis pas certain qu'il y en ait. Je crois qu'effectivement, il apparaît après notre quinzième anniversaire, mais c'est à son bon vouloir. Je me plais à imaginer qu'il ou qu'elle attend le bon moment pour venir. Moi, il m'a peut-être sauvé la vie finalement. Avec lui, je me sens un peu mieux et moins seul, mais j'ai aussi l'impression qu'il transforme ma peur en colère. Il est très protecteur, normal pour un loup. Mais je dois bien t'avouer que j'ai quand même flippé quand il a commencé à s'en prendre à ces gars qui me menaient la vie dure. J'ai honte, mais j'ai hésité un court instant et il aurait pu leur faire du mal si je n'avais pas été lucide, au dernier moment. Les loups sont des créatures sensibles et empathiques qui parviennent à sentir des choses qui nous échappe. Maze, a, je crois, capté cette colère qu'il y avait en moi et s'en ait emparé pour mieux me protéger. J'espère pour toi, que ton familier apparaîtra dans de meilleures conditions, ce dont je ne doute pas une seule seconde » Jamais encore il n'avait évoqué de vive voix cet épisode, sauf peut-être dans les pages de son journal, lues par sa mère. En parler aussi librement, sans contrainte et sans chercher à amoindrir les choses pour rassurer quiconque voulait l'entendre, fit du bien au jeune Fitz, plus qu'il ne l'aurait cru d'ailleurs. Lyanna était une bonne confidente, adorable, à l'écoute, elle ne jugeait pas.
Avides de plus de liberté, les amoureux mirent enfin les voiles et regagnèrent la plage la plus proche pour savourer une bonne glace et profiter de la douceur du climat californien. Et puis, par chance, il n'y avait pas trop de monde à cette heure, l'idéal pour observer l'océan et s'entendre parler. « - Il n'était pas si désagréable ce quotidien hein ? Moi aussi, il m'arrivait d'aller à des fêtes sur la plage. Ce n'était pas ici, mais si ça se trouve, nous nous sommes déjà croisés sans le savoir, ce qui serait amusant. » Il profita à nouveau de sa glace, curieux d'en apprendre un peu plus sur Lyanna Johnston qui se plia de bonnes grâces aux questions de Karl et accepta de se livrer un peu en ponctuant l'échange sur une question pour que Fitz puisse ensuite rebondir. « - Je veux être le meilleur, mais pas par envie. Je veux que mes parents soient fiers, plus encore mon père. Il n'a pas étudié à l'académie, tu sais ! C'est quelqu'un qui a eu une vie difficile et qui s'est toujours battu. Je voudrais le rendre fier et qu'il me le dise. C'est pour ça que je me démène dans les études. Fort heureusement, je ne me réduis pas qu'à ça. J'aime écouter de la musique, des kitsch comme je te l'ai dit. Ca me fait rire et je ne sais pas pourquoi d'ailleurs. J'adore aussi Stevie Nicks et les Fleetwood Mac. C'est ma mère qui me les a fait découvrir et elle demeure persuadée que Stevie Nicks est une des nôtres. J'aime aussi lire, c'est comme ça que je m'évade de l'Académie à défaut de faire le mûr. Je ne suis pas un grand aventurier, mais j'ai de l'imagination à revendre. Ce que j'aime par-dessus tout, ce sont les plaisirs simples. Tu sais, ce genre de trucs à portée de main que l'on ne prend plus le temps de savourer, parce que cela fait partie intégrante de notre quotidien. Par exemple, le parc à l'Académie. J'adore venir m'y allonger, l'été et le soir après que les agents d'entretien aient achevés de tondre la pelouse. Je ferme les yeux et je me laisse bercé par l'odeur d'herbe coupée et la fraîcheur d'une nuit d'été. Parfois, on peut même y voir quelques lucioles et le ciel dégagé. Le sortilège qui protège l'académie nous exempte de la pollution visuelle de Los-Angeles et du coup, on peut voir toutes les étoiles qui peuplent le ciel quand il n'y a pas de nuages. Et là, en général, je sors mon walkman et j'écoute de la musique tout en fixant le ciel, allongé dans l'herbe fraîchement coupée. C'est tout simple, mais je me sens tellement bien et libre. C'est pareil avec la mer, j'adore être à proximité, fermer les yeux, m'allonger sur le sable et écouter, juste écouter les vagues qui viennent mourir sur le rivage et se retirent. Les goélands et les mouettes qui se font entendre au rythme de l'océan, c'est magique. Je rêve de faire ça tout le temps, de découvrir le monde, de nouvelles sensations. Ma mère dit que je suis un grand rêveur, peut-être que cela pourrait devenir un métier non ? Je veux être utile aussi, et ce, malgré ce que l'on m'a fait subir. Je pense qu'il y a de jeunes sorciers qui ont besoin d'aide, peut-être même d'être guidé finalement. Peut-être que je devrais devenir prof, j'y pense depuis peu. C'est une alternative qui ne me déplairait pas. Mais peut-être que je serais appelé à m'investir davantage dans le coven de mes parents vu le rôle de mon père. De toi à moi, je ne sais pas si j'ai vraiment envie de ça. Je ne suis pas le genre de sorcier qui veut avoir des responsabilités de cet ordre. Enfin bref, j'ai assez parlé maintenant, c'est à ton tour de me dire ce que tu comptes faire plus tard ? »
D’aussi loin qu’elle s’en souvienne, Lyanna n’avait pas souvenir de s’être déjà trouvée en présence d’une personne dotée d’autant d’empathie que Karl. Il semblait déjà désolé d’avoir évoqué les parents de sa petite amie qui, absents, manquaient à cette dernière.
- Je t’assure, ça va, je gère. Je savais que ça serait comme ça, je m’y suis préparée. Et… je leur ai pas dit que tu étais super craquant, j’ai juste dit qu’un deuxième année avait accepté de me filer un coup de main pour un devoir. Quant à Salem, j’y allais une fois par an pendant les grandes vacances. Tu qu’y a un musée sur les sorcières que les mortels peuvent visiter, et dedans y a des affaires qui ont appartenu aux ancêtres de mon père ? J’adorais y aller, je restais devant cette vitrine, j’avais l’impression d’être proche d’elle.
Elle pencha la tête de côté, étonnée d’entendre que quelqu’un semblait ne pas vouloir parler de ses ancêtres.
- L’ami de tes parents est mal à l’aise avec le sujet ? C’est un peu bizarre non ? Enfin… je juge pas hein.
Lily haussa les épaules d’un air faussement nonchalant. S’en suivit une étrange séance d’analyse comportementale en fonction du parfum de glace, ce qui fut hautement amusant pour les jeunes sorciers qui ne se privaient pas pour rire à gorge déployée avant de quitter la cantine pour rejoindre la chambre de Lily, discutant familiers.
- Tu n’es pas sérieux… Un corbeau et un renard ? Genre comme dans la fable de Lafontaine ? Est-ce que tu en connais qui ont eu une cigale et une fourmi ? Tiens tu as eu un loup, si j’ai un agneau, je vais me poser des questions !
Puis, karl évoqua les circonstances de l’apparition de Maze. C’était étrange, mais beau à la fois.
- C’est beau ce lien qui vous unit. Mais tu dois apprendre à contrôler ta colère. Et ça fait comment quand il te parle ? Mes parents m’ont dit que ça se fait par la pensée. Tu l’entends dans ta tête, c’est ça ?
Puis, posés sur la plage après un petit tour en bus et une halte chez le marchand de glace, la discussion put reprendre, une discussion ayant pour but d’apprendre à se connaître. Les plaisirs simples de la vie qui devenaient salvateurs pour Karl trouvèrent grâce aux oreilles de Lily qui l’écoutait avec fascination. Il savait rendre des choses anodines incroyablement profonde. Rien qu’en l’écoutant, elle avait l’impression elle aussi de sentir l’odeur de l’herbe fraîchement coupée tandis qu’il décrivait le plaisir qu’il avait à s’y allonger et contempler le ciel en écoutant de la musique. Un sourire ornait les lèvres de la jeune fille.
- Tu es fascinant, dit-elle simplement. Non, c’est vrai. Tu sais décrire les choses comme personne à tel point de presque en faire la propagande. Je serais même prête à écouter tes musiques que tu ne cesse de qualifier de douteuse et m’allonger dans l’herbe aussi. Moi j’adore contempler les étoiles comme je le disais, et ça allait souvent de paire avec être allongée dans l’herbe du jardin. La plupart du temps j’étais affalée contre le tronc du pommier à regarder le ciel à travers les branches. En général, il y avait toujours un moment où mon père m’appelait par la fenêtre en disant qu’une pomme allait finir par me tomber sur la tête, ajouta-t-elle avec un petit rire.
Reprenant un peu de sérieux, elle se racla la gorge pour continuer. - J’ai pensé aussi à enseigner. J’attends, avant de me décider, de voir comment vont se passer les quatre années à l’académie, mais cette éventualité m’a toujours attirée. Parce que je n’ai aucune envie de rejoindre le monde des mortels, j’ai vraiment envie de m’investir dans ce que nous sommes. Je ne dénigre pas le monde des mortels bien entendu, mais je veux dire par là que j’ai envie de faire partie intégrante de notre monde à nous, de contribuer à améliorer les choses, comme l’ont fait nos ancêtres. Mais une chose m’interpelle. Tu parles du coven dans lequel sont tes parents, mais tu sais, tu n’es pas obligé de les y rejoindre. Normalement, on est sensés faire nos choix en nos âmes et conscience, sans être influencés. J’espère que personne ne te force la main chez toi.
Le temps passait, la fin d’après-midi approchait à grand pas.
- On devrait peut-être commencer à se rapprocher du lieu de la soirée. Tu veux passer chez toi avant ? Tu as prévenu tes parents que tu rentrais tard au moins ? Je pense que je resterai dormir à la maison de mes parents après la fête. Si tu veux m’accompagner, tu peux. Maze aussi est le bienvenu s'il le souhaite.
La jeune fille se leva, époussetant sa robe pour en faire tomber les quelques grains de sables venus s'y déposer avant de tendre la main à son petit ami pour l'aider à se lever à son tour, avant de récupérer son sac.
D'ordinaire, il ne parlait pas autant et il avait appris à se passer du dialogue, privilégiant de ce fait l'écrit à l'oral. Toutefois, au contact de Lily, le jeune Karl Fitzgerald se découvrait affable et loin d'être sur la réserve. Avec elle, il était si facile de parler et de tout qui plus est. Il fallait bien reconnaître que cela était agréable pour quelqu'un qui n'avait pas l'habitude de s'exprimer autant. Il évoqua donc une part de sa vie, ses parents, son familier....Toutes les questions de la jeune sorcière trouvaient des réponses et elle-même se prêtait au jeu en les agrémentant de sa propre expérience. C'était un véritable échange, sans faux-semblant, sans vérités embellies ou mensonges dissimulés pour plaire. Ainsi, Karl gagnait en confiance, car il comprenait qu'en étant lui-même, il était capable de susciter l'intérêt d'une personne comme Lyanna Johnston, ce qui au vu, de sa popularité naissante, était plutôt pas mal. (doux euphémisme lorsque l'on sait ce que deviendra la sorcière, quelques années plus tard) Présentement, il posait sur elle, le regard léger d'un adolescent de plus en plus épris à mesure qu'il apprenait à connaître la jeune demoiselle, qui elle aussi, s'était délestée de ses artifices en sa compagnie. C'était agréable, tellement qu'il aurait voulu que cela ne s'arrête jamais et que ce moment qu'ils partageaient, soit désormais leur quotidien. Puis ils quittèrent l'académie, pour rejoindre la plage et se délecter d'un délicieux plaisir sucré, face à la mer, loin des tumultes. Karl plus affable que jamais, se laissa aller à nouveau à quelques confessions, des choses anodines, mais intimes pour ce grand sensible, poète à ses heures perdues et adorateur de la nature et des plaisirs simples. Il décrivait ainsi avec passion ces petits rien qui lui faisaient tant de bien et ces petites choses qui allégeaient son quotidien. Et ce fut enfin au tour de Miss Johnston de se livrer sous le regard d'un Karl conquis.
« - Si tu dégaines tous les compliments avant moi, je n'aurai plus rien d'original à te faire entendre. Je crois que je pourrais d'écouter pendant des heures, parler de la nuit, des étoiles et du pommier. Et à mon tour, je te ferais entendre ma propagande des petites choses pour achever de te convertir au plaisir de ces petites choses. Mais du coup, par curiosité, tu t'es pris une pomme sur la tête mademoiselle la rêveuse ? N'est pas Newton qui veut hein ? Tiens d'ailleurs, on devrait se faire ça un de ces quatre. S'allonger dans l'herbe pour écouter de la musique kitsch tout en regardant les étoiles. Tu en dis quoi ? C'est original comme proposition de rencart non ? » Le ton était léger et le regard de l'un sur l'autre pourvu d'une infinie douceur. Ils parlèrent ensuite d'avenir, qui dans l'immédiat n'était pas la priorité de Karl et ce même s'il avait quelques pistes. Lyanna quant à elle, semblait plus inspirée « - Mais c'est que tu es toutes aussi fascinante que moi miss Johnston. C'est important de savoir ce que l'on veut dans la vie et de toute évidence, tu sembles en bonne voie. Tu feras de grandes choses plus tard, je n'en doute pas une seconde. » Il marqua une pause lorsqu'il fut question de coven. Il préférait ne pas y penser, même si à son grand dam, il lui restait encore peu de temps pour prendre une décision. « - En fait, je ne sais pas si je veux vraiment appartenir à un Coven. Je n'ai aucune pression chez moi et puis de base ma mère vient de White Chapel. Elle a tout quitté pour mon père. On ne peut pas faire mieux en termes d'ouverture hein ? » Mais de toute évidence, il n'était pas à l'aise avec ce sujet et tenta de rebondir sur un autre, histoire de dissiper le malaise. Ainsi, ils parlèrent de tout et de rien durant de longues minutes qui devinrent finalement des heures.
« - Ah mince ! Je n'ai pas vu le temps. Si on peut passer par chez moi avant ça m'arrange. J'avais dit à ma mère que je serais rentré en début d'après-midi. » Cependant, la proposition qu'elle lui fit ne tomba point dans l'oreille d'un sourd. « - Franchement... j'ai très envie de t'accompagner et Maze aussi j'en suis sûr. Je pense réussir à convaincre ma mère. » Il la regarda se lever en s'imaginant déjà à la fête, serrant sa main contre la sienne et osant enfin affronter le regard des autres, plus fier que jamais. « - Tu voudras bien m'aider à trouver quelque chose à mettre si on passe par chez moi, histoire que je présente bien ? » Il attendit patiemment sa réponse avant de récupérer ses affaires et de glisser sa main dans la sienne pour reprendre le bus et retrouver la charmante petite maison des Fitzgerald. Elle n'avait rien de prétentieux et se trouvait un peu en retrait de la ville et de son agitation frénétique. Elle jouissait de ce fait, d'un petit charme rustique sans en avoir les défauts. Karl leva le tapis de la porte d'entrée pour y récupérer ses clés. À l'intérieur, une légère odeur d'encens remonta jusqu'aux narines des deux sorciers. « - Maman ? Je suis rentré » De la musique résonnait au loin « - Pose tes affaires sur le canapé ! Elle doit être dans sa serre. » Penelope était effectivement en train de s'occuper de ses plantes tout en les abreuvant de quelques chansons émanant du répertoire de Fleetwood Mac. « J'arrive ! » fit-elle entendre en sentant une présence nouvelle dans son foyer. « - Bon bah, on dirait bien que tu vas rencontrer ma mère ! » Penelope referma sa serre et remonta les escaliers pour traverser la cuisine avant d'enfin rejoindre son fils qui l'attendait en agréable compagnie. « Tu es rentré plus tard que prévu mon chéri ! » Son regard d'un bleu vif similaire à celui de Karl, s'arrêta finalement sur Lyanna pour mieux découvrir la jeune femme aux côtés de son fils. Penelope était assez grande, blonde comme les blés et pourvu d'un style qu'elle qualifiait elle-même de gypsie sans les couleurs, car comme Stevie Nicks son idole de toujours, elle aimait porter du noir, et ce, malgré son caractère solaire.
« - Maman, je te présente Lyanna... » Il eut à peine le temps de finir, que sa mère s'approcha de sa petite amie pour la prendre dans ses bras, ne s'embarrassant pas des usages, car elle était comme ça Penelope, l'incarnation même de la gentillesse et de la joie de vivre. « Je suis tellement contente de rencontrer une des amies de mon fils » « - C'est... maman, c'est ma copine » Penelope se redressa aussitôt surprise de cet aveu. « - Lyanna est ma petite amie » Le sourire solaire de madame Fitz redoubla en intensité en se posant sur la jeune demoiselle qui lui faisait face. « Elle est vraiment magnifique ! Tu veux du thé glacé ? » Cette demande était un code que le jeune Karl su interpréter aussitôt en faisant non de la tête. « - C'est une sorcière maman. Nous nous sommes rencontrés à l'Académie » « Ah, mais c'est génial ! Dans ce cas, cela vaut une part de tarte à la citrouille » « - Maman, on ne va pas pouvoir traîner en fait. Mais avant, je voulais savoir si je pouvais sortir avec Lyanna ce soir. Il y a une fête à l'académie et comme Lyanna ne vit pas très loin, je pourrais dormir chez elle ! » « Mon ange, après ce qui s'est passé l'été dernier, je ne suis pas très rassurée de te savoir à l'académie le soir venu » « - Maman, Lyanna est avec moi, tu n'as rien à craindre, je t'assure. Ne t'en fais pas cette fois Maze n'aura pas à intervenir » La jeune mère de famille se mordit la lèvre avant d'observer tour à tour les deux adolescents. « Bon d'accord, tu es assez grand pour que je t'octroie ce genre de liberté. Mais ça reste entre-nous d'accord ? Ton père n'a pas besoin de le savoir » « - Ouais promis. Merci maman » Il ne résista pas bien longtemps à l'envie de la serrer dans ses bras. Elle savait se montrer si gentille et compréhensible, contrairement à Arthur qui demeurait plus strict et distant avec son fils. « Bon aller, je ne vous retiens pas alors. Mais vous faites attention hein. » « - Ouais, je prends quelques affaires et on décolle » Il repris la main de Lyanna pour l'entraîner jusqu'à l'étage. « - C'est un peu le bordel dans ma chambre, ne fais pas attention ! » Ils regagnèrent donc la chambre du jeune homme.
C’était la première fois que Lyanna avait l’occasion de discuter (et sortir) avec un jeune homme aussi intéressant. Elle se flattait d’avoir eu un bon instinct, Karl était effectivement quelqu’un de cultivé, intelligent, curieux et amusant. Il avait de l’humour et la jeune Lily se plaisait à voir cette étincelle dans ses yeux quand il parlait avec passion de quelque chose comme par exemple de sa musique favorite qu’il qualifiait de kitsch.
- Cette idée de rencart me semble parfaite. Et pour répondre à ta question, aucune pomme n’est encore venue créer une bosse sur cette tête. Mais sait-on jamais, ça pourrait arriver.
Les questions sur leurs perspectives d’avenir permirent de visualiser davantage le point de vue de tous les deux. Là encore, Karl ne manquait pas de complimenter et couvrir d’éloges sa chérie qui souriait, rougissant presque.
- En tout cas, je ferai de mon mieux. J’ai vraiment envie de faire quelque chose d’important, quelque chose qui compte, tu vois ?
Puis, la discussion évoqua les covens et les possibilités qui s’offriraient à eux quand ils seraient adultes. Elle sourit en entendant que la mère de Karl venait de White Chapel. Le jeune sorcier n’était pas encore arrêté sur sa décision, mais Lily pensait déjà à White Chapel. Bien sûr, elle se laisserait le temps de la réflexion, comme toute bonne sorcière réfléchie ayant la tête sur les épaules, mais elle sentait à la description faite par ses parents que ce coven saurait renforcer ses convictions.
Après de précieux instants partagés, Lyanna fit remarquer à Karl qu’il serait judicieux de s’avancer un peu en vue de la soirée qui arriverait sous peu. Les adolescents décidèrent de faire un crochet par chez les Fitzgerald pour que le jeune homme puisse se changer. Elle en avait profité pour l’inviter chez elle le soir-même s’il le souhaitait, avec Maze, afin qu’il puisse passer du temps avec lui quand même. Lily s’était rendu compte qu’elle avait et allait pas mal accaparer Karl.
- Bien sûr, et je suis une spécialiste des tenues qui claquent. On y va ! lança-t-elle joyeusement.
Ce fut donc main dans la main qu’il entamèrent le trajet en bus pour aller chez Karl et sa famille. Une fois arrivés, Lyanna observa tous les détails qui pouvaient lui venir aux yeux, souriant, heureuse de découvrir le foyer de ce garçon qui comptait déjà tant pour elle. Ecoutant Karl, elle posa sa sacoche sur le canapé.
- Vous avez une serre ? C’est tellement cool !
La voix de la maman de Karl retentit, et le sourire de Lily s’agrandit en la voyant arriver. Comme elle était heureuse de rencontrer sa mère. Cette sorcière avait l’air vraiment gentille, on voyait tout l’amour qu’elle portait à son fils, et Lyanna en fut touchée. Tandis que son petit ami faisait les présentations, elle allait tendre sa main pour serrer celle de Mme Fitzgerald, mais celle-ci s’empara d’elle pour la serrer dans ses bras. Lily ne put retenir un petit rire et fit donc de même.
- Enchantée, madame.
Lorsqu’elle la relâcha, le sourire de la maman fut intensifié par l’annonce de Karl. Visiblement, elle était ravie qu’il sorte avec quelqu’un. A son tour, la jeune sorcière sourit en se sentant légèrement rougir au compliment de la mère de son chéri. La brunette n’eut pas vraiment le loisir de comprendre exactement l’intitulé du code entre Karl et sa mère à base de thé glacé et de tarte à la citrouille, mais elle ne manquerait pas de lui poser la question plus tard. Pour l’heure, elle se contentait de sourire, appréciant la douceur et la gentillesse qui émanait de cette femme. Cependant, son sourire se crispa un peu quand Pénélope parut peu encline à laisser son fils venir à la fête. Lily fit son regard le plus suppliant possible, laissant son petit ami argumenter tandis qu’elle venait accrocher son bras en guise de soutien. Visiblement, il s’en sortait bien. Quand enfin elle accepta, la jeune sorcière dut se retenir de sauter sur place tant elle était heureuse, mais son sourire trahissait sa joie.
- Merci madame ! lança-t-elle tandis que Karl serrait sa mère dans ses bras.
Elle hocha la tête tandis qu’elle leur demander d’être prudents, puis la main de Karl se saisit à nouveau de celle de Lily et ils purent monter à l’étage. Elle allait découvrir sa chambre, son antre, elle était ravie.
- Quoi, tu n’as pas de sort de rangement ? demanda-t-elle avec humour.
Ils entrèrent. Bon, effectivement, ce n’était pas une chambre de princesse avec le lit fait au carré, mais il n’y avait pas non plus mort d’homme. Prenant sa mission de styliste d’un soir très au sérieux, Lyanna s’approcha de l’armoire du propriétaire des lieux.
- Je peux ? demanda-t-elle avec douceur.
Attendant l’aval de Karl, une fois donné, elle ouvrit la porte et observa les vêtements qui se trouvaient devant elle, le laissant également choisir ses affaires pour la nuit et le lendemain.
- Bon alors…
Elle se tourna vers lui.
- Tu sais quoi ? Va prendre une douche pour éviter de traîner la vase du lac avec toi, et moi je me charge de trouver l’ensemble parfait.
Retournant à sa mission, elle fit défiler les chemises suspendues avant d’en trouver une à son goût qui rappellerait sa propre tenue : une chemise bordeaux foncé. Puis, elle regardant les pantalons et se saisit d’un jeans noir. Elle déposa le tout sur le lit, sourire aux lèvres. Puis, il lui vint une idée en balayant du regard la pièce avant de finir sur le bureau où des feuilles et stylos traînaient. Elle s’approcha et commença à écrire des petits mots qu’elle dissimula à différents endroits, dans une poche de jeans, au fond d’un tiroir du bureau, entre les pages d’un cahier. Puis, elle alla s’asseoir au bord du lit à côté des vêtements qu’elle avait sélectionnés, attendant sagement le retour de Karl. Quand celui-ci refit son apparition, Lily lui désigna du regard son choix vestimentaire pour la soirée.
Jamais personne, hormis ses quelques amis « humains » n'avait eu la chance de pénétrer la discrète demeure des Fitzgerald. Et c'est non sans fierté que le jeune Karl permit à Lyanna d'entrer dans son univers, loin du tumulte de l'académie. Ici, il pouvait être lui sans aucune concession. Il ne redoutait point la rencontre avec sa mère, dont il était fier et qui était de loin, le plus sociable de ses parents. Son père, plus en retrait, observait toujours avec insistance les quelques rares personnes qui osaient pénétrer le foyer familial. Arthur semblait avoir développé une légère paranoïa avec le temps et s'assurait de savoir à qui il avait affaire avant de se défaire de sa méfiance. De ce fait, il pouvait aisément passer pour quelqu'un de froid et austère si on se limitait aux premières impressions. À l'inverse Penelope était la gentillesse incarnée et prenait plaisir à recevoir et à découvrir de nouvelles personnes. Très excentrique, il était parfois difficile de la suivre, mais elle s'arrangeait toujours pour ne jamais mettre mal à l'aise son ou ses interlocuteurs. Elle se fit entendre d'ailleurs, du fond de sa serre où elle prenait du temps pour bichonner ses plantes qu'elle cultivait elle-même pour ensuite fabriquer ses propres remèdes et potions. Penelope était d'ailleurs très douée, et ce, depuis son entrée à l'académie. D'ailleurs, elle se plaisait à dire que cette passion était un héritage de ses parents hippies. « - Oui ma mère a la main verte. Elle aime avoir ses propres ingrédients pour confectionner ses potions. Elle est même plutôt douée dans ce domaine. » Et le moins que l'on puisse dire, c'est que le jeune garçon était fier de sa maman et qu'il ne manquait pas une occasion de le faire savoir à quiconque voulait l'entendre. Et lorsque Penelope fit son entrée, le regard de Karl s'illumina plus encore lorsqu'elle se dirigea vers Lyanna pour la serrer sans ses bras et qu'elle se permit de la rectifier avec douceur. « Ah non, Madame Fitzgerald, c'est trop procédurier mon ange. Appelle-moi Penny, c'est plus simple ! » Karl souriait à nouveau, ravit de voir sa mère ainsi œuvrer pour mettre sa petite-amie à l'aise. De toute évidence, Penny comme elle aimait se faire appeler était encore plus heureuse de savoir que cette charmante demoiselle était la petite-amie de son fils adoré tout en étant une sorcière. Elle n'était pas du genre fermé d'esprit comme le pouvait l'être Arthur, mais préférait toutefois pour plus de facilité, que Karl fréquente d'autres sorciers. Un vœu exaucé de toute évidence.
Vint ensuite le temps de la négociation, car le « oui » suite à la demande de sortie ne vint pas de suite. Mais le regard suppliant de Lyanna et les arguments de Karl, eurent bien vite raison des réticences de la mère, qui ne pouvait décemment priver son fils de s'amuser, pas après tout ce qui lui était arrivé l'année passée. Après un câlin mérité et puisque le temps venait à manquer, les deux adolescents regagnèrent l'étage pour que Karl puisse récupérer quelques affaires. « - Un sort de rangement ?! Ah si, mais je n'y ai pas pensé. Ce n'est pas comme si j'avais prévu de faire venir Lyanna Johnston chez moi. » Effectivement, si le cas échéant, il avait su que cette charmante demoiselle allait l'accompagner, il aurait veillé à rendre la chambre bien plus présentable. Il pouvait toutefois se consoler en se disant, de par son expérience, que c'était pire à l'internat et qu'il ne s'en sortait pas trop mal chez lui. « - Ok donc bah ma chambre comme tu peux le voir ! » À peine eut-il fini qu'elle se dirigea vers l'armoire « - Fais comme chez toi ! Mais je ne suis pas sûr qu'il y ait grand-chose... » Elle avait déjà commencé à passer en revue ce qui se trouvait dans l'armoire. Et plus concentrée que jamais, elle lui proposa d'aller prendre une douche « - C'est un prétexte pour te laisser seule ? Ok j'ai compris, je vais faire une douche. J'ose te faire confiance. » Il disparut aussitôt dans la salle de bains et privilégia la douche éclaire pour ne pas perdre trop de temps. Shampoing, rasage, after shave, déodorant, parfum, il ne lésina point sur les moyens pour se rendre présentable avant d'enfiler un peignoir et de retourner sur ses pas. « - Voilà j'ai pris une douche conformément à vos ordres m'dam »[ /b] Il remarqua la tenue sur son lit et le sourire qui irradiait le visage de Lyanna « - Je ne savais même pas que j'avais ce genre de chemise » Il s'approcha pour récupérer le tout ainsi qu'un caleçon et des chaussettes « - Je.... je reviens »Légèrement gêné, il préféra retourner dans la salle de bains pour enfiler ses vêtements et veiller à ce que tout soit parfait aussi bien dans la coiffure que dans la position des boutons avant de retrouver sa chérie.
Ce foyer semblait si chaleureux, du moins c’était ce que la mère de Karl faisait transparaître. Pas étonnant qu’il soit un garçon aussi intelligent, doux et altruiste. Elle peinait à croire tout ce qu’elle avait entendu et même constaté sur son petit ami, la solitude dans laquelle il était et le rejet dont il était victime. Ce constat l’attristait, mais comme elle se l’était promis, les choses changeraient pour lui. En tout cas, la jeune sorcière admirait déjà Mme Fitzgerald qui lui faisait un peu penser à sa propre mère, elle qui affectionnait les plantes et la nature. Cependant, Mme Johnston ne possédait pas de serre. Lily s’imaginait déjà quelque chose de gigantesque avec diverses variétés de plantes ainsi qu’un super laboratoire de potions. Mais bien vite, il fallut convaincre la matriarche de laisser son fils participer à la soirée, et quand ce fut chose faite, les deux adolescents purent atteindre le premier étage où Karl montra à sa petite amie son domaine, sa chambre. Bien vite, Lyanna s’était mise à sa mission vestimentaire, plaisantant sur une idée de sort de rangement face à un Karl qui entrait dans le jeu, lui qui demandait de ne pas faire attention au désordre.
- Tu dis mon nom et mon prénom comme si j’étais Madonna, dit-elle en riant. Ça va, ce n’est que moi.
Le jeune sorcier avait obtempéré, allant prendre une douche pour la laisser seule œuvrer. Elle en avait profité pour glisser quelques petits mots doux du style « je pense à toi » ou « tu me manques » à divers endroits de la chambre. Au retour du jeune Fitz, la tenue choisie attendait sur le lit. Lily se redressa au retour de Karl.
- Tu as été rapide, lança-t-elle en souriant, ravie de le revoir.
Il s’éclipsa, visiblement gêné, pour aller s’habiller. Lily attendit sagement le retour de son chéri qui ne se fit pas prier encore une fois. Ravie du résultat, elle alla le rejoindre, tout sourire.
- C’est vraiment parfait, cette chemise te va très bien, tu devrais la mettre plus souvent.
Elle se hissa sur la pointe des pieds pour lui offrir un baiser empli de douceur et glissa sa main dans la sienne en se séparant de ses lèvres.
- On y va ?
Puis, sans attendre davantage, ils regagnèrent le rez de chaussée, saluèrent la maman de Karl, et prirent le chemin pour regagner la forêt qui jouxtait l’académie afin de se rendre à la toute première fête de l’année scolaire. La nuit était tombée et pas mal de jeunes sorciers étaient déjà arrivés. De la musique entraînante passait, certains jeunes dansaient, d’autres buvaient, riaient, échangeaient. C’était convivial et il y avait un échantillon des quatre années d’étudiants. Tandis qu’ils arrivaient, ceux qui connaissaient Lyanna se mirent à les dévisager. Lily, elle, gardait son sourire fermement ancré sur son visage et alors qu’ils étaient suffisamment en vue, la jeune fille s’arrêta et se mit face à Karl et prit son visage entre ses mains avec douceur. Son regard se plongea dans le sien et elle l’embrassa à nouveau à la vue de tous. Certains qui les observaient manifestèrent leur étonnement. Puis, l’une des colocataires de Lily vint leur apporter deux verres.
- Merci, répondit la jeune sorcière avec un sourire. Elis’, tu connais Karl ? Karl, voici Elisabeth, on partage la même chambre.
La jeune fille salua Karl avant de s’éloigner. Le sourire de Lyanna ne désemplissait pas.
- Tu vois, tout va bien.
Elle but une gorgée de punch. - Tu veux danser un peu ?
La musique était plutôt entraînante, loin d’être désagréable mais n’avait pas l’air de ressembler au style qu’avait décrit Karl comme ayant ses préférences, mais pour ce genre de petite fête, c’était plutôt logique.
Karl n'était pas peu fier de présenter la femme de sa vie à sa Lyanna. Sa mère était une brillante sorcière, qui avait accompli des études toutes aussi brillantes à l'académie. Elle était promise à un grand avenir à White Chapel, mais avait, contre l'avis de ses propres parents, renoncé à suivre la voie tracée. Elle demeurait trop indépendante pour s'y plier et puis il y avait Arthur, ce sombre sorcier décrié de tous qui avait quitté les ténèbres pour Red House et l'espoir d'une nouvelle vie. Pour lui, elle avait donc renoncé à tout, mais ne regrettait absolument rien et il lui suffisait de poser le regard sur Karl pour savoir qu'elle avait pris la meilleure des décisions. Tout sourire et étant parvenu à convaincre cette mère tant aimée, de le laisser sortir ce soir, Karl convia tout naturellement la jeune sorcière à ses côtés et c'est ainsi que presque main dans la main, les deux adolescents regagnèrent la chambre du jeune sorcier, en somme son univers, l'endroit où loin des regards, il pouvait se permettre d'être lui-même sans aucune concession. « - Je dis ton nom et ton prénom avec l'intensité qu'il convient. N'es-tu pas l'une des filles, si ce n'est la plus populaire de ta promo ? Oui bon, c'est une question à laquelle on peut difficilement répondre sans paraître présomptueux, j'avoue. Mais sache qu'accessoirement, je n'ai jamais reçu en ces lieux obscurs, quiconque de populaire » Le sourire charmeur ponctua cette réplique avant que le sorcier ne s'en aille prendre une douche pour ensuite revêtir les vêtements que Lyanna lui avait choisi en farfouillant un peu dans ce qui lui faisait office de dressing. C'était sûrement une formalité pour elle, qui avait le sens de la mode, ou du moins qui savait se vêtir suffisamment bien pour être dans le coup. Karl, qui lui portait souvent des habits sombres, était loin de toutes ces considérations et cherchait à se rendre le moins visible possible. Ce soir toutefois, il ne pourra l'être au bras de Miss Johnston. Il était loin de se douter qu'en son absence, la demoiselle avait parsemé plusieurs petits mots aux quatre coins de sa chambre. Douché, il y fit un petit saut. « - C'est malpoli de faire attendre une jolie demoiselle » Gêné de devoir se changer devant elle, il récupéra ses affaires, s'éclipsa à nouveau et alla se changer en quatrième vitesse. Il ne manqua pas de s'asperger de déodorant, de se laver les dents à deux reprises et de se pourvoir d'un peu de parfum avant de retrouver sa chérie.
« - Comment, tu me trouves ? » demandait-il presque timidement avant que Lily ne l'affuble de quelques compliments et du baiser qui allait avec . « - Je vais vite y prendre goût. Aller, c'est parti ! » Le jeune homme accepta non sans appréhension de se jeter dans le grand sans jamais quitter la jeune sorcière. Arrivés sur les lieux, ils furent bien vite remarqués et encore plus lorsque Lyanna se décida à embrasser son petit ami à la vue de toutes et tous. Surprit, Karl appréciait l'initiative et se senti aussi moins tendu, comme si le simple fait de sentir les lèvres de Lily contre les siennes, lui faisait tout oublier, comme si ce geste par sa douceur, levé un sort. « - Merci » lui glissa-t-il au creux de l'oreille alors qu'une jeune femme venait de s'approcher. Lily fit les présentations et tout sourire, le jeune Fitz y répondit « - Enchanté de faire ta connaissance Elisabeth » Il récupéra le verre qu'elle venait de lui tendre. Peut-être faisait-elle parti des gens qui se moquaient de lui, mais ce soir, il en faudrait bien plus pour l'atteindre. La demoiselle s'éloigna alors, laissant les deux amoureux à nouveau seuls. Karl testa le punch, qui n'avait d'ordinaire pas sa préférence. « - Ce n'est pas mauvais, mais je ne vais pas en abuser, parce que je ne veux rien oublier de cette soirée. Tu es tellement belle, sous cette lumière » Il déposa son gobelet et la ramena vers lui pour l'embrasser à son tour, sans se soucier de personne, puis il l'entraîna sur ce qui faisait office de piste « - Je te préviens, je danse très mal ! Donc tu vas devoir assumer ! » Plusieurs garçons, des soupirants désormais éconduits, les observaient, en se demandant entre eux, si ce n'était pas une mauvaise blague. Fitz s'en foutait, s'en était fini le temps de la tyrannie. « - Merci ! » Ils commençaient déjà à se déhancher au sein de la musique, qui n'avait pas les faveurs du sorciers, mais qui avec Lily, semblait plus harmonieuse et agréable à l'écoute.
Lyanna était enchantée de découvrir un peu plus de choses sur Karl. Cela faisait des semaines qu’elle se posait tout un tas de questions sur lui, sur sa vie, sa vraie vie et non pas cet être reclus qu’il laissait paraître à l’académie tandis que des imbéciles se moquaient de lui, ignorant alors sa véritable valeur. Tout ceci allait changer, Lily se le promettait, cela changerait dès ce soir. Elle lui avait trouvé une tenue au top pour cette petite soirée d’étudiants et elle montrerait à tous que désormais, il était son égal et que le premier qui l’embêterait aurait affaire à elle.
Fitz, comme elle se plaisait déjà à l’appeler – un surnom bien plus classe que le « Karlito » dont l’affublaient les ado débiles de l’académie -, était finalement revenu, arborant fièrement les vêtements que sa petite amie avait déniché dans son armoire. La jeune sorcière fit part de sa satisfaction et les deux jeunes tourtereaux purent quitter la chambre.
Ils ne tardèrent pas à arriver sur les lieux de la petite sauterie, il y avait déjà pas mal de monde et tous les regardèrent arriver tandis que Lily s’empressa d’embrasser son petit ami au vu et au su de tous, des fois que se tenir par la main ne soit pas assez clair. Elisabeth, l’une des colocataire de Lyanna, vint à leur rencontre et la demoiselle put faire les présentation. Elle faisait partie de la bande et désormais, Karl aussi. Elle s’éclipsa ensuite, laissant les deux amoureux avec leurs verres de punch. - Tu ne risques pas de perdre la mémoire avec un verre de punch, répondit Lily en riant. Mais j’accepte le compliment, merci.
Les gobelets déposés et un nouveau baiser échangé, ils se rendirent sur la piste de danse improvisée où d’autres jeunes se trémoussaient déjà.
- Si je décide que ta façon de danser est parfaite, alors ça ira non ? Lâcha-t-elle en riant tandis que Karl se dédouanait de sa façon de danser qu’il qualifiait de mauvaise.
Et ce fut en effet un bon moment qu’ils partagèrent que cette petite danse au son d’une musique qui ne rassemblait pas tout le monde mais qui avait le mérite de faire bouger tous ces petits jeunes. Les heures passèrent, déjà trois, et la soirée commençait à toucher à sa fin. Les jeunes sorciers quittaient progressivement les lieux, certains plus éméchés que d’autres. Lyanna marchait, sa main enlacée dans celle de Karl. Elle commençait à avoir froid. Il fallait dire que la nuit s’était considérablement rafraîchie et qu'elle en était à trois verres de punch. Malgré tout, la soirée avait été prolifique, Karl avait gagné en popularité, plusieurs garçons de sa promo étaient venus lui serrer la main, échanger des banalités, les amis de Lily étaient aussi venus se présenter. Peut-être alors que dès le lundi matin, l’hostilité serait rangée au placard. C’était ce qu’espérait la brunette.
- On rentre ? proposa-t-elle en se mettant face à lui.
La maison des Johnston n’était pas bien loin, une bonne vingtaine de minutes à pieds. Ni l’un ni l’autre n’avait en sa possession de véhicule alors il leur faudrait s’y plier. A moins de prendre un taxi, mais c’était plus romantique de rentrer à pied, du moins de l’avis de la jeune fille.
- C’est pas encore la pleine lune, alors on ne craint rien, pas vrai ? demanda-t-elle de manière rhétorique.
Ils reprirent leur marche et quittèrent donc la forêt au profit de la ville, un contexte un peu plus urbain.
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