J’avais cette sensation hautement désagréable de perdre des bouts de ma journée. Lyanna m’avait mentionné et surtout reproché mon silence lors de la réunion des leaders. Je n’avais rien à dire et le souvenir que j’avais de cette soirée était plus que flou. Je ne me souvenais pas avoir bu à outrance avant de me pointer le bout du nez là-bas. Je me passais une main sur le crâne en soupirant.

J’étais dans mon bureau de White Chapel lorsqu’une lettre arrivait par un postier très poli. Je le remerciais avant de regarder l’enveloppe. Un papier bien était et le tampon du Lux dans une cire rouge. Je retournais l’enveloppe pour regarder à qui elle était destinée. Généralement, ce n’était pas du courrier pour moi ce genre de truc. J’étais surprise de voir mon nom sur l’enveloppe. Je prenais mon coupe papier et j’ouvrais avec délicatesse le tout avant de lire avec une immense attention.

- Amarante Byron …

J’essayais de me souvenir qui était cette femme et son visage me revenait finalement en tête. Elle était la propriétaire du Lux. Une belle asiatique avec un regard perçant. J’avais beaucoup de respect pour les femmes de tête et elle était l’une d’elle. Je sortais mon téléphone intelligent et je regardais rapidement mon horaire. J’avais un temps que je pouvais lui accorder dans 4 jours. J’appelais donc son secrétaire particulier pour fixer le rendez-vous en fin de soirée après le souper. C’était la seule place que j’avais pour elle malheureusement.

Le soir venu, je me préparais après une séance de gym bien intense. J’avais poussé de la fonte comme jamais. Je perdais de plus en plus de bout. Ma conscience semblait m’abandonner et j’étais mort de peur à l’idée de devenir complètement dingue. Je ne voulais pas faire de mal à Lyanna. Je poussais un profond soupir en choisissant une chemise grise foncé et un pantalon noir. J’ajoutais le veston assorti, mais aucune cravate. Ce n’était pas un rendez-vous d’affaire, mais bien une soirée pour faire plus humble connaissance si j’avais bien compris. Je saluais Joanna avant mettre mon 9mm à ma ceinture par habitude. Je me rendais dans le garage pour choisir mon véhicule de la soirée.

Je portais mon choix sur ma McLaren GT de l’année de couleur charbon. Je me mettais en route pour le Lux en roulant comme un malade. J’avais l’habitude et je conduisais toujours ainsi, mais une certaine témérité me prenait au fond de moi. Je me stationnais devant l’entrée avant de laisser les clefs au portier et j’entrais dans l’établissement. J’étais visiblement attendu car une femme me conduisait directement à mademoiselle Byron. J’étais arrivé à l’heure. Elle portait une robe magnifique qui mettait ses yeux en valeur. Je souriais en m’approchant d’elle.

- Bonsoir mademoiselle Byron.

Je prenais sa main avec délicatesse pour y poser un baiser avant de m’asseoir en face d’elle. C’était étrangement calme ce soir. Peut-être avait-elle volontairement vidé l’endroit pour pouvoir discuter sans aucune gêne.

- Votre lettre m’a fortement intriguée. Je ne m’attendais pas à recevoir une invitation de votre part. Ce fut une surprise je dois l’avouer. Vous n’avez pas de problèmes j’espère?

Je faisais un signe au barman mais je gardais mon regard sur la femme en face de moi. J’étais tout de même réputé pour être LE type qui « expédiait » les problèmes comme le disais si bien Lyanna.

- Whisky double sur glace.

Aie. J’avais mal visé. Elle préférait se nommer « madame ». Je me sentais un peu con, mais bon dans un certain sens, je ne pouvais pas savoir non plus. Je l’écoutais me complimenter  légèrement avant de me parler du bal. Le fichu bal. Je ne voulais pas y aller, mais Lyanna avait plus que fortement insisté pour que je l’accompagne. Je faisais plutôt office de couverture pour sa relation avec Karl et de garde du corps dans les faits. Je prenais mon verre en remerciant le barman. Je buvais lentement en continuant de l’écouter. Elle avait des propos que je qualifierais de délicat tout comme sa personne, mais cela ne pouvait être qu’une façade.

- C’est tout à votre honneur madame Byron. Il faut plus de gens comme vous dans cette société pour qu’elle évolue de façon équilibrer, mais l’équilibre parfait est une chose difficile à atteindre.

Je ne savais que trop bien à quel point l’équilibre pouvait être précaire entre les ténèbres et la lumière. Je buvais tranquillement mon verre avant de la regarder dans les yeux. Elle me demandait mon avis sur les esprits. Je ne comprenais pas trop pourquoi. Je n’avais jamais vraiment réfléchi à cette question honnêtement et je sentais un étrange mal de tête me prendre. Je fronçais les sourcils un peu avant de parler comme si de rien n’était.

- Les esprits? Les fantômes? Oh … Dans les faits, je crois qu’ils sont comme tous et chacun. Ils sont bons ou mauvais, bien que la plupart soient tourmentés et violents selon ce que j’ai pus constater. Je n’ai pas trop de loisir de les côtoyer dans mon travail. Du moins, pas volontairement. Je comprends qu’ils ont besoin d’un corps, mais je ne me suis pas vraiment penché sur le sujet … Pourquoi cette …

Je me massais le front avec ma main libre. Le mal de tête augmentait à vitesse grand V. J’ignorais pourquoi. Je me sentais épuisé depuis un petit moment et en prime, je perdais de plus en plus conscience avec la réalité. J’étais peut-être malade. J’ouvrais de nouveau les yeux en prenant une gorgée de whisky plutôt importante.

- Question?

J’avais terminé ma phrase et des veines noires avaient parcourus mes yeux durant une fraction de seconde. Nous n’étions plus seuls, mais ça … Je n’en avais pas conscience.

Je m’étais attendu à bien des choses et à bien des propos durant cette rencontre avec madame Byron, mais pas à ce qui avait suivi. Je levais les yeux vers l’asiatique en fronçant les sourcils. Qu’est-ce qu’elle me racontait là? C’était impossible. J’étais en pleine possession de ma personne! Je ne perdais pas pieds! Pas moi … Lyanna serait donc en danger ainsi que tous ceux que j’aimais? Je sentais de nouveau la migraine me prendre et je m’enfilais mon verre cul-sec.

- Un invité indésiré … Comment pouvez-vous affirmer qu’il s’agit d’un esprit et non pas d’un démon? … Vous m’excusez quelques instants?

Je sentais que je saignais lentement du nez comme chaque fois que mes migraines me reprenaient. Je me levais lentement et je me tournais pour me rendre dans la salle de bain pour homme. À mi-chemin, je fermais les yeux.

______

J’ouvrais les yeux et un sourire diabolique se dessinait sur mon visage. Les traits de Spencer en étaient presque déformés et je me mettais à rire. Elle était bien la seule qui avait réussi à percer ma nature à jour. Je me retournais pour la regarder en essuyant mon nez avec une serviette de table que je prenais au hasard. Je regardais Amarante Byron dans les yeux en penchant la tête d’un côté puis de l’autre.

- Un « compère » hein? En êtes-vous réellement certaine madame Biron? Et si j’étais l’ennemi dans cette pièce? Je n’ai absolument aucun doute sur le fait que vous soyez protégé… Vous semblez … prévenante.

Je prenais une bouteille derrière le bar sans demander la permission. J’étais son invité après tout. Elle avait envie de me voir et de discuter? Parfait, j’allais lui faire un petit entretient en tête à tête.

- Cette ville, cet endroit … C’est si exaltant … Cela fait longtemps que je ne me suis pas sentie aussi vivant. Le Baron Samedi a toujours du travail pour ces adeptes et cette ville … C’est si facile.

J’ouvrais la bouteille pour boire au goulot en regardant la femme dans les yeux.

- Posez vos questions … J’ai du temps devant moi.

Je prenais un fauteuil avec nonchalance et je m’assoyais dedans de façon totalement avachi. Je ne comptais pas lui faire de mal … sauf si elle s’en prenait à moi.

La dame avait fait vidé les lieux et il ne restait que cet imbécile de barman dans la pièce avec elle. Je rigolais en buvant au goulot et en la regardant pester ses ordres. Elle était une véritable vermine. Le genre de femme qui s’imaginait avoir tous les pouvoirs et qui au final ne tenait qu’à un seul fils. J’en avais croisé des femmes comme elle et elles étaient toutes mortes au final dans d’horribles sacrifices divers. Cette simple idée de la voir hurler m’était absolument jouissive. Je me mettais à rigoler en l’écoutant parler. Me prenait-elle pour un imbécile? Elle n’allait certainement pas savoir mon nom avec une telle facilité. Je me redressais en bougeant l’index en signe de non.

- Tut tut tut … C’est hautement impoli de demander mon nom jeune fille. Vous le connaissez déjà, je suis Bradley Spencer.

Elle ne m’aurait pas aussi facilement. Ce genre de tactique, j’en avais vu des tonnes par le passée. Peut-être pensait-elle que j’étais de retour pour la première fois? J’avais commis tant de meurtre et de tortures dans le passé. Je continuais de boire en penchant la tête d’un côté puis de l’autre en l’observant avec une immense attention.

- Par contre, vous avez misé dans le mile avec le vaudou. Le Baron Samedi aime qu’on lui offre des âmes toutes fraîches. Plus une âme forte se débat, plus elle est rentable. Bradley Spencer est un excellent candidat.

Je me levais doucement pour m’approcher d’elle. Je tournais autour comme un vautour guettait sa proie dans le désert. La bouteille restait dans mes mains et je jetais un œil au médium derrière le bar.

- Il compte rester ici longtemps le gentil puceau? Non pas que ça me dérange mais j’ai horreur des médiums qui nous espionne. Je ne compte pas vous faire de mal sauf si bien sur vous me poussez à le faire.

Je levais les deux bras dans les airs en parlant sans aucune gêne. Une froideur s’empara de la pièce est les lumières se tamisèrent.

- O nanm moun ki mouri yo. Kase linèt yo pou mwen!

Je parlais le créole dans ma langue natale et les âmes errantes firent éclater tous les verres et les bouteilles derrière le bar. Amarante était épargnée tout comme ma personne. Cette attaque n'étant dirigée que contre le barman.