omme les trois quarts du temps en début de RP, Jesus se prélasse dans son lit, comme le bon gros fainéant qu’il a toujours été. Il ne connaît rien de mieux au monde que la chaleur de ses draps, le confort de son lit, la tranquillité de son appartement… à ceci près qu’il préfère, largement, la baston à la sieste, que son lit est complètement détruit et que son appartement sent aussi bon qu’il est isolé du bruit de la rue.

Tout de même bien calé dans son coussin, réfugié sous la grosse couverture pour empêcher la lumière de le faire chier, Jesus entend son téléphone sonner… voilà. L’information a aussi peu d’importance que les couinements des rats, dans le caniveau. L’elfe noir est posé et ne veut pas décrocher ce maudit appareil qui bourdonne comme une fanfare, au moins. Il laisse la sonnerie mourir dans le matelas et grogne, animal sauvage dérangé en pleine sieste.

Au second appel, le chauve se décide à décrocher et attendre, sans parler, que l’autre au bout du fil explique son problème. Il se dit que le silence, parfois, suffit à dissuader les idiots. Mais la voix lui donne rendez-vous, dans un coin de la ville qui n’est pas franchement fait pour, dans le but de le payer pour une petite séance de photographie. Jesus hausse ses sourcils imberbes et accepte le deal d’un « d’accord » qui met aussitôt fin à la conversation.

Puis il se rendort.

À l’heure du rendez-vous, Jesus est encore emmitouflé dans sa couette et se décide enfin à en sortir. Habillé, parce qu’il avait la flemme de se déshabiller le matin, en se couchant, il prend le temps de… de… de rien, mais il prend le temps quand même. Même s’il est payé, l’elfe noir n’aime pas être convoqué et il a, d’ailleurs, eut très envie de refuser le rendez-vous. Ce n’est que l’emplacement étrange qui lui a fait changer d’avis. Qui invite un photographe au port, dans un entrepôt ? Ça sent le piège à plein nez.

Et l’elfe noir est très décidé à se jeter dedans le sourire aux lèvres.

Il a peut-être une ou deux heures de retard quand il se pointe devant l’entrepôt, un brownie coincé entre les dents, les mains pleines de chocolat. Ses yeux sombres se lèvent sur le bâtiment qui a tout l’air d’un lieu désaffecté. Pas inquiet pour deux sous, Jesus regarde autour de lui. Pas un chat, pas un signe de vie. Ça amène un sourire mauvais, sur ses lèvres, qui disparaît à la prochaine bouchée de chocolat.

Décidé à avoir le fin mot de cette histoire, à comprendre ce qu’on lui veut et pourquoi ici, Jesus entre dans l’entrepôt, en continuant de mâcher son beau gâteau (oui, il s’inquiète plus de la couleur que du goût). Il se plante au milieu du bâtiment, regarde la poussière qui remue sous ses pieds et le silence de mort qui règne dans l’entrepôt. Un silence plaisant pour un cinglé comme lui. Un silence qu’il s’empresse de briser, en crachant des bouts de gâteau un peu partout autour de lui.

♫ Toc, toc ? Pour la déco, fallait appeler Damidot ! (Il croque à nouveau dans son brownie.) On choue à cache-cache ? Che compte jusqu’à chent ? Attenchion, chais compter que jusqu’à trois.

ésus Goodman. Lorsque le nom avait été rapporté aux oreilles de Sigrid Askadill, cette dernière avait enfin pu mettre une identité sur l'elfe noir dont les murmures n'avaient cessé d'indiquer sa tendance belliqueuse. En soit il n'était le genre de créature dont la suédoise avait à s'occuper, à surveiller, mais la donne avait changé le soir où l'on lui avait rapporté incident. Depuis que l'épidémie avait pris fin, elle s'évertuait à ce que ses vampires deviennent des combattants pour qu'ils puissent se défendre en cas de besoin mais certains d'entre eux se révélaient particulièrement récalcitrants et elle se retrouvait en difficulté, ne pouvait tirer le meilleur des concernés.

Une enquête s'était alors imposée pour déterminer qui était cet elfe noir du même nom que le grand prophète chrétien. Ce Jésus semblait définitivement chercher des adversaires à sa hauteur et qu'il en avait trouvé dans ce bar nommé l'Arène qui organisait des combats. Elle ignorait comment fonctionnait l'esprit de l'elfe mais elle se devait de le découvrir, de vérifier de quel bois il était fait car au pied du mur, elle devait trouver le parfait candidat pour pousser ses vampires dans leurs retranchements, pour forger leur mental.

Ce fut ainsi qu'elle appela non pas une mais bien deux fois l'elfe noir en question, la première s'étant soldée par un échec aussi cuisant qu'irrespectueux. Lorsqu'enfin le propriétaire du numéro qu'elle appelait décrocha, elle n'eut le droit qu'au silence. Ce qui ne l'empêcha pas le moins du monde de lui donner rendez-vous au port de marchandises pour une séance. Une séance photo... qu'est-ce qu'il ne fallait pas faire pour attirer cet individu à l'écart de la population pour lui adresser la parole.

Ainsi, c'était à l'heure du rendez-vous que Sigrid commença à connaître Jésus Goodman. Perchée en hauteur, la brune avait vu les minutes défiler aussi lentement qu'une arbre poussait, ruminant l'impolitesse dont faisait preuve l'elfe en se présentant à elle avec autant de retard. Cela ne commençait pas pour le mieux pour lui. Plus de trois mille six cent secondes s'étaient écoulées avant qu'enfin la reine des vampires n'entende des bruits de pas, elle sorti un mouchoir de sa poche vint essuyer la goutte de sang qui venait perler de son nez puis elle se redressa et commença à observer l'homme.

A l'odeur il ne faisait aucun doute qu'il s'agissait d'un elfe, noir, et... il était réellement en train de manger ?! Décidément il semblait faire preuve d'une extrême nonchalance et il ne paraissait pas se méfier de qui pouvait lui tomber dessus. Il alla s'arrêter au milieu du bâtiment et le silence s'installa, seulement brisé par ses bruits de mastication et de respiration. Enfin il s'exprima et il confirma la thèse de la nonchalance. N'y avait-il donc que des bras cassés dans cette ville ? Sigrid quitta silencieusement son perchoir et se signala tout en se rapprochant tranquillement de l'elfe.


- Un entrepôt n'est pas un lieu approprié pour un cache-cache, à moins que le terrain de jeu ne soit la ville entière ? dit-elle.

our le respect, c’est comme la déco, faut demander à quelqu’un d’autre. Jesus ne respecte que lui-même. Et encore… Personne n’est vraiment sûr de ça. Sa propension à rire quand on le frappe ne va pas vraiment dans ce sens. Son besoin d’embêter le monde entier en se mettant en scène, non plus. Le ridicule ne tue pas, après tout, il faut en profiter à fond. C’est du moins ainsi qu’il voit les choses, ou presque. Il voit surtout ce qui plaît et déplaît et ne va pas vraiment chercher plus loin.

Ne pas répondre au téléphone, arriver en retard, ne pas s’en excuser, continuer de manger la bouche ouverte, de cracher un peu partout en criant la bouche pleine… Jesus accumule les bons points pour passer de « chieur » à « insupportable » et se manger les deux/trois tartes que la femme mystère a prévues de lui donner, de toute façon. Il ne fait qu’accélérer un processus naturel, un peu comme un agitateur de laboratoire. Sauf que son labo, à lui, c’est le monde, ça l’a toujours été et ça le restera à jamais.

En attendant, Jesus attend presque patiemment au milieu de l’entrepôt, les doigts et les dents pleins de chocolats. Ses yeux sombres, eux, glissent lentement dans chaque coin du bâtiment pour en deviner la structure et repérer les issues possibles. Une fenêtre à quelques mètres du sol, ce n’est pas lui que ça fait flipper. Il faut juste trouver un moyen de passer par la fenêtre. Ce qui se résume, généralement, par courir, sauter, tout casser et aviser ensuite.

Plan bien construit comme il faut, digne d’un bébé de 5 ans, le chauve enfourne la dernière bouchée de son beau gâteau et tourne le regard vers un mouvement, dans l’ombre. Dans une silence de mort, une bonne femme se plante devant Jesus. Il la regarde de haut en bas, sans aucun respect, mastique son gâteau et fait la grimace. Il n’a presque rien à critiquer de son allure, alors il a décidé de dire qu’elle a la peau trop blanche, voilà.

Un sourcil imberbe dressé sur le front, le chauve sourit à l’inconnue, de ses belles dents toutes noires de chocolat. Question de politesse. Toujours sourire aux mémés.

♫ Coucou, mamie, on dit bonjour quand on est poli et bien élevé, tu savais pas ?

Il papillonne des yeux comme le gros débile qu’il est et se lèche les doigts, le temps de regarder ailleurs, dans l’entrepôt, comme s’il juge du potentiel des lieux.

♫ On peut jouer à cache-cache, si tu veux, mais je suis pas très bon perdant. Je me mets à pleurer comme un petit bébé qu’on a giflé.

Peut-être bien qu’il a déjà essayé, mais l’histoire ne le dira jamais.

♫ Si tu veux galoper dans la ville, on ira plus vite à gambader main dans la main, comme des biches heureuses. Mais t’aurais dû prévenir, j’aurais pris ma belle perruque de pétasse.

Jesus sourit à pleines dents, puis s’amuse à faire des grimaces et des bruits de succion désagréables, pour se nettoyer les dents de tout ce chocolat.

♫ Bon, alors, tu voulais quoi ? J’ai oublié mon appareil, mais j’imagine que t’es au courant que des photos de toi, ça se vendra pas, de toute façon.

On en revient toujours au respect. Celui qui n’existe que dans les cauchemars de Jesus.

ette créature était des plus troublantes. Tout d'abord parce que ce crâne lisse, cette peau trop pâle et cette allure nonchalante, faisaient de lui un être dont la présence en ces lieux désaffectés dénotait avec celle des employés du port et de leur balais incessant de transport de marchandises. Ensuite il y avait cette odeur qui trahissait son appartenance surnaturelle, si elle n'avait pas un nez aussi sensible que le sien, elle aurait pu croire qu'il nécessitait la prise de vitamines D et C ainsi que d'un soupçon de produits auto-bronzant. Mais elle était un vampire et elle avait vécu suffisamment longtemps pour avoir rencontré un large panel de créatures, et ainsi mémorisé leur caractéristique olfactives.

Ensuite. Comment était-il possible de faire preuve de tant de calme lorsqu'une inconnue demandait un rendez-vous dans de tels lieux ? Manger pouvait faire descendre le stress et occuper l'esprit mais Sigrid ne percevait pas la moindre trace d'appréhension. Il ne semblait guère correspondre aux informations qu'elle avait pu obtenir sur lui et c'était à se demander s'il s'agissait de la bonne personne. Après tout, l'erreur était possible mais elle ne pouvait croire qu'elle avait été trompée. Cacher son jeu était une méthode de survie pour bon nombre de surnaturels et l'elfe noir devait sûrement en faire partie.

- Et on s'assure qu'on a les dents propres lorsque l'on s'adresse à ses aînés, petit elfe noir.

S'il voulait jouer à ce petit jeu, alors soit. Elle suivrait tant que cela lui permettrait de jauger à qui elle avait affaire et s'il pouvait être à la mesure de la tâche qu'elle voulait lui proposer. Elle le regarda se lécher les doigts un à un avec une insolente décontraction qui était si déconcertante. Elle haussa un sourcil à sa remarque. Souhaitait-il réellement faire un cache-cache dans cette ville et comment pouvait-il faire une telle comparaison avec un bébé ? Sigrid plissa ensuite légèrement les yeux, ce Jésus était tout à fait intéressant dans sa manière de penser mais dans le même temps il était totalement déroutant.

- Les biches heureuses ont toujours tendance à se retrouver percutées quand elles ne font pas attention, vous voulez être une de ces biches ? rétorqua-t-elle en notant toutefois dans son esprit qu'il venait de la considérer comme une pétasse. Le respect ne semblait pas être une vertu qui lui avait été apprise dans sa jeunesse et ce manque pouvait, et finirait probablement,  être un point qui lui causerait des ennuis d'une plus ou moins grande ampleur en fonction de qui en ferait les frais. Sigrid pris une profonde inspiration pour mieux enregistrer la marque olfactive de Jésus ainsi que les sentiments qui se dégageaient de lui puis elle daigna enfin répondre à sa question, un léger sourire aux lèvres et en adoptant une posture plus décontractée.

- Je sais ce que vous êtes et qu'en plus de faire des photos à la qualité tout à fait ... particulière, vous fréquentez l'Arène. Vos exploits de combattants ont fait le tour de la ville et m'intéressent.