Cela fait des mois qu’il ne s’est pas retrouvé devant cette maison, à présent qu’il pose sur celle-ci un regard sobre, il se rend compte que celle-ci est vieille. Il la percevait comme un palace, il faut dire que dans les bras de Sidney il se sentait comme un prince, certes il régnait sur les cadavres de bouteilles qu’ils ont vidés, mais il s’est senti bien pendant ce temps passé à s’égarer loin de la réalité. Keon n’est pas revenu ici depuis le sort destiné à le rendre sobre, il a pensé que Sidney ne le trouverai pas intéressant sans alcool. Pourtant il aurait aimé retrouver cette parenthèse dans sa vie, surtout avec les derniers événements. Exorcisme, tabassé, morsures, sang de vampire, son secret qui tombe en miettes…
Loraye… L’ambiance est suffocante.
Depuis qu’ils ont ce bel appartement offert par Lyanna, les choses sont étranges. Keon aurait aimé voir cette nouveauté autrement. Il ne comprend pas pourquoi elle n’est pas un minimum heureuse. Triste comme la pierre, froide, en colère.
Keon cultive de plus en plus de secret et de méfiance. Et puis il y a eut cette dispute, ces mots cruels de la bouche de la blonde possédée par l’esprit vaudou.
Incapable. Inutile. Perte de temps. Déception…
Des mots qui résonnent dans sa tête, qui se mêle à ses pensées torturées. Il a claqué la porte, les larmes aux yeux.
Fuis ! C’est tout ce que tu sais faire. Chialer ta mère !
Est-ce qu’il a le droit de venir chercher du réconfort ici, après avoir fait le mort pendant tout ce temps ? Et si Sidney pensait comme Loraye à son sujet ? N’est-il pas en train de courir au risque d’avoir le cœur bien plus brisé encore ? Mais Keon ne veut pas se précipiter sous les crocs d’un vampire, pas ce soir. Keon hésite avant de presser la sonnette, puis finalement enfonce son index sur le bouton.
Il ne sait pas combien de temps il est resté à attendre, le temps s’étend à l’infini lorsque l’on se sent seul. Mais quand la porte s’ouvre sur ce visage familier, le médium n’arrive pas à se contrôler et lui bondit dans les bras pour le serrer de toutes ses malheureuses forces. Il a cette odeur sur lui… Un mélange d’alcool et de ces produits pour dessins. Keon ferme les yeux, savoure cette chaleur, cette odeur… Sidney est un homme torturé, un homme qui ne mérite pas d’être abandonné comme Keon l’eut fait… Il s’en veut tellement.
- Pardonnes-moi… Je souffrais trop, tu sais. L’alcool... Ça me tuait.
L’alcool a bien failli avoir sa peau. Et aujourd’hui, il ne peut même pas prétendre être clean, le sang de Clayton circule dans son système. Ce sang qui donne de la force à son corps si affaibli, bouffé par la douleur, la maltraitance, la malnutrition et les drogues. Keon bien que toujours trop mince semble en bonne santé, énergique. Un leurre pour masquer une dépendance de plus à son palmarès. Le médium filiforme glisse son bras derrière son dos pour jouer avec les cheveux courts sur la nuque de l’artiste.
Il n’a pas pris soin de son ami. - Je vais t’aider, je vais guérir tes rêves.
Une promesse, même s’il ne sait pas encore ce qu’il peut faire pour ça, il va trouver. Il ne veut pas être incapable, inutile, une perte de temps, une déception. Il l’a entendu hurler plusieurs nuits qu’ils ont passées ensemble, il l’a senti souffrir à ses côtés. Il recule sans rompre le contact, un sourire timide sur sa face triste du soir.
- Tu sens bon…
De mémoire, c’est peut-être bien la première chose qu’il ait dit à l’homme lorsqu’il s’est assit à côté de lui dans ce bar, il a vu l’esprit et l’homme assis sur ce même tabouret, irrésistiblement fasciné par cette tension, ce brouillon d’émotions.
Depuis combien de temps est-ce que je peins fébrilement comme ça...? J'en ai pas la moindre idée. Là, j'ai l'impression de me réveiller, comme si les heures passées n'avaient été qu'un rêve, un songe éveillé où je n'avais pas été propriétaire de mon propre corps. Si ça se trouve, c'était le cas, en fait. Un petit sondage auprès d'Archie me le prouve bien : c'est lui qui a peint ce qui se trouve devant moi à l'instant. Faut dire, ce n'est pas tout à fait mon style, même si c'est tout aussi noir que ce que je fais, c'est un peu trop...Disons qu'on sent l'influence de Poe dans la peinture d'Archie, il aime vraiment ses textes et s'en inspire souvent, presque inconsciemment. Je soupire un peu, laissant mes épaules s'affaisser à nouveau. Au dehors, il commence à faire nuit. Ce qui veut dire que Archie a pris le contrôle pendant toute l'après-midi et qu'il ne m'a rendu mon corps que là, une fois sa toile finie. Franchement, c'est pas avec ça que tu vas te retrouver au Met vieux...
Tout d'un coup, la sonnerie de la porte d'entrée se fait entendre. Qui ça peut être...? Je reçois jamais de visite, personne veut venir dans une baraque qui ressemble à celle de Tyler dans Fight Club. Peut-être encore un voisin qui vient se plaindre que je fais du bruit. Je grommelle en descendant jusqu'à la porte, prenant mon temps parce que je ne suis pas au service de celui qui vient me faire chier alors que ma préoccupation là, ça aurait été de me trouver une bière et de me rouler un joint. Ils se rendent compte les gens que j'ai autre chose à foutre que de venir ouvrir la porte ou répondre au téléphone...? Eh bah non, jamais ils y pensent à ça ! J'ai un emploi du temps de ministre moi ! J'en soupire presque quand j'ouvre la porte, avec mon air pathétique sur le visage et un regard aussi expressif qu'un type dans le coma.
Mais derrière la porte, ce n'est pas un voisin chiant qui vient gueuler. Franchement, pendant une demi-seconde, j'ai cru que c'était un revenant, comme Archie. C'est le contact physique qui me fait dire qu'il est bel et bien là et qu'il est bel et bien vivant. Keon me saute littéralement dessus et je mets un peu de temps à réagir et à passer aussi mes bras autour de lui. Où était-il passé ? Pourquoi n'est-il pas revenir me voir depuis tout ce temps ? Qu'est-ce qui a bien pu se passer dans sa vie ? Y'a dix mille questions qui me montent à la tête et que j'ai envie de poser, toutes en même temps, à mon pote de beuverie qui m'a manqué. Pote de beuverie, c'est un peu injuste, il était plus que ça, il était un vrai ami, un des seuls que j'ai vraiment...
Qu'est-ce que je peux répondre à ça hein...? L'alcool me tue tout autant qu'il ne le faisait avec lui, qu'il l'a fait avec Archie de son vivant. Faut croire que je connais que des gens maudits, tombés au fond d'une bouteille et incapables d'en sortir. Mais y'a quelque chose de différent tout de même. A-t-il arrêté de boire...? J'en serais étonné mais...Disons que ça serait bien, pour lui en tout cas, pas pour moi, je perds un pote avec qui partager des coups après tout ! "J'ai rien à te pardonner tu sais, je t'en veux pas..." murmuré-je, essayant de le rassurer un peu. J'ai eu peur pour lui mais je lui en voudrai jamais de me fuir, je crois que je suis un poison de toute façon et qu'il vaudrait mieux que tous les gens qui veulent rester sain de corps et d'esprit ne m'approchent jamais.
Je le serre fort quand il promet de m'aider, je sais que c'est impossible et que jamais je me débarrasserai de mes cauchemars. J'ai compris ça, j'ai appris à vivre avec l'idée que je serai hanté jusqu'à la fin de mes jours et que, de toute façon, je vais pas vivre bien vieux. Jamais j'aurais parié que je pouvais atteindre 36 ans déjà...! Il s'écarte un peu et je le laisse faire, j'ai l'impression de ne pas du tout être dans un état pour recevoir qui que ce soit, mais c'est un peu trop tard. Alors, la remarque qu'il me sort là, elle me fait rire, sans retenu et sincèrement. "Je sens bon ? C'est la meilleure celle-là, je dois puer le dissolvant et la mauvaise vodka, y'a que toi pour trouver que ça sente bon, vraiment, que je réponds entre deux rires."
Je le regarde un peu. Il a la fois changé et à la fois pas du tout changé, c'est étrange. Il est toujours aussi creufiot, comme je peux l'être moi-même, mais quelque chose d'autre semble le pousser et le faire tenir debout. Est-ce que c'est juste parce qu'il boit plus...? Il a pas l'air spécialement mieux nourri, alors je me pose la question. J'espère qu'il est pas tombé dans quelque chose de pire encore... "Entre donc ! lui dis-je en faisant mine de retourner à l'intérieur également. Ça a pas bougé ici, tu m'excuseras pour le bordel hein...J'étais en train de peindre, j'espère que je t'en ai pas mis dessus, je suis sûr que j'en ai partout." Je vérifie jamais mais ça m'arrive de m'en coller sur le visage. J'avais au moins pensé à nettoyer mes mains avec un chiffon avant de venir ouvrir la porte, mais pour le reste..."Ah ce que tu peux m'avoir manqué ! que je m'exclame d'un coup, j'ai besoin de le lui dire, sans aucune envie de le faire culpabiliser pour autant."
Dernière édition par Sidney Custer le Mer 1 Juil 2020 - 14:41, édité 1 fois
Cette étreinte Keon la rêvait depuis quelque temps, il voulait retrouver son ami Sidney sans oser, sans se sentir légitime, comme s’il avait rompu ce qui les liait en arrêtant de boire. À cet instant, il se rend compte de sa bêtise, qu’une fois de plus la peur à paralysé ses pensées. Le médium cale sa tête contre l’épaule du possédé faisant une bonne tête de plus que lui, alors qu’il lui demande pardon. Il sait ce que c’est, d’être abandonné. Les gens se détournent facilement de lui, il change de trottoir face à son allure de clochard, de fantôme avant l’heure. Keon attire le regard, mais pas souvent des bonnes personnes.
Il le resserre un peu plus fort lorsqu’il assure ne pas lui en vouloir. C’est comme sentir une petit onde de chaleur irradier son cœur et il aimerai partager ça avec son partenaire de beuverie, de conneries, de nuits à fuir la solitude. Il est là pour ça après tout, fuir la solitude, se sentir utile, se sentir aimé… Un but égoïste qui se partage à deux.
Un sourire illumine son visage alors que le rire de Sidney inonde délicieusement ses tympans, il a cette manière de rire sans filtre, sans prêter attention aux apparences. Keon a toujours eu un faible pour ce rire, il a toujours tenu à cœur de le faire rire autant que possible lors de leurs soirées pour mettre la tristesse en fuite.
- Pourtant tu sais que ce que je préfère c’est la téquila.
Ça lui manque tabarnak, il en sent presque le gout en y pensant. Il ferme une brève seconde les paupières comme pour savourer le parfum de son souvenir. Bon sang, ce qu’il ne donnerai pas pour avoir une bouteille, pour pouvoir l’ingurgiter sans que ça ne se transforme en ce liquide atroce : l’eau. Trois mois que ça dure et il a songé mettre fin à ses jours en sautant du toit de l'hôtel Lux où il travaille comme valet de chambre. Acte avorté à la dernière seconde, il pensait que la vie n’aurait plus jamais le moindre gout. Mais c’était avant de gouter au sang de Sigrid, de retomber sous les crocs des vampires…
Le médium ne se fait pas prier pour entrer dans la maison, la décoration n’a pas changé, mais sa perception si. C’est vieillot, il se souvient que sa vue déformée par l’alcool a parcouru des champs sublimes de ces fleurs aux murs. - J’l’aime ton bordel, c’est toujours plein d’couleurs...
Lui répondit-il avec un sourire malicieux. Le médium ne sait pas peindre comme le fait cet homme de talent. Il hausse les épaules, de la peinture ne va pas le tuer, il a déjà eut bien pire sur lui ces derniers temps… Du sang notamment, le sien, celui de Black Mambo…
La dernière phrase le fit tourner le regarde vers le brun avec la bouche entrouverte de surprise. De loin la chose la plus gentille que l’on ait pu lui dire aujourd’hui ou même ces derniers jours. Keon a besoin d’absorber l’énergie de ces paroles, il attrape de ses poings le t-shirt du peintre tâché de peinture pour capter sa pleine attention, son regard.
- Tu me manquais aussi Sidney, je… J’avais peur de… De t’ennuyer. Je ne bois plus, ça fait tellement du mal tu sais d’arrêter de boire… Même moi… Je m’ennuie des fois.
Assez pour vouloir se foutre en l’air, cependant il ne le lui avouera pas, il ne veut pas inquiéter les gens et il ne fait pas une fierté de sa tentative, bien au contraire, il ressent une part de honte dévastatrice. Il contemple le regard de l’alcoolique et il l’envie un peu. Keon est anxieux, il ne sait pas vraiment s’il peut rester ici, qu’est-ce qu’ils vont bien pouvoir faire ? D’habitude le programme est simple : boire, boire et boire, parfois faire des jeux débiles et se foutre à poils. Il ne pense pas être intéressant pour Sidney désormais, peut-être qu’ils vont se dire adieu, mais il n’en a strictement aucune envie.
- Mais j’aimerai t’aider avant que tu me trouve ennuyeux.
Il lâche son t-shirt d’une main pour caresser la tempe de l’homme. - Je sais ce qui ne va pas là-dedans, je ne ferais de mal à aucun de vous deux, c’est promis. Est-ce que tu veux bien que j’essaie ?
Moi qui étais juste comme un crétin à peindre sans rien d'autre à faire de ma journée, je suis au comble de la joie à me retrouver soudainement pris dans les bras par surprise. Et ça fait un bien fou d'avoir quelqu'un qui se fiche de ce qu'on est, d'un coup comme ça, et de juste pouvoir savourer un câlin quand on en a pas souvent. "Ça doit être horrible de plus boire...J'sais même pas comment tu fais mais tu peux pas devenir ennuyeux, pas toi !" réponds-je en rigolant. Va falloir m'expliquer comment il pourrait m'ennuyer, même sans boire. Et puis au fond...C'est sans doute mieux de pas boire, j'en serais genre totalement incapable. Pas boire ? Et pas oublier mes emmerdes ? Pas pouvoir faire de coma pour pas rêver...? Non jamais d'la vie !
Cela dit, je me sens un peu emmerdé parce que...Je crois que je n'ai absolument rien de pas alcoolisé dans cette maison, à part l'eau du robinet qui a un goût dégueulasse. Et c'est pas cool pour lui ! Parce qu'il faut bien avouer que les occupations qu'on avait ensemble...Disons que sans alcool, je ne sais pas si on aurait fait tout ça en fait. Est-ce qu'on aurait eu cette connexion que je ressens là alors qu'il est enfin revenu...? J'en sais rien, c'est étrange mais j'ai pas envie de perdre ça juste parce qu'il boit plus, ce serait pas juste, pour lui comme pour moi. J'ai à peine envie de le lâcher mais que faire d'autre ? On peut pas vivre l'un dans les bras de l'autre, ce serait pas...Non ce serait pas très vivable, faut bien l'avouer...
J'ai bien entendu...? Keon est adorable. Mais personne peut m'aider, comment on pourrait m'aider ? Je détourne les yeux de lui, baissant la tête pour regarder par terre. Qu'est-ce que je peux dire à ça hein ? Je suis pas vraiment une personne normale, je suis pas vraiment quelqu'un d'équilibré et je sais que tout le monde le pense, tous ceux qui me connaissent. Même lui, il doit bien le penser un peu. Je suis comme ça, j'ai mes cauchemars, je suis hanté, possédé, et je peux faire quoi hein ? Arrêter de te plaindre...? T'es chiant, je vais finir par me casser faire un tour si tu continues comme ça ! Ça me ferait des vacances de plus t'avoir dans ma tête, mais rien que parce que ça me plairait tu vas rester...Si Keon pouvait m'aider à être à nouveau tout seul dans mon corps et ma tête, ça ce serait bien...!
"Je veux bien que tu essaies tout ce que tu veux... dis-je en regardant toujours ailleurs, parce que je veux pas affronter le regard de quelqu'un qui me connaît. Je sais pas si y'a quoi que ce soit à faire, tu sais bien comment je suis. J'aimerais que t'arrives à m'aider mais j'ai peur que ça marche pas.." Comment ne pas être négatif quand ça fait vingt ans qu'on se tape des cauchemars et que les médocs ou les psys ont pas aidé...? L'alcool, c'est le seul truc qui marche, probablement parce que je bois jusqu'à la perte de conscience programmée et qu'on rêve pas dans ces cas-là...
Dernière édition par Sidney Custer le Mer 1 Juil 2020 - 14:41, édité 1 fois
Keon éprouve une immense tendresse pour l’artiste, ce serait mentir de prétendre ne pas avoir un petit faible pour ce dernier. Le médium voit Sidney d’un œil différent, tout comme il est capable de voir les gens de leur bon côté en général. Il est bienveillant malgré toutes ses cicatrices physiques et mentales. Celle qui barre sa gorge est la plus évidente, mais le médium est bien plus abimé qu’il n’en a l’air ! Keon ne pu s’empêcher de pouffer de rire lorsqu’il affirme qu’arrête de boire est horrible, malgré son rire, dans le regard de Keon on peut lire que la douleur de sevrage est encore présente. D’une autre manière certes, mais c’est toujours là, après tout, ça ne fait que trois mois. On ne peut pas dire que le corps s’habitue aussi rapidement que cela, mais au moins il va survivre, ce qui n’était pas le cas en mars dernier, agonisant de maigreur, au bord du délirium tremens, il a pu compter sur son amie et régente du coven la White Chapel pour le tirer de là.
Le médium hésite une seconde puis il pose ses longs doigts fins autour du menton du peintre pour le “contraindre” à le regarder. Le plus jeune se hisse sur la pointe des pieds pour venir déposer un baiser doux comme une caresse sur ses lèvres qui prononcent beaucoup trop de paroles qui dénigrent leur propriétaire. Il ferme les yeux retrouvant sans aucune peine le doux bonheur du contact avec Sidney.
- Viens, on va parler mon gentil peintre…
Il lui prend le poignet et l’entraine vers la pièce voisine. Keon n’est pas certain de bien se souvenir de toutes ses portes qui se ressemblent beaucoup. Malencontreusement il ouvrit la porte des toilettes ! Il glousse en refermant la porte :
- Non, pas ici !
Il trouve finalement le chemin du salon pour s’installer dans le canapé usé, pas jusqu’à la moelle, mais presque… Keon ne s’en plaindrait pas, il dormait sur un matelas au sol il y a encore quelques jours. Il n’a jamais fais venir Sidney chez lui, bien trop honteux. Mais peut-être que les choses sont pouvoir changer à présent qu’il a un logement décent !
Keon soupire, c’est difficile encore pour lui de parler de ce qu’il est, il y a trois ans et demi, il se pensait schizophrène, enfin, il ne pensait rien… Juste le pantin de vampires. Alors dire de but en blanc à quelqu’un qu’il est médium, c’est compliqué.
- Tu vas trouver ça dingue et je comprendrais, mais… Le plus dingue, c’est peut-être que personne d’autre ne t’a jamais dit avec certitude savoir ce qu’ile se passe.
Il inspire et prononce avec cette certitude évoquée. Il est juste terrifié à l’idée de le perdre à cause de ce qu’il va dire.
- Je sais ce qu’il se passe, Sidney. Je vois les morts et tu es hanté.
Il soupire, soulagé d’avoir craché le morceau !
- Je le vois… Il… Il est beau et triste… Il a des cheveux longs…
Il glisse ses doigts sur la chevelure fantomatique qui dépasse de la nuque de Sidney. Bien sûr qu’il ne peut pas sentir les cheveux, mais avec ce geste amical, il veut faire comprendre à l’autre qu’il ne veut pas lui faire de mal. Il enchaine, effrayé par le silence, par ce que pourrait dire son ami.
- Vous vous êtes “trouvés” pour une “bonne” raison… Il… Il faudrait que je lui parle. Est-ce que… Tu sais comment lui laisser… Les commandes ?
Cette fois c’est au tour de Keon de détourner le regard, apeuré à l’idée d’être prit pour un fou, d’être moqué, d’être rejeté, ça ferait beaucoup trop de mal…
Je me mets à rire en voyant quelle porte il a choisi pour qu'on s'installe, définitivement, ça ne paraît pas être une bonne idée de se mettre là pour discuter ! Mais ça a le mérite d'être drôle et d'être totalement lui. Après ce petit éclat de rire, je soupire et le suis, de toute façon il me tient alors je ne peux que suivre et me résigner à aller jusqu'au salon où on s'installe dans ce qui reste du canapé. Un jour, je changerai les meubles, ça fera pas de mal, mais pas pour l'instant. Je sais pas comment il se propose de m'aider, je sais pas bien ce qu'il peut imaginer faire pour ça en fait, je vois pas ce qu'on peut faire pour moi de toute façon. Mais je vais l'écouter, on sait jamais. Et puis, si je peux être avec lui, même un peu, avant qu'il retourne là où il vit maintenant, loin de ma présence toxique...Ma foi, je prends.
Le prendre pour un dingue...? Jamais d'la vie ! Quand il énonce l'évidence, je suis...troublé. Pour dire le moins. Non pas que j'ignore ce qui se passe, Archie m'a déjà expliqué des tas de choses sur ce qu'il était, même si il ne comprend pas vraiment ce qui se passe ou pourquoi il s'est vraiment retrouvé dans cet état-là. Seulement...Voir que quelqu'un d'autre sait...Comment est-ce simplement possible ? Comment quelqu'un d'autre peut savoir ? Il n'est pas...Keon pourrait-il lire dans mon esprit ? Lire en moi ? Un instant, je crains un peu tout ce qu'il pourrait découvrir si il était vraiment doté de telles capacités, ce serait terrifiant.
J'ouvre et je ferme la bouche, comme un poisson hors de l'eau, en l'écoutant. Et je sens que Archie est tout aussi perplexe que moi, là-dedans, il se demande bien ce que Keon peut faire d'autre et n'aprpécie pas vraiment l'idée... " Keon je...Enfin je sais qu'il est là, lui dis-je en retrouvant peu à peu mes mots et mes esprits, mais ce n'est pas...Enfin je veux dire, c'est pas vraiment un problème." Je suis indéniablement perplexe, que dois-je lui dire ou ne pas lui dire...? Laisse moi donc lui parler, si il y tient tant...Mais si il sait depuis le début...Il est un peu bizarre ce garçon non ? Je rétorquerais bien mais, au fond, je ne peux pas vraiment donner tort à l'esprit : il est un peu bizarre ce Keon. Mais je l'aime bien quand même...
De l'extérieur, on pouvait voir l'attitude de Sidney changer. Il se tenait plus droit, le menton plus haut et arborait un air sérieux, quoi que doux. Il semblait différent, indéniablement, quelque chose de plus mature, de plus adulte et de plus propre sur soi. Le regard qu'il posa sur Keon était différent également, il était posé, l'examinant comme rarement Sidney l'avait fait jusque là. Il ferma ensuite les yeux et remua les épaules, comme à chaque fois qu'il prenait possession du corps, et secoua un peu la tête, faisant craquer la nuque.
"Alors...On voulait me parler c'est ça...? dit-il, en émettant un léger soupire. Je suis Archibald, on n'a jamais eu l'occcasion de se croiser." Même la voix semblait sonner différemment, peut-être parce qu'elle avait bien moins ce ton fatigué et ce langage approximatif. "Donc, qu'est-ce qu'il y a...?"
Une fois dans le canapé, Keon peut ressentir une légère tension, mais il tente de prendre sur lui. C’est loin d’être facile d’être un médium compétent, surtout quand les sentiments se mêlent à tout ça. Que va penser Sidney ? Se rire de lui ? Ce serait tellement douloureux. Keon soupire doucement, il essaie d’être courageux, moins sensible, il se lance.
- Je sais… Je ne veux pas le faire partir, promis.
Non, il ne le privera pas de cet esprit, Keon a l’impression qu’ils ont trouvé une sorte d’harmonie. Comme si… Sidney se sentait seul avant. Il n’a pas connu Sidney dans le passé, mais ça semble évident qu’il n’a pas beaucoup d’ami, c’est le lot à tous les alcooliques. Il sait ce qu’il en est. Depuis qu’il est sobre, les choses changent enfin.
Le médium se détache de Sidney pour lui laisser de la place. Il le vit changer de posture, l’image de l’hôte se fit bien plus visible. Leurs traits se mêlent pour donner lieu à une autre personne avant que le visage de l’esprit se fasse plus visible à son œil que Sidney. L’esprit est même plus jeune qu’il ne l’a imaginé, en le voyant aussi nettement, il ne peut que le trouver beau et morte probablement trop tôt… Quête inachevée, c’est certain.
Archibald. Pas très moderne… - Salut… Je suis Keon Quill, je suis médium.
Il se doute que l’esprit le sache déjà, mais qu’importe. Il a appris que tous les médiums ne sont pas exorciste, alors autant laisser libre cours à cette ignorance après tout ! Keon esquisse un sourire bienveillant. Il faut dire que l’esprit peut sans nul doute se montrer méfiant, il pourrait profiter d’être là pour lui sauter dessus, le planter, se débarrasser d’un gêneur. Keon ne sait clairement pas se battre, il sera indéniablement en mauvaise posture ! La question ne tarda pas, Keon pose ses mains sur ses genoux orienté vers Sidney, il se demande si celui-ci assiste à la conversation ou s’il est “endormi”, il ne se souvient de rien du temps ou Loraye le possédait.
- Je ne te veux aucun mal, mais je m’inquiète pour Sidney…
Il ne pu contenir un léger rosissement de ses joues en avouant ce fait. Finalement, ça l’arrangerait bien que ce dernier dorme !
- Ses cauchemars ne sont pas… Ne sont pas normaux. Est-ce que ce sont tes souvenirs où est-ce que tu pars quelque part ? Dans les limbes… Est-ce que tu l’y emmène ?
Peut-être qu’il ne le fait pas exprès, mais Keon se souvient à peine des limbes et pourtant, il peut affirmer, après tout ce qu’il a vécu, que c’est de loin le pire endroit où il n’est jamais allé ! Les limbes sont un endroit dangereux et il est terrifié à l’idée que Sidney puisse s’y perdre, qu’il devienne fou à force de s’y rendre…
- Si… Si tu cherche quelque chose là-bas. Je… Je veux t’aider.
Qu’importe ce que c’est, de toute manière, il doit s’y rendre… Un jour, quand il en aura le courage. Mais s’il n’a pas la bravoure de le faire pour s’aider lui même, pour un autre, il en serait probablement capable. Ça lui mettra un coup de pied au derrière... Oh ça ne risque pas d’être pour demain, un tel voyage, ça demande des mois de préparations, mais qu’est-ce qu’on ne ferait pas quand c’est le coeur qui parle ?
Il ignorait comment les choses allaient se dérouler, ni même si ça allait bien se passer ou pas. Mais il savait qu'il n'avait pas envie que ça dure trop, il aimait avoir le corps de Sidney mais il n'aimait pas quand il y avait des conditions, il voulait faire ce qui lui plaisait et pas discuter avec un médium. Il soupira légèrement en écoutant Keon, il avait bien compris qu'ils se souciaient mutuellement de l'autre et que le jour où le plus jeune comprendrait que Sidney était possédé devrait bien arriver...
Il se renfrogna plus qu'un peu en entendant parler des cauchemars de l'humain. Il ne les aimait pas non plus, ces cauchemars, et il n'aimait pas y assister. Ça faisait peur à l'humain mais ça mettait aussi très mal à l'aise l'esprit, ça lui faisait même un peu peur également. Pourquoi il lui parlait des cauchemars ? Oui, il en faisait, oui ça embêtait autant Sidney que l'esprit, mais que pouvait-il bien y faire, le médium, hein ? L'aider ? L'aider à quoi...? On ne faisait pas un chef d'oeuvre en peignant un alcoolique qui se mêlait des affaires des autres, on ne passait pas à la postérité avec ça...
Reniflant un coup de dédain, il croisa les bras et détourna le regard du médiul. "Ce n'est pas moi qui cause ses cauchemars, il les avait déjà avant que je ne sois avec lui... dit-il sur un ton presque agacé par l'accusation. Et tu ne peux pas m'aider, je ne cherche rien d'autre que de quoi faire rester mon nom, ou à tout le moins, celui de Sidney, dans l'histoire de l'art..." Il aurait aimé ne pas avoir à expliquer ses motivations à qui que ce soit, dans ses possessions passées, on s'était déjà moqué de lui et il aurait voulu que ça ne recommence pas.
"Je sais que vous vous entendez bien, tous les deux, mais je sais aussi que je ne veux pas partir avant d'avoir enfin réalisé le chef d'oeuvre qui me fera qu'on se souviendra de moi, ajouta-t-il, tant qu'à être honnête, autant y aller franchement. Oui, ça m'arrive d'aller dans les limbes mais ça n'a rien à avoir avec ses cauchemars et quoi que tu penses pouvoir faire, je doute que ça marche..." Il s'appuya contre le dossier du canapé en soupirant de nouveau et en secouant un peu la tête. Les artistes torturés, il aimait ça, ils étaient plus susceptibles d'avoir du génie, enfin le pensait-il, mais ils étaient aussi les plus susceptibles d'attirer des ennuis et des gens comme ce Keon pour s'occuper de ses problèmes...
Keon n’est pas confortable de s’introduire ainsi dans la dynamique de ces deux là, il faut dire qu’ils n’en ont jamais parlé, mais Keon préfère cela… Il n’a ainsi aucun apriori sur Archibald. Sidney est bien différent lorsqu’il est sous l’emprise de l’autre.
- Oh…
Lâche le médium, une pointe déçue.
Cela l’aurait bien arrangé que les cauchemars soient de la faute d’Archibald, il aurait pu les aider, mais une fois de plus, il se révèle parfaitement inutile et ne sera pas en capacité de secourir son ami. Faut croire qu’il est plus doué pour aider un inconnu possédé par un démon que pour aider quelqu’un qui lui est particulièrement cher…
- Vous avez un vrai talent… Les gens aujourd’hui, ils ne sont plus vraiment intéressés par la peinture, c’est parce qu’ils savent pas vraiment la comprendre… Comme moi… C’est à peine si j’sais me servir des mots.
Il hausse les épaules, sans savoir pourquoi il parle de ça avec Archibald qui n’est aucunement Sidney et qui en a fort probablement rien à cirer de ses histoires de mortel. Il ne pense pas avoir la chance de pouvoir s’exprimer à travers un art quelconque, comme une grosse majorité des gens au final qui s’intéressent davantage aujourd’hui à d’autres forme artistiques comme la musique ou le cinéma.
- Pourquoi tu veux que les autres se souviennent de toi ?
Keon cherche avant tout à se faire oublier. La célébrité c’est loin d’être au programme.
- J’en sais rien, je… J’pensais que c’était de ta faute, c’était… C’était méchant de ma part. J’suis désolé. Je sais bien que t’es pas un méchant, j’l’aurai vu, je crois… Ils sont différents les mauvais esprits et ils m’attaquent parce qu’ils ont peur de moi. Tout ce que j’voudrais c’est qu’il souffre moins. J’voulais faire ça avant qu’il m’oublie…
Parce que contrairement à ce qu’il a dit plus tôt, Keon ne croit pas que Sidney puisse s’intéresser à une Keon sobre et le médium ne peut que comprendre, mais il ne peut pas et ne veut pas replonger, même si ça lui brise le cœur. Il tente tant bien que mal de faire le tri entre la vérité et les mensonges que puissent formuler les gens. Il a appris que les mensonges ne sont pas toujours mauvais, que parfois ils servent à rassurer…
Il se hâte d’essuyer la larme qui perle au coin de son oeil, levant le regard vers les tapisseries de la pièce.
Il n'était pas enjoué d'avoir à discuter avec Keon comme si Sidney n'était pas là. De fait, oui il n'était pas vraiment là, mais c'était tout de même assez dérageant quand on y pensait. Et puis de toute façon, qu'est-ce qu'il croyait pouvoir changer, le médium, hein ? C'était ainsi depuis longtemps, les cauchemars de Sidney, sa propre présence dans le corps des autres, tout ça, le jeune homme n'avait aucune prise dessus et il fallait bien qu'il s'en rende compte. Il n'y avait qu'eux deux, Sid et lui, à pouvoir changer quelque chose. Mais tant que le monde ne se souviendrait pas de lui, ça ne servirait à rien...
"Pourquoi je veux être connu ? Parce que je suis un grand peintre et que les crétins de mon époque ne l'ont jamais reconnu ! s'emporta-t-il un peu avant de se calmer aussitôt." Ça l'énervait toujours quand on parlait de sa peinture, quand on cherchait à savoir qui il était alors que tout le monde aurait dû le savoir. Quand il voyait les gribouillages de Dali ou Picasso, il se disait toujours qu'il avait déjà fait bien mieux et qu'il devrait être à leur place dans les musées...Insensé, voilà ce que c'était, et pourtant tout ce qu'il pouvait y faire, c'était de peindre au-travers du corps d'un autre. Parfois, il se disait qu'il ne pourrait jamais y arriver, parfois, seulement parfois, il se disait qu'il devrait abandonner...
Il soupira longuement en se laissant aller contre le dossier du canapé défoncé, la tête en arrière sur le coussin plus très moelleux à regarder le plafond décrépi qui ne devait plus vraiment être aux normes sanitaires en vigueur. "Ouais, eh bien, ce n'est pas de ma faute, voilà, lâcha-t-il sur un ton d'enfant boudeur tout en croisant les bras. Et puis faudrait être complètement idiot pour penser qu'il va t'oublier, le Sidney." Il se tut un moment après ça. Pourquoi s'en souciait-il hein ? Il n'avait pas à servir de conseiller matrimonial à deux tapettes incapables de se dire les choses, si ?...Pourtant, il se disait que ça pourrait aider Sidney. Et donc potentiellement l'aider lui aussi.
"Je veux dire...Il tient à toi, le loustic. Tu es probablement l'un de ses seuls amis, voire peut-être son seul véritable ami, et je parle que d'amitié là, je ne parle même pas du fait que...eh bien...Enfin vous savez ce que vous faites tous les deux !... grommela-t-il un peu grognon de devoir aborder ce sujet. Donc, Sidney ne t'oubliera pas, probablement jamais, et si tu disparais encore sans laisser de trace et sans revenir le voir, ça pourrait lui faire très mal, même si il ne le dira jamais, trop bête qu'il est..." Non ce n'étaient pas ces affaires, tout ce mic-mac, mais il se sentait obligé, malgré tout, d'exprimer ce que Sidney ne disait pas, ne voulait pas dire serait même plus exact en fin de compte. Il lui en voudrait en reprenant le contrôle, mais qu'importait, il ne pouvait rien faire à un esprit de toute façon.
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