I must be dreaming, please stop screaming

Le soleil est tombé depuis déjà plusieurs heures sur Los Angeles et Dolly, comme tout vampire qui se respecte, a besoin de se nourrir sous le joug d’une obscurité salvatrice. La cité des Anges s’est toujours révélée être un excellent terrain de chasse, en raison de ce fourmillement d'âmes permanent, de jour comme de nuit.
Les récents événements ont fait de notre Vampire quelqu’un de plus prudent, y réfléchissant à plusieurs fois avant d’attirer quelqu’un dans ses filets … Si toutes les conditions sont réunies, bien entendu. Cela sous-entend donc une totale possession de ses moyens, tant physiques que psychiques.

Tout laissait cependant penser à une nuit sans heurt, cette fois. Vêtue d’un anorak jaune, Dolly fendait la foule. Sous sa capuche, on ne voyait dépasser que quelques mèches bicolores, son regard affamé restant donc prudemment dissimulé.
Prudente et consciencieuse, elle avançait sans laisser personne la toucher, évitant le moindre contact, le moindre coup de coude maladroit de quelques citadins pressés. Ce qu’elle recherchait, c’est ce groupe qui quitterait l’agitation de la ville pour gagner la tranquillité d’un sous-bois. Elle finit par trouver ce qu’elle cherchait, un jeune couple amoureux, plein de fougue, qui, pressant le pas, se hâta vers un parking désert aux abords de la forêt pour gagner l’intimité et le confort de leur voiture.

Dolly se posa à distance raisonnable où elle ne serait pas vue, ni reconnue suspecte, se perchant sur un rocher. Autant attendre, le temps d’observer. Il serait dommage de se faire repérer maintenant et d’affoler plus que nécessaire, notre jeune couple n’ayant de toute manière pas prévu de décoller tout de suite.
Et puis, peut être que la part la plus romantique de sa personnalité multiple souhaite laisser ces deux amoureux profiter d’une dernière étreinte et ainsi sombrer dans l’Abîme emplis d’amour. Observant ces ombres danser dans l’habitacle tamisé par les rares lampadaires qui les entouraient, les souvenirs de Dolly finissent par se perdre. Des rires, un regard azur, la douceur d’une caresse, un souffle chaud … Dans un coin de sa mémoire, tous ces flashs surgissent sans prévenir, éloignant notre vampire du présent. Elle se laisse bercer un instant par cette douceur, et relâche donc sa vigilance. Erreur. Car le souffle qu’elle sent désormais au creux de sa nuque n’a plus rien à voir avec le souvenir doux et rassurant d’un amant oublié. Revenant à elle, Dolly remarque alors être entourée par une ombre lugubre et massive, et une odeur d’haleine chaude à quelques centimètres de son oreille. A peine a-t-elle le temps de sauter de son promontoir que la créature se jette déjà sur elle, tous crocs sortis.

S'ensuit alors une lutte brutale et déséquilibrée entre notre poupée encore troublée par ces nouveaux souvenirs et un golgoth poilu et furieux. Traînée dans la poussière, jetée contre l’écorce des arbres, Dolly ne peut compter que sur sa rapidité pour espérer contrer son adversaire. C’est d’ailleurs ce qui finit par la sauver. Esquivant de justesse une énième violence, elle parvient à s’enfuir en s’enfonçant parmi les arbres de l’épaisse forêt. Ce sont ses toutes dernières forces qu’elle emploie dans sa fuite pour échapper à la bête furieuse qui, heureusement pour elle, abandonne rapidement sa chasse. Peut être a t-il trouvé une proie moins rapide et hargneuse. Peut-être le couple a-t-il été interrompu par les bruits de la lutte et en voulant fuir à leur tour, s’est retrouvé intercepté par la créature … Tant de raisons pour lesquelles Dolly remercie le ciel en finissant par s’écrouler sur un banc, semi consciente, en sortant de la forêt quelques kilomètres plus loin. Son anorak est déchiré de part et d’autre et les diverses plaies qu’elle a récoltées peinent à cicatriser. Il en aurait été tout autre si elle avait pu se nourrir avant cet affrontement … A bout de force, notre vampire doit donc prendre son mal en patience avant de pouvoir de nouveau bouger et récupérer de ses blessures. Pour le moment, les alentours sont déserts et son visage tuméfié reste caché sous sa capuche.