Pour une fois, Karl Fitzgerald n’était pas l’homme d’expérience, ni au sommet d’une hiérarchie qui l’avait toujours dépassée dans le fond. Ne plus être régent de Red House, lui faisait un bien fou, pour la première fois depuis longtemps, il avait enfin l’impression d’être libre et prenait de ce fait, le temps de se découvrir lui qui durant une bonne partie de sa vie avait œuvré pour le coven au détriment de sa vie personnelle. Certes, notre sorcier avait toujours des comptes à rendre – à sa hiérarchie – mais il n’était désormais plus dans un rôle de représentation et sans tous les codes que cela lui imposait. Et il lui suffisait d’observer Shawn pour comprendre à quel point cette liberté qui lui faisait défaut, lui avait manqué. Shawn semblait rustre d’apparence et il était aussi de par son attitude. De toute évidence, il n’en avait que faire des convenances. Une attitude qui jadis, aurait fortement déplu à Fitz, mais qu’il trouvait désormais ô combien rafraichissante à en juger par le sourire qui prenait vie sur son visage d’ordinaire quasi-impassible.
« - Et bah j’ignorais que le manque de nicotine pouvait te rendre illettré l’espace d’un instant. Ah oui et pour que tout soit clair entre nous grand fou, ma chérie aussi est follement amoureuse de ma personne. » Il avait cependant compris le second degré dont son nouvel équipier faisait preuve. « - Avoue, tu désespérais d’avoir un jour un bon équipier ? Pour ce qui est de la traduction et du russe, tout dépend de l’intensité de ton propos. C’est une langue rugueuse, mais utile parfois surtout pour échanger avec des confrères russes. Et perso, de toi à moi, je ne suis pas un grand admirateur des réseaux sociaux, de Google et de tout le tintouin technologique. Je suis de la vieille école. » Et il pouvait se targuer parler plusieurs langues.
Il prit ensuite connaissance de l’ordre de mission et ne fut que plus déçu encore par le contenu. Lui qui s’attendait à quelque chose de plus excitant, se retrouvait mandaté à fouiller un entrepôt. « La patience est mère de vertu » fit entendre Maze dans un coin de sa tête et qui serait certainement de la partie si d’aventure la fouille de l’entrepôt venait à dégénérer. Mais avant tout, il fallait s’y rendre et pour cela il fallait déjà commencer à prendre connaissance des véhicules à disposition.
« - Ah tu es fier d’avoir enfin quelqu’un de viril pour te tenir compagnie ? J’étais plutôt adepte de la vieille bagnole de collection il y a peu. Mais je dois reconnaître que ce petit bijou est tout aussi agréable à conduire. » À son tour, il enfourcha sa monture après avoir mis son casque et suivit son équipier jusqu’à l’entrepôt qu’ils devaient fouiller. De prime abord, les lieux semblaient déserts et ils l’étaient avant qu’un type peu commode ne vienne s’offusquer de leur présence ici. « - De toi à moi, je ne m’attendais pas à un comité d’accueil. » répondit l’ancien régent en sortant la béquille de sa moto, pour ensuite se lever et se défaire de son casque qu’il posa sur le siège tandis que Shawn s’allumait une autre clope et ne paraissait nullement atteint par la remarque « légèrement » raciste qui venait de lui être faite. Au contraire, cela semblait l’amuser et l’inspirer pour se montrer on ne peut plus cassant.
« - Il a raison, j’ai tendance à être moins commode avant le repas de midi et j’aime moyen qu’on dénigre mon pote qui paye ses impôts ici comme toi mon gros. Mais promis la prochaine fois, on se présentera avec un certificat de naissance. »
La remarque de Shawn couplée à l’attitude de Karl sembla énerver leur interlocuteur qui s’empara de son portable. « - Ah ! Je crois qu’il est en train d’appeler le comité d’accueil. On n’est pas venu pour rien finalement. » Après quelques échanges, l’homme mis un terme à sa conversation téléphonique avant de reporter ton attention sur les deux motards.
« Vous êtes des flics c’est ça ? »
« - Est-ce que tu nous a vu dégainer une plaque ? » Le familier de Karl errait près de l’entrepôt délivrant ainsi à son sorcier de précieuses informations. « - Je préfère quand même passer directement à la fouille avant que la cavalerie n’arrive. Mon familier se tient à distance et nous fera office d’éclaireur. Je te laisse t'occuper de notre hôte et je vais commencer à fouiller. Ça te va ? D’ailleurs on cherche quoi en fait ? »
Karl ne savait rien de ma souffrance. Il ignorait tout de ce qui s’était produit depuis toutes ces années. Il devait sentir que quelque chose me manquait. Difficile de mettre le doigt dessus dans l’immédiat alors que j’étais dehors à fumer histoire de me détendre un peu. Ma vie était brute tout comme mon apparence. Je me fichais de ce que les autres pouvaient penser depuis que j’étais tout jeune. J’avais ma propre approche et je me sentais à l’aise. Karl me faisait sourire et rire, c’était quand même quelque chose d’incroyable quand on y pensait. Finalement, ce transfert avait peut-être du bon pour moi au final.
- Je te prends les vendredis soir et je lui laisse les autres jours de la semaine dans ce cas. Le vendredi tu es tout à moi mon bébé.
Je lui faisais un clin d’oeil en rigolant avant de continuer à fumer. Il me parlait des réseaux sociaux et je rigolais encore avant de lui donner une tape sur l’épaule gentiment. L’avantage de connaître son partenaire était rudement important. Je connaissais Karl de l’école et savais que je pourrais lui faire confiance les yeux fermés.
- J’ai l’air d’avoir la tête d’un type qui a facebook, insta machin et sky je sais pas quoi? Je sais téléphoner, me servir du GPS et googler des conneries. J’avoue cependant que ta compagnie me fait plaisir. Au moins, je n’aurais pas à t’apprendre comment utiliser une arme à feu c’est déjà ça.
Nous nous mettions en route pour nous rendre à ce fameux entrepôt. Là, un gros dégueulasse en manque de sexe décidait de nous faire office de comité d’accueil. Sa remarque ne me dérangeait pas pour le moins du monde. J’en avais entendu des pires dans ma vie. Je continuais de fumer en le provoquant ouvertement. Karl avait la même réplique que moi et je sentais que ça allait être absolument fantastique je souriais au gros qui s’éloignait un peu pour appeler nerveusement sur son téléphone. Je m’approchais de Karl en continuant de fumer. Plus les types étaient nerveux et plus ça cachait quelque chose de gros.
- Plus ils sont nerveux et plus ça me rend de bonnes humeurs. Regarde-le suer. Il est dans la merde et il ne le sait pas encore.
Je mettais ma clope entre mes lèvres et je portais ma main à ma ceinture pour retirer le clip qui retenait mon arme. J’enlevais aussi le cran de sûreté direct. Une vieille habitude. Le charmant monsieur l’accueil s’approchait de nous et je laissais Karl répondre avant que ce dernier ne s’approche de moi un peu plus. Je lui parlais à voix basse en retirant la clope de ma bouche.
- Des artéfacts vaudou et peut-être une boîte à dibbouk destiné à du trafic. Ne t’inquiète pas. Je gère notre charmant ami. Je vais lui faire passer un petit questionnaire avec tout l’amour dont je suis capable. Siffle si t’as besoin et je ne te dirai pas de mettre des gants si tu trouves un truc histoire de ne pas finir possédé.
Je laissais Karl entrer avant de m’approcher de mon nouvel ami. Je m’appuyais sur le cadre de porte en mettant les mains à ma ceinture et mes lunettes fumées sur mon visage. Le gros tentait de suivre mon partenaire à l’intérieur, mais je le repoussais avec mon bras. Il était sacrément lourd un bon 100 kilos vite comme ça. Il reculait avant de me regarder dans les yeux.
- Hey le mexicain tu me laisses passer.
- Je crois que tu n’as pas compris la consigne de garder ton gros cul flasque ici. Ne me mets pas en colère. Si je te pète un genou, tu rigoleras moins quand ta grosse carcasse s’effondrera au sol et que tu seras incapable de mettre tout ton poids sur ton genou.
- T’as un problème avec les gens qui ont de gros os?!
Il s’approchait de moi et me parlait à quelques millimètres du visage. Je retirais mes lunettes pour les mettre sur le dessus de ma tête.
- T’as un problème avec les mexicains?
Le coup de tête partit tout seul. Le gars reculait alors que son nez commençait à pisser le sang. Je remettais mes lunettes de soleil et je croisais les bras en attendant de voir si Karl allait avoir besoin de moi. Je n’avais pas remarqué la présence de son loup. Franky avait déjà croisé le familier de Karl par le passé, mais maintenant cela n’arriverait plus jamais.
Karl se surprenait lui-même d’être aussi à l’aise avec un type de l’acabit de Shawn Draven. Un de ce que l’on appelle nonchalamment « un routard » aux vues de l’attitude et qui se fiche d’être jugé par autrui. Et il était évident que le jeune frère d’Ezéchiel n’avait pas sa langue dans sa poche, à l’inverse de Fitz qui était plutôt du genre à prôner une certaine diplomatie. Qui avouons-le, s’était étiolée dernièrement, assez pour devenir incompatible avec l’exercice du pouvoir. L’attitude de son nouvel équipier lui sembla alors si rafraichissante là où auparavant il s’en serait offusqué. « Peut-être qu’avec le temps, je suis devenu coincé. » s’autorisait-il à penser en observant Draven fumer sa clope et le charrier gentiment, comme s’il ne s’était pas écoulé plusieurs années depuis leur dernière rencontre.
« - Ok ça sera une espèce de garde alternée alors. » Et de toute évidence la plaisanterie semblait faire rire le motard, assez pour que Karl cesse de croire qu’il avait toute une bailleuse dans le derrière. « - Ah bah tu vois je suis rassuré qu’on m’ait foutu avec un autre dinosaure. Je me sens moins seul pour ce qui est de la technologie. Et pour répondre à ta question d’introduction, c’est Instagram. Mais ne me demande pas d’aller plus loin, pour le reste je suis largué. J’ai un ado en crise, pas décidé à m’apprendre et ceux malgré les rames sorties en amont pour solliciter son attention. » Et voilà qu’il se mettait à parler de Tyler et de banalités, preuve qu’il était en confiance. « - Par contre, pour ce qui est du flingue, il nous faudra des séances au stand de tir, car ça fait un petit moment que je n’ai pas eu l’occasion de sortir un 9mn. » Pour ainsi dire, il ne s’était pas servi d’un flingue depuis qu’il avait quitté le BACS, mais il préféra se garder de le faire entendre histoire de ne pas être charrié davantage.
Puis ils quittèrent les lieux, pourvus de leur toute première mission ensemble, quelque chose qui sur le papier semblait peu excitant il est vrai. L’homme qui faisait office de comité d’accueil, ne s’était pas gêné pour les chasser tout en sortant sa petite réplique raciste histoire de se donner encore un semblant de contrôle. Mais il était nerveux et il ne fallait pas être supra intelligent pour s’en rendre compte. « - Eh bah déjà si notre copain n’avait rien à cacher, il ne nous serait certainement pas tombé dessus aussi vite. Je m’attendais au moins à quelques petits fours. La base quoi ! » Et si l’humour était de mise, il fallait vite se reprendre avant l’arrivée d’une hypothétique cavalerie qui n’aura que faire de l’absence de petits fours et des règles élémentaires d’hospitalité.
Shawn ne s’embarrassait pas des grands discours, son arme ayant déjà quitté son holster de fortune et le cran de sureté n’était désormais plus qu’un souvenir. « - Attends, on peut encore éviter les effusions de sang. » pensa naïvement l’ancien régent de Red-House. « - Bon, je prends quand même le risque de te laisser avec notre charmant ami. Maze, mon familier est dans le coin, au besoin. Je prends des précautions, ne t’en fais pas. Je suis en période d’essai, je dois encore faire mes preuves. » Il l’affubla d’un clin d’œil « - Ne l’abime pas trop ! » Puis sans attendre, le sorcier s’éclipsa pour regagner au plus vite l’entrepôt. Face à Karl se dressait plusieurs conteneurs de taille variable. Le sorcier tâcha de se concentrer pour faire le vide. Et alors qu’il cherchait à localiser d’hypothétiques objets, il capta le flux sanguin de plusieurs personnes. « - Mais qu’est-ce que … » Il se rapprocha avec précaution de l’un des conteneurs verrouillés et remarqua la présence d’une rune qui l’empêchait d’utiliser sa magie dans ce périmètre. Il remarque ensuite, après un rapide passage en revue des lieux, la présence d’une hache près de l’alarme à incendie. Sans attendre, car il savait que le temps viendrait à lui manquer, le sorcier se rua sur le boitier de verre qu’il brisa à l’aide de son coude avant d’enfin se saisir de la hache pour ensuite se ruer sur le conteneur et d'abattre plusieurs coups sur le verrou qu'il céda sans difficulté.
L’ancien régent se retrouva alors confronté à une vingtaine de jeunes adolescents, sûrement des migrants tous aussi perdus les uns que les autres. « - Tout va bien. Je suis venu ici pour vous aider. » En parallèle, il missionna son familier par la pensée, l’incitant à faire venir Shawn au plus vite. « - Je m’appelle Karl, vous n’avez rien à craindre. » Il n’en croyait pas ses yeux et alors qu’il observait les captifs, il remarqua leurs chaines et le pentacle inversé gravé dans leur peau. Puis, par un « heureux » hasard, il se rendit compte que la rune était mal posée. Il pouvait donc utiliser la magie en ces lieux sinistres. « - Tout va bien se passer maintenant. » Il les fixa intensément avant de prononcer sa formule. « - Obdormiscere » Et voilà que peu à peu, les captifs s’endormirent. Il restait encore un autre conteneur à fouiller, ce que le fils d'Arthur fit sans trainer en attendant l’arrivée de son équipier.
J’avais donné les instructions à Karl. Ce qu’il devait chercher et de siffler en cas de besoin. Il avait trouvé quelque chose, mais est-ce qu’il avait sifflé? Bah non! Trop compliqué! Notre gros mangeur de beigne tentait de cesser le saignement de sa fosse nasale pendant que j’attendais les bras croisés adossés contre la porte. Le familier de Karl se pointait rapidement pour me faire signe de le suivre. Je levais les yeux au ciel.
- Je lui avais dit de siffler … Je te suis Maze.
J’entrais à l’intérieur et je mettais mes lunettes de soleil sur ma tête. Je marmonnais un sort pour empêcher quiconque d’entrer dans le bâtiment. Notre sympathique commis à l’accueil se mangeait la barrière en pleine gueule et tombait sur le dos. Je n’allais pas l’avertir en avance tout de même. Je suivais le loup avant d’arriver devant un conteneur avec des immigrants au fer. Je regardais Karl qui n’était pas bien loin.
- Si tu sais pas siffler, tu peux toujours faire le hululement d’une chouette Karl.
Je me passais une main dans les cheveux avant de lancer un sort de détection assez puissant qui faisait une petite onde de choc. La délicatesse, ce n’était pas mon truc. Je m’approchais de Karl en soupirant. Nous allions avoir besoin d’une équipe d’extraction pour les jeunes. Ça risquait de canarder si nous ne faisions pas rapidement ce que nous avions à faire. J’ouvrais une caisse pour regarder son contenu en marmonnant une formule.
- Ça va nous faire une belle paperasse chiante les immigrants. Tu crois qu’ils étaient pour être donné en sacrifice? C’est peut-être un entrepôt de transition pour des transactions du genre. Oh sympa des coca-cola.
Je me prenais une bouteille avant de l’observer. Je la débouchais avant de boire son contenu en quelques gorgées je regardais autour en étant pleinement attentif. La nonchalance était mon ami et finalement quelque chose attirait mon attention. Le tapis de caoutchouc du fond semblait étrangement plus haut que le reste. Je posais ma bouteille de Coca vide et je marchais lentement vers le tapis. Je prenais coin et je le soulevais en le repliant. Je sifflais Karl. Une trappe. Je regardais mon partenaire alors qu’il arrivait.
- Si j’avais envie de cacher des trucs pas nets, j’irais là.
Je soulevais la trappe avant de regarder dans le fond. Il faisait noir comme jamais. On pouvait ressentir du négatif comme jamais. Finalement, les immigrants servaient peut-être là. N’étant pas un sorcier de feu, j’utilisais mon téléphone pour faire de la lumière et je descendais en premier dans ce gouffre si important. Je voyais finalement une corde. Une forte odeur de pourriture envahissait la pièce. Je tirais sur la corde et une lumière s’allumait. Des trucs pendaient du plafond. On laissait littéralement sécher des organes et il y avait une sorte d’hôtel dans un coin.
Il n’en croyait toujours pas ses yeux. Il y avait à l’intérieur de ce conteneur plus d’une dizaine de personnes qui à en juger par leur piteux état, n’avaient pas vu la lumière du soleil depuis un moment. Les chaînes et les marquages sur la peau laissaient peu de doute quant à l’utilité de ces personnes. Karl n’était pas déconnecté de tout au point d’ignorer l’existence de ce type de trafic, cependant jamais encore il n’avait été confronté aussi frontalement à cette réalité qui le rebuta presque instantanément. Mais pour l’heure, il lui fallait un peu d’aide pour continuer à perquisitionner l’entrepôt, mais avant toute chose et après avoir tenté de rassurer tout le monde, le sorcier se permit d’user de sa magie pour endormir les captifs le temps que Shawn traine son cul jusqu’ici, guidé par Maze.
« - Je sais siffler pour ta gouverne, je n’y ai juste pas pensé. Je te laisse l’hululement de la chouette pour la prochaine fois. » En toute décontraction et ce malgré ce qui se tramait, Shawn lança un sort de détection à l’origine d’une légère onde de choc, mais pas assez puissante (heureusement) pour les humains se trouvant à proximité. « - Ils sont une vingtaine environ, des jeunes. Je pense que c’est sûrement pour alimenter le trafic de sang ou des vampires ou de ces hérétiques d’Ombra, voire d’une bande de démons qui privilégient les jeunes pour leur… sacrifice. » Le sorcier, au vu de la tragédie qui venait de le frapper, peina à faire entendre le dernier mot de sa phrase. « - Bref, il ne faut pas qu’on traine trop. Qu’est-ce que tu as fait du charmant monsieur venu nous accueillir ? »
À son tour, Karl ouvrit une caisse pour en inspecter son contenu. « - Si ça t’emmerde tant que ça, je peux gérer la paperasse. C’est un domaine emmerdant je te l’accorde, mais utile pour les procédures à venir. » Mais de toute évidence, l’attention de Shawn était accaparée par la caisse qu’il venait d’ouvrir et qui contenait des bouteilles de coca-cola. « - Attends ! Tu ne devrais peut-être pas boire ça… » Trop tard, Draven avait déjà décapsulé la bouteille qu’il tenait entre ses mains pour happer le goulot et délesté cette petite bouteille de son contenu en à peine quelques gorgées. « - Bon bah, je vais faire comme si je n’avais rien vu alors. » Mais de toute évidence, Shawn avait remarqué quelque chose qui faisait défaut à Karl. « - Évite de me siffler quand je suis tout prêt quand même. Pas sûr que j’apprécie. » Il s’approcha toutefois avec précaution et découvrit à son tour, la trappe jusqu’alors cachée derrière un tapis.
« - On ne devrait pas attendre du renfort ? Je te rappelle qu’on a une vingtaine de jeunes enchainés dans un conteneur. Il ne serait pas plus prudent de demander un petit coup de pouce histoire de ne pas être pris au dépourvu si la cavalerie arrive du mauvais côté ? » Mais il en fallait plus pour mettre à mal la motivation de Shawn qui déjà s’enfonçait avec pour seule lumière la lampe torche de son cellulaire. « - Fais chier ! » souffla Karl avant de jeter un dernier regard sur les conteneurs pour ensuite se glisser dans le tunnel. A mesure qu’il progressait, arborant lui aussi la lampe torche de son portable, une odeur insoutenable lui remontait jusqu’aux narines. « - Tu sens ça ? » tenta-t-il avant que l’ami Draven n’éclaire la pièce que Fitz aurait préféré laisser tel quel en découvrant bien malgré lui, d’où provenait l’odeur. Pris d’un haut-le-coeur, le sorcier ferma les yeux et se retint de vomir tant il ne s’attendait pas à être si vite confronté à de telles horreurs.
« - On va surtout appeler des renforts et vite ! »
Une pincée de Draven, une pincée de Fitzgerald , une poignée d’entrepôt et une dose d’humour. On obtenait quoi ? Clairement de la belle grosse merde comme celle où on venait de sauter à pieds joints. Il faut dire que j’aimais embêter les gens. Karl allait devoir apprendre à me faire confiance tout comme j’allais apprendre à faire équipe avec ce dernier. Bien heureux de notre petite escapade en amoureux sur nos belles chéries mécanique, j’étais un peu déçu du manque d’intimité et de la notion, un peu trop, protocolaire dont faisait preuve mon partenaire. Il n’était pas fait pour le Mexique mon petit copain. Il aurait sans doute chié dans son pantalon ou alors il aurait adoré. Pas de règle, peu de paperasse et de la tequila. Putain que ça me manquait ! La B.A.C.S. était trop protocolaire, mais j’avais un boulot à faire.
- Le mangeur de beignes ? Oh j’ai fait une petite barrière magique avec tout l’amour dont je suis capable. Je crois qu’il a fait un face à face avec cette dernière d’ailleurs. Il va s’en remettre.
Chacun nos méthodes et nos façons de faire. J’avais une sainte horreur de perdre mon temps avec des futilités. Bon, boire un Coca-Cola était nécessaire et j’avais soif. J’avais besoin de rester un minimum hydraté pour laisser les neurones bosser tranquille comme de grands garçons. Karl me faisait lever les yeux ciel en me demandant si je sentais. Il était sérieux là ?
- Ouais et malheureusement, je n’ai pas de Febreze sur moi pour t’aider mon trésor. Tu n’inquiètes pas pour la cavalerie, ils ne passeront pas ma super barrière sans s’en prendre plein la gueule.
Karl avait un haut-le-coeur. Je haussais les épaules et je continuais de regarder avant de faire des photos avec mon cellulaire. Je levais les yeux alors qu’il parlait encore de renforts. Je me retournais lentement vers lui.
- T’as peur de quoi ? Qu’un bout de foie séché te morde ? Qu’un coeur en décomposition te croque ta virilité ? Elle a pas l'air si grosse que ça. Appelle les renforts, moi je fais le tour. Y’a pas de danger. J’ai vu pire. Il n’y a pas de présence vivante ici.
J’avançais vers l’autel et je prenais des photos à nouveau. Je touchais le pentacle inversé. Le sang était sec et il n’avait pas été utilisé depuis un petit moment. Une semaine à dix jours selon ce que je voyais. Le sang avait une vieille couleur, mais il ne s'effrite pas. Je prenais ensuite un morceau de métal et je m’approchais d’un bouquin posé sur la table. Je l’ouvrais en utilisant la tige de métal. Hors de question que je touche un truc pareil à main nu ou que je lise à haute voix. Je n’étais pas un putain de chauve imbécile illettré.
- À vue de nez comme ça je dirais peut-être du voodoo. Les pratiquants alors adorent sacrifier des trucs. Je préfère veux de la Louisiane, ils ont quelque chose de plus féroce, mais bon. T’as trouvé un truc intéressant de ton côté ?
La nostalgie, pour une raison étrange, venait de l’assaillir. Il se mit à repenser à cette époque où il faisait le mûr avec Lyanna, où il n’avait peur de rien, où l’insouciance lui donnait encore des ailes. Attention, ne nous méprenons pas, Karl n’a jamais été un pleutre, bien au contraire, il était le genre de personne capable de prendre tous les risques pour une cause juste, cependant, il demeurait raisonnable et n’allait pas se jeter inutilement dans la gueule du loup sans avoir en amont préparé une amorce de plan. De toute évidence, Shawn procédait différemment et ne s’emmerdait pas à peser le pour et le contre. Fitz songea à la jeune Lily de cette époque folle, celle qui l’incitait innocemment à prendre des risques, à se lâcher un peu plus. « Se lâcher » voilà quelque chose qui faisait défaut à Karl depuis bien trop longtemps. Le sorcier consentit donc à observer les méthodes peu protocolaires de son acolyte qui ne s’embarrassait pas des bonnes manières pour arriver à ses fins.
« - Mais dis-moi, tu es toujours aussi décontract où tu cherches juste à m’impressionner ? » tenta-t-il mi-sérieux, mi-léger dans l’attitude. « - Si c’est le cas, il m’en faudra un peu plus pour conclure. » Une légèreté qui malheureusement ne put perdurer lorsque le tout jeune régent retraité, découvrit l’autel et les quelques entrailles qui le décoraient. Peu habitué à l’inverse de Draven, le compagnon de Lyanna ne put cacher son haut-le-cœur. L’odeur était insoutenable tout comme le décor sacrificiel qui inspira Shawn au point de prendre quelques clichés avec son portable tout en restant plutôt décontracté.
« - Je ne sais pas ce que tu as vu au Mexique pour rester impassible devant ça. » Pour dire vrai, il se sentait mal à l’aise et ridicule de réagir de la sorte, lui qui n’était que trop peu confronté à de telles pratiques. « - Si tu m’assures que ta super barrière magique va tenir le coup, je ne vois pas l’intérêt d’appeler des renforts dans ce cas. » Puis il passa outre son dégout et observa les lieux. « - Je pense effectivement à du voodoo ou du moins ils ont essayé. Les runes qui se trouvaient près du conteneur étant à l’envers, je paris sur des amateurs. Donc ce n’est sûrement pas Ombra qui est derrière tout ça. Et puis je ne vois aucune protection, pas de runes, de cristaux aux alentours. Juste une porte secrète qui mène à cet endroit. Je pense qu’on va devoir faire saisir tout l’entrepôt. C’est clairement un aménagement spécial et pour se faire, il faut avoir des pass droits ou des amis hauts placés. Qu’est-ce que tu en dis ? J’ai quelques connaissances sur Black Stone Street. Peut-être devrions-nous interroger les commerçants afin de savoir s’ils ont vendu récemment de quoi réaliser quelques rites voodoo. Mais avant tout, on doit faire sortir ces gamins d’ici. »
Proto-quoi ? Rien à foutre des protocoles et des procédures. C’était toujours de la merde et ce n’était pas comme ça qu’on arrivait à coincer les gros connards qui foutaient la merde. J’étais complètement relax en regardant les lieux. Il n’y avait rien de dangereux dans l’immédiat du moment que l’on ne touchait rien à mains nus. J’étais loin d’être un con. Je connaissais mon boulot. Je me mettais à rigoler alors que Karl parlait de mon niveau de stress qui était bien bas.
- Oh, je suis déçu. Moi, qui rêvais de faire des saloperies avec ta petite personne. Mais pour répondre plus sérieusement à ta question, oui je suis toujours aussi détendu dans ce genre de situation.
Je continuais de regarder les objets avant de regarder plus en avant un livre. Je prenais mon temps et je tournais les pages avec précaution sans les toucher avec mes doigts. Hors de question que je me chope un ami pour partager mon corps. J’avais déjà assez de ma personne à gérer.
- Le Mexique c’est quelque chose, mais plus tu descends vers le Sud et pire c’est. Rio, c’est quelque chose et la Colombie, je ne t’en parle même pas. Il y aurait un sacré ménage à faire dans ce coin-là et c’était mon boulot. La F.C.S. n’avait pas juridiction que dans un seul pays. Je me suis beaucoup promené en Amérique centrale et du sud. Crois-moi, ce qu’on vient de trouver ce n’est rien.
Des horreurs, j’en avais vu trop pour les compter. Des corps en décomposition, des bébés sacrifiés, des familles tuées et j’en passais. Il y avait vraiment des trucs horribles dans certains lieux. Karl observait et analysait les lieux avec moi. Je restais toujours aussi calme avant de regarder autour et de poser mon regard sur lui. Je balançais mon morceau de métal sur le sol sans prendre de précaution.
- J’adore les interrogatoires. Je sens qu’on va bien s’amuser ensemble. J’appelle le bus magique et on s’arrache.
Je remontais pour aller téléphoner. Je demandais un transport rapide pour les jeunes qui étaient présents. Il ne fallait plus qu’attendre. Deux fourgonnettes arrivèrent et je levais ma protection magique. Le gros bouffeur de beigne était toujours allongé sur le sol inconscient. Je m’approchais de lui alors que les jeunes montaient pour recevoir des soins. Je fouillais le mec après avoir mis mes lunettes de soleil. Je sortais son portefeuille et je regardais son identité. Une photo de son permis de conduire et de son adresse plus tard, j’allais vers ma moto en replaçant mon cuir. Je montais sur cette dernière en mettant le moteur en marche. Je le faisais rugir avant de parler à Karl assez fort à cause de bruit.
- Je te suis. On va aller discuter avec tes petits amis.
Je me mettais donc en route pour Black Stone Street. L’endroit avait mauvaise réputation, mais quel endroit ne l’avait pas au fond ?
Karl le savait, il lui faudrait encore un peu de temps pour que de telles scènes lui paraissent banales au point de ne plus s’offusquer de voir des organes ainsi présentés. L’ancien régent avait aussi compris – bien malgré lui – qu’il lui faudrait se défaire du protocole s’il voulait continuer à travailler avec Shawn, qui de toute évidence, était un bourrin aussi bien à l’extérieur, qu’à l’intérieur. « Au moins tu verras de nouvelles approches. » se permit Maze amusé de la situation. « - Il va falloir que j’apprenne à être aussi détendu à l’avenir » et moins procédurier. L’époque n’était plus la même que celle qui l'avait vu débuter. Et il avait compris qu'il pouvait aisément se muer en boulet s’il n’apprenait pas à s’adapter face au vieux briscard, rodé au terrain et à sa violence. Mais pour l’heure il fallait observer les lieux pour y glaner le plus d’informations possible, tout en faisant un peu la causette, histoire de peut-être mieux se jauger.
« - Je ne suis pas un grand voyageur, je vais donc me fier à ton expertise du terrain. Mais une chose est sûre, je n’irai pas en vacances au Mexique, sauf bien sûr si j’ambitionne d’avoir des problèmes. Donc du coup la F.C.S c’était quoi au juste ? L’équivalent de la B.A.C.S ici ? » Ce n’était pas juste pour faire la conversation, Karl était curieux et n’était pas de ceux qui amoindrissent aussi facilement leur curiosité et ce même lors d’une situation tendue. Cette attitude, en un sens, lui permettait de garder le contrôle. Il restait toutefois attentif à tout ce qui les entourait conscient que le danger pouvait se cacher dans n’importe quel recoin de cette pièce maudite.
« - J’avoue également apprécier les interrogatoires. On pourra jouer au gentil et au méchant flic comme ça. Du coup je te laisse appeler le bus magique. Il faut bien exploiter tes talents à leur juste valeur. » C’est donc sur cette dernière pointe d’ironie que le binôme quitta les lieux. Karl prit contact avec l’une des personnes en charge de l’extraction des jeunes. Il tenait à être contacté et avoir des nouvelles sur le suivi de ces pauvres gamins. Et pendant que les jeunes étaient escortés dans l’un des fourgons mis à disposition, l’ami Shawn se mit à fouiller le type venu « gentiment » les accueillir. Karl prit soin de remercier les divers collaborateurs avant de rejoindre son équipier qui avait déjà démarré sa moto., visiblement près à mettre les voiles.
« - Tu ne perds pas de temps toi ? Qu’est-ce que tu as chopé sur notre pote ? » A son tour, il fit rugir son fidèle destrier. « - On devrait creuser par là non ? Avant de rejoindre Black Stone Street ? » lui-même était obligé de parler plus fort pour se faire entendre. « - Alors qu’est-ce qu’on fous Draven ? »
Accueil 
