Pour occuper mes longues soirées, je n'ai pas toujours d'activités formidables données par la mafia, il arrive que je doive me débrouiller tout seul pour m'amuser et passer le temps. Mais heureusement, ce soir, je sais absolument quoi faire et qui je vais aller emmerder pour m'amuser ! Si les enfants sont faciles à terroriser, parce qu'ils croient à plein de choses et qu'ils n'arrivent pas toujours à démêler le vrai du faux, il arrive que certains adultes soient particulièrement amusants à effrayer parce qu'ils se laissent aussi particulièrement manipuler par leurs émotions et leurs peurs...Et parmi les quelques rares personnes matures à flipper leur race devant un croquemitaine, il y a la mignonne et adorable Eden la sirène...Ce n'est même pas ma faute si ça rime en plus !
Glisser dans les ombres de sa galerie n'est pas bien difficile, il suffit de me laisser porter par mon instinct et me voilà dans l'appartement. Il est tard, tout est noir, on entend le murmure de la ville au-dehors mais le bruit est largement étouffé par les murs et les fenêtres. Elle dort déjà profondément, mignonne et paisible. Mais ça ne va pas durer, oh ça non ! Je n'ai pas pris la peine de prendre mon apparence réelle, parce que ce n'est pas une enfant et que je ne vais pas la dévorer alors à quoi bon se faire mal pour changer d'apparence hein ? Je n'en ai qu'après ses peurs et ses rêves, pas après sa chair, elle est trop vieille pour ça...
Il ne me faut pas beaucoup plus de temps pour pénétrer ses rêves que son appartement. Ce n'est pas encore un endroit qui me plait, là pour l'instant, ça rêve d'océans, de poissons et de mammifères marins bizarres (non mais sérieusement, un mammifère sous l'eau, vous trouvez pas ça chelou vous...?), enfin tout ce que l'on pourrait qualifier de normal chez une personne comme elle. Son océan s'assèche peu à peu, la laissant perdue, au milieu d'un désert de sel...Seule, dans un monde sec et hostile, je sais qu'elle n'aime pas cela mais ce n'est qu'un début, un bien petit début...
Il est presque minuit, je viens de terminer une commande. Travailler dans le domaine de la mode est quelque chose que j'ai toujours aimé faire, surtout que je sais à quel point être vêtue d'un vêtement pour se balader sur terre est très important, le premier jour où j'ai mis pied sur terre, j'étais nue. Je ne me rendais pas compte que c'était dangereux pour une demoiselle comme moi de faire ça. Fort heureusement, je n'ai rien eu a part quelques regards étranges posés sur ma personne rien de bien grave. J'ai vite compris pourquoi on me regardait ainsi. Certes, j'ai volé de quoi me vêtir parce que je n'avais rien à me mettre et continuer à déambuler dans les rues, nu n'était pas idéal. J'ai donc fait le nécessaire pour ne plus me retrouvé dans une situation pareil. C'est ainsi que j'ai décidé d'étudier sur terre et de devenir styliste.
Je range mes affaires, ferme mon bureau, vérifie que tout soit propre, que les portes et fenêtre soit tout bien fermé
Une fois tout en ordre, je monte mes escaliers, je me prends une douche et ensuite je me mets en pyjamas et me glisse sur mon lit. Il ne faut pas longtemps pour que je m'endorme.
Je plonge alors dans un merveilleux rêve, je nage dans l'océan. Tout est magnifique, le corail a vêtu sa couleur orangée, les poissons clowns jouent avec ses racines. L'un d'entre eux vient même chatouiller ma peau au passage. Je ris, je heureuse. Mais quelque chose d'étrange se passe, peu à peu le poisson, disparaît, ensuite le corail et puis c'est autour de mon océan Je ne comprends rien à ce qui m'arrive, un sentiment de désespoir m'envahis. Je suis perdu, seule. Ce n'est pas du tout agréable. Je voudrais m’échapper mais je n'arrive pas. J'ai des frissons qui parcourt tout mon corps comme si quelque chose ou quelqu'un se cachait dans l'ombre. Je n'arrive plus à distinguer si c'est un rêve ou la réalité. Je pense que j'éprouve de la peur, la crainte de mourir déshydraté. Je me lève, difficilement et j'avance à la recherche d'un coin d'eau. Il faut que j'en trouve un... Il le faut ! Je tourne en rond comme si l'endroit ou j'étais n'avais ni queue, ni tête. Comme si j'étais dans un monde vide de toute vie. Je peux pas croire que ce soit vrai pourtant tout semble si réel et j'ai la trouille.
Je sens sa panique, à ma petite sirène, je sens qu'elle a peur et qu'elle ignore ce qui lui arrive, ce qui se passe autour d'elle. Son océan s'est mué en désert, en rien du tout, en néant dans lequel elle plonge sans comprendre. Je fais tout pour qu'elle heurte la dure réalité des choses, et par dure réalité des choses, je veux dire qu'elle tombe au sol avec violence, incapable de marcher peut-être parce qu'elle n'a pas de jambe mais une queue de sirène qui ne sert à rien dans un désert de sel. Peut-elle respirer sans être sous l'eau...? C'est un rêve après tout alors je suppose qu'elle peut, au moins qu'elle peut essayer, mais vu qu'elle n'a pas réellement besoin de respirer, ce n'est pas un détail si important que ça.
Eh bien eh bien ! On est perdu...? On ne peut plus marcher...? Qu'est-ce qui se passe ma petite sirène hein...? On est bien loin de son océan là, bien loin de son monde...Pauvre petit poisson hors de l'eau...
La voix semble venir de nul part, elle arrive à ses petites oreilles ou bien directement dans son crâne, elle est chuchotante, murmurante et s'insinue jusqu'à elle. La pauvre petite chérie, je sais qu'il n'en faut jamais beaucoup pour lui faire peur, mais est-ce que c'est pour ça qu'il faut faire le minimum ? Là je ne force pas encore beaucoup, je suis presque gentil, c'est juste un désert, rien de plus. Peu à peu, j'apparais, marchant vers elle sous ma forme humaine, pour venir me mettre à côté et la regarder du dessus.
" Alors alors...Comment va ma sirène préférée ? " lui demandé-je tout sourire. Ce n'est pas la première fois que je la visite, mais à chaque fois c'était en rêve. Enfin, en cauchemar. Cependant, elle doit bien être capable de me reconnaître, depuis le temps. Je m'assois sur le sol dur et blanc, en tailleur et la regarde en conservant mon grand sourire sur mon visage. " C'est dur la vie dans le désert hein...? "
Je n'ai jamais ressenti cela, une peur immense. C'est comme si vous étiez seule au monde et que plus rien ne pouvait changer. Je suis dans un monde que je ne connais pas, mon océan a été englouti et a été remplacé par du sable, non ! Attendez, ce n'est pas du sable, c'est du sel. Je suis entouré de sels. Étrange ! Comment du sel a pu atterrir ici, comment suis-je venu ? Je n'ai aucun souvenir de la façon dont je suis arrivé dans ce désert de sel. J'observe les alentours, je ne vois rien. Rien qu'un immense tas de sel et rien d'autre. Ce qui me surprends aussi, c'est que ma queue-de-poisson est toujours là ! Pourquoi, elle ne se transforme pas, pourquoi je n'arrive pas à avoir mes jambes. Si seulement je pouvais me réveiller de ce rêve où devrais-je dirais plutôt de ce cauchemar. J'en ai déjà fait, il me semble, mais pas aussi effrayant, pas aussi intense.
Je crie de me réveiller, je n'y arrives pas. Je me sens perdu, je voudrais avancer, seules mes mains s'enfoncent dans le sel et ma queue-de-poisson est héritée par le sel. Cet aliment absorbe l'humidité de mes écailles, je sens la chaleur m'envahir et une étrange sensation parcourt tout mon être. Doucement alors que j'essaye tant bien que mal de bougé, j'entends quelque chose, c'est un son. Je regarde à gauche, à droite, je ne vois rien. Je ferme les yeux un instant pour me concentrer sur ce murmure, j'écoute, j'essaye d'identifier d'où peut-il provenir. Je n'y arrive pas. Puis, soudain je m'aperçois qu'il provient de ma tête. Ce chuchotement traverse mon esprit. Je frisonne de peur, j'écoute cette voix sans rien dire. Que puis-je dire de toute façon ? Pas grand-chose, il faut que je sois prudente, que je reprends le dessus sur ma peur. Je continue à me concentré, à réfléchir. J'ouvre les yeux à nouveau et scrute le tas de sel dans lequel je m'enfonce. C'est alors que j'aperçois une forme, elle s'avance vers moi. C'est un homme, il est bizarre, son corps est couvert de tatouage et j'ai l'impression de l'avoir déjà vu, cependant je ne sais plus ou . Il se place face à moi, je lève mon visage vers le sien afin de plonger mon regard dans le sien. Il me demande comment je vais, que je suis sa sirène préférée ! Comment, ça ! Sa sirène ? On se connaît . Je voudrais lui répondre, aucun son ne sort. Je ne suis pas muette pourtant ! C'est peut-être dû a la surprise, à la peur . Sans doute. Je le regarde, il s'assied sur le sel tout en continuant à sourire et il me questionne.
Bien sur que c'est dur la vie dans le désert, surtout pour un être aquatique comme moi. Je garde pour moi mes pensées, en tout cas pour l'instant. Je vais jouer la prudence. La crainte que j'éprouve m'empêche de répondre correctement, je sors alors les premières choses qui passent par la tête. C'est ainsi que je prononce d'une toute petite voix.
Ce que j'aime, avec les cauchemars des gens, c'est de voir comment ils se mettent des barrières eux-mêmes, comment ils arrivent seuls à se mettre encore plus dans la merde. Même si je tisse des cauchemars où les rencontrer, je n'ai pas le contrôle absolu de ce qui s'y passe, je n'ai pas le contrôle de ce qu'ils pensent, de ce qu'ils vont faire non plus. Et voir ce petit poisson hors de l'eau est un régal, un délice de souffrances et de peurs comme d'ordinaire seuls les enfants peuvent me donner. Elle est presque aussi innocente qu'une enfant, c'est amusant à observer, amusant à constater mais je ne parviendrai sans doute jamais à comprendre comment elle peut être ainsi. Peut-être est-ce à cause de sa nature de sirène, peut-être sont-ils si gentils sous l'océan qu'ils ont encore une âme et un cœur d'enfant...Ou alors ça tient à elle particulièrement...Je ne saurais dire mais j'aime ça !
" Oh ma petite, bien entendu que l'on se connait...! Je viens souvent te rendre visite, je suis déçu que tu m'oublies à chaque fois... " commençé-je en souriant de toutes mes belles dents jaunies. Elle est tellement mignonne, un jour je crois que je vais craquer et finir par la croquer, le poisson frit, j'adore ça en plus, avec un peu de jus de citron, c'est divin. J'aime bien la voir se débattre, se faire des nœuds au cerveau pour essayer de comprendre qui je suis et ce que je lui veux. Ce n'est pas la seule à faire cela, souvent les gens ne comprennent pas ce que je suis ou ce que je peux bien venir foutre dans leurs rêves. C'est pareil avec elle bien sûr.
Je regarde sa queue commencer à se dessécher avec lenteur, peut-être qu'elle retrouvera bientôt des jambes, va savoir...Ce serait amusant. " Je suis Orion, tu sais bien, ton croquemitaine. Ça ne te revient pas hein...? " Je ris grassement, me penchant vers elle et avançant une main pour saisir doucement une mèche de ses cheveux et jouer avec. Ils sont doux, soyeux et ils sentent sacrément bon en plus. " Tu veux que je m'en aille hein ? Je le vois bien, tu voudrais faire disparaître ce cauchemar et moi avec pas vrai ? Malheureusement pour toi, ce ne sera pas aussi simple, ma petite sirène adorée... "
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