☾☾ Je suis définitivement trop vieux pour ce genre de conneries. Vraiment. J'ai 150 ans, pas 50... la nuance est importante lorsque l'on est un croquemitaine de mon âge. Je sais que ma fin approche, qu'un de ces jours un petit merdeux viendra prendre ma place et ce petit merdeux pourrait ne pas être mon fils. Je mentirais de dire que ma couronne ne pesait pas lourdement sur ma tête et mes épaules en ce moment, mais la vie de roi n'a jamais été facile peu importe la monarchie auquel elle est rattachée.
J'étais en plein collage sur mon mur lorsque j'entendais cogner à la porte de ma maison. Je lâchais mon cigare entre mes deux en lâchant un grognement avant de me diriger vers la porte d'entrée. J'avais horreur d'être dérangé sans avoir été avisé. J'ai un emploi du temps rempli : dormir, manger, fumer un peu, lire les journaux et classer mes fabuleux objets lumineux. Le tout, bien sur, en lavant chaque poignée de porte et en vaporisant du Lysol sur les objets avant de les manipuler. Les humains sont tellement dégoûtants et ne semblent pas s'améliorer avec les années. J'ouvrais la porte en gardant le loquet dans cette dernière. Hors de question qu'un inconnu n'entre chez moi. Dans le quartier les jeunes me nommaient : Le fou. Peut-être avait-il raison au fond. J'étais un vieux fou et surtout complètement dangereux. Je poussais un soupir de soulagement en voyant un de mes croquemitaines à la porte.
- Sainte-Marie-MÈRE-DE-DIEU Edgard ! Je t'ai déjà dit 854 fois d'appeler avant de te pointer ici.
- C'est urgent mon roi ... très urgent.
Je levais les yeux au ciel en grognant. Je le sommais d'attendre quelques secondes et je refermais la porte. Je retirais les quatre loquets présents sur la porte d'entrée avant de lui ouvrir. J'étais dans un peignoir bleu foncé à moitié déchiré, aucun chandail dessous, un simple caleçon noir et mes cheveux étaient en bataille. Je l'amenais dans la seule pièce de toute la maison qui ne soit pas encombrée par mon entassement compulsif : le salon des invités. J'allais directement dans mon fauteuil usé et laissais tombé ma vieille carcasse sans aucun ménagement. Je prenais la bouteille de gel hydroalcoolique pour la posée sur la table basse entre mon fauteuil et le grand canapé.
- Lave tes mains. Je sais pas où tu as traîné tes sales pattes dégoûtantes.
L'homme encapuchonné s'exécutait sans rien ajouté et levait les yeux vers moi avant d'ouvrir la bouche pour parler.
- Depuis quand n'êtes-vous pas sortie réellement ?
- Accouche que l'on baptise!
Je n’étais pas un homme patient. Ceux qui avait le plaisir de cotoyer régulièrement ma présence le savait parfaitement. J’étais furieux et je sentais mon instinct de croquemitaine prendre le dessus. L’envie d’éviscérer ce petit larbin était des plus tentantes, mais je me retenais en lavant mes propres mains avec le gel. Cette pièce aurait besoin d’une désinfection complète ensuite.
- Un des nôtres se fait trop … présent. Vous devez agir avant que notre présence ne soit révelé au grand jour. Il s’agit d’un nouveau dans le quartier qui était en Europe avant.
- Je vois de qui tu parles. Sors d’ici et ferme la porte derrière toi.
Le larbin partait sans rien ajouté. Les croquemitaines ont horreur de la présence des autres, mais nous nous devions de faire notre travail. Je me levais pour aller barrer la porte avant de me rendre dans ma salle des journaux des deux dernières semaines. Je n’avais pas terminé mon tri. Je commençais à fouiller frénétiquement. Disparition de 4 enfants et morts suspectes de 3 autres. Le fils de pute. Il avait osé manger à outrance et surtout dans mon propre quartier. Je remarquais une concentration dans la zone du Red House. Je ne pouvais agir seul. Certes, je devais appliquer la sentence et agir, mais je ne pouvais surveiller un quartier à moi seul. Je poussais un profond soupir. Je devais avisé le régent d’ouvrir l’œil. Conneries … Je me levais pour aller mettre mon habit de sortie : Un complet blanc avec de fines rayures et une chemise d’une couleur douteuse que m’avais offert ma femme pour lorsque j’allais à des réunions officielles. Elle aimait le paraître et moi, je m’en fichais.
C’est ainsi habillé et armé de mon gel hydroalcoolique,avec des mouchoirs de tissus dans ma poche interne de veston, que je faisais venir mon chauffeur. Je me rendais au bar avec un grand dégoût. Tout ces gens, tout ces … eurk. Je n’avais pas de mots suffisants pour décrire le dégoût qui m’envahissaient. Les germes et les bactéries qui polluaient ce genre d’endroit. Je sortais du véhicule pour entrer dans le bar et m’installer à une table au fond, un peu dans la noirceur. Je commandais une bouteille neuve et non ouverte de whisky avec un verre. Je payais la note avant de demander à voir le régent. Je ne me souvenais pas avoir croisé ce dernier. Je ne suivais pas vraiment ce qui se passait en dehors de mon petit cercle. Je prenais le verre avec un de mes mouchoirs et je nettoyais le rebord ainsi que l’intérieur en attendant ce fameux régent. Je disais régent, mais c’était peut-être une régente? J’avais déjà mal à tête avec tout ce bruit. J’allais avoir besoin d’un cachet d’aspirine plus tard.
Je suis encore jeune, mais j'ai l'impression que toutes les responsabilités qui m'incombent en tant que régent, m'ont vieilli plutôt que prévu en témoignent à présent mes tempes partiellement blanchies. Le moins, que l'on puisse dire, c'est que j'avais à faire ces derniers temps, assez pour nourrir mon appréhension pour preuve je dormais peu et j'avais délaissé le thé au profit du café, un arabica fort en goût de préférence, assez pour vous réveiller un mort. Un café que je me procurais là où quelques semaines plutôt, j'avais fait la connaissance de ce cher Albert. Une rencontre ma foi forte sympathique qui m'avait valu de goûter à l'un des meilleurs cafés du coin et tant pis si à présent, il me fallait traverser la moitié de la ville pour me le procurer. C'était un petit plaisir que je n'étais pas prêt à me refuser, plus encore lorsque je devais m'occuper de la corvée paperasse, l'un des aspects les moins attrayants du job de régent. Mais il fallait s'y coller et de toute évidence, je ne pouvais compter sur Matthew mon bras-droit, encore aux abandonnés absents. Soit, je me débrouillerai moi-même une fois encore. La chose étant informatisée, je n'aurais besoin que de mon ordinateur plutôt que de me coltiner l'un des gros classeurs que mon père utilisait jadis. C'est donc pourvu de mon mac dernier cri – on ne se refuse rien – que je rejoignis la salle déserte du bar, désertant de ce fait l'atmosphère trop feutré de mon bureau. J'avais besoin d'un peu de bruit et je pouvais compter sur les quelques employés déjà présents qui s'occupaient de redresser la salle.
Je pris place sur l'une des tables près du bar, légèrement à l'écart, mais qui me permettait d'avoir l'œil sur tout. Armé de mon ordinateur et de mon mug de café fumant, je pouvais dès lors commençait à trier les mails sans attendre. Une réunion était à prévoir dans les prochains jours et au vu de l'échange, plusieurs sorciers semblaient insister pour que nous rapprochions cette entrevue. « C'est encore cette histoire de disparition ? » Décollant mes yeux fatigués de l'ordinateur, je ne pus que constater l'efficacité du barman qui avait déjà fini de nettoyer l'imposant bar de notre établissement et qui se tenait face à moi à présent. « - Oui. Ils sont inquiets et ils ont de quoi. Certains estiment préférable d'avancer la réunion. Je doute que nous soyons capables de trouver des solutions malgré tout. » « Vous pensez à qui ? » « - A quoi plutôt ! J'ai eu un doute sur des vampires, mais l'attaque ciblée sur des enfants, ça ne leur ressemble pas. » « Pourtant, on dit que le sang des enfants... » « - On dit beaucoup de choses qui ne sont pas toutes forcément véridique. » Pratiquant la magie de sang, je pouvais aisément prétendre maîtriser le sujet « - Non les vampires ne sont pas forcément plus attirés par le sang des enfants que celui des autres. J'ai aussi pensé à des loups-garous, mais aucun corps n'a encore été retrouvé, ni de traces de sang. Les garous ne sont pas du genre, discrets. » « A quoi vous pensez ? » Sa question était légitime après un tel argumentaire, mais de vous à moi, je n'avais pour l'heure pas la moindre idée sur la nature du ou des tueurs, si tueur, il y avait.
Le barman souhaita bonne chance à son patron. De la chance, il allait indubitablement en avoir besoin dans cette affaire. Les premiers clients firent alors leur entrée, tandis que le régent achevait ses basses besognes administratives en triant les derniers mails qu'il avait reçu. Il s'apprêtait d'ailleurs à regagner son bureau avant que l'une des serveuses ne vienne le chercher. « - Oui ? » Elle lui fit savoir qu'un type étrange le demandait, appuyant sur le fait qu'il souhaitait s'adresser au régent. La demoiselle le désigna avant de repartir s'occuper d'autres clients. Karl posa discrètement son regard, sur l'une des tables du fond, la plus reculée et de ce fait la moins éclairée. Étrangement l'invité ne semblait s'en plaindre et s'apprêtait à déguster le Whisky qu'il venait de commander dans une bouteille entière. « Qui fais ça ? » se questionna Fitz en s'approchant prudemment de ce type qui n'était certainement pas un habitué. « - Bonsoir ! Vous m'avez demandé ? Je suis Karl Fitzgerald et vous êtes ? » Le sorcier n'était pas du genre méfiant d'ordinaire, mais cette fois, il se retrouvait face à un bien étrange personnage qui malgré son excentricité, ne lui inspirait aucune confiance. « - En quoi puis-je vous aider ? » demanda-t-il avec politesse, car il était de son devoir de régent et de propriétaire des lieux, de se montrer conviviale, et ce, malgré la méfiance suscitée.
☾☾ L’homme qui s’était avancé vers moi me fit sourire légèrement. Je reconnaissais cette odeur. C’était le fils de Arthur Fitzgerald l’ancien régent de Red House. Mes narines me trompaient rarement sur ce genre d’odeur. J’avais côtoyer le père à quelques reprises lorsqu’il dirigeait le Coven. Un homme particulier qui avait mon respect. J’ignorais ce qu’il était advenu de ce dernier, mais une chose était certaine, son fils dégageait une odeur semblable à la sienne. Il restait debout et je regardais autour de nous. Tout ne m’apportait que dégoût. Je parlais calmement. Ma voix était rauque à cause des cigares que je m’enfilais depuis des années. Adalberte me le reprochait souvent. Je deviens bien mourir de quelque chose non? La fin approchait et je pouvais le sentir. La mort de m’avais jamais effrayée. Ce qui m’effrayait, c’était de laisser les croquemitaines avec un dirigeant aussi lamentable que mon idiot de fils.
- Le fils Fitzgerald. J’aurais dut m’en douter. Assis toi mon jeune ami. Nous allons discuter un moment ensemble.
Je ne lui offrais pas un verre. Hors de question que les germes de ce sorcier se retrouve à toucher le précieux liquide. Une erreur de contact, UNE SEULE, et tout serait à jeter aux ordures. Je me craquais le coup en grognant. Ma forme de croquemitaine pouvait parfois resurgir en temps de crise. L’instinct prenait le dessus et l’âge n’aidait pas à mon contrôle. J’ouvrais la bouteille en prenant mon mouchoir pour dévisser le bouchon avant de remplir mon verre à demi. Je remettais le mouchoir de tissus dans ma poche avant de prendre une longue gorgée.
- Tu ressembles à ton père, mais je me demande jusqu’à quel point. Que devient ce bon vieux Arthur?
Je parlais de lui sans même savoir ce qu’il en était advenu. Il était partie et j’ignorais le pourquoi du comment. C’était le genre de chose qui ne me regardait aucunement. Je vivais dans mon propre monde et je me mêlais le moins possible de la vie autour de moi. Je regardais les journaux en découpant les articles pour en tapisser les murs de ma maison. Mes collages étaient lisses et parfait. Les photos de scènes de crime plus sanglantes les unes que les autres. Est-ce que j’étais une sorte de psychopathe? Difficile à dire, mais j’étais un prédateur dangereux.
- Je ne me suis pas présenter. Je suis Ypolite Saint-Yves. Mon nom te dit peut-être quelque chose ou pas. Quel est le tiens? Frank? Frederik? J’ai toujours eu de la difficulté à retenir les noms, surtout lorsque je n’ai jamais vu les personnes réellement.
J’aurais sans aucun doute dut ajouter : Quand je ne les ai pas observer dans leur sommeil lorsqu’ils étaient enfants. Douce , douce enfance bercée par l’innocence. Viens ici que je te croque.
Si Arthur Fitzgerald avait déjà côtoyé, d'une quelconque façon, ce bien étrange spécimen, c'était une première pour Karl, qui en quatorze ans de régence, n'avait encore jamais eu l'occasion de croiser sur sa route cet « homme » Était-il au moins un homme ? Qui était-il donc ? Car de toute évidence, il était quelqu'un et sans même savoir à qui il avait affaire, Fitz sentait au fond de lui, qu'il conversait avec une personne qui avait les moyens de se donner de grands airs, cela justifiait sûrement l'excentricité du bonhomme. « - Je suis effectivement le fils Fitzgerald et à ce que je constate nous nous connaissons, sauf si de là ou vous venez, le tutoiement est de rigueur » Il n'y avait aucune hostilité dans ses paroles, juste une pointe de curiosité. Karl ne se fit pas prier et obtempéra malgré tout. Il prit place face à son interlocuteur qui continuait à jouer de son excentricité. « - Je vous écoute…» Il marqua un arrêt se rendant soudainement compte que l'homme n'avait même pas pris la peine de se présenter. « - Loin de moi l'idée de vous offusquer, mais pourrais-je au moins savoir qui j'ai face à moi ? Car si de toute évidence, vous connaissez mon père, moi, je ne vous connais pas. » Par chance, après s'être enquit d'Arthur, l'homme consentit à « enfin » se présenter, espérant raviver la mémoire de Karl « - Je suis ravi de vous rencontrer Ypolite Saint-Yves, un nom atypique qui je l'avoue, me dit vaguement quelque chose » Il est vrai que ce nom sonnait étrangement, assez pour être familier, malheureusement pour Karl ça ne venait pas et de toute évidence, il n'était vraisemblablement pas le seul à avoir quelques problèmes de mémoire. « - Karl, je m'appelle Karl. Et pour en revenir à mon père, il est parti » La formulation n'était sûrement pas la bonne, mais que pouvait-il dire ? Était-il mort ? Vivant ? Captif ? Il l'ignorait et pour l'heure, le verbe partir était le seul adéquat pour donner des nouvelles qu'il n'avait plus depuis des années. Aux alentours, plusieurs personnes semblaient les fixer, laissant à croire qu'elles savaient à qui le régent de Red-House avait affaire ? Et au vu des regards lancés et échangés entre ces connaisseurs de la cause « Ypolitienne, »il était fort en parier que l'être qui faisait face à Fitz ne soit point un enfant de chœur. « - Une fois encore vous risquez de me prendre pour quelqu'un d'impoli, mais bien que votre nom sonne familier, je demeure incapable de me rappeler qui vous êtes ? Mais puisque vous avez sollicité ma présence en tant que régent, j'imagine que vous n'êtes pas un simple humain. Et vu l'expression qui paraît sur votre visage, j'ai comme l'impression que je suis à ce moment très précis, offensant. Vous êtes quelqu'un d'important, c'est évident. » Il l'observa un peu plus dans le détail en croisant les bras sur sa poitrine avant de faire signe à l'une de ses serveuses. « - Peux-tu me servir une bière s'il te plaît ? » La jeune demoiselle acquiesça avant de disparaître, laissant à nouveau, ces deux mâles alphas seuls à seuls. « - Hormis cela, que puis-je faire pour vous Ypolite Saint-Yves ? »
☾☾ Le fils de ce bon vieux Arthur n’avait rien à voir avec le paternel. Mon nom lui sonnait familier comme il s’était plu à me le dire. C’était une bonne chose pour le régent qu’il était. Généralement, les gens qui avaient un minimum de connaissance savaient que les Saint-Yves était une vieille famille puissante. Notre blason s’était décoloré avec le temps, en partie à cause de mon imbécile et incompétent de fils. Arthur ne semblait pas avoir eu ce problème avec le sien et c’était tant mieux. Je ne souhaitais pas ce genre de trouble même à mon pire ennemi… Ou peut-être que si en fin de compte.
Je buvais une gorgée du liquide ambré en prenant mon temps. C’était un véritable plaisir de boire cette chose qui n’avait que pour but que de nous embrouiller l’esprit. Je posais mon verre et je le tournais lentement sur la table en regardant Fitzgerald fils dans les yeux. - Que tu sois offensant n’est pas le problème, j’ai connu plus offensant que ta petite personne. Tu n’as pas à tant faire à ce sujet.
Il me demandait ce qu’il pouvait faire pour moi. Si seulement il savait à quel point les choses pouvaient être compliquées en ce moment. J’attendais que les oreilles de la serveuse soient hors de portées pour parler librement. J’avais horreur de me censurer c’était bien connu.
- Selon toi mon petit. Quelle est la pire créature qui existe dans ce monde? Ne te censure pas, j’ai horreur des gens qui mettent des gants blancs et ton père le savait parfaitement. Au fait mon grand … Je tutoie qui je veux quand je veux. Ne le prend pas aussi personnel, je me doute que tu es compétent sinon tu ne serais pas le régent de Red House. Au fait, sympa le bar...
Mon regard devenait mauvais et je grognais presque. Je sentais ma forme originelle vouloir prendre le dessus et j’avais moins de contrôle que dans mes jeunes années. Sans aucun doute à cause de la vieillesse et de la fin de vie qui approchait de plus en plus rapidement.
Dehors, la pluie commençait à tomber. Le bitume chauffé durant la journée par l'astre solaire omniscient, dégageait à présent une étrange odeur d'humidité. Le vent quant à lui n'éprouvait ni le besoin de se faire ressentir, ni l'envie de faire déferler sa colère sur les côtes. Mauvais présage pour certain, Karl y voyait là l'occasion de s'apaiser, si d'aventure, il pleuvait encore à l'issue de sa conversation avec l'excentrique qui lui faisait face. L'eau n'était pas son élément, il est vrai, mais le régent de Red-House, n'en demeurait pas moins sensible. Il lui arrivait d'ailleurs de se poser près d'une vitre les jours de pluie, d'ouvrir la fenêtre et de laisser le vent et les gouttes de pluie caressaient son visage tout en fermant les yeux pour permettre à ses autres sens de mieux s'épanouir. Aujourd'hui, toutefois, il faudra se contenter d'observer les gouttes d'eau glisser le long des carreaux et des quelques vitraux qui habillaient les lieux. Mais revenons à cette étrange personne, indéfinissable par nature, mais dont le patronyme semblait si familier aux oreilles de Karl, qui tâcha de rester diplomate pour ne pas froisser Saint-Yves, qui au-delà de l'excentricité, semblait connaître Les Fitzgerald, du moins celui qui précédait notre cher Karl. Leurs regards se croisèrent alors, un contact tout sauf agréable pour notre quadragénaire qui se demandait s'il faisait face à un allié ou un ennemi. Toutefois, il préféra ne pas rebondir sur le fait d'être ou pas offensant. Toujours est-il qu'il n'appréciait que très moyennement le ton de son interlocuteur, mais se garda de le faire savoir, toujours dans un souci de diplomatie et parce qu'il ignorait encore à qui il avait réellement affaire.
« - Bien ! Dans ce cas, je suis ravi de ne pas vous offusquer. » La conversation pouvait donc se poursuivre à bâtons rompus, même si dans le fond et saupoudré d'une patience et d'une diplomatie à toute épreuve, le fils d'Arthur Fitzgerald se demandait ce qu'il pourrait faire pour se rendre utile et certainement vite en finir avec l'odieux bonhomme. Il comprit alors que la présence des autres était de trop, la serveuse ayant pris en charge la table, l'avait elle aussi compris et préféra vite déguerpir pour que son patron puisse reprendre « les affaires » avec le nouvel arrivant. Karl ne releva pas ce détail, une perte de temps en somme et puisque Monsieur Saint-Yves s'étant décidé à parler, le régent de Red-House ne l'affubla d'aucune remarque et se contenta d'écouter ce qu'il avait à lui dire. « Mon petit ? Pour qui me prend-il ? » Mâchoires serrées, il lutta non sans mal pour ne pas faire entendre sa réflexion, histoire de ne pas vraiment offusquer l'excentrique. Toutefois, il ne quitta pas son regard et répondit sur un ton de défi, comme si tout d'un coup, il avait compris. « - Les pires créatures sont celles qui n'ont aucune limite, qui regardent le monde comme s'il leur appartenait. Vous cherchez à me jauger, n'est-ce pas ? Histoire de savoir à qui vous avez affaire. Je vais vous le dire! Je suis quelqu'un qui n'a pas de temps à perdre avec les élucubrations d'un type qui croit que tout lui ait dû. Nous allons aller plus vite, pour nous épargner une perte de temps. Dites-moi ce que vous êtes et ce que je peux faire pour vous, car de toute évidence vous avez besoin d'aide. » Le regard de Karl était mauvais et sa méfiance accrue, lui qui supportait difficilement qu'on se joue de lui, plus encore après avoir découvert ce qu'on lui avait fait subir durant des années. « - Alors, je vous écoute ! »
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