Les journées étaient difficiles lorsqu'elle n'avait pas l'esprit occupé et les nuits pouvaient se révéler pénible lorsque le sommeil ne venait pas la prendre dans ses bras. Le sevrage était une période compliqué pour elle qui n'avait jamais connu une telle quantité dans son organisme et expérimenter un tel manque était des plus douloureux, des plus déroutants. Elle faisait ce qu'elle pouvait pour occulter ce mal qui la rongeait, qui l'éprouvait autant qu'il pouvait éprouver Keon. Se plonger dans le travail qui étrangement semblait s'être diminué comme s'il souhaitait lui épargner de se fatiguer à la tâche.

Un élément qui l'avait perturbé quelques jours sans qu'elle ne réussisse à trouver la raison, avant qu'elle finisse par s'y habituer en passant plus de temps pour superviser Zachary. Des Jacinthes avaient même été placées dans son bureau, une attention plaisante tant elle aimait le parfum de ces fleurs. Mais ce qui finit par lui mettre la puce à l'oreille fut toutes ces attentions alimentaires qui lui étaient réservées à chaque fois qu'elle rentrait dans la demeure familiale. Amarante. Son aïeule, sa grand-mère. Peu importait les disputes qu'elles pouvaient avoir, qu'elles aient été futiles ou non, justifiées ou non, la jeune femme ne cesserait jamais d'aimer et d'admirer cette femme qui avait toujours tout donné pour sa famille. Couplé à sa volonté du meilleur pour les siens, il s'agissait d'un exemple qu'elle s'attelait à suivre sans toutefois oublier de vivre pour elle.

Ce soir elle devait se hâter, ne pas arriver plus en retard qu'elle ne l'était déjà et ainsi éviter de s'attirer de nouvelles foudre. Il s'agissait d'une demande importante de la matriarche et elle se devait de l'honorer. Il y avait plusieurs inconnues : qui seraient les personnes présentes ? quel était le plan ? Ses cheveux laissés longs depuis des semaines flottaient au vent alors qu'elle pressait le pas pour gagner la pièce dans laquelle elle pensait que tout le monde se trouverait. Lorsqu'elle arriva aux abords du salon elle vit tout d'abord Sigvard en train de siroter un Bourbon et l'ayant entendue arriver il darda sur elle son regard acier. Elle joua un peu nerveusement avec le pull noir qu'elle portait comme si soudainement le col roulé était trop serré, elle n'avait d'ailleurs pas oublié le mensonge qu'il lui avait servi afin qu'elle se retrouve en face à face avec son aïeule.

Les yeux de Damaris finirent ensuite de parcourir la pièce et un soupir manqua de quitter sa boucher alors qu'elle constatait que Gabriel était ici. Cela faisait des mois qu'elle ne l'avait pas vu et presque autant de temps qu'elle ne lui avait pas dresser la parole. La dernière fois qu'ils s'étaient vu était lorsqu'ils avaient travaillés l'un contre l'autre pour obtenir le poste de co-directeur du Lux. Elle plissa légèrement les yeux, pourquoi avait-il décidé de pointer le bout de son nez aussi loin de sa douce France ? Elle garda la tête haute alors qu'elle entrait dans le salon et elle fut accueillie par Amarante d'une étreinte qui fut trop brève pour qu'elle puisse pleinement la savourer, suivie par une simple question à la réponse difficile posée les sourcils froncés et des informations toutes plus étonnantes les unes que les autres.

- Nous allons bien, et toi ? répondit-elle avant de lui retourner la question. Ezéchiel Draven allait donc venir s'installer auprès d'Amarante ? C'était une surprise pour la jeune femme mais elle était sincèrement contente que son aïeule se soit enfin écoutée et qu'elle se laisse vivre sans craindre la perte. Elle lui adressa un sourire avant de jeter un coup d'oeil à son cousin. C'est dommage qu'il ne soit pas présent mais si c'est pour entendre radoter Gab', il ne manque pas grand chose ! Ce dernier soupira avant de croiser les bras sur son torse.
- Je t'emmerde, gamine !
Moi aussi, enchérit-elle avant déposer un baiser sur la joue d'Amarante et de se servir un verre d'eau, elle avait si soif.

Cela faisait longtemps que la jeune femme n'avait pas vu Gabriel son cousin et pour tout dire il ne lui avait guère manqué. Les piques lancées restaient amicales mais ni l'un ni l'autre ne comptait commettre le moindre esclandre ni se montrer des plus amicaux pour autant. Damaris alla prendre de quoi boire afin de satisfaire cette soif persistante qui la tenaillait tandis que son cousin faisait remarquer à quel point Ezéchiel rendait heureux leur aïeule. C'était pour le mieux et un véritable plaisir qu'elle se laisse enfin aimer sans craindre cette perte liée à cette humanité dont le sorcier était touché. Lorsqu'Amarante reprit la parole, la sorcière rouge fut momentanément surprise que leur matriarche car hormis les tartes tatin elle ne cuisinait jamais, cette surprise ce dissipa rapidement. Après tout sa grand-mère pouvait bien faire ce qu'elle voulait et se mettre à la cuisine quand bon lui semblait.

- Une part de quiche s'il te plaît, répondit-elle avant qu'Amarante ne la serve avant de se rasseoir. Ils entrèrent enfin dans le vif du sujet lorsque la matriarche leur demanda s'ils connaissaient la particularité des amphores de Salomon. Damaris qui se découpait un morceau de quiche, se stoppa momentanément dans son geste pour lever les yeux vers son aïeule pour ensuite observer son cousin et Sigvard. Cette question n'était pas à prendre à la légère car au vu du ton employé et de ce détachement dont elle faisait preuve en continuant à manger, il semblait certain qu'Amarante connaissait la réponse et que sa question n'était qu'un test.

Damaris reprit son geste puis elle pris cette bouchée alors que son esprit tentait de rassembler les recherches qu'elle avait pu faire concernant les démons Azazel et Asmodée. Le seul qui avait eu un lieu avait le mythique roi d'Israël fut le second. La sorcière termina sa bouchée puis elle bu une gorgée d'eau avant d'enfin apporter une réponse à la question.

- Très bonne quiche. Selon les Ecrits, Salomon détenait un sceau à même de contrôler et d'enfermer les démons, les éfrits et les djinns. Ces amphores servent, ou ont servies, à emprisonner un démon une fois scellées par la marque du Roi. Est-ce bien ça ?

Démêler le vrai du faux dans des livres Saints comme dans les légendes locales n'était guère une tâche aisée et pouvait prendre du temps. L'avantage de posséder une famille aussi grande que la leur était que les spécialisations étaient différentes, qu'ils vivaient tous plus ou moins aux quatre coins du globe et qu'ainsi ils pouvaient être les détenteurs de savoirs rares ou même perdus. Ainsi ce fut un ami démonologue d'Amarante qui confirma à cette dernière l'utilité des amphores de Salomon et la localisation de l'une d'entre elles. Un contact précieux et efficace.

Damaris hocha la tête en guise de réponse à cette information révélée par son aïeule. Les mouvements humains avaient toujours existés qu'ils aient été courts ou lointains, parfois certaines civilisations sans jamais se rencontrer pouvaient présenter des créations similaires. Mais l'inconvénient majeur était que les pillages et les découvertes déplaçaient parfois, si ce n'était souvent, de précieux objets surnaturels qui finissaient sous bonne garde à des centaines voire des milliers de kilomètres de leurs terres d'origine. Ainsi les recherches se révélaient plus périlleuses et longue pour ceux qui avaient besoin de ces objets.

La sorcière rouge mangea une autre bouchée de sa quiche tandis que son cousin émettait les premières questions qu'elle-même se posait. La sécurité humaine dans la cité papale était déjà forte de son corps de gendarmerie et de ses gardes suisses pour assurer la protection du Papre tandis que sur la place Saint-Pierre c'étaient aux carabinieri, la guarda di finanza et à la police italienne d'assurer la protection des pèlerins et des touristes. Un objet aussi important que l'amphore du Roi d'Israël ne pouvait décemment pas être exposé aux yeux de la masse dans le musée, des sorciers devaient effectivement garder les objets les plus importants dans des pièces tenues secrètes du plus grand nombre.

Elle releva les yeux vers son aïeule, comptait-elle réellement faire appel à Ornora pour un tel travail ? La jeune femme connaissait les grandes lignes de son histoire peu légale mais était-ce bien sage ? Sur le moment elle ne répondit pas à la question posée, non pas qu'elle ne s'en sentait pas capable mais bien parce que la balance bénéfice-risque était des plus déséquilibrées. Elle soupira légèrement d'une main légèrement tremblante elle se saisit de son verre et bu plusieurs gorgées avant de le reposer. A l'information révélée par Sigvard, elle haussa un sourcil. Il s'agissait d'un contact intéressant à exploiter mais encore un fois cela était bien trop dangereux.

- On ne sait même pas si cette amphore renferme déjà un démon, le découvrir à nos dépend pourrait être fatal... Elle reposa ses couverts puis regarda chacun d'entre eux, finissant par poser son regard sur Amarante. Il s'agit du lieu probablement le mieux gardé au monde, les compétences seules d'Ornora ne sauraient être efficaces et avoir seulement un gardien et un ancien cardinal est trop peu pour que cela soit fait sans le moindre dommage. Nous ignorons d'ailleurs où exactement est gardée l'amphore et quels moyens magiques ont été dressés pour prévenir ce genre d'intrusions.

L'entreprise était périlleuse mais elle exaltait la sorcière qui sentait bouillonner à l'idée de s'introduire au sein de la cité papale, en son coeur plus exactement. Bien que le fait de ne pas savoir ce que pouvait contenir l'amphore à leur arrivée, les moyens pour y accéder se bousculaient dans son esprit. Ce serait dangereux mais il leur faudrait d'être suffisamment nombreux et que cela soit qualitatif. Il était étonnant que son aïeule prenne le reste de s'y rendre elle-même mais peu importait, ils feraient cela ensemble et mettraient tout en ordre pour que le succès leur soit à portée de mains.

Elle fit part de ses doutes et fut étonnée par la première réaction que lui apporta Amarante mais bien rapidement la surprise laissa place à une colère froide. Azazel. Ce maudit démon qui semblait tant tourmenter Amarante. Les yeux bleus de Damaris se posèrent sur cette dernière. Tant de menaces pesaient, il fallait effectivement agir sans plus tarder puisqu'il semblait que les anges se moquaient des horreurs commises par leurs frères déchus et les enfants de Lucifer. Mais il y avait ce point qui dérangeait la sorcière autant qu'il pouvait susciter son admiration : l'amour qu'Amarante portait pour les autres.

Daiane Ishida. Elle se souvenait l'avoir régulièrement croisé au Lux lorsqu'elle venait faire ses représentations et elle avait disparu. Les enfants de la sorcières étaient venus demander de l'aide et Amarante s'en voulait d'avoir été plus intriguée par Azazel que de se jeter à corps perdu dans les recherches ? Damaris détestait les démons mais pour autant elle n'aimait pas voir son aïeule s'en vouloir pour des faits qui n'étaient ni de son ressort ni de sa faute. Pas un pervers le coupable, peut-être Azazel. Probable. Sigvard intervint et la sorcière rouge soupira légèrement, soulagée qu'il lui dise de cesser de s'en vouloir.

Amarante se reprit puis elle commença à répondre aux questions posée par la jeune femme qui écouta attentivement les réponses apportées. L'amphore était vide selon le démonologue mexicain mais il restait un part de négatif négligeable mais tout de bien présente. Un pour cent pouvait passer mais cinq... Soit. Un petit sourire étira momentanément ses lèvres à l'occasion de Keon, il n'était peut-être pas encore dans la meilleure des formes mais elle était certaine qu'aider dans cette affaire lui plairait.

- Je lui en parlerais, répondit-elle avant de prendre son verre afin de boire un peu.

La suite des propos de la matriarche provoquèrent une réaction non maîtrisée car surprise, Damaris avala son eau de travers et se mit à tousser plusieurs secondes avant de retrouver le contrôle. Des sorts pouvaient passer, elle étaient une sorcière et à même d'en briser. Un sphinx en revanche... non pas qu'elle doutait de sa capacité à répondre à des énigmes mais l'idée de se faire dévorer en cas d'échec amenait un certain sur les épaules.

- Les sphinx n'ont pas tous disparus ?! Ce n'est vraiment pas une mince affaire. Quand prévoies-tu que l'on s'y rendre exactement ?