Certains diront qu'il est coincé, d'autres que c'est un inadapté. Ici, l'image de Karl était faussée et il l'avait accepté sans chercher à se défendre. C'était une espèce de malédiction qu'il avait fini par accepter de porter. Il se fermait au monde, comme le monde se fermait à lui. Et socialement, sa vie ressemblait à un désert aussi aride que celui du Sahara. « - Ok d'accord, j'ai peut-être extrapolé encore ou pris aux pieds de la lettre tes paroles. Je vais retenir l'essentiel. Une mauvaise expérience ne doit pas conditionner nos choix à venir et les autres expériences qui ont découleront. Il faut que tu m'excuses. Je suis une sorte de Diesel en fait. Il me faut du temps pour comprendre, mais une fois que c'est remonté jusqu'en haut, après les péages, c'est dans la poche. » Ça, c'était fait, mais il lui restait une question à éluder et pas des moindres. « - Mes critères ? Quoi en termes de filles, tu veux dire ? Bah écoute, je ne me suis jamais vraiment posé la question en fait. C'est du feeling, il faut que je me sente bien, elle aussi. Que nous ayons de la conversation, qu'elle soit quand même un minimum intelligente, pas artificielle, honnête aussi. Et c'est tout ! Je pense vraiment que c'est une question de feeling. Et toi, quels sont tes critères ? » Il voulait savoir, sans trop se l'expliquait d'ailleurs, car d'ordinaire ce genre de futilités lui importaient peu, mais pas aujourd'hui apparemment.
L'échange devenait de plus en plus intéressant à mesure du temps passé ensemble. Karl était bien content de tromper sa solitude avec une aussi jolie demoiselle, intelligente de surcroît, audacieuse, juste ce qu'il faut pour la suivre et c'est ce que fit le jeune sorcier, plus intrigué que jamais. « - Qu'est-ce que tu ne me fais pas faire toi ! » Et il le faisait, sans rechigner, il était près à se plier à un jeu dont il ne connaît ni les règles, ni la récompense, enfin le gage est le terme le plus adéquat. « - Qu'est-ce que tu fais ? » En effet, la demoiselle semblait entretenir le mystère avec ce petit bout de papier sur lequel elle rédigeait quelque chose à l'abri du regard de son camarade qui avait accepté de ne pas connaître les termes du gage maintenant que les règles étaient établies. « - Non, tu joues sur les mots, c'est un gage, pas un pacte. C'est trop cérémonial le coup de pacte. Ok, j'ai compris, fais selon ta convenance, mais sache que je suis un sorcier de parole et que si je perds, ce qui n'arrivera pas, j'accepterai de me plier à ce pacte-gage sans rechigner » S'il savait. Pour l'heure, il devait se concentrer, pour ne pas perdre et accessoirement, pour ne pas lui faire boire la tasse.
« - Retire ce qu'il faut » lança-t-il sans réfléchir après que Lyanna ait formulé sa demande. « - Pardon ce n'est pas ce que je voulais dire. Je pensais aux chaussures avant tout. » Se rattraper aux branches était sa spécialité, mais pas là, pas aujourd'hui, pas avec elle qu'il prit le temps d'admirer lorsqu'elle retira ses chaussures. Comment en était-il arrivé à ça ? À sourire bêtement pour un rien, à se surprendre à la trouver magnifique sous cet angle, avec cette lumière, ce sourire, ce tout qui la constituait. « - C'est parti ! » répétait-il alors pour se défaire d'un enchantement qui n'en était pas un. Il prit une grande inspiration avant de croiser son regard. « - Au pire, je sais nager ! » tenta-t-il avant de faire entendre sa formule et voir Lyanna quitter le sol pour léviter au-dessus du lac. Malgré la réussite apparente le sorcier de sang resta concentré comme s'il l'eut s'agis d'une interrogation. C'était aussi l'occasion pour lui de briller et d'impressionner la jeune sorcière qui savoura l'expérience en toute quiétude avant de le féliciter de vive voix après avoir retrouvé la terre ferme. « - Ok autant pour moi, je n'avais jamais utilisé ce sort sur quelqu'un. » Il devait parler plus fort pour qu'ils puissent se comprendre puisque la demoiselle se trouvait à l'autre extrémité. « - Bon, tu me dois un gage maintenant ma belle ! » Mais rien ne se passa comme prévu.
À en juger par le gros « plouf » qui venait de se faire entendre et cette désagréable sensation qui venait d'assaillir tout le corps de Karl qui se rendit compte, bien malgré lui, qu'il était présent en plein milieu du lac, trempé jusqu'aux os. « - Ok, il fallait bien qu'un nous deux se foire ! » lança-t-il avec bonne humeur malgré le fait qu'il se trouvait à la flotte à se les geler. Se passant une main dans les cheveux avant de secouer la tête, le sorcier nagea jusqu'au rivage où il retrouva sa comparse. « - Lyanna zéro, Karl un non ? » Il tenta de récupérer le bout de papier qu'elle avait glissé dans l'une des poches de son jean avant le naufrage. Et c'est sans surprise qu'il découvrit un gage illisible, l'encre ayant bavé. « - On est bien avancé comme ça. Tu vas devoir me dire ce que tu avais écrit. Et si je ne m'abuse, ça fait deux gages non ? »
Lyanna n’aurait jamais pensé s’amuser autant en conversant avec Karl. A vrai dire, elle ne le connaissait pas du tout hormis quelques regards et les bribes d’échos qu’elle avait entendus sur lui et auxquels elle refusait de croire. Et à présent, elle découvrait une personne tout aussi charmante physiquement que moralement, plus encore que ce à quoi elle s’attendait, aussi la demoiselle était-elle agréablement surprise de ces échanges. Karl avait de la répartie et savait lui tenir tête, et elle se surprenait à adorer ça. Elle ne put retenir son rire en l’entendant se comparer à un moteur Diesel. Mais ce détail était bon à savoir : long à comprendre. C’était enregistré. Lily, elle, était perspicace. Ce qu’elle enregistra également fut le descriptif de ses critères en matière de filles, et elle s’estimait heureuse de pouvoir tout cocher.
- Je vois, répondit-elle, faisant mine de ne pas être plus intéressée que cela. Les miens ? Je dirais sensiblement les mêmes.
L’heure du challenge sonna et Lyanna se félicita du choix du gage quand Karl insista sur le fait qu’il tiendrait parole même sans qu’elle l’ait au préalable noté. Elle trouva amusant de le voir si plein de certitude quant au fait qu’il ne perdrait pas, lui qui à peine le challenge énoncé avait peur de ne pas en être capable. Preuve qu’il reprenait vite du poil de la bête. Alors qu’elle expliquait qu’elle préférait se défaire de ses souliers, la remarque de Karl la fit glousser, plus encore lorsqu’il se reprit.
- J’aurais peut-être dû prévoir un maillot de bain, au cas où. Tu crois que je dois retirer mes vêtements ? demanda-t-elle, espiègle.
Et puis Karl parvint à merveille à gérer le sort de lévitation sur un corps humain. Lily traversa dans les airs la surface du petit lac et arriva sans encombres de l’autre côté. Elle était fière de son acolyte qui avait accompli avec brio le sort, et… finalement bien contente d’avoir hérité de son gage, même si elle aurait bien aimé savoir si, comme promis, il aurait honoré sa parole de lui-même.
- Je vais te le donner, ton gage, lança-t-elle en criant entre ses mains pour que le son porte jusqu’à lui.
Et à son tour elle prononça une formule destinée à faire léviter Karl jusqu’à elle. Sauf qu’au milieu du lac, la concentration de la jeune fille dut être perturbée car l’adolescent fit un joli plongeon.
- Oh non !
Aussitôt, elle se précipita à sa rencontre et vint le repêcher, ayant de l’eau jusqu’au cuisses, pour l’aider à sortir.
- Excuse-moi, je suis désolée. Est-ce que ça va ? s’inquiéta-t-elle. Omnino siccum, s’empressa-t-elle d’ajouter en posant ses mains devant lui.
Instantanément, le jeune garçon fut de nouveau sec. Lily eut malgré tout le temps de savourer la vision des vêtements de Karl trempés collant contre son torse, ce qui lui donna plus encore l’envie d’en découvrir plus. Légèrement troublée à cette idée, elle se reprit lorsqu’il annonça le score.
- Je dirais même : Karl 2 – Lily 0. Eh oui, deux gages. Qu’est-ce que tu me réservais ? Non attends, ne dis rien, laisse-moi procéder à celui qui devait être le tien. Ferme les yeux.
Elle attendit qu’il obtempère puis s’approcha et se hissa sur la pointe des pieds, vu qu’elle n’avait plus ses petits talons pour la grandir un peu, et apposa avec douceur ses lèvres sur les siennes, espérant secrètement qu’il réponde à ce baiser. Son petit coeur s’emballait déjà tant elle avait espéré ce moment. Certes Lyanna était du genre à obtenir tout ce qu’elle voulait, faisant tout pour cela, mais cette objectif-là était tout de même bien plus coriace que le reste. Ses certitudes s’envolèrent, elle eut soudain peur qu’il ne le prenne mal… Peut-être était-ce trop direct comme approche ? Les doutes l’assaillirent en moins d’une seconde.
Dire que c'était l'éclate, semblait exagéré. L'éclate aurait été de s'éviter le plongeon et la température glacée du lac. Mais Karl y était tombé de bon cœur et n'en voulait pas à Lyanna de l'y avoir précipité à son insu. Néanmoins, s'il eut été question d'une autre personne (mal intentionnée de surcroît) il aurait été fort à parier que la réaction du jeune homme n'aurait pas été aussi enjouée qu'elle ne l'était présentement. Mais c'était Lyanna et il paraissait dès lors évident que Karl serait à même de lui pardonner beaucoup de choses. Il suffisait de voir le regard nouveau qu'il portait sur elle et l'attitude tout aussi nouvelle qu'il arborait en sa présence. En l'espace de quelques heures, il s'était considérablement ouvert et faisait montre d'une audace qu'il ne se connaissait pas. De plus, il tenait tête à la jeune sorcière et aimait le temps passé avec elle, se réjouissait d'avoir conclu un marché qui selon les thermes, lui permettrait de la voir tous les samedis. Naïvement, il espérait plus, mais n'osait pas le formuler de peur d'aller trop vite en besogne et de mettre à mal tous les efforts accomplis au cours de la journée. Pour l'heure, il devait sortir de l'eau et rejoindre le rivage à la nage pour éviter une utilisation trop excessive de la magie. Lyanna s'en voulait d'avoir échoué, mais certainement plus d'avoir mis Karl à l'eau alors que lui avait redoublé de précaution pour lui éviter le « bain de midi » D'ailleurs, la demoiselle se précipita vers lui, sans se soucier de l'eau qui montait jusqu'à ses genoux. « - Ce n'est pas grave, ne t'en fais pas. Elle était juste un peu glacée » Il avait la chair de poule, les cheveux plaqués sur le visage et chaque vêtement qu'il portait, lui collait à la peau à présent. La sensation n'était pas agréable, le sorcier continuait malgré tout à le prendre à la rigolade contrairement à cette pauvre Lyanna qui balisait déjà. « - Il n'y a pas mort d'homme, je t'assure » tenta-t-il à nouveau pour la rassurer alors que déjà elle s'empressait de poser les mains sur lui pour faire parler sa magie et ses connaissances. Une fois les mots prononcés, Karl senti une légère chaleur l'étreindre avant d'être complètement sec.
« - Ah bah finalement tu auras réussi au moins un sortilège, c'est mieux que rien. Je pense que toi aussi, tu en a besoin. » À son tour, il apposa ses mains sur elle et prononça la même formule qui permit à la jeune sorcière de se sécher elle aussi. « - Comme ça, on est quitte ! » La proximité troubla Karl, qui tentait maladroitement de le cacher, à coup de petits sourires avant d'énoncer fièrement le score. Car au final, le vainqueur, c'était lui et il se retrouvait exempté du moindre gage contrairement à sa comparse. « - Ah oui, c'est vrai que finalement, tu t'en tapes deux. J'ai gagné le gros lot ! » Il eut à peine le temps de faire entendre ce qu'il avait en tête pour son gage. D'ailleurs pour dire vrai, il n'y avait même pas pensé. Dès lors Lyanna prit les devants, car elle, contrairement à Karl, connaissait les enjeux de ce gage qui devait normalement lui être imposé. « - Attends ! Tu veux que je ferme les yeux ? » Ses vieux démons refaisaient surface. Ce n'était pas rien pour lui, elle lui demandait carrément de lui faire confiance et aveuglément qui plus est. L'hésitation venait donc de l'assaillir et il s'en voulait de ressentir cela, malgré le temps passé avec la jeune demoiselle. « - Ok ! » C'était sorti tout seul, sans que rien ne soit prémédité. Il fallait le faire, il le devait s'il voulait passer outre et avancer. Il prit donc une grande respiration avant d'inspirer longuement pour enfin fermer les yeux loin de se douter de ce qui l'attendait.
Une, peut-être deux, trois secondes s'écoulèrent avant que le jeune homme sente un souffle sur son visage, puis des lèvres sur les siennes. Il ouvrit aussitôt les yeux et vit Lyanna l'embrasser. Par réflexe et soumit à la surprise, il se détacha presque aussitôt. Le cœur battant promptement alors que déjà son regard s'ancrait dans le sien. Ça, il ne l'avait pas vu venir tout comme les incertitudes qui prenaient vie dans le regard de la jeune femme. Une fois encore, sans prendre le temps de réfléchir, il se laissa aller et combla la distance qui les séparait l'un de l'autre pour apposer ses lèvres contre les siennes et lui rendre le baiser qu'elle venait de lui offrir, avec douceur, sans précipitation et parce que dans le fond, c'était agréable, trop pour lutter. Ses mains se posèrent sur sa taille fine pour donner plus de force à l'étreinte et achevé de s'approcher pour mieux s'enivrer de la chaleur de l'un et de l'autre avant de quand même séparer leur bouche sans pour autant briser le contact visuel. « - J'espère que j'embrasse assez bien pour toi ! » ne put-il s'empêcher de laisser entendre. « - C'était donc ça le gage ? Que je t'embrasse ? »
Lyanna Johnston n’était pas du genre à échouer. L’échec n’était jamais une option dans ce qu’elle entreprenait de faire. Mais là, allez savoir pourquoi, ce sort de lévitation qu’elle avait pourtant déjà essayé sur divers objets pour s’entraîner et s’amuser, n’avait pas fonctionné jusqu’au bout, si bien que le pauvre Karl s’était retrouvé à boire la tasse. C’était peut-être un trop gros sort pour une jeune sorcière de son âge que de faire traverser tout le diamètre du lac à un corps humain. Elle se sentait malgré tout un peu honteuse de son échec, plus encore que ce soit Karl qui en ait pâti en se retrouvant immergé dans une eau aux températures plutôt désagréables. Aussitôt qu’elle le put, après être elle aussi entrée dans l’eau pour l’aider, elle le sécha avec un autre petit sortilège, espérant qu’il ne serait pas en colère après elle. Mais le charmant jeune homme continua à faire montre d’une bonne humeur exemplaire et se livra d’ailleurs au même sortilège de séchage pour retirer l’eau et le froid des jambes dénudées de la jeune fille.
- Merci, souffla-t-elle.
L’ambiance redevenait bonne enfant, Lyanna aurait deux gages à faire, dont un plutôt agréable vu qu’elle l’avait choisi et que dans tous les cas, elle était gagnante. Mais elle n’avait aucune idée de ce que lui avait réservé Karl. Elle préféra d’avoir s’acquitter de son « engagement » avant de l’entendre, et le somma de fermer les yeux. Face aux quelques secondes d’hésitation du jeune homme, elle se sentit un peu gênée mais bien vite, lorsqu’il obtempéra, elle reprit contenance. Ses lèvres ne touchèrent les siennes que deux secondes avant que le jeune homme, sans doute surprit, se recule. L’adolescente eut un court instant l’impression d’avoir commis une bourde. Pourtant, elle en avait eu si envie durant si longtemps. Mais ce chaste et furtif baiser n’avait pas eu lieu comme elle l’aurait espéré… Du moins, ce fut avant que Karl ne reprenne contenance à son tour et ne vienne sceller leurs bouches. Lily sentit son coeur s’emballer à nouveau, d’autant plus en sentant les mains du jeune sorcier sur sa taille. A son tour, elle glissa les siennes dans son dos et prolongea ce baiser qui devenait langoureux. L’instant était doux et magique, au sens figuré bien sûr. Malheureusement, toutes les bonnes choses avaient une fin et leurs visages se séparèrent pour mieux se faire face. Lily rouvrit les yeux pour les plonger dans les iris azurées du jeune homme qui lui demanda s’il embrassait assez bien pour elle. Elle ne sut que faire d’autre que hocher vigoureusement la tête pour signifier que oui. Il voulut donc confirmer le gage qu’elle avait écrit.
- Oui… j’ai… été inspirée par la discussion qu’on a eue. J’espère que… tu m’en veux pas ? demanda-t-elle avec un petit sourire amusé.
Si elle n’avait pas eu peur de trop lui en demander, elle aurait bien tenté de recommencer, mais elle craignait de voir anéantis tous les efforts qu’elle avait fait pour le mettre en confiance.
- Et toi, quel gage tu me réservais ?
Lily n’avait pas envie de rompre ce contact si agréable, les mains de Karl sur sa taille et les siennes dans son dos. Vu de loin, ils ressemblaient à un petit couple en train de danser. Cette idée amusa Lyanna qui espérait que ce serait le cas d’ici quelques heures à la soirée, la première de l’année scolaire. Elle était ravie aussi d’avoir un peu sorti de son quotidien « Karl l’ennuyeux » qui ne faisait jamais rien de fou, d’après ses propres dires. Au moins, il aurait quelque chose à raconter.
« - Je m'en voudrais de te voir tomber malade alors que tu essayais courageusement de me sortir du lac » L'ambiance demeurait bon enfant malgré l'échec du sortilège dont Karl fut la victime involontaire. En temps normal, il l'aurait très mal pris et aurait vu là, l'énième tentative d'un détracteur pour le mettre à mal. Sauf que cette fois, la détractrice n'en était pas une et il n'était pas question de jouer les victimes. Karl posa un regard bienveillant sur la jeune sorcière qui continuait à se confondre en excuse. Sa fierté en avait pris un coup certainement. « - La prochaine fois, pas de sortilège de lévitation hein ? » tenta-t-il sur un ton léger, sans animosité aucune. Il le savait, il y aurait forcément une prochaine fois, c'était gravé dans le marbre à présent. Par chance, il n'y avait ni piscine, ni étendue d'eau chez lui. Il pourrait donc échapper à un deuxième plongeon si d'aventure, ils se défiaient encore. Mais pour l'heure, Lyanna avait un gage à honorer. Et c'est là, presque à ce moment très précis, qu'il se produisit quelque chose qui à première vue laissait craindre un rejet pour la jeune Johnston, lorsque son compagnon d'infortune recula d'un pas après avoir senti sa bouche contre la sienne. C'en était fait, les dès étaient jetés. Le cœur de Karl loupa un battement lorsqu'il revint à lui. L'avait-elle fait ? N'était-ce pas une odieuse illusion ? « Arrête de te poser des questions Karl. Fonce, fonce, fonce ! »
Et il ne lui en fallut pas plus pour se ruer sur Lyanna Johnston et lui rendre ce gage qui n'en était plus un. Le chaste de baiser se mua en étreinte langoureuse que chacun savoura sans modération aucune, avant que l'air ne vienne à manquer. Le sourire de Karl redoublait en intensité alors que Lilly ouvrait les yeux. Bon dieu qu'elle était belle « et ce n'est que maintenant que tu t'en rends compte ? » « - Si je t'en veux ? La première année la plus populaire de l'académie vient de me rouler une sacrée pelle. J'aurai du mal à lui en vouloir après ça. » Ses mains étaient toujours sur sa taille et il ne s'offusquait pas de cette proximité bien au contraire. « - Je n'avais même pas réfléchis à un gage pour être franc avec toi. J'aurai certainement opté pour quelque chose de pas très folichon. Mais dis-moi, je me fais des idées où ce n'était pas seulement un gage ? Je t'intéresse au point de passer le test du baiser ? Et du coup maintenant que je l'ai à peu près réussi qu'est-ce qu'on fait ? Tu sais que tu vas aux devants de quelques regards de travers. Bah ouais, attends, je suis le type le plus populaire du bahut s'est connu. Tu vas en faire des jalouses ! » Il marqua un silence pour passer d'un état à l'autre, il lui en fallait bien ça pour reprendre son sérieux. « - Non plus sérieusement, il vient de se passer quelque chose, je ne peux pas le nier. J'ai juste une question. Pourquoi moi ? »
Il était si attentionné, Lyanna en fut touchée. Après tout, d’autres auraient très bien pu pester du plongeon et la maudire sans se soucier qu’elle aussi ait été mouillée en venant lui prêter main forte. Tout à son humour, Lily ne put réprimer une réponse.
- La prochaine fois, il faudra innover, sinon ce n’est pas un challenge dingue.
Et puis la réalisation du gage avait eu lieu. Karl avait fini par lui rendre son baiser, Lyanna n’en revenait toujours pas, mais elle était heureuse. Son regard s’était illuminé suite à cela. Elle était toujours face à lui, ses mains à sa taille, souriant presque de manière béate.
- Toujours est-il que je te dois un gage aussi. Surtout après un tel plongeon. Demande ce que tu veux.
Mais Karl restait sérieux, loin de l’insouciance apparente de Lily qui devait désormais avouer ce qu’elle avait sur le coeur.
- Bon, alors déjà, c’était pas un test, je ne fais pas ce genre de choses. Ensuite, est-ce que j’ai l’air de quelqu’un qui en a quelque chose à faire du regard des autres ? Je fais ce que je veux, je n’ai besoin de l’avis de personne. Je n’attends pas de toi que tu m’apportes ta popularité. Le fait est que tu me plais, Karl Fitzgerald. Depuis le jour où nos regards se sont croisés, pour être honnête, quelque chose m’a frappée. Aujourd’hui, j’ai passé une heure avec toi et cela m’a confortée dans l’idée que tu es quelqu’un de bien. Voilà, je l’ai dit : tu me plais.
A mesure qu’elle avait parlé, l’adolescente avait senti son coeur prendre une rythmique différente. La sincérité désarmante de ses propos la désarmait elle-même tant elle craignait qu’il ne la prenne pour une folle, ou qu’il lui rie au nez, ou qu’il li dise qu’elle ne lui plaisait pas.
- Alors… Karl, est-ce que tu veux bien sortir avec moi ?
Sa dernière question, tandis qu’elle était là le coeur battant à attendre sa réponse, la fit rire.
- Pourquoi toi ? Tu ne peux pas répondre simplement oui ou non ? Le pourquoi n’a pas grande importance, faut-il une réelle raison de se sentir attiré par quelqu’un, de se sentir bien avec cette personne ? Je passe une matinée vraiment agréable avec toi, et… j’ose espérer que toi aussi.
Un petit sourire vint éclairer son visage qui était redevenu sérieux l’espace d’un instant pour répondre au jeune sorcier qui lui plaisait tant et qui se trouvait à présent face à lui
- ça t’ennuie pas si on repart de l’autre côté pour que je remette mes chaussures ? demanda-t-elle
C’est qu’à être pieds nus, il commençait à faire froid et marcher sur des feuilles mortes n’était pas agréable.
- On pourrait continuer cette discussion autour d’un café au lait ? Au réfectoire il en reste toute la journée le week-end.
C'était comme le refrain d'une chanson d'amour. Doux et qui vous reste en tête sans que vous ne vous en offusquer. Le regard de Karl sur Lyanna n'était plus le même à présent et le garçon se laissait de ce fait, volontairement charmer par ce nouveau refrain qu'il se plairait à apprendre par cœur, juste pour faire durer la belle mélodie. Le baiser fut magique, mais sans la naïveté inhérente à ce genre de scène. Non ce n'était pas une magie futile, c'était quelque chose de fort, le genre que vous ne ressentez qu'une fois dans votre vie, deux avec de la chance. Il l'avait dit lui-même, il était un diesel et il est vrai qu'il lui en avait fallu du temps pour comprendre que Lyanna Johnston était amoureuse de lui et qu'à son tour, il se laissait emporter par Cupidon. « - Que je te demande ce que je veux ? » Joueur, il l'était, dans le choix des mots et dans le regard. Il savait ce qu'il voulait, mais n'osait pas encore le faire entendre. « - Je t'écoute ! » lança-t-il avec douceur avant que la sorcière n'entame le plus adorables de tous les monologues qu'il eut été donné d'entendre à son interlocuteur. Adorable, car d'une sincérité désarmante. « - Je peux être honnête ? Je crois que je l'ai ressenti, ce petit quelque chose dont tu parles lors du premier regard. Mais j'étais tellement méfiant à l'égard de tout le monde que j'ai préféré ne plus y penser. J'ai gardé ça dans un coin de ma tête. Et puis, je n'aurais jamais osé t'aborder. Tu es l'incarnation de la perfection Lyanna Johnston et il faudrait être le dernier des idiots pour ne pas être séduit. Mais ce que j'aime le plus c'est cette impression qu'avec moi tu es toi-même et sans concession. Et là, je me rencontre que c'est d'un cul cul » Mais il continuait à vouloir comprendre pourquoi la demoiselle avait jeté son dévolu sur lui. Peut-être était-ce une façon pour lui de se rassurer avant de donner une réponse à la demoiselle.
« - C'est vrai, tu as raison, parfois, il est inutile de chercher à comprendre. Il faut que j'arrête de me compliquer la vie avec toutes mes questions. Tout ça pour dire, que je passe certainement la meilleure matinée que j'ai jamais passé depuis mon entrée ici. Ca, c'est parce que j'aime être avec toi en fait. C'est con, mais j'ai l'impression d'être celui que je devrais être et plus Karlito la victime. Avec toi, tout devient possible. Je ne veux plus baisser le regard Lyanna, je veux me redresser. Je veux me faire des amis, sociabiliser quoi ! » Tous les garçons bavaient sur elle, mais aucun ne la regardait comme Karl la regardait à présent, et si la raison lui avait fait défaut, il se serait déjà rué sur elle pour l'embrasser à pleine bouche. La demoiselle elle, lui demanda s'il était possible de retrouver l'autre côté de la rive pour qu'elle puisse remettre ses chaussures « - Oui » laissa entendre Karl après qu'elle ait enchaîné sur la perspective de s'abreuver d'un café au lait au réfectoire. « - Oui Lyanna. » renchérit-il avant de la couper à nouveau. « - Oui rien ne me ferais plus plaisir que d'être avec toi et de prendre un café au lait. Mais surtout de m'afficher avec toi » Il lui offrit le plus beau de ses sourires avant de lier sa main à la sienne « - On va peut-être tomber à l'eau, mais au pire cette fois on sera deux ! » Il serra sa main contre la sienne avant de faire entendre quelques mots en latin. L'atterrissage était à retravailler, mais ils pouvaient se réjouir d'avoir évité un naufrage cette fois. « - Ça va ? » Il l'aida à se relever et ramassa la paire de chaussures qui se trouvait près de lui pour la tendre à la jeune sorcière.
« - Donc ça y est alors, tu vas devoir m'imposer à ta petite bande ! » Il se rapprocha d'elle à nouveau alors qu'elle achevait d'enfiler ses chaussures. « - Et si je réclamais le second gage que tu me dois ? Ça se pourrait qu'il soit question d'un baiser. Il faudrait que tu recommences, histoire que je puisse comparer, histoire d'être sûr de proposer le meilleur gage. Chez Fitz, nous avons le soucis du détail! » A mesure qu'il parlait, il achevait de se rapprocher « - C'est important la qualité du baiser, surtout quand on a vécu le traumatisme du crapaud baveux. Venez par là Miss Johnston, que l'on commence les corps très privés ! » Et à nouveau, leurs bouches se retrouvèrent avec joie et sans la pudeur des premières fois. La chasteté n'avait plus lieu d'être et à présent, place aux baisers langoureux et passionnés. Et c'est à bout de souffle et main dans la main qu'ils quittèrent les lieux pour regagner le réfectoire sous les regards des quelques rares résidents permanent. Karl s'en accommoda et suivi sa nouvelle petite amie vers la table la plus proche pour y prendre place. Il n'arrivait pas à y croire et se sentait pousser ses ailles. « - Tu sais, tu pourrais aussi venir chez moi le week-end sans devoir passer par l'excuse des devoirs maintenant qu'officiellement, je suis ton sorcier de copain. Sauf si c'est trop rapide ? Enfin, je veux dire que là, je passe du diesel à la formule 1, ça peut paraître brusque comme changement ! »
La jeune sorcière était rassurée, elle n’avait pas été repoussée par celui qui faisait battre son petit coeur, mieux encore, il semblait adhérer à ses propos. Son sourire ne désemplissait pas en l’écoutant parler de la réciprocité des regards et ressentis. Lyanna était aux anges et entendre Karl vouloir changer, se faire des amis et devenir plus sociable l’enchantait encore plus. - Je suis bien heureuse d’entendre tout ça ! lança-t-elle joyeusement en le regardant avec tendresse.
Karl usa encore de ce sortilège qu’il avait réussi avec brio pour les ramener de l’autre côté de la rive. Lily était admirative qu’il le réussisse deux fois, la seconde avec une personne en plus. L’atterrissage fut, par contre, assez chaotique, ce qui la fit rire aux éclats tandis qu’elle se relevait en faisant tomber les feuilles mortes qui s’étaient fichées sur sa robe.
- Au moins, on n’a pas plongé. Merci pour le voyage.
Un voyage effectué main dans la main, que demander de mieux. L’adolescente remis ses jolies chaussures, ravie de ne plus avoir les pieds à l’air, et reporta ensuite son attention sur ce beau garçon qui réclamait son gage. Le sourire de Lyanna s’emplifia tandis qu’il détaillait sa demande et se rapprochait. Ravie, elle ne se fit pas prier pour lui offrir un troisième baiser emprunt de passion. Elle sentit d’ailleurs des frissons la parcourir avant que finalement ils ne se dirigent vers le réfectoire, main dans la main.
- Tu es très loin du crapaud en tout cas. Quant à ma « petite bande », comme tu dis, je ne leur demande pas leur avis sur qui je décide de fréquenter. Chacun fait ce qu’il veut après tout.
Arrivée à la cantine, Lyanna se servit une tasse de café qu’elle agrémenta de lait d’amande et la saupoudra d’un peu de cannelle avant d’aller s’asseoir en face de Karl. Ses mains autour de la porcelaine, elle avait ses yeux rivés sur lui, faisant fi des regard des quelques camarades qu’elle avait l’habitude de voir le samedi matin aussi tard dans la matinée. Des lève-tard qui profitaient de la dernière occasion de prendre le petit déjeuner. La proposition de son nouveau petit ami la toucha, et acheva de la faire rire avec sa comparaison.
- Une formule 1 qui carbure au Diesel, c’est plutôt pas mal. Je trouve ta proposition adorable et ça me ferait vraiment très plaisir. Peut-être pas tous les week-ends, j’aurais trop peur de m’imposer à tes parents. Tiens, si tu veux je pourrais te montrer la maison des miens.
Elle porta la boisson chaude à ses lèvres, ravie de pouvoir se réchauffer un peu par ce biais.
- ça te va si on passe la journée ensemble ? Je veux dire… tu avais peut-être des trucs de prévus dans la journée ? Je m’en voudrais de t’accaparer mais… j’ai vraiment envie de passer du temps avec toi et de tout connaître de Karl Fitzgerald.
Un petit sourire orna ses lèvres avant d’être dissimulé par la tasse de café au lait fumante qu’elle tenait entre ses petites mains délicates.
- On pourrait faire d’autres trucs un peu moins dingues que de léivter au-dessus d’un lac, mais pour notre défense, il te fallait un truc vraiment fou à pouvoir raconter pour la postérité. Bref, on trouve toujours à s’occuper, pas vrai ? J’ai fini mes devoirs de la semaine, celui que je t’ai montré était le dernier à fignoler. Et toi ?
Lily était curieuse, c’était un fait. Elle se demandait d’ailleurs à quoi pouvaient ressembler les devoirs des deuxièmes années.
- Au fait, tu restes à l’internat aussi la semaine, n’est-ce pas ? Est-ce que toi aussi tu partages ta chambres avec deux autres garçons ?
Sachant qu’il avait quelques soucis d’intégration, elle se demandait s’il n’était pas trop maltraité la nuit. Elle voulait connaître l’identité des éventuels colocataires pour s’assurer de bien leur dire de se tenir à carreaux désormais, ou du moins bien afficher devant eux le nouveau statut de Karl comme étant son petit ami.
- Il faut que je te présente les miennes, elles sont vraiment cool, surtout Elisabeth.
La jeune sorcière termina sa tasse et profita que Karl aussi pour les ramener avec la vaisselle sale avant de revenir vers lui.
- Alors, qu’est-ce qu’on fait ? Si tu veux qu’on sorte, je vais juste déposer ma pochette dans ma chambre pour éviter de paumer le devoir avec tes précieux conseils d’amélioration. T’as qu’à venir si tu veux voir à quoi ressemble une chambre de filles.
Elle lui tendit la main pour l’entraîner avec elle et ils purent gravir les marches qui les menaient aux dortoirs. Lily sortit sa clé de l’une des poches cousues à sa robe et ouvrit la porte.
- Eh, j’ai une question : vous avez tous des familiers déjà ou pas encore ? Et est-ce qu’ils restent dormir avec vous ? Est-ce qu’ils viennent en cours ?
Lyanna était fascinée par les familiers et mourait d’envie de découvrir le sien. Elle referma la porte derrière lui et se rendit dans son secteur de la chambre, son lit était au milieu et juste à gauche se trouvait son bureau qui faisait aussi office de coiffeuse avec un petit miroir mural. Elle déposa sa pochette et se tourna vers Karl.
Il se sentait bien, comme jamais auparavant. Et dès lors, l'académie qui demeurait hostile, arborait en la présence de Lyanna Johnston, quelque chose de plus chaleureux qui le poussait à sortir de sa zone de confort, en s'imaginant sociabiliser avec les autres élèves. « - Et moi, je suis heureux de le faire entendre. C'est une étape supplémentaire. » Tout comme le retour sur l'autre rivage avec une formule qu'il semblait désormais maîtriser. D'ailleurs, il s'en félicitait intérieurement de peur de paraître trop arrogant alors que la demoiselle, avait loupé son enchantement. Il fallait avoir la victoire modeste pour l'instant. Mais de toute évidence, la meilleure élève de première année, au vu des éclats de rire qu'elle laissait entendre après l'atterrissage, ne semblait offusquée d'avoir failli, bien au contraire. « - Tu as quelque chose dans les cheveux ! » Il approcha sa main de la chevelure ébène et en retira quelques feuilles mortes avant de céder à son tour au fou rire. « - Certes, on n'a pas bu la tasse, mais on a légèrement dégusté sur l'atterrissage. Il faudra que je travaille là-dessus » Lui aussi était du genre perfectionniste et ne pouvait de ce fait pleinement se satisfaire de son exploit. Et tant pis, s'il devait prendre de l'avance sur le programme, c'était une question de principe, il voulait réussir sans fausse note, près à recevoir les louages de ses professeurs aux détriments de ceux de ses camarades qui préféreront sûrement le dénigrer. Il y pensait encore, alors qu'il avait promis de sociabiliser. Preuve que les mauvaises habitudes ont la vie dure.
Après un troisième baiser emprunt cette fois d'une passion qui ferait défaillir les plus prudes, le petit couple regagna le réfectoire pour se réconforter autour d'une boisson chaude. Karl opta pour un thé aux pommes, son pêché mignon qu'il agrémenta d'un peu de lait et d'une cuillère de sucre avant de suivre Miss Johnston jusqu'à leur table où ils se placèrent face à face, sûrement pour continuer à se dévorer du regard. Karl complètement conquit, passa outre toutes les étapes et proposa à Lyanna de venir chez lui le week-end. Il voulait au moins lui permettre de prendre un peu l'air et de la sortir de l'académie pour qu'elle puisse voir autre chose, et ce, malgré le fait qu'elle ne semblait s'en plaindre. « - Proposition adorable, mais... J'ai de suite senti la conjonction. Je t'assure que ce n'est pas un problème. Mon père s'absente souvent ces derniers temps et nous n'avons pas l'occasion de revoir fréquemment du monde. Donc on peut dire que c'est assez calme. Enfin, c'est comme tu veux, je ne te force pas la main. Je tenais juste à préciser que c'est moi qui t'impose et pas le contraire. Mais c'est comme tu veux. Par contre, je ne dis pas non pour découvrir la demeure des Johnston, sans vouloir m'imposer bien sûr » Il la taquinait encore et se surprenait à y arriver aussi facilement sans se sentir gêner.
À son tour, il porta la tasse à ses lèvres en prenant soin de souffler sur le thé pour qu'il soit un peu moins chaud en bouche. Lilly, comme il s'imaginait déjà l'appeler, voulait qu'ils passent la journée ensemble, sans rien imposer. Karl trouva la demande adorable, mais plus encore la façon de procéder de la demoiselle prête à accepter un refus s'il avait d'autres plans. « - Ce n'est pas tous les jours qu'une fille me demande de passer la journée avec moi, pour tout connaître de ma personne. Je pourrais y prendre goût, tu sais. Mais si je dis « oui » moi aussi, j'ai le droit de demander de tout connaître de Lyanna Johnston ? » Il la dévorait littéralement du regard tout en s'abreuvant de son thé à la pomme. C'était comme si le temps était enclin à ralentir pour leur donner l'impression qu'il n'y avait qu'eux et que plus personne ne comptait dès lors. N'ayons pas peur des mots, c'était magique ! « - Oui, c'est sûr que maintenant, j'ai de quoi me la raconter autant que toi qui glisses en chaussettes dans les couloirs. Je vais grave pouvoir frimer maintenant. On pourrait aussi faire des trucs encore plus dingues, comme sortir d'ici et ... Aller manger une glace. Je t'assure, c'est hyper rock'n roll pour la postérité. Là, c'est sûr, tout le monde va nous prendre pour de sacrés rebelles. Et tu sais ce qui serait encore plus rebelle ? De ne pas parler devoir pendant au moins une heure. Là, on aurait plein de trucs dingues à raconter pour passer dans la postérité. T'en dis quoi ? »
La parenthèse refermée, Lyanna demanda à son charmant interlocuteur comment se passait sa vie à l'internat en semaine. Une question qu'il aurait préféré ne pas entendre, car cela l'obligeait à repenser à quelques difficiles épisodes qu'il lui avait fallu supporter. « - Mouais... Au début, je partageais ma chambre avec deux types, leur nom m'échappe. Ce n'était pas des lumières. Mais ça va ! » Il préférait très clairement ne pas développer la conversation autour de ce sujet et espérait ne pas voir Lyanna insister. Elle évoqua alors ses camarades, avec lesquelles l'entente différait comparé à ceux de Karl. Il ne pouvait lui en tenir rigueur, comment aurait-elle pu savoir ? « - On se tire d'ici pour commencer » fit-il entendre avec douceur en débarrassant sa tasse et en acceptant de suivre la jeune sorcière « - Mais ça ne fera pas mauvais genre qu'un garçon se pointe dans votre dortoir ? » demandait-il naïvement tout en la suivant dans les escaliers. N'étant jamais venu par ici, le jeune sorcier prit soin de tout observer, curieux de tout, même de la décoration. Lyanna s'apprêtait elle à déverrouiller la porte avant que la curiosité ne reprenne le dessus sur un sujet, cette fois, plus léger. « - Oui, de ce que je me souviens, tout le monde a le sien dans ma promotion. Et pour ma part, non, le mien ne dort pas avec moi et ne vient pas en cours. Mais il n’est jamais très loin, je peux le sentir. » Il pénétra donc dans la chambre et prit soin à nouveau de tout observer avant de poser son regard sur Lyanna dont il se rapprocha aussitôt. « - Ce n’est pas un rêve hein ? Quand je me réveillerai demain, tout sera réel ? »
L’attitude de Karl changeait peu à peu, il semblait se détendre, s’apaiser et fut soudain plein de bonnes résolutions, ce qui plut à sa nouvelle petite amie qui elle aussi se sentait plus relax à présent qu’elle savait que le jeune sorcier acceptait de sortir avec elle. Quelques feuilles mortes retirées de ses cheveux plus tard, les voilà à la cantine à déguster une boisson chaude bien méritée après ces quelques exploits matinaux. Karl avait proposé à Lily de manière si adorable de venir chez lui le week-end, insistant sur le fait que son père s’absentait et que par conséquent, cela ferait plaisir à sa mère de voir du monde. La jeune fille en était touchée et hocha la tête timidement pour le coup.
- Alors c’est d’accord, je veux bien m’incruster des chez tes parents de temps en temps, mais uniquement si ta maman est d’accord et prévenue. Mes parents détestent quand j’impose des gens à la maison sans leur accord, alors je ne voudrais pas que ça crée des histoires pour toi. Quant à chez moi, eh bien comme ils sont à l’autre bout du continent, on pourra squatter la maison comme on veut, tant qu’on laisse tout comme c’était en repartant. Ils vont pas revenir avant les vacances de Noël pour qu’on soit ensemble.
Profitant de son petit café au lait à la cannelle, elle dévorait des yeux son nouveau petit copain pour qui elle fondait littéralement en secret depuis deux mois, l’écoutant lui répondre.
- J’ai une idée, si tu veux, on va s’amuser à se poser tout plein de questions pour mieux se connaître, et on n’a droit qu’à un seul joker quand on ne veut pas répondre.
C’est là que Karl la fit éclater de rire en proposant l’activité la plus folle qui ait été proposée par un adolescent : aller manger une glace. Elle prit ensuite un air sérieux, du moins autant qu’elle le pouvait avec l’amusement intérieur qui était le sien, pour lui répondre.
- Attends… tu parles d’une glace, genre crème glacée au café avec des petits grain à l’intérieur ? Et peut-être même recouverte de chocolat noir fondu ? T’es complètement cinglé Fitz, c’est un coup à nous faire interner, c’est sûr !
Elle se remit à rire avant d’avancer sa main sur la table jusqu’à saisir la sienne et y entrelacer ses doigts.
- ça me ferait super plaisir d’aller manger une glace avec toi, et même te l’offrir pour me faire pardonner la douche improvisée. Et même qu’on ne parlera plus de devoir jusqu’à lundi.
Curieuse, elle s’empressa de lui demander comment se passait sa vie à l’internat, mais comprit assez rapidement son erreur, sentant que Karl n’avait pas envie d’en parler. Elle oubliait un peu trop souvent que la sociabilité du jeune sorcier avait été assez chaotique jusqu’à présent. Elle se mordilla la lèvre inférieure, se sentant coupable de l’obliger à parler de choses qui fâchent, mais bien vite, il fut question de quitter le réfectoire et Lily entraîna Karl sur le chemin de la chambre qu’elle partageait avec deux de ses amies sorcières.
- Qui va le savoir ? Si je n’en parle pas et que tu n’en parles pas, personne ne saura qu’un garçon est venu. Et puis quand bien même, on fait rien de mal, pas vrai ?
Un clin d’oeil plus tard, les voilà à entrer dans l’antre de trois jeunes sorcières adolescentes. Lily posait des questions sur les familiers, cela l’intéressait et elle était assez pressée d’avoir le sien.
- Oh. Tu crois que tu pourras me le présenter ? Est-ce qu’il t’accompagnes quand tu rentres chez tes parents ? Je suis désolée, mes questions doivent te paraître idiotes.
La jeune fille déposa son petit dossier sur son bureau avant de retrouver Karl qui s’était aussi approché d’elle. Sa question la toucha et elle lui sourit avec tendresse.
- Je pourrais te pincer, mais je préfère t’embrasser.
Elle approcha alors son visage du sien avant de rompre totalement la distance et lui offrir un baiser empli de tendresse, laissant ses mains rejoindre les siennes pour que ses doigts s’entrelacent aux siens. Quelques minutes après, ses yeux plongèrent dans les siens. Ce bleu qui l’avait fascinée dès leur première rencontre le jour de la rentrée des classes, elle était déjà complètement sous le charme et savait qu’elle aurait bien du mal à s’en passer.
- Non, ce n’est pas un rêve, souffla-t-elle avec un sourire. Alors, on sort ? A moins que tu ne préfères rester ici ? Moi, tout me va.
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