Quel fils ingrat, grogna mentalement Stefano tout en ruminant l’acte de son fils contre lui. Il était dans une salle d’attente, attendant patiemment son tour pour rentrer dans le bureau de la psychiatre. Son fils l’avait amené dans cet endroit en lui disant que c’était une surprise et qu’il allait adorer l’endroit. Stefano avait pensé au McDo, à un parc d’attraction pour adulte qui s’appelait un bordel. Mais non, un psychiatre. Un foutu de psychiatre. Pourquoi ? Stefano n’était pas aussi fou que ça, tout de même. Enfin, la dernière bêtise avait été énorme mais c’était ça qui était drôle. Stefano avait fait une sacrée bourde mais tout de même, envoyer son propre père en thérapie pendant plusieurs années sous prétexte qu’il commençait à être flippant dans ses bêtises. Pourtant, Alessandro ne commençait même pas le tiers de ses frasques. Il regardait la décoration épurée tout en écoutant les dires complètements stupides du patient dans le bureau. Son pied tapotait un air de rock du groupe Queen. Il allait péter un câble et peut-être tuer son fils pour l’avoir emmené dans cet endroit. Tu parles d’une surprise, moi, je croyais qu’il allait m’emmener à Disneyland pour croiser mon héro préféré, le crocodile dans Peter Pan mais non, moi, je vais au psychiatre pour ma bêtise, rumina encore une fois Stefano en seulement 5 minutes de temps. Il attendait avec patience que le patient terminait sur ses angoisses stupides. Ridicule, dit une voix mauvaise dans sa tête. Finalement, les salutations polies avaient fusé et Stefano eut un soupire tandis qu’il se levait de sa chaise avec une énergie débordante, la faisant tomber dans un grand fracas bruyant. Le patient sortit du bureau, un regard effrayé et nerveux. Un sourire mauvais étira les lèvres de Stefano tandis qu’il ramassait la chaise d’une manière nonchalante.

Stefano avait un regard provocateur, poussant de son épaule, l’ancien patient avant d’entrer dans le bureau, un sourire narquois aux lèvres face aux yeux nerveux du patient qui n’aimait pas les bruits soudains comme avec la chaise. Il vint à se vautrer dans le canapé, regardant le plafond d’un blanc nacré.

-Wow ! S’exclama-t-il. J’ai cru qu’il n’allait jamais partir, il parle trop sérieux. Je vous tire mon chapeau pour l’avoir écoutée, moi, je lui aurais déjà broyé la tête dans la table basse. Hé, vous avez des bonbons ? De l’alcool ? Un truc à manger ? Je meurs de faim, commença-t-il sans la saluer avant de se relever et de parcourir la pièce avec ses mains fouineuses.

Une envie subite qui lui prit pour se sentir en sécurité et tout simplement parce qu’il commençait à s’ennuyer. Il se retournait rapidement, un truc étrange dans les mains, vers la psychiatre.

-Vous portez quoi sous vos vêtements ? Hé, vous avez un chien ? Demanda-t-il curieux mais une envie de se sentir plus confiant pour parler à quelqu’un.

Il allait au moins essayer pour son fils de bien faire, pour la première fois, pour une fois. Il allait le faire bien et peut-être que ses efforts seraient reconnus et avoir une surprise.

-On pourrait aller à Disneyland ? Je veux aller voir le canard qui parle, comment il s’appelle ? Demanda-t-il d’une manière frénétique.

Parler de ses émotions, de ses sentiments. Un concept bien trop moderne pour le vieil homme qu’il est.

Stefano était nerveux à ce moment et commençait sérieusement à trouver un moyen de faire mal à son fils pour l’avoir amené ici. Son indulgence et sa culpabilité avaient permis à son fils de se mettre en position de force face à lui. Maintenant, il se trouvait là avec une inconnue qui avait un doux visage et des yeux bleus dont la lueur semblait amusée et rassurante. Il avait l’impression de voir un ange avec ses cheveux blonds dorés qui tombaient sur ses épaules. Magnifique et délicate, il pourrait en faire son 4h, très facilement. Malheureusement, il voulait tout faire bien même si c’était de se mettre dans une position délicate face à un humain. Une image peu plaisante lui vint à l’esprit tandis qu’il touchait à tout dans son cabinet. Les boules de relaxations, les objets fragiles que sa force pouvait broyer en une seule seconde. Cette image représentait la scène qui allait se passer à cause de son fils. Un chat qui se soumettait à une souris, lui racontant ses secrets pour mieux s’en servir contre lui. Peut-être qu’il pouvait la rendre folle avec ses histoires sans queue ni tête. Il vint à jongler avec deux objets tandis qu’il réfléchissait à comment ne pas se rendre plus vulnérable qu’il est déjà. Stefano voulait se faire pardonner, bien faire les choses pour qu’ils redeviennent une famille comme avant. Il semblerait que cela soit impossible mais il voulait essayer pour la santé mentale de son fils qui commençait à être énervé par ses conneries.

Il fallait comprendre Stefano. Il avait plus de deux milles ans. Il a parcouru le monde entier, connu des civilisations qui s’étaient effondrées tandis que d’autres émergeaient. Il a vu un tas de choses, des cataclysmes, des guerres, des famines, des épidémies, de la joie, de l’amour. Tant de choses qu’à ce jour, il s’ennuyait un peu. L’homme n’était plus un guerrier féroce mais un chaton qui se lovait dans son canapé après une dure journée passée dehors. Ils ne criaient plus vraiment à la révolution, à la famine qui les rongeait. Alors Stefano s’était adapté mais s’ennuyait férocement. Il ne pouvait rien raconter de ses périples à part aux vampires mais certains avaient vécu cela, avaient vu les mêmes choses. Ce n’était pas charmant. Le vampire de deux milles ans fixait la belle blonde en jugeant. Au pire, il pouvait lui raconter, ce n’était pas aussi pire que l’homme qui avait peur des gros bruits suspects. Peut-être même qu’elle en serait fascinée ou apeurée de voir sa folie, son ennui dans ce monde.

-T’es une aliéniste, c’est ça ? Demanda-t-il amusé. Tu peux m’appeler comme tu veux, trésor, ajouta-t-il sur un ton charmeur avant de s’allonger sur le sofa, un objet en porcelaine dans sa main qu’il faisait tournoyer.

Il le lançait tout en le rattrapant, lançant des regards de temps à autres à la psychologue. Une envie furieuse de mordre quelque chose pour sentir le doux liquide chaud dans sa gorge, cela le rassurait.

-Vous avez de l’alcool ? De la drogue ? Des médicaments ? Demanda-t-il. Oui, je sais pourquoi je suis là, j’ai merdé et mon fils m’a trahi en m’envoyant chez vous en disant que je suis fou pourtant c’est lui qui a des œufs dans son lit, le matin au réveil. Il se prend pour une poule car il jacasse beaucoup même si je lui ai dis de fermer son bec à ce rabat joie. L’ennui, je ne me souviens pas de la connerie, elle doit être énorme. Bon vous voulez savoir quoi ? Continua-t-il pensivement tandis qu’il prit un biscuit et le fourra dans sa bouche.

La psychologue n’était pas drôle. Elle prenait tout avec le sourire et même une certaine gentillesse. C’était étrange de voir cela. Généralement, Stefano avait déjà réussi à énerver quelqu’un et était prêt à lui en mettre une pour avoir osé sortir de telles injures. Le vampire préférait voir quelqu’un énerver contre lui plutôt quelqu’un de gentil. Stefano n’était plus habitué à trouver quelqu’un qui ne s’énervait pas face à ses blagues et qui restaient ainsi, le sourire aux lèvres. Elle était étrange de voir quelqu’un ainsi. Etrangeté signifiait pour lui de rester méfiant face à la personne. C’était déstabilisant de voir cela. Stefano en était dérouté et se demandait si son fils avait compris que cette psychologue allait le rendre confus face à ce comportement digne d’un ange qui veillait sur un petit humain. Il n’avait pas dis son dernier mot. Tout en se méfiant, Stefano allait jouer la carte de la provocation pour la faire sortir de ses gonds.

-Et si je souhaite t’appeler trésor ? Ce n’est pas comme si je t’appelais ma poulette chicken nugget non ? Rétorqua le vampire avec un sourire un peu carnassier avec un air provocateur pur.

Il fallait qu’elle s’énerve contre lui afin que tout le monde rentre dans le normal, son quotidien qui était que des hurlements et des rires idiots de sa part.

-Donc une aliéniste ? Insista Stefano avec un ton méfiant. De plus, je ne veux pas que vous m’enregistrez si vous voulez que je parle, ajouta le vampire en lançant un regard vers le dictaphone.

Il croisait les bras sur le sofa tandis qu’il jetait un regard mauvais vers le dictaphone. Il n’aimait pas être écouté comme ça lorsqu’il parlait de quelque chose de personnel. Il attendit patiemment que la jeune femme le coupe pour parler. Il préférait de ne pas prendre de risque concernant cela.

-Je ne sais pas, une connerie sans doute. Il y a des panneaux stop arrachés un peu partout dans la ville ? C’est moi ça ? S’il y a des gens à poil qui se soupçonnent d’avoir eu des relations étranges avec un homme ? C’est moi aussi. Enfin, peu importe, répondit-il avec un petit air de mauvais garçon qui se délectait de sa blague. Vous savez, une fois, j'ai couché avec un quaterback dans des douches du vestiaire, c'était marrant, les petits couinements qu'il faisait, ajouta le vampire avec un petit rire.

Il regardait la douce petite blonde qui le fixait, l’étudiant. Courage, ma petite. Je suis ton pire cauchemar, pensa-t-il. Stefano était un homme qui avait vu le pire de chez les êtres humains, de meilleurs chez certains. Il avait vu des villes se construire, devenir les plus belles avant de tomber en disgrâce. Il avait vu les guerres, la connerie humaine et leurs cruautés par-delà les époques. Selon lui, il n’était pas étonnant que les anges les aient abandonnés. Cependant, il était mal placé pour juger les humains. N’en avait-il pas été un ? N’avait-il pas péché ? Il était comme eux mais avec une durée de vie beaucoup moins éphémère et à une mémoire qui flanchait beaucoup moins.

-Pourtant, vous en êtes un avec votre teint de porcelaine, votre jolie voix, vos magnifiques cheveux blonds et vos yeux bleus. De plus, j’ai oublié votre nom alors on fait comment ? Demanda-t-il avec un petit sourire adorablement énervant.

Il allait tuer son fils, c’était sûr. Pourquoi l’avait-il amené ici en prétextant qu’il l’emmenait quelque part. Un traître, son fils. Il avait sans doute parié sur le mauvais cheval. Ariane aurait été meilleure avec son père.

-Mon fils, mon traître de fils qui m’a trahi en m’envoyant ici en disant que j’allais dans un parc d’attraction. Tout ça, parce que sans faire exprès, j’ai cramé un de ses affreux costumes, couleur caca d’oie qu’il allait présenter lors d’un défilé. Ce n’est qu’une vengeance dont on est tous les deux les victimes et plus vous. Alors à votre avis, doit-il être avec nous ou très loin de moi ? Parce que je précise, j’ai l’air calme mais en vrai, je bouillonne de colère, déclara-t-il en regardant le plafond d’un air absent mais dont la sincère se faisait entendre dans sa voix.

Il se racla la gorge avant de s’asseoir, croisant les doigts devant lui comme un homme d’affaire sur le point d’exposer son idée.

-Ce petit con n’a fait que de me trahir sous le prétexte que j’ai fais quelque chose d’horrible, et ça, il y a plus de 2000 ans, à Athènes, déclara-t-il.

La psychiatrie, ce n’était pas son truc. Comment une personne pouvait comprendre une autre sans véritablement la connaître. C’était impossible. Le passé ne résume pas une personne, pas plus que son présent mais les actes le faisaient. Les grands actes plus que les bêtises. Des actes qui ne se faisaient pas tous les jours mais qui faisaient ressortir le meilleur comme le mauvais dans leurs cœurs. Par exemple, il fallait prendre le cas de Stefano. C’était un vampire qui faisait des conneries, des grosses, qui riaient, qui étaient sadiques et mauvais mais pour son fils, il ferait tout pour qu’il ne lui arrive rien. Il le protégerait plus que tout. Stefano n’arrêtait pas de le critiquer mais ce n’était que des paroles en l’air. Stefano cachait ses véritables sentiments envers lui derrière des bêtises et des sarcasmes. Avait-il l’air de l’adorer en parlant de lui ainsi ? Non. Il était devenu bon pour intérioriser ses véritables sentiments envers quelqu’un. Excellent même. Le vampire regardait le psychologue d’un air hagard.

-Mouais, déclara-t-il simplement à la requête de la psychologue.

Il se sentait d’un seul coup nerveux en avouant qu’il avait plus de deux milles ans et une certaine exaspération contre son fils. Il allait se venger de cette histoire et Ambrosos allait vite comprendre que Stefano ne rigolait pas en matière de rancœur, c’était même dans leurs gênes.

-Ma séance d’aliéniste, c’est sa vengeance car j’ai brulé un truc hideux de sa collection. Non, sincère, j’ai bien fait. Oui, j’ai deux milles ans, et cesses de faire genre, t’es une créature surnaturelle, non ? Bref, tu veux entendre mon histoire ou me donner des cachets, répondit Stefano, un sourire en coin.

Il n’était pas sûr mais il avait senti une créature surnaturelle dans l’établissement. Cela devait être elle, à son humble avis et au pire, il fera tout pour qu’elle oublie. Pour le moment, il n’avait aucune envie de parler de son histoire mais les cachets, il était plutôt d’accord. Stefano tendit la main, un air plus enjoué et enthousiaste.

-Je veux des cachets, pleins de cachets ! S’exclama-t-il comme un enfant devant des bonbons.