La vie suivait son cours au sein de la cité des anges. Une vie bien trop lente à ses yeux de vampire hyperactif qui avait bien trop vu de ce monde. Il aimait Los Angeles d’une manière qu’il ne pouvait expliquer. Ici, la vie était trépidante et remplie d’interdits tentateurs. La cité des anges ne semblaient pas vraiment bien portée son nom à ses yeux. Elle était remplie de vices, de péchés dont Stefano s’en abreuvait avec délectation. Elle était plus calme que Las Vegas qui était l’antre du diable pour les religieux mais LA avait quelque chose de spécial, quelque chose d’énigmatique. Un mystère palpable qui faisait perdre la tête aux humains et leur faisait croire un tas de choses impossibles. Etait-ce l’espoir qui électrifiait l’air de cette ville ou tout simplement la folie ? Stefano ne le savait mais penchait plus pour son second choix. Après tout, même lui, le vampire de deux milles ans se satisfaisait de cette folie décadente mais contenue par les humains qui généralement finissaient très mal. Los Angeles lui rappelait étrangement Athènes dans son temps de gloire. Stefano se souvenait de l’odeur fruitée mélangée à l’air iodé de la mer, de ses après-midis à prier Athéna et des jeux violents. Tout était comme LA, décadence et retenue. Joie et peine, espoir et désespoir. Une ville tranchée par deux extrêmes dont le monde la regardait avec de grands yeux ébahis.  Peut-être était-cela qu’il aimait par-dessus tout ou la promesse silencieuse d’un possible pardon de son fils ? Peut-être qu’il aimait simplement être là pour le climat et l’ambiance qui lui rappelait ses jeunes années en  humain, dans une époque où tout était plus simple, plus délicat et moins trépidante.

Les mœurs, les changements de l’histoire avaient finalement rendu le monde encore plus dingue mais plus trépidant pour lui. Il découvrait de nouvelles choses tous les jours surtout en matière de drogues et d’alcool. En cette belle soirée étoilée, Stefano était d’une humeur philosophe ou était-ce la vodka à 95° et la drogue qu’il avait fumé toute à l’heure. Il ne le savait pas vraiment mais s’en fichait bien. La retenue était faite pour les humains, non pas pour les vampires âgés comme lui. Il entra dans le Moolight Club dont il était l’heureux propriétaire. Il préférait cela à être avocat, c’était une position plus confortable pour lui. Comment pouvait-il défendre des humains qui étaient tombés si bas dans leurs vices alors que lui-même n’était pas aussi blanc comme neige ? Cela lui arrivait d’en rire de ces procès et appréciait ce métier d’avocat mais la loi et lui, ça faisait plus que 4 000.

Le Moolight Club était bondé en cette soirée, les vampires semblaient s’être donné rendez-vous. Un brouhaha monstre résonnait dans le bâtiment à la décoration vintage. Stefano adorait l’ambiance des années 20 et avait tenté de la reproduire dans son propre club. Plus aucune trace du massacre ne se voyait sur le parquet sombre. Doucement d’un pas mesuré, il venait s’accouder au bar pour admirer les vampires de la ville, déguster le faux sang qu’il versait. Stefano avait goûté et ne lui plaisait peu sur la langue mais c’était assez proche et tout à fait acceptable. Un verre de bourbon à la main, Stefano fixait les invités avec un petit sourire en coin avant de tomber sur un visage vaguement familier. Une curiosité s’immisçait dans sa tête tandis qu’il observait l’inconnu en tentant de mettre le doigt sur son identité. Au bout de quelques minutes d’efforts, il en vint à la conclusion de demander au jeune homme, s’approchant de sa démarche féline, toujours un verre d’alcool fort à la main.

-Salut, trésor, dis-moi, tu me dis quelque chose mais je n’arrive pas à dire qui tu es. Tu peux me le dire ? Je crois qu’on a couché ensemble, c’est fort possible. D’ailleurs, est-ce que tu bouges beaucoup durant l’acte comme un asticot ou un vers luisant ? Demanda-t-il d’un ton franc avec un grand sourire chaleureux.

Stefano adorait son club où tous les vampires de Los Angeles venaient se restaurer. Ainsi, une petite communauté s’était formée autour du faux sang qu’il servait grâce à un partenariat avantageux. Cela permettait aux vampires d’être un peu moins seul. Les vampires étaient des créatures solitaires à l’instar des loups-garous et des sorcières. Leurs immortalités les rendaient plus solitaires que ces créatures surnaturelles. Certes, les loups avaient une longue vie mais elle était éphémère, comme les sorcières, mais les vampires ne l’étaient pas. Alors les vampires s’éloignaient des humains, de leurs émotions et leurs sentiments. Pourtant, les vampires pouvaient se créer une communauté forte et éternelle mais ils étaient motivés par leurs propres dessins. C’était dommage mais il avait la nette impression d’avoir réussi à créer en quelque sorte cela. Stefano avait plus de 2 000 ans, étant même l’aîné de ces vampires qui buvaient tranquillement des boissons dans son bar. Il ne cherchait pas le respect des siens, ni de la crainte. La politique était quelque chose qu’il avait abandonné lorsqu’il était humain ou utilisait celle-ci pour parvenir à ses fins. Le Moonlight Club était le quartier général des vampires, les nouveaux nés côtoyaient les anciens. Il avait réussi à lui donner du charme, de la classe, de la modernité dans une décoration d’antan afin que toutes les générations puissent se retrouver et se sentir à l’aise. Une musique résonnait tout doucement, les vampires n’avaient pas besoin d’un gros volume pour entendre les basses, les instruments.

L’homme qui lui rappelait quelque chose semblait être amusé par ses mots mais sur ses gardes au vu de son corps. Stefano avait traversé des siècles et commençait à connaître par cœur, le langage corporel. Surtout celui de ses victimes ou de ses femmes qui ne demandaient qu’à être mordu. Une victime non consentante avait le corps raide, ce n’était pas le plus agréable pour se nourrir par contre, les consentants avaient un langage qui laissait présager à du désir. Le corps épousait celui du vampire dans une sensualité fascinante. Il adorait ce genre de victimes, c’était plus agréable et facile pour le vampire. Cependant, ce n’était pas cela qui tracassait Stefano. Ce visage lui était familier, et ce n’était pas récent. Une image floue lui revenait en mémoire mais il n’arrivait pas à la situer ni dans le temps ou le moment. Non, il n’avait pas couché avec lui mais alors qu’avait-il fait avec lui ?

Il eut un sourire amusé en écoutant le vampire familier lui répondre d’un ton calme et amusé à ses questions. Il s’en doutait bien mais il avait confirmation alors où avait-il vu cet homme ?

-Stefano Kray, déclara-t-il. Le propriétaire du Moolight Club et heureux de savoir que t’es un bon coup au lit, au moins, les hommes doivent bien t’apprécier sous la couette, ajouta-t-il amusé.

Il secouait la tête en commandant deux verres de whisky supplémentaire tout en buvant une gorgée du siens.

-Pas besoin de me payer, j’ai les boissons gratuites et puis je ne suis pas un gigolo. Pourtant, j’ai l’impression de te connaitre vraiment, on s’est déjà vu. C’est qui ton créateur ? Peut-être que je t’ai croisé avec lui ? Demanda Stefano curieux et déterminé de savoir ce qui lui semblait si familier.

La sensation familière ne le quittait pas tandis qu’il observait Esteban. C’était quelque chose de profond comme une connexion qui les liait. Il fixait son visage, gravant chaque nuance de sa peau, chaque trait qui le caractérisait en ce moment. Esteban lui semblait vraiment familier mais en même temps, Stefano pouvait trouver une chèvre particulière familière à ce moment. Il était tellement drogué et bourré à longueur de temps, que tout le monde était son meilleur ami mais là, c’était autre chose comme un oubli de sa part qui datait parfois. Il vint à sourire face au compliment avant de balayer le commentaire sur les hommes qui partagent sa couche d’un simple signe de la main. Peut-être qu’au fil du temps, il pouvait remarquer certaines choses comme un homme qui aimait avoir des relations sexuelles avec d’autres hommes et puis, il était grec au temps où les hommes n’avaient pas de pudeur et ne trouvait aucun problème à avoir des relations homosexuelles. Il avait parfois l’impression que plus le temps évoluait, plus certaines mœurs se faisaient accepter ou réfutés, catalogués comme des choses immorales ou une abomination de la nature. Heureusement, les hommes évoluaient et changeaient tout le temps. Leurs vies éphémères aidaient à cela.

-Merci, déclara-t-il avec le petit sourire. Cela se voit, j’ai l’œil pour ça, répondit Stefano avec un air taquin et charmeur.

La question qui turlupinait Stefano vint à sortir de sa bouche dont aucun filtre n’existait avec le cerveau. Il était trop vieux pour se montrer diplomate. La délicatesse, ce n’était pas lui. Une question qui avait raidit le vampire, Stefano avait même craint que celui-ci ne le réponde pas. Il se passait un petit moment de flottement, presque gênant pour quelqu’un comme lui qui aime le bruit. Doucement, Esteban vint à déballer son histoire. Une histoire sombre et glauque qui lui fit un sursaut au sens propre comme au sens figuré. Cette histoire lui rappelait quelque chose de similaire. Il y a quelque temps, Stefano avait trouvé quelqu’un en train de se vider de son sang et il l’avait aidé. Cependant, il aurait dû survivre ? Non ? Lançant un autre regard à Esteban, l’imaginant dans un autre angle et il comprit. Voilà, pourquoi ce visage lui disait quelque chose ? Il était son créateur. Stefano se raidit un peu face à cela.

-Je vois, déclara-t-il tout simplement maintenant un peu gêné. Je crois savoir d’où ton visage me dit quelque chose maintenant, déclara-t-il en sous-entendant que c’était lui.

Stefano n’avait pas fait cela de manière à laisser un autre vampire orphelin qui foulait la Terre. Il pensait que la petite quantité de sang aurait suffit à le maintenir en vie et le guérir, pas à le transformer. Son cœur a dû arrêter de battre totalement, peu de temps après qu’il ait ingurgité son sang qui n’avait pas pu faire son travail. Son côté égocentrique levait les yeux au ciel en écoutant l’homme se plaindre de ce qu’il avait fait. Il avait essayé de lui sauver la vie, c’était une bonne intention au départ. L’enfant du millénaire avait l’impression d’avoir un enfant pleurniché sur son sort. Stefano n’en avait pas fait des caisses pour cela et lui, c’était juste par pur plaisir de son créateur. Il se souvint de cette soirée où il avait fait cette malencontreuse chose qu’est de créer un vampire. Ce « Esteban » si fascinant et beau gosse lui semblait un peu trop moralisateur et un peu plus repoussant. Il était dans le bar lorsqu’il entendit une bagarre. Lorsqu’il s’était décidé de se lever, il vit un homme presque inerte contre un mur, un battement de cœur très faible, trop faible. Il lui avait donné du sang en pensant le sauver mais il lui a donné l’immortalité car son cœur n’a pas supporté et n’a pompé assez de son sang à temps.

Stefano regardait cet homme rager contre lui. Il avait envie de lui en mettre une mais un combat dans son bar, il serait en position de faiblesse, déjà qu’il n’avait pas de chance. Il renifla d’amusement en entendant les paroles de cet homme. Hélant doucement la serveuse pour être servie d’un verre d’alcool fort. Un whisky peu importe. Bien vite, il a été servi d’un verre. Jouant avec le liquide ambré, un sourire apparut sur ses lèvres, amusé par la situation.

-Ne pleurniches pas trop, si te plaît, ça ne te va pas et puis, je t’ai donné un joli cadeau ou une malédiction, à toi de voir. Pour ce qui est du pourquoi et du comment, j’ai juste voulu te sauver la vie en te donnant un peu de mon sang, hélas, il manquait juste de temps. J’ignorais que t’étais devenu un vampire, déclara-t-il avec un regard en coin amusé et d’un ton nonchalant.

Il n’allait pas culpabiliser pour ce type. Il avait déjà assez de regrets et de remords comme cela et pour des choses beaucoup plus graves, comme par exemple « avoir détruit un magasin de crème glacé ». Il plongeait son regard dans le siens avec un petit sourire.

-Un immortel, j’espère, sinon tu vas me reprocher sa mort ? Si c’est un humain ou un sorcier, évite, pars, déclara-t-il sombrement.