J’avais atterri sur un terrain jonché de mines depuis ma descente sur Terre. Le nombre d’êtres surnaturelles présents qui foulaient les pieds innocemment sur la ville de Los Angeles était complétement ahurissant. Combien étaient-il ? Représentaient-ils 50% ? 60% ? 70% ? Je retenais leur visage au fur et à mesure que je les croisais. Leur âme plus ou moins sombre me donnaient un indicateur de combien cette ville était souillée. Il y avait beaucoup de travail.
J’avais dû m’adapter les premiers temps de la vie sur Terre. M’adapter à mon corps tout d’abord, apprendre à m’habiller, à comprendre mes besoins comme manger ou dormir. A vrai dire, je me sentais limité au tout début. Mon essence était contrainte à un corps fait de chair et d’os auquel je devais prendre soin. De plus, j’avais cette enfant également à m’occuper. Une tâche ô combien fatigante, mais satisfaisante, je le consentais. J’avais repris le travail d’Anna à la Mairie de Los Angeles. Elle travaillait en temps partiel, cela me laissait du temps pour ma mission. Cela avait été compliqué au départ de reprendre les rennes d’un travail avec de grandes responsabilités. Mais j’étais persévérante, et mon travail était récompensé.
Aujourd’hui, j’imaginais pouvoir trouver un semblant de repos. Je me tournais vers un des rares lieux de culte de cette ville : la Cathédrale Notre-Dame des Anges au nord de la ville. C’était un collègue de mon travail qui me l’avait indiqué. Alors apprêté d’un tailleur crème, haut talon et chignon, je m’y rendis haut les cœurs espérant pouvoir me recueillir au plus près des miens. Je passais l’immense porte et rentrait dans ce lieu qui me semblait presque aussi lumineux que les Cieux. Ce n’était nullement l'heure d'une quelconque cérémonie. Je profitais alors d’être quasiment seule pour contempler le lieu. Je touchais du bout de mes doigts les chaises où les fidèles devaient s’installer. Puis, levant le regard, j’admira cet immense orgue dont sa présence m’ébahissait à lui seul. Je n’avais jamais joué d’un instrument en tant qu’Ange, peut-être était-ce Anna qui était animé par sa passion que je ressentais devant cet orgue. Par ailleurs, outre le sentiment de quiétude dans ce lieu, je sentais également la présence du Mal qui rodait. Marchant calmement, le bruit de mes talons qui faisait écho contre les parois, j’observais les rares fidèles dans la Cathédrale : une personne âgée et son fils, deux femmes en train de prier, puis un le prête… C’était, avec stupéfaction, que ce dernier retena mon attention. Son âme n’avait rien de celle d’un Saint, bien au contraire. Je reconnaissais l’âme d’un Ange Déchu. Cet être immonde avait donc trouvé refuge dans le corps d’un prêtre ? Quelle ironie…
Je m’approchais du prêtre en question. Il leva de son livre son regard vers moi, entendant le bruit de mes talons s’approcher.
« - Quelle surprise, pour le moins déplaisante et ignominieuse, de vous trouver ici. »
Je le regardais de haut en bas, ce Démon dans ce corps humain. Son âme était absolument maléfique, son aura le prouvait.
« - Vous me répugnez… Oser vous retrouver dans un tel lieu, déguiser en ce que vous n’êtes pas… J’imagine que vous vous délectez de votre situation ? »
Le serpent caché dans sa grotte Les sept sceaux, les sept lettres se décèlent.••• Pervertir les quelques "maisons de Dieu" dans la cité des Anges n'était pas de tout repos. De nombreuses fois, le faux berger avait ricoché, d'église en église ; à l'usure, il avait instillé la volonté d'En Bas aux fidèles, et même aux ordonnés qui gardaient ces lieux saints. Par sa présence, il avait prouvé que cette parcelle du monde était abandonnée de son Créateur ; ou, qu'il n'était pas aussi grand que le prétendaient ces louanges, délivrées à l'oubli entre les murs froids de ces bastions négligés. Depuis plus d'une année, le Déchu poursuivait, et empirait le travail déjà accompli par son hôte vicié ; damnant la Veuve pour une éternité de souffrance, blâmant l'Orphelin de maux dépassant ses perceptions ... Jusqu'alors, il n'avait pas croisé un Ange. Pas un seul Céleste pour le rectifier, ou sauver ceux qu'il avait marqué définitivement pour l'Enfer. Pécheurs, repentants, innocents ... La pureté n'avait plus d'importance, pour chaque âme venue se perdre en passant les portes de ces gîtes infernaux, où fut promise la Salvation. Celle que ce prêtre leur destinait était toute particulière ; parce que la race humaine ne méritait pas mieux.
Sans surprise, le factice foyer céleste avait accueilli quatre brebis, dans l'après-midi. Quatre sacrifiés. Condamnés par leur Foi ... Totalement inconscients de la voie sur laquelle ils s'étaient engagés, en buvant les paroles de leur bienfaiteur, ici présent. Celui-ci était justement occupé à saturer l'encre des bibles environnantes de son propre venin ; le pas décidé de cette femme, même en sa direction, ne l'eut pas interrompu dans sa tâche. Ce ne fut qu'à l'invective de l'inconnue que le prêtre cessa de murmurer ces formules inintelligibles, refermant le livre en un claquement net, qui résonna dans le silence de la bâtisse moderne.
« ... Plaît-il ? »
En posant les yeux sur l'enveloppe humaine face à lui, il remarqua ce vif éclat d'or, perçant le bleu des iris du brave pantin. Un Archange, donc ... Un fin sourire, sibyllin, se posa sur les lèvres de Stolas, qui demeura étrangement calme. Cela, malgré la proximité de l'un des êtres qu'il avait appris à abhorrer toujours plus, au fil des siècles qui composèrent ses injustes peines.
« Mon enfant, que voulez-vous dire ? Je ne comprends pas ce à quoi vous faites allusion ... »
Faussement désolé, il posa sa main libre sur l'une des épaules de la visiteuse. Le Démon savait très bien quel affront il lui faisait, et ô combien certains Anges furent attachés à la pureté de leur Lumière ... Il espérait bien qu'elle se sente bafouée d'être ainsi touchée, et de le voir impuni, à dévorer les suivants de l'Éternel dans cette cathédrale.
« Veillez à parler un peu moins fort, pour ne pas troubler mes paroissiens lors de leur recueillement. »
Enfin, il se pencha légèrement, afin de glisser ces quelques chuchotements à l'oreille de la Céleste, qui était venue se perdre sur un territoire qui n'appartenait plus à ceux d'En Haut :
« ... Je te laisse une dernière chance pour quitter ces lieux maintenant ; ils sont à moi, et tu aurais tort d'essayer de les sauver ... N'écoute pas ton orgueil, accepte ton échec. L'Humanité n'a plus besoin de vous ... »
Se remettant d'aplomb, le Déchu n'avait pas perdu cette expression presque narquoise, qui s'accentua lorsqu'il se signa à l'envers en prononçant un cynique « Dieu vous garde », à l'intention de l'indésirable. Stolas ne comptait pas sur la sagesse de la créature ; peut-être à tort. Mais, elle ne le laisserait pas disparaître dans la nature. Et, pareillement, s'il l'invita à partir, il la suivrait sans doute pour arracher ses précieuses ailes, si elle s'exécutait ... Ironiquement, l'habit ne faisait réellement pas le moine cette fois ; une soutane et des atours bénis, par la main humaine, ne provoquèrent aucune répulsion du Malin, contrairement à ce que les plus ignares pouvaient bien croire. :copyright:️ 2981 12289 0
Nez et nez avec le Démon, je l’avais examiné sous toutes les coutures. Il n’était un monstre caché derrière une enveloppe humaine et cette croix qu’il portait indignement. Même l’enveloppe humaine ne méritait aucune pitié, l’aura sombre de l’âme torturée n’était celle que d’un sorcier maudit qui ne m’inspirait qu’aversion. Rien n’était donc bon à sauver. Ces âmes n’auraient aucun traitement de faveur, et que Dieu m’en tenait témoin, je les conduirais directement dans les Enfers.
Le démon sous les traits tiré d’un visage homme fatigué pris par cette sorte de folie daigna me répondre. Cependant, le ton employé m’était intolérable. Ce dernier était hautain et mesquin. Pourtant, sans en douter, il savait très bien à qui il s’adressait et n’avait aucunement le droit de prétendre être supérieur devant un ange de mon rang.
« - Ne jouez pas à ce petit jeu avec moi. Votre esprit pervers a déjà bien trop souillé ce lieu et les fidèles. Je compte arrêter cela sur le champ ! »
Le démon n’était que perfidie et provocation. C’était assez nouveau pour moi ce type de confrontation puisque je n’avais jamais été en contact avec un démon avant ma descente sur Terre, outre ma mission précédente ratée... Auparavant, j’étais en présence d’âme plus ou moins pures. Les âmes au sombre dessein descendaient très vite rejoindre la porte des Enfers. Alors, lorsque je sentie sa main se poser sur moi, je ressentis un frisson terrible m’envahir. Comment osait-il toucher un des Anges de Dieu ? Toucher la lumière quand lui n’était plus qu’obscurité ? Croyait-il m’amadouer ? En aucun cas ce n’était possible. La colère s’afficha sur mon visage et j’enleva d’un revers de main la sienne.
« - Les fidèles doivent entendre ce que j’ai à dire. Et s’ils ne le désires pas et qu’ils ne se sentent déjà plus concernés par ma parole, c’est que vous avez déjà bafoué leur âme. Je ne me tairais pas, Démon. »
Le Démon insista et me menaça directement. S’imaginait-il réellement à l’abri, terré dans une cachette ? La maison de Dieu n’était certainement pas un refuge pour ce monstre, lui qui répandait que haine et vis. Je me retourna vers le Malin avant qu’il ne disparaisse entre les murs de l’immense paroisse.
« - Ne parlez pas de notre Père ! Vous ! Qui, n’êtes digne que de terminer dans l’un des cercles infernaux. » Me tournant aux derniers visiteurs restants. « - Sortez de ce lieu enfants de Dieu, vous n’êtes pas à l’abri tant que cet homme résidera ici. »
Ils sortirent promptement. Je ne me rendais pas compte de ma témérité face à ce Démon. Je me doutais de l’étendu de sa puissance, mais c’est à peine que j’avais exploité la mienne. Pourtant, j’étais convaincue de faire ce qu’il était juste. Malgré ses intimidations, malgré ce lieu plongé dans les ténèbres affaiblissant ma force, je ne me montrais pas réellement prudente. J’en oubliais presque la fragilité du corps dans lequel j’étais et que je devais protéger.
« - Cette Cathédrale est un lieu magnifique en l’honneur de Dieu, je vais lui redonner toute sa splendeur en t’éliminant Démon. Je suis Emnyth, Archange, et ma mission est de purger la Terre des êtres démoniaques dont tu fais partie intégralement. Soumets-toi à ton Dieu, je te conduirais jusqu’à ton dessein final sans trop de peine si tu concède de me suivre. »
Désormais seuls, j’étais prête à libérer ma puissance, le cas échant où le malin n’acceptait pas de me suivre.
Le serpent caché dans sa grotte Face et ventre au sol, la mort sera lente.••• Le Démon n'avait pas cillé, contrairement aux âmes humaines effrayées par les élucubrations de l'Ange face à lui. Il avait d'ailleurs fait un signe de tête entendu à ces dernières, pour les quelques yeux partagés d'inquiétude et de curiosité qui se tournèrent vers la source du tapage. Pensait-elle pouvoir les sauver, en leur faisant passer les portes de la cathédrale viciée ? Les sceaux d'éternité n'en seraient pas ainsi rompus ... Cependant, si une envie meurtrière chatouilla l'extrémité de ses doigts, Stolas s'abstint de lui faire une démonstration de l'ampleur de son emprise sur les "sujets" de l'Éternel ; inutile de prendre le risque de ruiner la couverture liturgique qu'entretenait son hôte depuis plus d'une décennie maintenant, tout cela pour répondre aux accusations dont elle l'accablait.
Son sourire s'accentua, dès lors qu'ils furent seuls. Il ne se cacherait plus pour se jouer d'elle, à présent ... Et, il devait bien l'admettre, l'inconscience de la créature descendue des Cieux l'amusait beaucoup. L'Archange était venue le défier dans sa propre tanière, certaine que la Lumière qu'elle détenait le renverrait à sa Damnation initiale ... Une drôle d'utopie.
« Cette véhémence ne m'émeut pas. Gardez-la donc pour vos Anges, ceux qui craindraient d'être avilis par les maux infernaux que j'ai pleinement embrassé. »
Un mensonge assuré qu'il se répétait vainement, incapable de l'accepter après ses millénaires de Déchéance. Son châtiment fut, à son sens, disproportionné ... Et, ainsi frappé d'Injustice, il n'avait guère oublié, ni ne s'était considéré comme un être démoniaque à part entière, depuis ; ils n'avaient pas tous râclé le fond des mêmes abysses, et s'il avait été spolié de son éclat céleste, le Déchu peinait à ne pas regarder ses congénères infernaux sans cette pointe de mépris, comme manifestation du reste d'une existence qu'il n'avait jamais vraiment abandonné ... Consciemment ou non. Il destina ce même air impérieux à l'intruse, sûre d'elle ; mais, la proposition qu'elle glissa derrière son invective passa inaperçue. L'expression narquoise du Démon se déforma, gravant le visage humain qu'il occupait d'une étrange stupéfaction lorsqu'elle se présenta ...
« ... Emnyth ... »
L'amer murmure ondoya à ses lèvres, tandis qu'au même moment lui revinrent quelques réminiscences de la gangrène dévorant ses ailes rognées, et son corps brisé par les peines endurées ... L'obscurité totale, brûlante, suintant le Fiel du Malin sur son être oublié, pourrissant au bout des chaînes de son tourment ; livré en pâture à ses geôliers démoniaques, qui, d'une simple étincelle de feu infernal- ...
Cette image l'emplit d'une colère brutale : la bible qu'il tenait encore fut transformée en une arme de poing ignescente, avec laquelle il cogna une première fois le visage de sa Sœur d'une violence inouïe, contrastant totalement avec sa placidité précédente. Il avait essayé de la retenir par l'un des bords de la veste du tailleur qu'elle revêtait pour la battre de nouveau, mais le vêtement se déchira à l'impact du coup porté avec la force surhumaine qu'il avait employé, ne laissant qu'un morceau de tissu dans l'autre main du Désavoué.
« C'est ta faute si j'erre sur ces maudits sols sans trouver ma place ! »
La voix jadis posée du prêtre, tremblait d'une rage difficilement contenue. Le reflet d'or qui passa dans le regard du Déchu fut rapidement noyé dans le néant oculaire qui remplaça la fausse humanité qu'il exhibait chaque jour ; puis, de fines veines noirâtres commencèrent à serpenter le long du cou de l'homme, pâlissant dans leur sillage l'épiderme de l'hôte ... Comme si la Coulpe commençait à se faire flagrante, révélant l'hideuse figure de l'entité corrompue à travers celui qu'elle possédait.
Que l'impudente soit tombée, ou relevée, il se rua sur elle avec l'envie irrésistible de l'occire, plus que jamais empreint d'une folie qui mêlait à fois sa rancœur surnaturelle, et les tares de Stolas.
A quoi jouait cet Ange déchu, celui qui, face à moi, souriait de façon malsaine, la noirceur dans ses yeux. J’avais beau le regarder de haut en bas, tout au fond de son âme, il ne restait plus aucune lumière en lui. J’espérais malgré tout, qu’il entende raison. Il devait laisser la Terre qu’il avait occupé déjà trop longtemps. C’était aussi mon rôle de l’accompagner vers son dessein, que ce fusse de gré ou de force.
Cependant, je m’étais avancée en pensant que le démon me suivrait de sa propre volonté. J’avais espéré qu’il aurait une once de raison. Mais je n’eu reçu qu’une violente frappe de sa part sur le visage qui me projeta contre les bancs de la cathédrale. Sa force, incroyable, m’avait plongé dans le noir quelques secondes. J’avais heureusement mes forces d’Anges pour lutter malgré le corps de mon humaine qui en avait pris un sacré coup. Je soufflais, me tenant la joue, la douleur était pénible sur tout mon côté gauche de la mâchoire à la tempe.
« - Ma faute ? Qu’est-ce qu’il ne faut pas entendre de ta part démon.»
Je me relevais finalement, droite sur mes talons, des mèches de mon chignons tombées, ma veste de tailleur déchirée et la joue rougie qui commençait en enfler. Sa dernière remarque m'agaça au plus point, et, par manque d'humour certainement, je prenais un peu trop à cœur cette dernière. Je vis son regard de rage et ses veines saillantes. Il se précipita sur moi pour continuer ce qu’il avait commencé. Mais cette fois-ci je ne lui laisserais aucune chance. Je comprenais que je ne le sortirai pas de son antre de sa propre volonté. Alors à mon tour, le regard plus sévère que jamais. Contrairement à lui, je ne souriais guère.
« - Ça t’amuse, peut-être ? Crois-moi, Samyaza, je ne plaisante pas une seule seconde ! Je vais te sortir d’ici, que tu le veuilles ou non ! Et je vais t’emmener moi-même à la porte des Enfers s’il le faut.»
Faire partie de la Cohorte Céleste était un honneur. Je voulais remplir ma mission quoiqu’il puisse m’en couter. Amener ce démon à sa destination finale était une mission des plus importantes pour amener la paix dans cette ville. Je n’étais pas clairvoyante, mais j’étais cependant consciente que le démon n’allait pas s’en arrêter là dans sa folie. Je le repoussais pour l’écarter de moi. Je le regardais droit dans les yeux et cette fois j’étais prête. Prête à me défendre, prête à combattre s’il le fallait. Cela allait se jouer à quelques secondes près avant de surement le voir m’agresser de nouveau. J’agrippa sa robe et tirais d’un seul coup sec cet habit de prêtre qui s’était déchirée en s’enlevant du démon.
« - Te voici plus présentable maintenant, dévêtu de ce vêtement que tu portais comme un costume. Je n’ai pas l’intention d’en venir aux mains, mais je crois comprendre que pour te trainer jusqu’aux Enfers, je ne vais pas avoir le choix… »
Le serpent caché dans sa grotte Face et ventre au sol, la mort sera lente.••• Dans le choc contre le visage de l'Ange, quelques pages noircies et rutilantes volèrent, détachées du livre saint embrasé dont il venait de se servir. Le soulagement du coup porté était bien moindre ; la rage du démoniaque ne serait apaisée que par la mort, à présent. Elle devait payer ... Payer pour cette subordination excessive qui l'avait condamné à se faire réprouver des siens ... Qui l'avait condamné à porter à jamais le titre de Traître. Par la faute d'Emnyth, il avait perdu ses ailes, sa Lumière, et tout le reste des atouts célestes supposés incorruptibles par l'Humanité ... Jusqu'à la valeur de sa parole, ainsi que sa propre raison, concassée sur les roches brûlantes de l'Enfer en même temps que sa dignité angélique.
« ... Hmpf. Démon ... »
Il répéta haineusement l'avanie de l'Archange, prenant soin de l'étouffer dans sa barbe, tout en s'avançant vers elle. Au milieu des bancs de messe brisés, la femme blonde imprégnée de cette ignominieuse essence se releva en chancelant, encore pantoise d'avoir essuyé un refus plutôt catégorique de la part de son ancien "Frère Céleste".
« Oui ... Ta faute ! Si tu avais tenu ta langue, je ne serais pas ici. Mais tu m'as dénoncé parce que tu étais jalouse de n'avoir pu profiter du monde de jadis, avec les Anges à mes ordres ... Tu étais envieuse de l'œuvre des Veilleurs ! »
Fondant sur elle comme un oiseau de proie, Emnyth se débrouilla cependant pour échapper aux semblants de griffes qui s'étaient développées aux mains de son assaillant, dont l'abâtardissement devenait plus patent à mesure de cet échange. Sa mine narquoise s'était muée en une grimace carnassière qui n'avait plus rien d'humain, outre le visage qui la portait.
« Il est trop tard. Ton Père a échoué dans sa purge terrestre d'antan ; il a éliminé les souches les plus faibles de nos créations, assurant survie et prospérité aux meilleures d'entre elles ... Quel imbécile. »
Le ricanement qui suivit lui coûta une première riposte bénigne de la part de la délatrice ; certainement trop sensible et pacifiée pour songer à quelque effusion de sang ... Une erreur, face à individu tel que lui, qui n'aurait aucun scrupule à la dévorer pour s'assurer une satisfaction complète. La secousse aurait presque fait rire aux éclats le monstre, mais la suivante ne lui en laissa pas réellement l'occasion, et il préféra maintenir son propre équilibre que se laisser aller à la moquerie, présentement ...
La main de l'Ange attrapa le col du vêtement religieux duquel il fut vêtu, et préféra déchirer le tissu que les chairs, dévoilant alors davantage de peau cendrée ... Et aussi, toutes les scarifications, les glyphes occultes qu'arborait le corps de l'hôte du Démon. Ces inscriptions luisaient de reflets pourpres; pulsaient même, de cette abjecte énergie dont Samyaza était saturé ... Voilà un moment qu'il était revenu, contrairement à elle. Il avait pris le temps d'apprivoiser de nouveau l'enveloppe charnelle à sa disposition ...
« Oh, tu n'as pas idée de combien vos églises sont viciées. Combien d'humains, des pécheurs, se costument, parmi vos nombreux "fidèles" assignés à ces grandes bâtisses vides ... »
Bien sûr, cela tenait peut-être un peu du fait des Démons, mais, l'humanité était naturellement sujette à tendre plus vers l'imperfection que l'inverse ... Présence démoniaque ou non, quoi que puisse en dire les divins emplumés.
« Si je retourne en Enfer, sois assurée que tu n'en reviendras pas non plus. Vous vous drapez tous de cette pureté erronée, mais aucun de vous ne vaut mieux que ceux qui ont été bannis ... »
Déclara t-il plus froidement ; dans l'un de ses poings fermés, demeuraient les restes de la bible calcinée qu'il tint, bien avant. Visant les yeux de la prétentieuse, il jeta les cendres pour l'aveugler momentanément ... Puis il leva les bras : de l'écran de fumée, vint surgir un torrent de flammes infernales, s'apprêtant à dévorer la blonde. Alors, peut-être comprendrait-elle l'absurdité de sa menace par les brûlures mordantes qui la guettaient, en réalisant que les Déchus rejoignaient l'Enfer, et que l'Enfer ne les écharpait plus, dès qu'ils étaient débarrassés de toute once d'espoir ou de bonté liée à leurs origines. Songer l'y renvoyer pour l'y punir, ou l'isoler ... Cela avait été fait, bien des siècles avant. Elle arrivait trop tard, si son désir fut de le voir expier ses erreurs passées.
C’était comme un cauchemar devenu réel. Le sorcier sombre s’était effacé pour finalement laisser place à l’entité démoniaque qui l’habitait. Il n’y avait rien de plus ignominieux à mes yeux. Plus rien à sauver, autant pour l’âme pourrissante du sorcier que pour Samyaza. Je n’avais pas de pitié pour ces deux-là, s’ils ne décidèrent pas de me suivre de leur plein grès, j’allais les forcer autrement. Je regardais tomber et brûler les dernières cendres de la bible qu’il venait de calciner pour finalement relever les yeux sur lui. Je m’approcha de lui, presque nez à nez de cet être sombre qui me répugnait. J’ignorais qu’on pouvait ressentir une telle hargne envers quelqu’un jusqu’à aujourd’hui.
« - Et comment voudrais-tu que je t’appelle ? Tu as tout perdu ! Et ça, crois-moi tu en es l’unique responsable ! Et maintenant que je t’ai retrouvé, tu vas quitter cette terre pour croupir aux Enfers. »
Fallait-il payer pour toutes ses fautes ? Ce n’était pas mon combat, mais le sien. Il avait vocation à continuer soit à répandre encore son venin et prêcher la parole qui ne ressemblait en rien à celle de notre Seigneur, ou soit à finir en Enfer. J’étais convaincue que Je devais le faire, le forcer à quitter ces lieux. J’étais descendue sur Terre pour cette raison.
« - Crois-tu vraiment ce que tu racontes ? Je n’ai jamais été cupide, et jamais je n’ai convoité ce que tu peux croire être une réussite. J’ai simplement énoncé les faits, ce que j’ai vu de ton œuvre. Si tu en es là c’est simplement à cause de l’orgueil, le péché dans lequel tu t’es engouffré. Mais pire, tu as continué dans cette voie de ton plein gré. Je ne plus rien faire pour toi. »
Sans que cela ne m'étonne, je voyais le démon complétement délirer dans des déblatérations sans aucun sens. J’essayais de ne pas être affectée lorsqu’il avoua que beaucoup d’églises étaient touchées par le Mal. C’était la maison de notre Seigneur, celui où les humains pouvaient se rapprocher de lui et se confier en toute sincérité. Savoir que le Malin s’y cachait me retournait le cœur. C’était une certitude, il y avait beaucoup de travail à faire pour purger cette ville.
Je ne répliqua pas ensuite verbalement à sa provocation, mon regard suffisait à me faire comprendre du démon face à moi. Mais voyant la Bible brûler dans ses mains, mon visage se décomposa. Le démon m’envoyant ensuite dans les yeux de la cendre encore chaude. Mon premier geste fût évidement de tenter d’essuyer mes yeux tant bien que mal, mais la douleur était incommensurablement forte. Je ne pouvais ouvrir les yeux qui me brûlaient, me piquaient, pleuraient. A genoux, je ne voyais plus rien. Je soupirais de douleurs mais j’entendais les pas du monstre devant moi, qui j’imaginais allait répliquer sans attendre que je me relève. Je n’avais plus le choix que d’utiliser ma voix céleste pour le soumettre.
« - Alors c’est ainsi ? Samyaza ? » se relevant avec détermination, toujours les yeux fermés, usant de la voix divine. « - Je ne vais pas y aller par quatre chemins, je vais employer la même manière que toi ! »
Le noir total à cause de mes yeux encore brûlés, je savais le démon à quelques pas de moi certainement en souffrance en entendant ma voix. Un peu en titubant, entendant les soupirs du démon face à moi, j’employa toute ma force en attrapant un banc près de moi et visa le démon. J’espérais l’avoir touché, le fracas du bois et les débris reçus me signifiaient que le banc avait dû éclater en morceaux. Je tenta de me raccrocher à un mur, espérant trouver quelque chose pour me protéger. Je savais les églises parfois un lieu de repos éternel pour de grands hommes, certains avaient avec eux des armes ou peut être de quoi se protéger. J’entendais le démon se relever non loin pendant que je longeais les parois de l’église à la recherche d’un objet, n’importe quoi qui pourrait m’aider. Grâce à ma guérison rapide, je sentais mes yeux me piquer de moins en moins, mais toujours impossible de voir quoique ce soit, je me fiais à ma seule ouïe.
« - Qu’est-ce que tu attends ? Tu te rends ? » usant encore de la voix divine.
Je posa enfin la main sur quelque chose. Un objet en long et lourd d’environ 1 mètre accroché sur le mur. Un manche de bois et le bout en métal, certainement une sorte de torche décorative. Ça n’allait pas être très solide, mais je n’avais trouvé que cela sous la main, et dans mon état je ne pouvais que m’en contenter. J’entendais les pas du démon furieux se rapprocher de moi. Je me protégea avec cette torche en donnant un premier coup un peu au hasard, essayant de toucher le démon qui n’était qu’à quelques centimètres de moi. Le premier coup l’avait touché, mais comme je l’imaginais le manche se brisa à la rencontre de son corps.
« - Non… ! Tu ne t’en sortiras pas de cette façon ! »
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