Arthur Fitzgerald, ou l’homme qui aurait croisé sa sœur Diane Langford dans un coven de magie noire. Dès l’instant où le vieil homme – quoique, bien jeune si on comparait à l’âge de Lucian – avait fait soulever cette petite anecdote, le directeur de la BACS avait subitement cessé de parler ou de poser des questions sur les pratiques noires actuelles des sorciers européens, et faisait même tout pour éviter le père du régent Red House. Il savait bien que cette attitude était des plus puériles et des plus suspectes mais il s’en fichait royalement. La sécurité de sa sœur l’emportait sur tout le reste, incluant de lui-même. S’il devait passer encore deux autres siècles sans savoir ce qu’il était advenu d’elle, soit, il devra s’en accommoder. Il refusait que, en raison d’un vœu inviolable, il ne soit amené à tuer son sang et sa chair. Il préférerait mourir. Vivre le genou à terre était déjà bien difficile chaque jour passé, vivre avec le sang de sa sœur sur les mains serait tout bonnement infernal et impossible.
Pourtant, malgré tous ses efforts, le Destin le força à emprunter le chemin de l’Académie où l’homme qu’il fuyait comme la peste était un des professeurs. L’Anglais doutait fortement qu’il pourrait mettre un pied dans la bâtisse sans que le vénérable Doyen n’en soit mis au courant et donc tous ses employés. Alors, à contre cœur, il prévint un peu plus officiellement de sa venue, à travers un courrier signé par sa personne, indiquant la date et l’heure. Il ne laissait pas de choix, priant un tantinet que par ce procédé, il aurait choisi un jour où Arthur serait occupé à donner classe, ou à parler dans une réunion ou à rendre visite à son fils.
Maigre espoir qui s’anéantit lorsqu’il mit pied à l’Académie de magie, et que déjà quelqu’un l’accueillit en stipulant que le Directeur, comme d’autres professeurs, souhaiteraient le rencontrer.
- Votre Directeur sait que je suis venu pour une affaire urgente. Je dois consulter vos livres de magie et notamment celles que, je n’en doute pas, vous cachez à l’abri des regards de quelques étudiants trop curieux. Je ne peux pas me permettre de perdre plus de temps. Des vies sont en jeu. Alors, je vous en prie, menez-moi où qu'il soit immédiatement et sans plus attendre, et en m'épargnant la visite du bâtiment. Je la connais par cœur.
Il doutait honnêtement de la transparence totale de tous ces lieux. Aussi hypocrites et aussi inattentives que les institutions humaines : les joyaux étaient là, découverts ou ignorés. Effectivement, Lucian n’était pas venu ici par simple visite de courtoisie mais pour consulter les différents grimoires, incluant les archives. Aussi infinies soient ses connaissances comparées à d’autres sorciers, sa mémoire n’était pas infaillible et il se devait de la rafraîchir de temps à autre, avec des lectures saines et intellectuelles.
La dernière affaire qui avait été à l’origine d’une réunion extraordinaire de leaders était l’une des raisons de cette subite lubie. Il voulait s’assurer que rien n’avait échappé à son attention : le rituel, les sacrifices, les emplacements, le temps, l’alignement des planètes et des étoiles, les prcédés etc … Il avait déjà une liste de biens des éléments notés tantôt par ses enquêteurs, tantôt par lui-même. Il fallait maintenant faire le tri, et deviner à quel type de meurtrier il avait affaire – et notamment si le meurtrier était au singulier ou au pluriel .Une tâche monumentale, qui risquait de lui prendre bien du temps – surtout seul. Une aide n’aurait pas été de refus mais les mages noirs se cachaient habilement – ou manquaient de connaissance – et les rares mages noires repentis étaient rares, trop rares même. Oui, il y avait bien Arthur mais Lucian se refusait de passer de trop longues heures dans une même pièce avec lui, de peur que l’homme n’en dise trop sur sa sœur.
Le repentirLucian Langford Mes efforts n’avaient pas été vains. J’avais été studieux dès que j’avais pris connaissances de ma vraie nature à l’âge de 13 ans. Mon père, violent contre ma mère moi, avait réveillé en moi quelque chose de puissant que je ne soupçonnais pas. Mes émotions, ma peur, ma détresse, ma rage avaient fait surgir des pouvoirs : sa chemise qui prenait feu soudainement, une douleur dans son ventre qui le pliait en deux, sa peau qui piquait subitement telle une brûlure à l’acide. Ce secret qu’on ne pouvait plus me cacher. Ma mère sorcière m’avait tout avoué. Elle m’avait ensuite sans attendre, jeté dehors au moment même où mon père avait plié bagages, jurant de ne plus nous revoir jusqu’à la fin de ses jours.
A partir de là, je me devais de prendre ma vie en main. J’étais seul certes, mais pas pour longtemps. Un groupe de sorciers pratiquant la magie noire m’avait accosté. Quelques semaines plus tard, je faisais parti d’un coven. Je voyais cela comme une opportunité de renaître en quelques sortes. J’étais entouré de mes nouveaux amis, du moins ce que je pensais être des amis, de précepteurs, de camarades… C’était une sorte de nouvelle famille pour moi, et au final je n’avais plus qu’eux. Et à 14 ou 15 ans, quasiment personne n’est assez autonome pour vivre seul, que ce soit financièrement, socialement, mentalement…
J’ai rencontré quelques mois plus tard Diane Langford. Une femme magnifique et épatante. Elle paraissait jeune en apparence. Elle me racontait qu’elle utilisait le pouvoir des plantes pour se régénérer et rajeunir. Un moyen très efficace pour préserver sa jeunesse. Elle m’instruit quelques pratiques de magie noire et m’initiait à d’autres savoirs disons plus charnels. Notre relation était riche et fascinante, autant sur le point intellectuel que physique. Elle m’apprit également qu’elle avait un frère, Lucian, qu’elle cherchait désespérément. Un sorcier de magie noire très puissant qui usait des herbes autant qu’elle pour se préserver. Enfin, nos chemins se sont séparés. Je ne sais pas ce qu’elle est devenue.
Ensuite, le passage à l’âge adulte marquait également mon changement de voie. Ce n’était pas un choix de ma propre volonté, et ce n’était pas non plus une période de ma vie très facile. Quelques années plus tard, j’avais réussi à grimper les échelons dans mon coven. J’étais le bras droit du régent de la Red House. Je devais travailler avec la BACS de temps en temps pour divers problèmes à résoudre dans le coven. Quelle ne fut pas ma surprise quand je rencontrai enfin Lucian Langford ! Nous avions semblait-il, une relation cordiale. Nous échangions sur divers sujets, beaucoup sur la magie noire et particulièrement sur mon ancien coven. Mais lorsque j’avais évoqué l’époque où j’avais rencontré Diane, qui m’avait d’ailleurs confié être sa sœur, Lucian se trouvait étonnamment embarrassé. J’avais le souvenir de lui d’un homme contrarié lors de cet aveu. Il m’avoua qu’elle n’était pas sa sœur mais une cousine éloignée. Cela m’étonnait, mais de toutes façons je n’avais pas vraiment de moyens pour le vérifier. Il prit ensuite ses distances, et de mon côté, j’avais beaucoup à faire pour mon coven et ne me rendais pas compte du fossé qui s’était construit depuis entre nous.
J’étais toujours occupé, même aujourd’hui. Mon poste de professeur à l’académie était très prenant. J’essayais également de soutenir Karl dans sa tâche, en prenant quelques coups de téléphone lorsqu’il était absent du bureau, ou bien quelques petites réclamations, histoire de l’alléger un peu. J’avais aujourd’hui un invité de marque à l’académie. La directrice, Isobelle Ravenwood, m’avait prévenue que le chef de la BACS venait pour une petite visite dans notre établissement. A l'annonce de cette nouvelle, j’avais suggéré de me porter volontaire pour le conduire à la bibliothèque et le guider vers les ouvrages qu’il recherchait.
Le jour venu, je finissais mes cours que je devais donner à mes étudiants avant de rejoindre Lucian. Une fois le cours fini, je sorti et demandais à un collègue l’ayant entre aperçu de m'indiquer où il était le sorcier. Il me déclarait qu’il était déjà parti en direction de la bibliothèque. Je m’empressais alors de m’y rendre à mon tour. Je croisais sur le chemin, aux portes de la bibliothèques la personne qui avait guidé le sorcier. D’après lui, il était déjà en train de rechercher les ouvrages dans les imposantes étagères, dans les immenses et interminables allées de ce lieu. J’avais ma petite idée de l’endroit où il devait être. Il devait certainement chercher des éléments pour l’aider dans l’affaire des dernières disparitions. Au vu de ce que lui et son collège nous avait exposés et présentés en photos, Lucian devait certainement chercher tout ce qui avait attrait avec la magie noire, ses rituels, ses pratiques… en lien avec l’affaire. C’est vers la rangée où se trouvaient se types d’ouvrages et de travaux de recherches que je me dirigeais. Sans surprise, je voyais le sorcier déjà en pleine recherche. Concentré dans sa tâche, il ne m’avait pas entendu arriver ou n’y avait pas fait attention. J’approchais doucement et laissais glisser mes doigts délicatement sur la longue table en bois d’ébène. En arrivant quasiment derrière lui, j’observais déjà la pile de documents qu’il avait déjà sectionnés.
« -Bonjour Lucian. Comment allez-vous depuis tout ce temps ? Je vois que vous être très actifs pour rechercher nos criminels. »
Je pouvais enfin croiser ses yeux azurs se retournant vers moi. Je distinguais une sorte d’incommodité dans son attitude en constatant que son interlocuteur n’était nulle autre que moi. J’outre passais cette gêne, n’y prêtant pas vraiment attention, et surtout ne comprenant pas pourquoi ma présence le rendait perplexe.
« -La directrice m’a prévenue de votre visite mon cher Lucian. Si je peux vous aider à avancer dans vos recherches plus rapidement, ça serait avec plaisir. » :copyright: 2981 12289 0
C’est lorsque l’on fuit son destin qu’on le trouve au bout du chemin, disait-on. Cette belle philosophie pouvait aussi s’appliquer à diverses situations, dont notamment essayer d’éviter vainement une rencontre qui mettait Lucian mal à l’aise ou avoir des nouvelles d’une sœur qui avait potentiellement un chemin dangereux. Tel un enfant, il souhaiterait tellement être aveugle à la présence de ce vieil homme ou encore d’être sourd à ses paroles. Malheureusement, il était un adulte pleinement apte, bon voyant et bon entendant, et suffisamment intelligent pour savoir qu’il était pris aux pièges dans ce lieu, et par les conventions sociales.
- Bonjour Arthur, se porter à merveille est la seule option avec des criminels qui ne se reposent jamais, répondit Lucian d’un ton courtois. Je vous remercie de votre intérêt, et je ne peux que vous retourner la question. Comment allez-vous ?
Si Lucian semblait être en excellente santé, une personne qui l’aurait connu dans sa prime jeunesse soutiendrait le contraire. L’homme avait un regard las et fatigué, que seul le titre d’un ouvrage inconnu mais mystérieux pouvait animer. Sa voix manquait de cette passion qu’il exhibait si fièrement. Quant à ses gestes, tel un vieil homme, il prenait son temps, peu attentif au temps qui s’écoule et peu inquiet des surprises du lendemain. Si les potions maintenant la forme physique d’un corps, l’affaire est tout autre pour le mental : aucun artifice ne pourrait durablement éveiller une passion ou maintenir cette rage de vivre. Un déclic qu’il avait du mal à avoir, si ce n’est quand il tombe sur des cas très ardu, sur des reliques anciennes et puissantes ou sur de nouveaux savoirs. - Je dois admettre qu’une aide n’est pas de refus, et surtout si celle-ci peut accepter de lire ou de parler de sciences interdites sans tabou.
Refuser aurait été une belle stupidité. D’une, il manquait effectivement de temps et aurait besoin d’un spécialiste dans le domaine – et non un parfait débutant qui a hâte de découvrir de nouvelles formes de magie mais pour lesquelles son cœur serait trop sensible. De deux, il doutait sincèrement que les différents leaders pourraient accepter que le directeur refuse une aide – si jamais cette situation allait aux oreilles d’autrui. En somme, il n’avait absolument aucun choix.
- Le symbole est très classique dans la magie noire mais, ironie du sort, très peu de personnes savent utiliser son potentiel. Les rituels tournent au cauchemar en raison d’une mauvaise manipulation, d’un mauvais geste, d’un mauvais trait ou encore d’une mauvaise parole. Une catastrophe qui est toujours visible. Dans notre cas, si on omet les corps des victimes, la scène de crime est assez « propre », sous-entendu que nos criminels ont réussi leur sort. Ou criminel au singulier,
Il avait évité de donner ce petit détail durant la réunion des leaders. Il avait remarqué à quel point les esprits s’étaient chauffés, et était franchement peu rassuré des initiatives à venir. Il devait prendre les devants, et avoir toutes les cartes en main avant tout le monde – quitte à en dissimuler certaines. Pourquoi tout révéler à Arthur ? Car l’homme avait été un mage noir lui-même : il avait déjà dû remarquer certains détails de la scène de crime sur base de la photo, pour savoir si le sort avait été une réussite ou non. - Dès lors, il faut réussir à deviner le sort et, par analogie, la puissance du sorcier ou le nombre de sorciers nécessaire pour mener le rituel. Pour cela, nous devons donc comprendre comment deux paramètres qui sont le symbole, et les victimes, sont liés et quelles sont les conséquences de cette alchimie.
Les combinaisons des victimes pouvaient être nombreuses, mais les effets différaient peu. Toujours est-il, que ce n’était pas un travail d’une heure et surtout d’une seule personne.
Le repentirLucian Langford L’homme en face de moi avait vécu tant de choses. Je trouvais d’ailleurs qu’il masquait très bien sous une certaine forme de pudeur tous ses triomphes et ses déceptions et qu’aucun individu lambda ne pourrait en porter avec autant de modestie que mon interlocuteur. Il n’était pas un ennemi pour moi, mais je ne considérai pas non plus Lucian comme un ami. Je l’appréciai plutôt comme un confrère, ou un associé. Nos rapports avaient été surtout professionnels, le dialogue concernant nos vies privées respectives avait été coupées nettes il y a bien des années de cela. Alors, bien que nous ayons eu un fossé qui nous eu séparé il y a quelques temps, cela ne m’avait pas empêché de toujours estimer ce sorcier comme quelqu’un de très louable et respectable. Je sentais l’attitude bienveillante du sorcier au moment où il avait relevé le nez de son ouvrage pour me saluer. Il donna tout de suite le ton et le pourquoi de sa visite en ces lieux. J’eu un léger sourire étant donné sa réponse presque cynique.
« -Je me porte aussi bien que vous Lucian, compte tenu de ce que nous avons vu récemment. »
En effet, comment pouvais-je dormir sur mes deux oreilles après le bal de la mairie ? Comment pouvais-je être serein sans pouvoir m’inquiéter pour mes proches ? Le coven Ombra avait voulu marquer les esprits avec ce morbide spectacle qu’il nous avait offert, et je pense que cela avait marqué tout ceux qui étaient en mesure de voir ce qu’il se passait. La BACS s’était montrée efficace, comme toujours. Son intervention musclée avait une fois de plus prouvé son engagement envers les citoyens qu’elle protégeait. Mais l’homme qui avait été pris pour cible de manipulation du coven Ombra ce soir-là n’était que la partie émergée de l’ice berg, et je redoutais que le mal qui nous guettait était incommensurablement plus fort que ce que nous imaginions. Lucian était lucide, c’était un sorcier expérimenté. En venant ici, il démontrait une fois de plus qu’il savait que la magie noire était redoutable, et que bien qu’il possédât bien des connaissances de cette dernière, il était nécessaire de se replonger dans certains ouvrages sombres pour mieux cerner nos criminels.
Ma réjouissance de pouvoir l’aider se montrait par mon élan vers l’immense étagère qui se trouva face à Lucian. Il avait déjà recueilli une bonne collection de livres qu’il avait disposée sur la table qui séparait les deux étagères l’une de l’autre. Sur celle-ci, je déposai un autre recueil qui me semblait également intéressant.
« -Comme vous dites, le symbole est très classique en effet. Mais pour un novice, il faut beaucoup de persévérance pour qu’il apprenne à s’en servir convenablement pour que le sortilège aboutisse. De plus si la scène de crime est plutôt « propre », cela signifie que c’est assez caractéristique d’un ou plusieurs sorciers expérimentés et talentueux dans ce domaine. Ce coven a certainement dans ses rangs des sorciers très puissants, ça ne fait aucun doute. »
Je laissai Lucian exprimé quant à ses pistes de recherches. Si nous retrouvions le sortilège, nous aurions de nouveaux indices plus précis sur le qui et le pourquoi. Je tapotai à nouveau du doigt le livre qui était posé sous ma main. Ce geste, un peu comme un réflex, accompagnait mes réflexions. Mais je m’arrêtai promptement pour ne pas perturber les pensées du sorcier.
« - Tuer un enfant n’est pas un choix innocent. Les criminels ont volontairement choisi leurs victimes par ce critère. De plus ils ont volé leur cœur, certainement pour un but précis. Je sais que de vieilles tribus de sorciers vaudoo les utilisaient comme ingrédient dans des décoctions pour faire des tonics extrêmement efficaces pour gagner en puissance. Cela leur permettait d’accroître considérablement leurs capacités. C’est un acte ignoble et innommable, mais le résultat est indéniable. »
En parler de façon « scientifique », pragmatique, ne me dérangeais pas en soi. J’exposais mes connaissances à Lucian pour l’aider dans son affaire après tout. J’évitais de laisser mon côté un peu plus sensible s’exprimer. Mon vieil âge faisait de moi un homme de plus en plus vulnérable, surtout mentalement. J’étais de plus en plus soucieux pour mes proches c’était une évidence. Et plus le temps avançait et plus la famille s’était agrandie. Mes points faibles étaient donc de plus en plus nombreux. Mais c’était de là où je tirai également ma plus grande force.
« -Je ne pense pas que nos criminels font partis de telles tribus, le rituel serait organisé différemment. Puis ils n’auraient pas fait toute cette mise en scène au bal pour montrer qu’ils sont là. Non, nous sommes plutôt en présence de sorciers qui utilisent la magie noire de façon plus classique, un peu comme je l’ai apprise à mon jeune âge… Ce qui me trouble le plus c’est qu’ils n’ont pas lésinés sur les origines des victimes, qu’ils soient humains ou diverses créatures magiques. C’est beaucoup plus rare, car cela signifie que le rituel est encore plus compliqué à effectuer que de le faire sur une « simple » victime humaine. Il faudrait donc observer les symboles utilisés sur les pentacles un peu plus en détails afin de voir si les criminels canalisaient dans le cœur de leur victimes leur essence magique ou bien s’ils étaient seulement intéressés par la puissance juvénile que leur procureraient ces derniers. »
Un court instant, Lucian regrettait d’avoir instauré une distance claire et précise entre lui et cet homme. Avec ses premières suggestions et observations des plus perspicaces, faites sur un ton nullement exagéré ou pudique, il prouvait qu’il était avant tout un homme de sciences, versé dans les arts de la magie noire, et non un amateur débitant des dizaines d’inepties. A n’en point douter, ils auraient pu être d’excellents amis, discutant jusqu’au petit matin de leurs expériences passées comme de leurs avis sur les nouvelles formes de magie ou formules. Un esprit dont la valeur était indéniable dans cette traque sans fin contre les forces du Mal.
Malheureusement, une barrière considérablement s’était dressée entre eux : Diane Langford. La sœur jumelle de Lucian, qui semblait avoir continué à pratiquer la magie noire. Un doute qu’il ne voulait pas confirmer, de crainte d’être « obligé » de traquer sa chair et son sang, une traque qu’il sait qu’il ne pourrait pas conduire jusqu’au bout, et qui signerait tout bonnement sa mort. Une fin qui pourrait frustrer bien de ses ennemis : leurs ruses avaient été nombreuses pour tuer Lucian mais au final, il sera celui qui se tuera. Une fin qui avait des élans de déjà-vu avec de grandes personnalités qui ont parsemé l’histoire et qui ont préféré se donner la mort, que d’être tué de la pire façon, ou être humilié.
- A n’en point douter, ils ont prouvé leurs puissances lors du Bal. Ce Coven a réussi à se cacher durant une période indéterminée, que je suppose longue, et à accumuler suffisamment de puissances au nez et à la barbe de tous. Je dois avouer que je suis plutôt impressionné sur cette prouesse.
A des oreilles étrangères, Lucian complimentait des criminels et faisait donc preuve d’une éthique douteuse. Or, pour les plus familiers du Sorcier, ils sauraient que ce compliment signifiait surtout que l’homme avait trouvé un égal à sa propre force, et qu’il s’engageait personnellement dans cette traque aux monstres. Un engagement qui ne pouvait rien inaugurer de bon, pour aucune partie. Pour la BACS, l’implication de leur Directeur signifiait que l’affaire était sérieuse et que des pertes étaient attendues. Pour les ennemis, c’était le début d’une traque sans fin et sans répit, l’homme étant capable d’abandonner bien de ses responsabilités pour mener à bonne fin les objectifs qu’il s’était fixé. Ou, devirons-nous dire les objectifs que le pacte l’obliger à atteindre. Il ne faut point oublier que sa quête principale sur cette terre était de traquer le Mal : être Directeur de la BACS ou Président d’un quelconque pays n’étaient que des rôles « bonus », mais nullement nécessaire. Les richesses qu’il avait accumulé durant ces deux siècles et avait fructifié le gardaient d’une situation misère et lui assuraient même un train de vie des plus confortables.
- Oui. Nous devons ne pas oublier qu’un sorcier compétent et doué dans le domaine du Vaudoo n’abandonnent pas aisément un corps entier derrière. Même si le cœur est arraché, certains organes ont encore des utilités pour des décoctions ou tonics. Ils peuvent même user des os pour fabriquer des outils de cérémonies.
La proposition faite par Arthur plut à Lucian et il acquiesce.
- Mettons-nous au travail. Je me suis permis d’apporter mon ordinateur, ainsi qu’un scanner portable. J’ai déjà lancé la machine pour qu’elle me trouve toutes les correspondances entre les symboles et les formules ou style de magie noire, puis elle va classifier selon la redondance des résultats. C’est une nouvelle méthode que nous développons, et nous ne sommes qu’à une phase d’essai, encore. J’espère que d’ici quelques années, nous aurons un meilleur outil.
Lucian avait mis en place une équipe informatique sur ce projet il y a quelques années, ayant vu l’avantage considérable que ce système pouvait lui apporter – à bien des égards. Malheureusement, le projet était encore à l’étape bêta, et les résultats n’étaient donc pas encore fiable.
- Je propose que nous nous partagions les tâches pour plus d’efficacité. Vous pourriez être en charge des recherches sur les différents rituels nécessitant un cœur. Quant à moi, j'étudierai les livres en lien avec l’anatomie de chaque race, et leur évolution par tranche d’âge. Qu'en pensez-vous?
Le repentirLucian Langford A n’en pas douter, Lucian était un excellent sorcier et un excellent enquêteur. Il parlait franchement, sans fioriture. Ce n’était pas un de ses enquêteurs qui ne débitaient que de belles paroles pour masquer une quelconque incompétence embarrassante. J’appréciais ses qualités, c’est certain. Il était bon, c’était quelque chose d’indiscutable. Ce n’était pas pour rien non plus que le Maire avait une grande confiance en lui dans les affaires surnaturelles, comme beaucoup d’autres d’ailleurs. Il avait réussi à faire son trou à la BACS avec brio. Encore aujourd’hui, par sa façon consciencieuse de travailler il me prouvait qu’il était un expert. Je ne pouvais qu’admirer et l’aider comme je le pouvais.
Le sorcier était également impressionné par les prouesses du coven Ombra. Qui ne le serait pas ? Ils avaient offert un tel spectacle. « -Le coven qui s’est dévoilé au grand jour ce soir là nous a montré quelques-uns de leurs tours. Ils apprécient utiliser la magie de sang au vu de comment ils avaient retapissé les murs. Et le plus beau, utiliser un sorcier de la Red House comme marionnette pour déclencher un climat de terreur entre les sorciers, c’était vraiment la cerise sur le gâteau. Les régents de la White Chapel et de la Red House ont du travail pour rassurer tout le monde. »
Comme s’ils n’en avaient pas déjà assez tous les deux. Ils étaient déjà bien affairés avec leurs responsabilités de régents. Les voilà désormais affublés comme jamais avec cette nouvelle crise sans précédent. Concernant le coven Ombra, je n’avais pas encore tout révélé à Lucian. C’était certainement l’occasion d’en parler avec lui de façon plus intime, à l’abris des regards indésirables.
« - Je dois vous parler franchement de ce que je sais sur ce coven Lucian. Il y a longtemps, j’avais fait partie de ce coven. D’ailleurs il ne s’appelait pas ainsi à l’époque, c’était encore le coven du Seigneur Obscur. Le choix de changement de nom est révélateur à mon sens, des têtes étaient tombés. A l’évidence, de nouvelles personnalités sont montées sur le trône. Mais sur ce point je ne peux pas vous renseigner. La dernière fois que j’ai recroisé des membres de ce coven c’était en Angleterre il y a environ 5 ans, j’avais été reçu par des anciens « camarades » qui ont préféré taire le sujet. La seule chose que j’ai pu apercevoir, c’est qu’ils avaient recruté massivement. Mais ne prenez pas pour l’un des leur. Ils espéraient me reprendre dans leur rang, mais j’ai catégoriquement refusé. »
J’avais en effet refusé oui, mais à quel prix… Ils auraient stupides de me relâcher aussi simplement sans rien en échange. Ils connaissaient mon potentiel et semblaient en avoir besoin dans leurs rangs. Pour pouvoir revenir à Los Angeles, mon silence et avait été l’une des contreparties les plus oppressantes. Ne prévenir personne de ce qu’ils tramaient et de ce que j’avais vu. Je me sentais complice contre mon gré. Mais protéger mes proches avaient été indiscutable, c’était le plus important pour moi. J’avais fait le choix d’accepter un marché pour que le coven ombra me laisse protéger Karl et Nathan en échange de mon silence. Et malgré déjà ce premier contrat accepté, ils m’avaient réservé d’autres surprises…
Lucian me présenta ses nouveaux outils de travail. Je ne savais pas trop comment cela fonctionnait, mais encore une fois, le sorcier eut une explication claire et efficace pour éclairer ma lanterne.
« -J’admet ne pas être à l’aise avec les nouvelles technologies. Mais votre méthode à l’air très intéressante et indubitablement efficace. Je n’utilise que les applications sommaires sur mon smartphone, alors avec les ordinateurs… A part le traitement de texte ou faire quelques recherches, je ne suis pas plus doué que ça ! » disais-je en riant légèrement.
Je me mis en quête de trouver des ouvrages concernant les rituels qui nécessitaient un cœur. Je savais me repérer dans la bibliothèque, ce fut chose simple de trouver le bon rayon. Il était cependant nécessaire d’être une personne autorisée à entrer dans cette partie de la bibliothèque. En effet, cela relevait de pratique sombre et non moins anodine de la magie. D’ailleurs, le nombre d’ouvrages étaient maigres dans l’étagère. Peut-être pour ne pas trop nourrir de connaissances de sorciers désireux de s’adonner à de telles pratiques. Je ne trouvai donc que deux livres pouvant nous aider. L’un était qu’un essai littéraire tandis que l’autre semblait plus généraliste et plus détaillé. Je laissai le premier et le remis dans l’étagère, le jugeant trop approximatif et trop peu objectif. Dans le deuxième, nous pouvions y trouver quelques schémas et descriptions sur les symboles utilisés dans les rituels en général, ainsi que dans les rituels de magie de sang et noire. Je pensais que si nous prenions du temps à chercher dans cette œuvre, nous pourrions trouver quelque chose. Je retournai donc en direction de Lucian et lui présenta ma trouvaille.
« -Je n’ai pas trouvé grand-chose, les bibliothèques d’Académie ne sont pas faites pour trouver beaucoup de choses sur les magies et les rituels aussi sombres qu’ont utilisé le coven Ombra. » :copyright: 2981 12289 0
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