Cette année 2019 était loin de se terminer aussi bien qu’elle avait commencé. L’année avait bien commencé, dans la routine la plus classique, aucun souci spécifique à l’horizon… Et pourtant, en cours de route, les choses s’étaient gâtées pour Lyanna vers la fin de l’été. Elle avait revu par inadvertance (merci aux incompétents qui n’avaient pas prévenu de l’annulation de la réunion intercovens) son ex de jeunesse devenu son rival et la personne qu’elle méprisait le plus au monde : Karl Fitzgerald. Cet homme qui lui avait brisé le coeur alors qu’elle n’avait que dix-sept ans. Au moins, il lui avait ouvert les yeux sur la futilité et l’inutilité de d’Amour qui ne faisait que faire perdre son temps à la personne qui se croyait éprise. Quelques semaines plus tard, alors qu’elle était en mission pour retrouver un morceau de boîte de Pandore perdu qui causait de considérables maux en ville, elle l’avait revu et s’était trouvée contrainte de faire équipe (et lui sauver le cul) pour mener à bien la mission… S’en étaient suivies des « retrouvailles » fort peu orthodoxes qui avaient mené à une découverte inattendue et hautement perturbante : ils avaient eu un enfant ensemble. Un gamin de maintenant vingt-trois ans dont Lyanna s’était fait ôté par hypnose le souvenir de l’existence. Ces vérités sordides l’avaient énormément atteinte psychologiquement, elle se sentait monstrueuse d’avoir mis en avant sa propre ambition, ses intérêts et sa réputation en abandonnant son propre bébé. Toute vérité n’était pas bonne à savoir, mais celle-ci, telle une bombe, plus encore. Aussitôt qu’elle avait eu confirmation des faits, elle avait été en toucher mot aux deux concernés : Karl et Zephyr. Les dés étaient jetés.
Elle se sentait à présente redevable envers ce pauvre Zephyr dont la vie n’avait pas si bien tournée qu’elle l’aurait espéré. Aussi l’avait-elle hébergé chez elle quelques semaines, le temps qu’il se trouve un travail stable et de quoi subvenir à ses besoins. Il ne voulait pas de la charité mais elle faisait de son mieux pour l’aider financièrement, être un soutien pour lui dans ses moments de doute, car ce jeune homme doutait énormément de lui alors que pourtant il était tout aussi capable que n’importe lequel des sorciers de Los Angeles. Lily le savait, elle était responsable de cet état de fait. On ne pouvait revenir en arrière mais elle pouvait toujours essayer d’améliorer le présent.
La régente en était à noyer sa peine et le peu d’estime qu’elle avait pour elle-même dans son Jack Daniel’s fétiche au milieu de la nuit dans son bureau de White Chapel quand son téléphone sonna. Elle sentit son coeur se serrer en voyant s’afficher le nom de son cousin Caleb. Voilà quelques mois qu’elle ne lui avait pas parlé, elle savait qu’il fuyait ses parents, de viles adeptes de magie noire qu’elle n’avait jamais eu le droit de rencontrer, et tant mieux d’ailleurs. Elle avait pu voir à quel point ils pouvaient maltraiter leur propre fils, le faisant souffrir aussi bien psychologiquement que physiquement, au point qu’il avait même voulu mettre fin à ses jours. Horrifiée, Lily avait toujours dit à son cousin qu’elle serait là pour lui, toujours, et qu’il pourrait lui demander ce qu’il voudrait. Ce fut presque tremblante d’inquiétude qu’elle décrocha. Au bout du fil, un Caleb qui avait l’air totalement chamboulé, traumatisé, il disait avoir fait une connerie, mais peut-être pas, mais en fait si… Le coeur battant la chamade, Lily rouvrit son ordinateur portable en même temps.
- OK Cal, respire mon grand, je vais venir te chercher. Donne-moi une adresse, je pars tout de suite. Enferme-toi et n’ouvre à personne sauf moi.
C’est ainsi que la sorcière blanche s’était retrouvée dans le jet privé de l’un de ses contacts. Plus aucun vol n’avait de place disponible aussi tôt qu’elle l’aurait voulu. Alors, elle avait fait jouer ses contacts et avait pu être dans l’avion moins d’une heure plus tard. Elle avait à peine eut le temps de prévenir son bras droit revenu depuis peu de sa mission en Louisiane qu’elle serait absente environ quarante-huit heures pour une affaire familiale urgente.
Lorsqu’elle était arrivée douze heures plus tard, voir son cousin le nez en sang lui avait encore plus serré le coeur. Il avait dû passer par des émotions si fortes pour être dans un tel état. Aussitôt, elle l’avait serré avec tendresse dans ses bras.
- ça va aller Caleb, je suis là, ça va s’arranger.
Elle l’avait attendu le temps qu’il prenne une douche et se change, puis ils avaient immédiatement embarqué dans le jet pour le vol retour. A présent, ils étaient tranquilles et en sécurité.
- Parle-moi Caleb, explique-moi ce qui s’est passé.
On leur avait déposé de quoi boire et manger, Lily avait demandé à ce qu’on les laisse tranquilles. Son cousin avait besoin de calme et sûrement pas que des témoins puissent écouter ce qu’il avait à lui dire.
Je donnai mon adresse florentine à ma cousine en sortant mon mouchoir pour empêcher mon saignement de nez de tâcher plus ma chemise. Mes mains tremblaient et des larmes de panique coulaient sur mes joues. Sur le conseil de Lyanna, je verrouillai la porte de mon appartement à clé par télékinésie.
« - D’accord… je t’attends… je ne bouge pas… merci… »
Quand elle raccrocha, je laissai mon smartphone tomber de ma main sur le lit et me pris la tête dans les mains en me mettant à sangloter. Je ne savais pas quoi faire, j’avais l’impression que ma tête allait exploser. Je sentais encore les lèves de Damien sur les miennes, ses mains sur moi et la terreur qu’avait été la mienne lorsqu’il avait utilisé ses pouvoirs de marionnettistes. Si je n’avais pas réussi à le faire baisser sa garde… s’il avait eu plus de temps… et puis j’entendais encore le « crac »… ce bruit sinistre et sec qui annonçait que je venais de tuer quelqu’un…
J’eus soudain le souffle court et me mis à paniquer encore plus. J’avais fait de l’asthme et des crises d’angoisse quand j’étais gamin et là, ça me reprenait aujourd’hui. Samhain se posa sur mes genoux et me hurla de le regarder. Il prit plusieurs longues inspirations et me dit de l’imiter. Ce n’était pas la première crise qu’l m’aidait à gérer, mais jamais je ne lui avais été aussi reconnaissant.
Quand Lyanna arriva, quelques treize heures plus tard, j’étais prostré dans un coin de mon appartement, le nez en sang et mon corbeau sur les genoux. Je tremblais comme une feuille et j’avais le visage noyé de larmes. Je me blottis contre elle en tremblant, pleurant un bon coup avant qu’elle me dise d’aller me doucher et je me changer. La toilette me prit un bon moment, car je frottai presque au sang chaque endroit que l’homme avait touché, même s’il n’y avait pas eu contact peau contre peau. Une bonne surface de ma peau était rouge quand j’étais sorti de la douche. J’avais ensuite enfilé des vêtements élégants, avait envoyé un mail à une agence pour que mon piano soit transporté rapidement à LA, avais rempli vite fait un sac avec quelques vêtements, puis avais suivi ma cousine jusqu’à l’avion, Samhain sur mon épaule.
Une fois dans le jet, je me laissai tomber dans un siège et m’allumai fébrilement une cigarette. La question fatidique ne tarda pas à être posée et je tirai sur ma cigarette pour essayer de me calmer un peu.
« - J’étais à une soirée… un type a commencé à flirter avec moi… il était mignon et cultivé… on s’est retrouvés dehors à se bécoter… j’ai été tellement stupide… j’aurais dû me méfier… quand j’ai senti la marque au fer rouge sur son dos… je l’ai repoussé… »
Je m’interrompis pour tirer une nouvelle fois nerveusement sur la cigarette, l’autre main crispée sur l’accoudoir.
« - Et là, je pouvais plus bouger… comme à la cérémonie Putnam… il avait le même pouvoir que… que Rose… il m’a dit qu’il était envoyé par mes parents… qu’il était à la cérémonie et qu’il avait été blessé dans la vague télékinétique… il m’a caressé le visage, il m’a embrassé… j’ai réussi à me dégager, mais dans la bagarre… il y a eu un gros « crac » au niveau de sa nuque… »
Le temps de trajet était long mais m’avait paru durer bien plus encore. Mon pauvre cousin était dans la détresse, je n’aimais pas le savoir ainsi. Et mon angoisse fut justifiée quand je l’avais trouvé prostré chez lui comme une petite créature apeurée. Mais j’étais là à présent, je ne laisserais plus la peur le paralyser ni rien de mal lui arriver.
Bien vite, nous voilà dans le jet qui allait nous ramener à Los Angeles. Nous devions attendre un peu pour le décollage mais bientôt nous étions dans les airs à enfin pouvoir survoler l’Atlantique. Le vol serait long, j’aurai plus de vingt-quatre heures de voyage dans les pattes mais cela en valait la peine puisqu’il s’agissait de Caleb. Chez moi, il serait à l’abri. Cependant, j’avais besoin de savoir exactement ce qui s’était passé. Je ne voulais pas le brusquer mais il fallait que je sache pour être mieux en mesure de l’aider et de le protéger. Je savais qu’il ne me mentirait pas, j’avais confiance en lui. Clairement, ses parents ne le méritaient pas, j’aurais préféré qu’il naisse dans ma famille et qu’il soit mon frère. D’ailleurs, je le considérais un peu comme tel.
Cal me raconta alors ce qui s’était passé. J’aurais pu sourire en l’entendant me raconter son flirt d’un soir, si je n’avais pas été certaine que cette histoire se finirait en eau de boudin. Ce fut le cas, cet homme s’était joué de lui. J’eus un pincement au coeur en entendant que le garçon en question portait la marque à l’épaule, celle que Caleb avait subi et suite à laquelle je l’avais retrouvé ayant tenté de mettre fin à ses jours. Ma mâchoire se raidit, j’avais une furieuse envie de faire arrêter ses parents pour qu’ils finissent leurs jours à l’Asylum tels les criminels qu’ils étaient, mais ces enfoirés avaient toujours très bien dissimulé les preuves et une accusation sans preuves ne serait d’aucune utilité. Je le regardais tirer sur sa cigarette. Heureusement que nous étions dans un jet privé. Celui d’un de mes contacts qui plus est, aussi j’étais certaine qu’on ne nous ferait aucune remarque. Mais je n’aimais pas le voir fumer, nous étions peut-être des sorciers mais nous étions soumis aux mêmes maladies et pathologies que les humains classiques. Bon, là il avait besoin de se détendre, mais je voulais qu’il soit prudent et ne se mette pas en danger plus qu’il ne l’était déjà. Ce serait con d’échapper à ses parents pendant vingt ans pour crever d’un cancer ou d’une autre maladie.
D’ailleurs, c’était bien ses parents qui avaient envoyé cet homme ce soir-là pour agresser Caleb… ou dieu seul sait ce qu’ils voulaient lui faire. Le tuer ? Le ramener ? Le blesser ? En tout cas, il n’était pas là pour lui faire du bien au vu de ce que mon pauvre cousin me racontait. Le type l’avait contraint par la magie, tel une marionnette, comme lors de la cérémonie de son enfoiré de père. J’étais scandalisée et je bouillonnais intérieurement de rage de savoir qu’on voulait du mal à cet homme que j’aimais tant. Caleb continua son histoire et je compris que ça ne s’était pas bien fini pour son agresseur. Et le nez de mon cousin se remit à saigner. Aussitôt, je sortis un mouchoir et vins m’asseoir à côté de lui pour contenir le sang qui s’échappait de ses narines avec le mouchoir. Mon autre bras était passé avec tendresse dans son dos. - Calme-toi Caleb, dis-je avec autant de douceur que possible. Tu n’as rien fait de mal, tu t’es juste défendu, d’accord ? C’était de la légitime défense, ce type te voulait du mal, tu as fait ce que tu as pu pour t’en sortir.
Je n’étais jamais pour la violence ou le meurtre, mais il n’avait pas fait exprès et n’avait faire que protéger sa vie.
- C’était un accident, ça arrive tous les jours. Lui par contre, il t’a agressé et ça, c’était prémédité.
Je n’irais pas jusqu’à dire que ce connard avait mérité de mourir, mais je ne voulais pas que mon cousin vive avec l’impression d’être un meurtrier.
- ça va aller maintenant, tu vas être en sécurité chez moi. Tu sais que la maison est protégée par un sort, les personnes mal intentionnées ne peuvent pas entrer, ni les démons.
Je me blottis contre ma cousine en tremblant toujours, Samhain battant des ailes avec inquiétude. Il n’aimait pas me voir dans un tel état et me disait que je n’avais rein fait de mal, qu’il ne fallait pas que je me mette dans un état pareil pour un homme qui avait clairement voulu abuser de moi. Je secouai la tête, le « crac » que j’avais entendu résonnant encore dans ma tête alors que le souvenir de ses mains sur mon visage et de ses lèvres sur les miennes me donnèrent un haut-le-cœur.
« - Je ne sais pas s’il avait de la famille… il faisait partie des proches de ma famille, mais je ne sais pas s’il avait encore de la famille… il avait la marque, comme moi, mais lui semblait fier de faire partie du clan… mon dieu, s’il avait des enfants… mais qu’est-ce que j’ai fait ?... je l’avais déjà blessé, il y a près de vingt ans… et maintenant… mon dieu, qu’est-ce que j’ai fait ?... »
Mon souffle se fit soudain très court et sifflant. Je commençai à paniquer alors qu’une seconde crise d’angoisse me prenait. J’avais du mal à respirer et je revoyais les évènements de la nuit dernière se dérouler dans ma tête. Je me sentais à nouveau pris au piège du sort de marionnettiste, incapable de bouger comme je le voulais. Je me rappelais la terreur que j’avais ressentie à cette sensation, j’étais totalement à la merci de mon agresseur, un pantin, un jouet.
Au milieu de ma crise d’angoisse, je fus soudain pris de violentes nausées ; je me levai d’un bond et courus aux toilettes pour rendre le peu de choses que j’avais dans l’estomac. Mon visage était noyé de larmes, mon nez dégoulinait de sang et je tremblais comme une feuille. Je pouvais presque entendre la voix de mon père dans ma tête : « Pathétique… faible… traître… meurtrier… ».
Je ne parvenais pas à reprendre mon souffle et j’avais l’impression que ma tête allait exploser. Il fallait que je me calme, il fallait que je reprenne le contrôle, mais je me sentais sans défense, vulnérable, comme un enfant à qui son père ordonne d’enlever sa chemise pour recevoir une punition. J’avais beau m’être enfui, avoir voulu être libre, je ne restais pas moins ce gamin apeuré et faible.
Voir mon cousin dans une telle tourmente, une telle détresse était un crève-coeur. Il avait toujours été un bon garçon, une âme pure et sensible, et ses parents l’avait pourri de l’intérieur comme un ver dans une pomme, avec leur connerie de magie noire. Maintenant, il était en fuite et en proie au doute, alors qu’il ne méritait que le bonheur d’une vie paisible. Le voir tremblant comme une feuille, tel un petit garçon apeuré, me serrait le coeur. Je tâchai d’être la plus douce possible avec lui pour le rassurer. Je voyais son familier en panique aussi, essayant sans doute de faire comme moi. Je posai une main délicatement sur le dos du corbeau pour également le rassurer. - Caleb, s’il te plaît, écoute-moi, lui dis-je en prenant finalement son visage trempé de larmes dans mes mains pour l’obliger à me regarder dans les yeux.
Ma voix était calme et décidée.
- Peu importe qui était cet homme, peu importe son passé et ses relations, il voulait te faire du mal. Tu n’as fait que te défendre, tu n’avais pas l’intention de le tuer, mais c’est arrivé. OK, c’est arrivé, mais ce n’était pas prémédité, ce n’était que de la légitime défense et personne ne t’en tiendra rigueur. Je témoignerai pour toi si besoin est. Maintenant on est ensemble, il ne peut rien t’arriver.
Après tout, j’étais régente d’un coven, et de tous les covens de magie blanche du pays, le mien était l’un des plus influents, je pouvais me targuer d’avoir certaines relations et contacts intéressants, dont celui qui m’avait prêté ce jet privé. Mon pauvre cousin était encore en proie à la panique et je le vis courir aux toilettes. Je pris une grande inspiration, le regardant partir avec tristesse avant de reporter mon attention sur Samhain.
- On va réussir à l’aider, ne t’en fais pas, dis-je au familier en lui caressant le dessus de la tête avec douceur.
J’attendis un peu, et ne voyant pas Caleb revenir, je commençai à m’inquiéter. Je ne voulais pas qu’il soit de nouveau reclus dans un coin, recroquevillé sur lui-même. J’avançai donc jusqu’aux toilettes en toquant à la porte.
- Est-ce que ça va ? Je peux entrer ?
J’attendis son approbation et ouvris la porte. Le pauvre, sa respiration était haletante, son visage couvert de larmes et de sang. Je restai calme pour l’inciter à la même chose et pris une serviette que j’imbibai d’eau fraîche pour lui nettoyer le visage avec douceur.
- ça va aller, Cal. Respire à fond.
Une fois que j’eus fini de lui débarbouiller le visage je lui fis pencher la tête en avant avec une autre serviette mouillée sous son nez. Je positionnai ma main libre sur son crâne et prononçai une formule en latin ayant pour but d’apaiser ses maux physiques pour qu’il ne saigne plus, n’aie plus de difficulté à respirer ni de nausée. Puis j’en prononçai une autre pour apaiser son psychique. Chaque fois, une lumière blanche s’échappait de la paume de ma main pour envelopper la tête de mon cousin. Normalement, il devrait se sentir mieux.
- On retourne s’asseoir ? demandai-je avec douceur en glissant ma main dans la sienne.
Les paroles de Lyanna étaient pleines de sagesse et de tendresse, mais dans ma panique, il me sembla les entendre à peine. Toute mon enfance et une bonne partie de mon adolescence, je n’avais eu que des reproches et du mépris de la part de mes parents, eux qui exigeaient tellement de ma part que j’avais commencé à faire des crises d’angoisse, que je dormais mal – même encore aujourd’hui – et que j’avais à présent ce besoin presque maladif d’être aimé, désiré. Le piège de mon agresseur de Florence avait été bien ficelé et je m’en voulais d’avoir mordu à l’hameçon.
Quand l’élémentaliste vint le retrouver dans les toilettes de l’avion, je me laissai faire en tentant de me calmer et reprendre mon souffle. Le sort de ma cousine me fut d’une grande aide et je relevai la tête en soupirant de soulagement. Je me blottis contre elle et hochai la tête à sa proposition de retourner s’asseoir.
« - Merci, Lyanna. Et si tu as quelque chose pour me faire passer le goût de la bile, je ne suis pas contre. »
Je souris doucement et retournai m’asseoir. À présent, j’étais calme, plutôt serein et mon nez avait arrêté de couler. Mon familier vint se poser sur mon épaule et frotta sa tête contre la mienne pour me rassurer. Je lui grattai la tête avec un sourire tendre en m’asseyant dans mon siège.
« - Il faut que je te remercie, cousine. Peu de gens auraient fait le trajet aussi rapidement, encore moins pour moi. Tu es une personne formidable, Lyanna. »
« Contrairement à moi », songeai-je à la fin de ma phrase. Je n’avais pas une très grande estime de moi-même et les récents évènements n’avaient pas aidé à me redonner beaucoup d’amour-propre.
« - Et je ne t’ai pas demandé : quoi de neuf depuis le temps ? Qu’est-ce qui se passe dans ta vie, en ce moment ? »
Je ne comprenais pas pourquoi la vie de mon cousin était un tel enfer, mais une chose était certaine, je ne comptais pas le laisser dans cette merde. Il avait toujours été un bon garçon, c’était devenu un homme bien, il avait juste eu la malchance de naître chez les mauvais parents. J’aurais tant aimé qu’il soit mon frère, il aurait bénéficié du soutien de parents aimants qui lui auraient apporté toute leur confiance et leurs encouragements dans ses choix. A la place, il avait eu un père complètement fou adepte de la magie noire et qui n’avait pas reculé devant la perspective de torturer son propre fils aussi bien physiquement que psychiquement. Je ne connaissais pas mon oncle mais je le détestais rien que pour ça. J’avais rejoint Calel dans les toilettes de l’avion et l’avais aidé à se débarbouiller et se débarrasser de sa nausée persistante en le calmant grâce à un sort de magie blanche. Il fallait qu’il se détende, qu’il accepte l’idée de ce qui s’était passé et qu’il comprenne que c’était fini, qu’il fallait aller de l’avant, même si évidemment ce n’était pas chose facile. Il consentit à revenir à sa place avec moi.
- Un bon verre d’eau pour commencer. Peut-être un peu de jus d’orange ensuite. Evitons l’alcool.
Nous voilà de retour dans nos confortables sièges qui s’apparentaient plus à des banquettes de luxe qu’à des fauteuils d’avion. Son familier était venu sur l’épaule de Caleb pour le rassurer et je ne pus que sourire. Ruffus aurait fait la même chose. J’avais hâte de le retrouver. Voilà que mon cousin reprit la parole et je ne m’attendais pas à ce qu’il dit. J’en fus touchée. Je me penchai pour poser ma main sur la sienne.
- Caleb, tu es mon cousin et je t’aime. Peu importe où tu es dans le monde, si tu as besoin de moi, je rapplique. C’est aussi simple que ça.
Il était si gentil. Il méritait d’être heureux, tout simplement. Je pris l’une des bouteilles d’eau à disposition pour nous et la tendis à mon cousin.
- Tiens, bois un peu d’eau fraîche, ça te fera du bien.
C’est alors qu’il me demanda gentiment ce qui se passait pour moi. Je lui souris.
- Eh bien, je dois reconnaître que je me fous pas autant dans la merde que toi, commençai-je sur le ton de la plaisanterie pour détendre un peu l’atmosphère. Le boulot de régente n’est pas de tout repos, je dois le reconnaître, mais c’est passionnant. Tu sais, si tu veux lâcher la magie rouge au profit de la magie élémentaire, tu serais le bienvenu.
La réponse de Lyanna à mes remerciements me fit sourire, bien qu’elle m’emplit d’une certaine amertume. J’avais toujours été fils unique, mes parents ne se supportant pas assez pour insister au-delà du premier enfant qu’ils allaient avoir, et pourtant, jamais aucun des deux ne m’avait montré la moindre affection. Les seuls contacts physiques que j’avais eu avec eux durant mon enfance avaient été les coups de mon père ou les caresses hypocrites de ma mère. La première personne à me prendre dans ses bras avait été Lyanna et j’avais mis beaucoup de temps à me détendre à ce contact. Ma cousine était la grande sœur que je n’avais jamais eue et je ne savais pas si je méritais cet honneur.
« - C’est pareil pour moi, Lyanna. Si je peux t’aider à quoi que ce soit, tu n’as qu’un mot à dire et j’arriverai. Quitte à voler un pédalo, s’il le faut. »
Je souriais et pris la bouteille que me tendait la régente du coven de magie blanche de Los Angeles en la remerciant. Avec toutes les larmes que j’avais versées et la panique qui avait été la mienne pendant près d’une journée, j’étais assoiffé. Je pris une longue gorgée d’eau et reposai la bouteille sur la petite table devant moi. Je me penchai pour prendre un petit sac de friandise dans ma sacoche. J’en pris une bonne poignée et en donnai à Samhain. Il avait bien mérité quelques snacks après le stress que je lui avais fait subir. Il était toujours d’une loyauté et d’un soutien sans faille. Le corbeau ne se fit pas prier pour becqueter avidement les graines et morceaux de jerky dans ma main.
En voyant mon ami à plumes manger, mon estomac se rappela à mon bon souvenir en un gargouillis sonore. Je n’avais rien mangé depuis près de vingt heures et maintenant que j’étais calmé, je sentais que j’avais faim. Très faim.
« - Est-ce que tu sais s’il y a de quoi manger quelque chose dans cet avion ? J’ai rien mangé depuis la soirée où j’ai eu mon problème. »
Je bus une nouvelle gorgée d’eau en caressant le dos de Samhain qui me donna un léger coup de bec sur le front en me hurlant que ce n’était pas comme s’il ne m’avait pas supplié de manger quelque chose en attendant ma cousine.
« - C’est gentil, très chère cousine, mais je ne sais même pas si je saurais utiliser une autre magie. Mon père et ma mère m’ont tellement mis de pression pour que je maîtrise la magie du sang. À mon épreuve, il n’y avait pas de place pour l’ambiguïté. Maintenant que j’y songe, je n’aurais peut-être pas eu autant de problèmes si ça avait été la flamme ou l’eau qui avaient réagi. »
Mon cousin me fit sourire avec son allusion au pédalo. Je l’avais toujours su plein de bonne volonté, aidant, volontaire. Il était doux et gentil et avait bien plus de mérite que n’importe quel autre jeune homme de son âge de l’être, étant donné les parents qu’il s’était payé.
- Je le sais, répondis-je avec douceur, répondant à son sourire également.
J’observai Caleb nourrir son familier avec nostalgie. Cela ne faisait que quelques heures, une dizaine tout au plus, que j’étais séparée de Ruffus, mais il me manquait. Il allait sûrement gueuler comme un malade à mon retour, mais il comprendrait en voyant Caleb et Samhain. Mon cousin me sortit de mes pensées en demandant s’il y avait quelque chose à manger. J’acquiesçai en souriant.
- C’est un jet privé, bien sûr.
J’appuyai sur la sonnette pour faire revenir l’hôtesse afin qu’elle nous apporte de quoi nous restaurer. Elle ne tarda pas à revenir avec une table roulante comportant des plateaux avec diverses petites choses à manger : des amuses-gueules sous formes de mini sandwich, des toasts avec des préparations à tartiner, des légumes à tremper, des fruits, et des gâteaux. Puis quand elle repartit, nous laissant le tout à disposition, j’avais proposé à mon cousin, plus pour rire qu’autre chose, de rejoindre mon coven en changeant de magie. Un sorcier ne pouvait le faire qu’une fois dans sa vie. Ce n’était pas une décision à prendre à la légère.
- Je t’aurais bien vu en sorcier d’air. Cet élément t’irait bien. Mais on ne choisit pas, comme tu le sais. C’est une sorte de révélation qui vient à soi au moment où on le demande. En tout cas, si tu changes d’avis, tu sais que White Chapel peut être ta maison.
Et je me serais occupée de mon cousin. Il irait sans doute rejoindre Red House, et je savais que Karl était un bon régent, même si je n’aimais pas la magie de sang. Nous pûmes nous restaurer avant de piquer un petit somme. Le vol durait plusieurs heures encore. A l’arrivée, Bradley était venu nous chercher avec l’une de mes voitures et nous pûmes rentrer à la maison où mon cousin et son familier purent élire domicile dans l’une des chambres d’amis voisines de la mienne. Ils y resteraient le temps qu’il faudrait à Caleb pour se sentir à l’aise en ville, retrouver ses marques.
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