La soirée s'annonce morne et triste. Paris me manque déjà. Comment vais-je faire pour réussir à changer de vie et vivre dans cette ville ? Si je m’écoutais, je ferais mes valises et je rentrerai chez moi mais désormais je ne suis plus seule. Ambrosos est avec moi. Je ne peux pas me résoudre à le quitter. Il est tout ce que j’ai en ce monde. Bon ce n’est pas tout à fait exact j’ai mon père aussi mais avec lui disons que les relations ne sont aussi évidentes qu’avec Ambrosos. D’ailleurs ce soir, j’étais seule dans le manoir. Esteban et Aless étaient de sortie et ils avaient bien raison. J’étais heureuse de voir mon frère ainsi heureux.
Installée sur le lit, dans une tenue assez légère se composant d’un fin débardeur noir et d’un short plus que court, j’ouvre mon pc portable pour me balader ou plutôt me perdre sur internet. L'idée de passer la soirée seule me déprime d’avance alors je me retrouve très rapidement sur les sites d’escort. La plupart d’entre eux ne seront surement pas disponible mais je me hasarde sur un qui, je ne sais pas pourquoi m'attire plus que les autres. Il n’y a ni photo, ni nom. L’idée de tomber nez à nez avec l’inattendu m’attire fortement et je ne saurais dire pourquoi.

Une femme lambda pourrait se sentir en insécurité à cette idée mais pour ma part, je ne crains pas grand chose alors je fonce tête baissée et lui envoie un mail pour prendre contact. Je lui demande s’il est disponible pour la soirée et peut-être même toute la nuit. L'idée d’un massage et plus me ferait amplement plaisir mais c’est surtout la compagnie que je recherche ce soir. Au besoin - et ça je me garde bien de lui dire - je me nourrirais de lui et l'hypnotiserait pour qu’il oublie cette soirée. La réponse ne se fait pas attendre.

Parfait il est disponible et me demande une adresse et mes préférences vestimentaires. Je réponds le sourire aux lèvres même s’il ne peut me voir. Je lui donne donc l’adresse du manoir et lui précise que j’aime beaucoup les hommes en chemises mais que de toute façon il ne la gardera pas longtemps. Oui, ce soir je suis d’humeur plus légère, plus luxurieuse.

Je choisis de rester dans la tenue que j’ai. de toute façon, je sais que je plais ainsi mais j’espère que mon escort sera à mon goût également. Dans le pire des cas, il sera un bon casse croûte pour la soirée, même si je ne tue plus d’humains depuis bien longtemps. Moins de trente minutes plus tard, on sonne à la porte, je retrouve le sourire alors que je cours pieds nus sur le carrelage en ouvrant la porte. Pourtant je reste sans voix lorsque je découvre qui est derrière : Caleb. Un sorcier dont j’étais très attachée et que je n’avais pas revu depuis un peu plus de 10 ans.

Un sourire d’autant plus important se forme sur mes lèvres alors que j’ouvre la porte plus grande pour le laisser entrer.

“Cal? ... C’est bien toi?”

La soirée s’annonce meilleure que prévu.

Je venais de passer une journée plutôt tranquille. Un homme m’avait contacté pour que je passe l’après-midi avec lui, mais il ne m’avait rien demandé de sexuel : il avait juste voulu avoir un bel homme à son bras pour visiter Los Angeles. Je l’avais donc accompagné sur plusieurs endroits très touristiques de la ville, pour terminer par se tenir la main sur la colline d’Hollywood. Mon client avait tenu à ce qu’on s’embrasse à l’occasion de cette dernière balade et j’en étais sorti avec un suçon très visible. Il m’avait juré de me contacter dans quelques temps pour une soirée, voire la nuit, tellement il avait été satisfait par ma compagnie. C’était bien, ça voulait dire que j’allais potentiellement avoir plus de clients, grâce au bouche-à-oreille.

Après cet après-midi bien agréable, j’étais rentré chez moi et m’étais douché, puis avais ouvert mon ordinateur pour m’assurer que je n’avais pas d’autres clients pour aujourd’hui. J’avais un e-mail d’une femme me demandant si j’étais disponible pour la soirée. Je souris, pris une gorgée de mon whisky et lui dis que je serais très heureux de lui tenir compagnie. J’avais juste besoin d’une adresse et d’un dress-code si elle voulait que je porte quelque chose de spécial. Elle me répondit qu’elle aimait les chemises, mais que de toute manière je risquais de ne pas avoir à la porter longtemps. Cette réponse me fit sourire : au moins, ma cliente savait ce qu’elle voulait et n’avait pas honte de le dire.

Je passais un moment dans la salle de bain pour effacer le suçon que j’avais dans le cou grâce à ma magie et pour prendre soin de ma peau. L’avantage de la magie du sang, c’était que les bleus et les hématomes n’étaient plus un problème. Je me rasai et me parfumai un peu avant d’essayer sans succès de discipliner mes cheveux. Je lançai un petit sort d’illusion pour cacher les marques sur mon dos, puis je me rendis dans mon dressing pour y sélectionner ma plus belle chemise. Par jeu, je décidai également de porter une cravate un peu lâche. Certains de mes clients, hommes comme femmes, aimaient m’attirer à eux en tirant sur ma cravate ou mon écharpe.

Une fois prêt, je pris un taxi pour me rendre à mon rendez-vous. J’avais décidé de ne pas me maquiller, ne sachant pas si ma cliente avait envie de ça ou non. Quand je fus devant la porte, je veillai à ce que je sois impeccable et je frappai. Quelle ne fut pas ma surprise en voyant ma très chère amie Ariane derrière la porte ! Nous avions passé quelques temps à nous fréquenter quand je vivais encore à Paris, avant que je doive partir précipitamment parce que mes parents m’avaient retrouvés.

« - Ariane ? Ca, pour une surprise ! » répondis-je en entrant avant de lui prendre doucement la main pour lui faire un baisemain.

Je n’en reviens pas. L’homme qui se trouve en face de moi, l’homme que j’ai “commandé” pour la soirée n’est autre que Caleb. Je savais qu’il faisait ce métier pour arrondir ses fins de mois et en soit, il pouvait largement se le permettre car il fallait l’avouer, il est beau comme un dieu grec. Bien qu’il ne soit pas originaire de là-bas. C’était une expression que j'affectionne beaucoup même si en y regardant de plus près cette expression est totalement infondée. Les dieux ne sont ni beaux ni moches et les grecs non plus. Mais Caleb lui je le trouvais tout à fait à mon goût. Alors le revoir là devant moi après 10 ans sans s’être revus, je trouve cela plus que satisfaisant.

Il semble autant surpris que moi et je ne peux me retenir de sourire. Il porte une chemise comme je l’avais demandé dans le mail. Cela lui va tellement bien que je craque littéralement pour lui en cet instant. Caleb entra dans la villa et je referme la porte sans même la regarder. Je reste plongée dans ses yeux à lui. Ses yeux qui me regardent. Peut-il lire le désir qui monte en moi en cet instant ? Doucement, il prend ma main pour y déposer un délicat baiser. Je frissonne à son contact. La vampire que je suis ressens la température qui monte d’un cran. Je me rapproche de lui et d’une main, j’attrape sa cravate pour l’attirer à moi en lui murmurant :

“Une très belle surprise… Dis-moi.”

Je me mordille la lèvre inférieure en le regardant. Il a vieilli mais j’aime ce que je vois. Alors que je tiens toujours sa cravate d’une main, de l’autre je la passe sur son torse et je remonte jusque dans ses cheveux. Je sais que j’ai une force vampirique mais je sais également me contenir et être douce comme un agneau quand je le veux. Et en cet instant, ce que je veux c’est de la douceur comme lui peut m’en offrir. Je me place sur la pointe des pieds pour pouvoir déposer un doux baiser dans son cou avant de lui murmurer à l’oreille. 

“Cela t’ennuie si l’on monte tout de suite dans ma chambre ?”

Je ne suis pas toujours comme ça, d’humeur aussi câline mais j’avais besoin de tendresse ce soir et la joie de retrouver mon doux Caleb a fait monter en moi mon excitation. Ce soit je serais sienne mais pas par obligation, non, par envie.

Revoir ma chère Ariane était un délice absolu. Je me sentais toujours un peu coupable d’avoir dû la quitter si précipitamment dix ans auparavant, mais en regardant son doux visage, je ne pouvais pas m’empêcher de sourire tendrement. Elle était exactement comme je me souvenais d’elle, elle n’avait pas pris une ride. Elle était toujours aussi belle et désirable.

Quand elle attrapa ma cravate et m’attira à elle avec, je souris et me laissai faire avec plaisir. Sa main sur mon torse me fit frissonner et je posai les miennes sur ses hanches et son dos. Elle était magnifique et notre précédente relation faisait que je n’avais pas besoin de faire semblant. Je ne dirais pas que j’avais été amoureux d’elle, mais j’avais une grande tendresse et beaucoup d’affection pour elle.

Son baiser me fit fermer les yeux en frissonnant de plaisir. Depuis mon départ de Paris, j’avais eu l’occasion de fréquenter toutes sortes de personnes et de créatures, j’avais eu de nombreux amants et maîtresses, particulièrement des Vampires. Les baisers dans le cou et les morsures étaient une manière sûre de me faire grimper les rideaux.

« - Je te suis, ma douce. Je te suis. » lui répondis-je en la serrant tendrement contre moi et en déposant un tendre baiser dans son cou.

En nous séparant, je pris sa main dans la mienne avec un sourire et lui refis un baisemain en la regardant. Je ne m’étais pas attendu à ce que ma cliente du soir soit une de mes anciennes amantes et je n’avais pas du tout imaginé nos retrouvailles de cette manière. Ariane était une personne très chère à mon cœur et nous retrouver dans les rôles d’escort et de cliente n’était pas vraiment la manière dont j’avais imaginé retrouver une vieille amie.

« - Ca me fait plaisir de te revoir, ma douce. J’espère que je te plais encore, malgré mes dix ans de plus… » lui dis-je en marchant avec elle vers sa chambre.

Contrairement à ma chère interlocutrice, j’avais quelque peu subi les affres du temps et, si je m’entretenais pour rester attirant, je ne pouvais pas complètement cacher les rides d’expression qui commençait à apparaître sur mon visage.

Un baiser dans mon cou, ses mains sur mes hanches, son corps si proche du mien, je retrouvais bien là mon Caleb. Il était bien là devant moi. Décidément L.A. était empli de vieilles connaissances et plus si affinités. Mon côté charmeuse se disait que j’allais me plaire ici, dans cette ville, alors que je lui demandais s’il était tenté de monter directement dans la chambre. Non pas que je veuille tout de suite lui sauter dessus mais je préférais que l’on soit tranquille si jamais Ambrosos et Esteban reviennent. Et puis j’avais prévu quelques surprises dans la chambre. Plongeant ma main dans la sienne, je souris de plus belle à son baisemain. Il était toujours aussi tendre et délicat. C’était un homme avec lequel j’avais été moi-même durant notre relation. J’avais pour Cal’ énormément d’attachement. Amoureuse de lui ? Peut-être mais il n’était pas mon âme sœur. Mon âme sœur je l’avais perdu à tout jamais… Non Caleb était un de mes amants les plus tendres. Il avait tellement souffert que finalement nous nous sommes ouverts l’un à l’autre et nous avons essayés de nous reconstruire ensemble avant que son passé ne le rattrape trop vite. Il avait fui la France pour fuir son passé. Je l’avais compris sans problème mais je n’avais plus eu de nouvelles. Mais pour l’instant il était là, c’était le principal et j’étais plus que ravie de la tournure de la soirée.

Alors que nous montions les escaliers, il me confia qu’il était content de me revoir mais il espérait qu’il me plaise toujours malgré les années. J'eus un petit rire et alors que nous étions arrivés à l’étage je me tournais vers lui.

“Oh Cal’ tu es toujours l’homme que j’ai connu, les années passées n’y changeront rien… Et oui tu es toujours très élégant, le temps te rend encore plus beau à mes yeux.”

Je donnerai cher pour vieillir, avoir une vie humaine, une famille, un mari, des enfants et tout ce qui va avec. Mais hélas cette vie ne sera jamais pour moi. Alors pour montrer encore plus mon attirance pour lui, je l’embrasse à nouveau mais cette fois-ci sur les lèvres. Il me plaît toujours et cet avis n’est pas près de changer.

Finalement nous arrivons devant ma chambre et en ouvrant la porte, je le laisse passer devant. Mon lit à baldaquin en fer forgé noir trône dans l’immense pièce, les draps blancs sont quelque peu froissés car j’étais, il y a encore quelques minutes, allongée sur le lit en écoutant de la musique. Sur une petite table en fer forgée et en verre, il y a un plateau avec une bouteille de champagne et deux verres. Il y avait un magnifique bouquet qui m’avait été offert par Ambrosos, un bouquet de rose Ariane de Rothschild, des magnifiques roses blanches. La lumière était tamisée alors que je refermais la porte avant de me tourner à nouveau vers mon amant tout en restant collée à la porte.

“Et moi Cal’ ? Est-ce que je te plais toujours ?”

Ma voix était douce, presque timide. Contrairement à lui je n’avais pas changé, j’étais figée dans le temps et peut-être qu’il n’était plus attiré par la femme que j’étais...

Cette soirée s’annonçait des plus agréables et pour la première fois depuis que j’avais commencé ce métier, je n’avais absolument pas besoin de jouer la comédie. Ariane était toujours aussi belle, aussi charmante et douce et la tendresse que j’avais eue pour elle n’avait pas changé depuis dix ans.

En entrant dans la chambre de mon amie, je laissai mon regard parcourir la pièce avec un sourire. Je me souvenais que mon amie avait toujours eu un goût certain en matière d’ameublement et la présence d’un lit à baldaquin me plut beaucoup. Mon propre lit n’avait rien d’extraordinaire, j’étais loin d’être riche, alors j’appréciais quand mes clients m’invitaient chez eux ou à l’hôtel où je pouvais profiter de lit bien plus luxueux que mon ordinaire. Et puis, quitte à vendre son corps à des inconnus, autant le faire dans des conditions confortables. En voyant le bouquet de fleurs, je grimaçai, me rendant compte que j’aurais dû aussi lui amener un petit quelque chose dans le genre. Faire un petit geste. Mais bon, j’y songerais sûrement la prochaine fois.

Mon regard se posa sur la bouteille de champagne et les deux verres, et je souris doucement en allant servir le vin. Quand je revins, Ariane me demanda si elle me plaisait toujours. Mon sourire s’élargit et je posai les deux verres près de nous avant de poser mes mains sur les hanches de l’éternellement jeune femme avec douceur. Je l’embrassai tendrement, lui caressant doucement le dos et les cheveux. Evidemment qu’elle me plaisait toujours : en plus d’être magnifique, elle était toujours cette femme avec qui je m’étais si bien entendu, avec qui j’avais passé près de dix incroyables années, et que j’avais dû quitter à regret quand mes parents m’avaient retrouvé.

Au bout d’un instant, je mis fin au baiser et vins poser mon front contre le sien avec un sourire doux, une de mes mains sur ses hanches et l’autre perdue dans ses cheveux.

« - Cela répond-il à ta question, ma douce ? » lui murmurai-je avant de venir l’embrasser dans le cou.