Il était rare que Lyanna ait peur pour elle-même, son comportement était souvent réfléchi et elle faisait toujours en sorte d’être irréprochable aux yeux des autres et de la loi. Dans les faits, elle l’était. Mais peut-être pas tant que cela. A la réunion entre leaders où tous avaient été convoqués par la BACS pour révéler les meurtres découverts, la régente de White Chapel, bien trop émue à la vue des clichés des corps atrocement mutilés de jeunes adolescents qu’elle avait connus, avait ouvertement montré son mépris envers Ypolite Saint-Yves, le roi des croque-mitaines qui avait fait preuve de si peu de respect à l’encontre de toutes ces personnes décédées dans tous les clans, et plus encore pour les gens présents autour de la table. Elle n’avait pu se retenir de le remettre à sa place ce soir-là, tant pis pour la bienséance. Et voilà que quelques semaines plus tard, ce vieux roublard avait tenté de la piéger, se faisant passer par lettre pour un sorcier ayant besoin de son aide, la faisant se déplacer de nuit dans un entrepôt sur les docks. Qu’avait-il voulu faire exactement pour se venger ? La tuer ? La blesser ? Lui faire peur ? Lily ne le saurait jamais car Ypolite, après avoir commencé ses petits tours de vile créature de l’ombre, était accidentellement tombé d’une hauteur impressionnante, littéralement aux pieds de la sorcière blanche, se fracassant le crâne sur le sol. Mort.

Dans la panique, la belle brune avait fait appel à son bras droit expéditeur de problèmes et ils avaient fait disparaître le corps… Mais au fur et à mesure que les jours et les nuits se succédaient, la régente se demandait si cette action sordide avait été judicieuse… Elle l’avait fait car elle avait craint d’être accusée de meurtre et de finir à l’Asylum. Mais n’était-ce pas une erreur, étant innocente, de se conduire comme une coupable en dissimulant un cadavre ? Les croque-mitaines étaient sûrement déjà en train de se trouver un autre chef, à vrai dire, ce genre de détail lui importait peu, mais elle espérait qu’ils ne mèneraient pas d’enquête… Si la BACS s’en mêlait, elle craignait d’être découverte. Lily en faisait des cauchemars, c’était infernal de sans cesse avoir peur que l’on vienne l’arrêter, elle avait besoin de conseils pour se rassurer, si c’était possible.

Stefano s’avérait être, selon elle, la personne idéale. Un ami précieux aux connaissances juridiques suffisantes pour l’éclairer, puisqu’il était avocat, pour savoir à quel point elle était dans la merde. La régente prit donc pour la première fois ce soir-là le chemin de chez Stefano et se rendit chez le vampire millénaire qui lui avait envoyé par texto son adresse. Elle était élégamment vêtue, comme à l’accoutumée, et marcha, ses escarpins tapotant avec légèreté le sol, jusqu’au hall d'entrée luxueux, avant de prendre l'ascenseur et se rendre jusqu'à la porte du propriétaire des lieux qu’elle avait prévenu de son arrivée en amont. Elle sonna et le salua aussitôt qu'il ouvrit.

- Bonsoir. J’ai à te parler en privé, c’est très sérieux.

Dans son regard, le vampire pourrait comprendre qu’elle comptait vraiment sur lui.

La vie à Los Angeles était mouvementée. Tout était à fleur de peau, dans l’attente, la musique décadente, l’alcool et le désir. Cette ville avait beau avoir un nom angélique mais elle était un péché en elle-même. Son air chaud et sucré rendait accro les gens, les hypnotisant pour qu’ils restent le plus longtemps possible. Ce n’était pas encore Las Vegas qui était une ville démentielle, puant la démence à plein nez. Los Angeles avait tout d’une ville pour les bobos et pour les fêtards. Elle avait une certaine limite qu’on pouvait franchir aisément. Un bobo pouvait faire la fête comme jamais avant de retrouver sa vie d’avant tout comme un fêtard pouvait se retrouver comme un bobo chic du jour au lendemain. Stefano était tombé sous le charme de cette ville aux multiples facettes, aux multiples visages. Il était marrant, voir hilarant de voir à quel point elle changeait selon la météo, ou si c’était la nuit ou le jour. Elle était cosmopolite surtout en matière du surnaturel. Des vampires, sorciers, loup-garous et d’autres espèces dont Stefano préférait se tenir loin. En cette soirée, Stefano avait décidé de rester chez lui. Une envie étrange l’avait pris, cette matinée, lorsqu’il était au moonlight club en train de se disputer avec un barman. Il avait gagné comme d’habitude même si une envie de meurtre était toujours là. De plus, Lily voulait le voir dans sa maison. C’était étrange mais peut-être qu’elle voulait avoir un peu plus d’intimité que dans son club. Il avait haussé les épaules et avait envoyé son adresse. Il s’en fichait, au pire, il changerait d’endroit si un problème arrivait avec elle. Pourquoi pas, une villa dans les collines ? Là où les stars vivaient ? Cela ne serait pas mal et puis, il aimerait goûter le sang d’une certaine diva.

Le soir était vite tombé et Stefano avait commandé quelques courses afin de recevoir la belle sorcière. Un truc simple mais classe avec de l’alcool, beaucoup d’alcool. Il la connaissait la belle sorcière. Parfois, il ressentait même une certaine amertume dans son sang lorsqu’elle était ivre. Il cuisinait en lisant une recette des brownies au chocolat avec un ingrédient spécial qui lui venait tout droit du Mexique. Un dealer lui avait donné cela car il n’avait pas son herbe habituel mais finalement, celle-ci était la meilleure. Il entendit Lyanna avant même qu’elle vint sonner à sa porte. Il connaissait sa démarche, ses talons qui claquaient contre le sol. Avoir une ouïe aussi fine était un don et à la fois un fléau, surtout quand il entendait la voisine simuler pour faire plaisir son homme qui n’arrivait pas à la combler, d’ailleurs, elle le trompait avec beaucoup d’hommes.

Il vint à ouvrir lorsqu’il entendit sonner. Lyanna avait un regard étrange et il sut que ce n’était pas pour faire des galipettes. Elle avait un regard grave avec une confiance envers lui qui le gênait.

-Salut, entre. On parlera tranquillement, déclara-t-il en ouvrant afin de la laisser passer.

Son appartement était un peu un foutoir, de bric à brac qu’il avait ramené des siècles passés. Il refermait la porte, une fois qu’elle a passé celle-ci.

-J’aimerais te dire, désolé pour le désordre mais en vrai, j’ai tout foutu en l’air pour trouver mon téléphone. Je l’ai retrouvé. Il était dans ma main, tenta-t-il avec un petit sourire pour la faire dérider.

Il vint dans la cuisine pour enfourner les brownies magiques. Il aimait donner cela à ses voisins pour passer une soirée au calme, sur du reggae.

-Bienvenue chez moi, déclara-t-il en se retournant vers elle, prenant deux verres de vin et une bouteille. Tu n’as pas l’air dans ton assiette. Que se passe-t-il ? Demanda-t-il en servant les deux verres. Sois, je te manque et tu voulais le faire chez moi mais je te préviens, il va falloir que je débarrasse mon lit de mes peluches avant qu’on le fasse. Soit, tu veux un service, ajouta Stefano en lui tendant un verre.

Il tentait à nouveau un trait d’humour même si c’était vrai. Il aimait les peluches et en avait plein sur le lit dont un gros ourson mais l’heure ne semblait pas à la blague ni au sexe. Le visage sérieux de Lyanna lui rappelait.

Le coeur lourd par l’angoisse qu’elle ressentait, Lily était arrivé chez son ami de longue date et était entrée suite à son invitation. Elle n’était, de mémoire, jamais réellement entrée chez lui, ou alors elle avait été trop bourrée pour s’en souvenir, ce qui était fort possible au vu de leurs soirées beuverie et tutti quanti. Stefano s’excusa pour le désordre, mais la régente, qui rangeait rarement elle-même, préférant confier cette tâche fastidieuse et chronophage à son meilleur ami et colocataire, n’était pas là pour juger l’ordre du logis du vampire. Sa raison quant au désordre la fit esquisser un sourire.

- Typiquement toi, souligna-t-elle.

Il s’éclipsa quelques secondes dans sa cuisine avant de revenir avec deux verres et du vin. Bonne idée, même si ce n’était pas assez fort, c’était toujours un bon début. Elle prit le verre en hochant la tête quand il lui souhaita la bienvenue. Il pouvait se montrer charmant, vraiment, mais Lily n’arrivait plus à sourire.

- Non, ça ne va pas du tout. J’ai… je crois que j’ai fait une connerie, une connerie vraiment grave.

Son coeur se serrait et battait un peu plus promptement, sans doute que le vampire millénaire pourrait se rendre compte qu’elle était vraiment stressée.

- Je suis pas contre un peu de bon temps, mais Stef, il faut que tu m’aides. Tu as une formation d’avocat non ? Tu t’y connais dans tout ce jargon juridique, les procédures et condamnations…

Bon, il fallait qu’elle lui dise les choses dans l’ordre pour qu’il comprenne bien. Elle délesta son verre d’une gorgée, puis deux et finalement le vida cul sec.

- Il est bon ton vin. T’as vraiment des peluches sur ton lit ? demanda-t-elle étonnée avant de se reprendre. Bon. Je vais pas y aller par quatre chemins. J’ai peur d’être accusée de meurtre et de finir en taule à l’Asylum. Le truc c’est que ce crétin est mort devant moi en voulant s’en prendre à moi, et j’ai paniqué, j’ai fait disparaître son corps… Je sais pas pourquoi j’ai fait ça, et clairement je sais que ça ne joue pas en ma faveur parce que je me suis comportée comme une coupable, mais je te jure, Stefano, que je n’ai pas tué Ypolite Saint-Yves.

Sa voix devenait chevrotante. Ypoite Saint-Yves n’était pas n’importe qui, il était feu le roi des croque-mitaines, un peuple assez spécial, sans doute autant que lui pouvait l’être. Et l’ennui, c’est que Lyanna avait clairement montré son aversion pour cette personne devant des témoins lors de la réunion des leaders, et n’avait pas retenu son envie de s’en prendre à lui suite au manque de respect dont il avait fait preuve suite au décès des jeunes sorciers. Elle avait enflammé son pantalon pendant qu’il faisait une sieste les pieds sur la table de réunion, avant de lui jeter du gros sel au visage en quittant la pièce. Clairement, aucun élément ne jouait en sa faveur, elle en était consciente.

- Qu’est-ce que je fais si son peuple remonte jusqu’à moi ? Personne n’aimait Ypolite Saint-Yves, c’est un fait, mais on m’a vu lui foutre le feu quelques semaines avant son décès. Stef, est-ce que je vais finir en prison ? demanda-t-elle en s’approchant de lui, le regard brillant d’émotion.

Rien que de songer aux traitements infligés aux prisonniers de l'Asylum Island, la régente en frémissait d'horreur. Elle ne méritait pas qu'on la torture jusqu'à ce qu'elle devienne folle, qu'on la prive de ses pouvoirs et de ce qu'elle était, elle avait toujours veillé sur sa communauté, sur ses proches, elle faisait de son mieux pour aider son prochain quand c'était possible... Non, elle ne pouvait pas finir là-bas. Et elle ne voulait pas non plus perdre son poste de régente.

Son cœur battait follement dans sa poitrine. La nervosité se faisait ressentir à des kilomètres à la ronde. Au moins, Lyanna restait classe dans sa tenue. Il avait bien vu des gens devenir absolument écœurant à cause de la nervosité. De la transpiration sur leur front. Elle, restait fidèle à elle-même. Belle et élégante. Si cette femme serait née lorsqu’il était humain, c’était avec une certaine certitude que Stefano l’aurait pris pour être son épouse. Elle alliait charme, élégance, beauté, intelligence avec une pointe de folie. C’était ce qui lui plaisait beaucoup. En plus, elle avait de nombreuses qualités comme la gentillesse et la patience. Deux choses dont Stefano était dépourvues. A son visage marqué par une faute inconnue de tous sauf d’elle, le vampire avait compris que la soirée ne se présentait pas réellement sur les meilleurs hospices pour du bon temps sur le lit à faire des galipettes, en embêtant les voisins de leurs prouesses.

Des doutes qui ont été vite confirmée par le visage imprimé d’une culpabilité. Il penchait la tête tout en servant le vin. Lyanna était une personne franche et qui ne faisait pas réellement de bêtises. De plus, elle assumait beaucoup de choses, sans complexe. Il était perdu. Elle lui demandait s’il avait été avocat. Oui, un très bon avocat mais très véreux qui s’occupait de blanchir des criminels ou faire ce que le client voulait tant qu’il payait. Stefano pouvait se montrer cupide et surtout sans scrupule pour piéger les clients de la partie adverse. Sans doute, qu’il était un gros connard mais les avocats étaient tous comme cela. Stefano était juste plus roublard, rusé et retord que les autres. De plus, il se fichait bien de la loi. Il faisait bien pire que la plupart des criminels qu’il avait représentés lors des procès. Cependant, le fait qu’elle lui avait posé la question avec des yeux chargés de culpabilité, l’inquiétait un peu.

-Tu m’inquiètes un peu, là, avec tes questions, déclara-t-il en lui tendant le verre. Oui, j’étais avocat avant de devenir propriétaire du Moonlight Club. Donc, je les connais tous depuis environ le début des tribunaux qui ont existé. N’oublie pas que je suis très vieux. Je trouve que maintenant, c’est devenu débile et nian nian en matière de condamnation. J’aimais bien les pendaisons ou les écartèlements. Ou le supplice de la roue, c’était magnifique et…..je m’égare, je m’en excuse, raconte moi un peu, ajouta-t-il avec franchise et sans aucune honte.

Il fallait rester professionnel devant une personne ainsi. Lyanna lui demandait parfois conseil sur la manière de tenir des rangs ou gérer son clan. Des conseils assez intimes parfois mais jamais dans ce genre de jargon. Il arquait un sourcil face à sa question sur les peluches. Un air qui disait « à ton avis ».

-Merci, Oui, j’ai des peluches, je les ai volés au parc d’enfant, cela a été dans le journal d’ailleurs, répondit-il avant d’écouter les propos de la sorcière.

Il avait été surpris d’apprendre la mort du roi des croques-mitaines. Rien que ce nom, ce titre le faisait marrer tant il était ridicule. Il aimait bien, cet homme mais sans en plus. Disons, qu’il n’allait pas pleurer la mort de celui-ci mais il faisait marrer Stefano avec ses airs nonchalants. En plus, il était moche. La voix de Lyanna était chevrotante, se déversant sur lui. Elle se vidait en lui parlant de cette mort. Prenant sa main pour la serrer afin qu’elle revienne à ses pensées plus rationnelles. Une méthode qu’il utilisait parfois sur des femmes dans son bureau. Il attendit qu’elle termine avant de se lancer dans le jargon politique. C’était clair qu’elle avait fait l’imbécile. Son pouce vint délicatement caresser le dos de sa main. Une manière de la réconforter.

-Je te crois quand tu dis de ne pas l’avoir tué, déclara-t-il. Mais sincèrement, tu as fais l’imbécile. Si ce n’était pas toi qui l’a tué, fallait pas cacher le corps. De plus, comme est-il mort ? Demanda-t-il en lui servant un verre de vin. Faut que tu me racontes tout en détail mais il est clair que cela ne joue pas en ta faveur. Cependant, cela aurait dû être drôle à voir, le feu sur son pantalon. Vu dans cet angle, et sur le peu que tu m’as raconté, tu risques d’y passer. Faut que tu me racontes ce qui s’est passé cette nuit, c’est ainsi, Lily, qu’on trouve une faille, en racontant toute l’histoire, ajouta-t-il d’une manière méthodique.

Elle commençait à trembler sans le savoir, le ressentir. Les vampires avaient un peu un flair sur cela. Son ouïe , et les sensations étaient plus sensibles. Il sentait que Lyanna tremblait un peu sans même qu’elle le sache ou qu’elle le sente. Les sanglots coincés dans sa gorge, ses yeux remplis d’une émotion triste et coupable. La peur se lisait dans ses yeux, et les questions qu’elle vint lui poser, confirmait ses doutes. Doucement, il vint la prendre dans ses bras, l’enlacer. Déposant un doux baiser dans ses cheveux qui sentait son shampoing.

-Ca va aller, Lily, je vais tout faire pour que tu n’y ailles pas, murmura-t-il contre ses cheveux. Tu es mon amie après tout. Je vais enquêter sur cela, sur les affaires en ville, j’ai tout un réseau, de plus, ma chère, je suis Stefano. J’ai un certain talent pour me sortir des emmerdes, autant l’employer pour les amis, déclara-t-il à haute voix, se séparant doucement de la jeune femme. De plus, je ne crois pas que les croques-mitaines sont du genre à faire des enquêtes sur la mort de leur prédécesseur, trop occupés à se battre pour avoir le titre, pour enquêter, s’enquit-il d’une manière malicieuse.

Il se détacha complètement d’elle sauf de sa main dans la sienne. Il était rare qu’il soit ainsi, lucide, sensible, doux et dénué d’intérêt.

-Tu ne vas pas aller en prison, au pire, tu resteras pas longtemps, je suis tenace, Lily, très tenace et la Brigades Aux Cheveux Soyeux, surnommé la BACS, sont mes amis, enfin, des gens que j’exaspère beaucoup. Ils ne veulent pas de moi, mais je vais tout faire avec un ami à moi, pour te sortir de cette affaire, faut juste que tu me racontes tout et ma magie va se mettre en marche, déclara-t-il confiance avec une petite pression sur sa main.

Ce secret-là, sur la mort du roi des croquemitaines, Lyanna le gardait depuis trop longtemps, et cette culpabilité la rongeait maintenant bien trop, surtout depuis sa discussion avec la sœur de la nouvelle reine. Sanda semblait déterminée à savoir ce qui était arrivé à Ypolite, probablement pour mieux protéger sa sœur Ambrosia. La régente de White Chapel n’avait pas une confiance aveugle en beaucoup, mais quand elle l’accordait, elle savait que c’était un choix judicieux. Elle connaissait Stefano depuis assez longtemps pour savoir que sous sa folie apparente se cachait un homme déterminé et capable de grandes choses. Il était l’un de ses plus proches amis, l’un de ceux qui comptaient le plus à ses yeux et elle espérait qu’elle comptait assez pour lui pour qu’il l’aide dans cette période délicate qu’elle traversait.

La sorcière commença donc par lui demander, question rhétorique, s’il avait bien été avocat. Une entrée en matière sans doute maladroite, mais à la vérité, Lily avait eu beau tourner et retourner la façon d’aborder les choses avec le vampire, elle ne trouvait aucune formulation parfaite, alors autant y aller franchement. Lorsqu’il évoqua les pendaisons et autres écartèlements, la sorcière ferma les yeux avec un air de dégoût, principalement parce qu’elle s’imaginait à la place des suppliciés, vu qu’elle s’était comportée comme la coupable idéale et que le meurtre d’un leader était sévèrement puni.

Le petit aparté sur les peluches lui tira un léger roulements d’yeux. Stefano avait beau figurer parmi les vampires les plus vieux, il pouvait se comporter comme un véritable gamin. Un paradoxe qui rendait sa personnalité amusante et originale. La sorcière finit par reprendre une gorgée de vin avant de continuer son récit, achevant sur la promesse qu’elle n’avait pas tué Ypolite. Stefano lui prit la main, un contact qui la rassura un peu et qu’elle apprécia.

- Je sais ! souffla-t-elle. Je sais que je n’aurais pas dû, mais j’ai paniqué, j’ai manqué de clairvoyance, reconnut-elle.

Il fallait qu’elle lui raconte tout, dans les moindres détails. Elle le ferait. Mais elle était pour l’instant un peu glacée à l’idée d’être enfermée à l’Asylum, là où la plupart des prisonniers devenaient fous après quelques temps, et pire, d’être reconnue coupable si un procès avait lieu, et d’être condamnée. Stefano la prit dans ses bras pour la rassurer. Lyanna ferma les yeux, appréciant cette étreinte qu’elle lui rendit en passant à son tour ses bras autour de lui. Les paroles du vampires furent tout aussi rassurante, il semblait déterminé à l’aider et la belle brune sentit un poids s’ôter de ses épaules. Elle esquissa un sourire ironique lorsqu’il se détacha d’elle.

- Un talent pour t’y foutre ET sortir des emmerdes, précisa-t-elle. On dirait que ça devient contagieux.

Elle s’assit, posa son verre vide, avant de soupirer.

- Détrompe-toi, j’ai pu m’entretenir avec Sanda Kane, la sœur de la nouvelle reine croquemitaine, et figure-toi qu’elle trouve suspecte la disparition d’Ypolite, elle est persuadée qu’il a été assassiné et m’a dit être déterminée à démêler le vrai du faux pour savoir ce qui s’est passé…

Et cette fille faisait froid dans le dos.

- Bien, je vais tout te raconter. Tout a commencé avec une lettre que j’ai reçue, une lettre d’un soi-disant sorcier qui me demandait de l’aide et qui sollicitait une rencontre seule à seul dans un entrepôt du port. Il semblait terrorisé et je n’ai pas une seule seconde pensé à une manigance de ce vieux taré. Je m’y suis rendue dans le but d’aider ce sorcier, sans doute un peu trop sure de moi. Et finalement, sous sa forme de croquemitaine, il a commencé à… faire des trucs de croquemitaine pour m’effrayer, à sauter et courir dans tous les sens… Et soudain, après d’être perché au plafond à une hauteur de plusieurs mètres, il est tombé à mes pieds et s’est fracassé le crâne.

A mesure qu’elle contait cette sordide histoire, la régente revoyait les images tout aussi sordides.

- Je peux te dire que s’il me prenait l’envie d’assassiner quelqu’un, je m’y prendrais d’une manière qui m’éviterait d’avoir sa cervelle sur moi…

Elle se saisit du verre vide et prononça une formule pour qu’il se remplisse de whisky, ce qui vida une bouteille de chez elle. Elle l’en délesta d’une grande lampée avant de continuer.

- Donc là, j’ai paniqué, j’ai appelé Brad qui a appelé Clayton, et ils ont nettoyé l’entrepôt après avoir… - elle vida son verre – découpé le corps et mis dans des sacs. Ensuite, j’ai modifié nos apparences au cas où il y aurait des caméras et nous avons emprunté un bateau pour aller au large. Vraiment au large. Brad à prononcé une formule pour appeler des grands requins blancs, et là ils ont jeté tous les morceaux de corps à l’eau. On s’est assuré qu’il soit complètement dévoré avant de rentrer.

Rien que d’évoquer tout ça, elle sentit un haut le coeur la prendre.

- Je m’en veux tellement, j’ai impliqué mes amis, ils sont devenus complices.

Elle se mordilla la lèvre en plongeant son regard brillant d’émotion dans celui du beau vampire.

- Tu crois qu’on va finir en prison tous les trois ?

La culpabilité rongeait depuis la nuit des temps. Depuis que l’être humain avait foulé la Terre, envahi les champs et domestiqué les animaux, c’était ce ressentiment, cette chose qui complexait, motivait leurs vies. La culpabilité pouvait renforcer une croyance, une conviction mais elle pouvait ronger l’âme de quelqu’un. Il le savait mieux que personne. Sa culpabilité portait un joli prénom, avait un magnifique visage en forme de cœur, des cheveux qui brillaient aux rayons du soleil. Une voix douce comme une mélodie cristalline. Ariane. Stefano avait fait beaucoup de choses horribles et innommables par delà les siècles qu’il avait vécus mais Ariane était différente. C’était marrant de voir cela, la culpabilité pouvait être subjectif. Un homme capable des pires choses dans la vie pouvait ressentir de la culpabilité face à un tout petit truc. Ariane était sa culpabilité, la partie où Stefano restait enfermé au fond de son cœur. Peut-être faisait-il des bêtises pour noyer ce poisson qui le rongeait ?

L’ennui avec ce sentiment, c’était qu’elle s’arrêtait à la mort de la personne, mais lorsqu’on était immortel, c’était beaucoup plus compliqué. Beaucoup plus difficile de s’en débarrasser. La culpabilité rongeait et ne laissait aucun répit. Dans ce genre de chose, la mort était une délivrance, offrait un répit que l’immortalité ne le donnait pas. Lyanna avait de la chance, au moins, elle n’était plus seule à supporter le fardeau tandis que Stefano allait continuer jusqu’à sa fin. Heureusement que l’être humain trouvait toujours des moyens fascinants de se divertir. Stefano écoutait attentivement les mots de Lyanna concernant son histoire. Elle n’était plus vraiment la femme sûre d’elle et charismatique. Il avait l’impression de voir une petite fille perdue dans un supermarché.

Lyanna était sa meilleure amie, sa seule véritable amie avec Ezéchiel. La seule qui ne voulait pas l’étriper au bout de 5 secondes passées avec lui dans un restaurant à buffet à volonté. Il eut un petit rire en desserrant son étreinte en l’écoutant parler de son talent.

-J’ai inspiré bip bip dans les Looney Tunes, déclara-t-il sonnant comme une blague mais en soit à part l’apparence, tout était pareil.

Elle vint à lui parler de la sœur du croquemitaine qui représentait un ennui. Ce Ypolite avait beaucoup d’ennemis, et cela était possible de rejeter la faute sur quelqu’un ou convaincre la belle Sanda de partir sur une fausse piste.

-Depuis quand, ce genre de créatures sont devenus ainsi ? Intelligentes ? On pourrait s’en occuper, l’envoyer sur une fausse piste, il avait tellement d’ennemis, déclara-t-il pensif.

Il lui avait demandé par la suite de savoir toute l’histoire ainsi, il pouvait réfuter, changer les choses. C’était comme cela qu’il avait survécu, qu’il avait vécu. Stefano avait beau être un véritable gamin mais il avait un talent pour se débarrasser de ses ennemis. Une langue fourchue et tentante et un esprit malsain et malin. Azela, la démone avait appris à se méfier de lui. Cela voulait dire beaucoup. L’histoire de sa mort, le fit s’étrangler de rire. L’image lui venait avec une Lyanna, pleine de sang et de cervelle sur là et son rire s’échappa, résonnant dans l’appartement. C’était tordant.

-Mon dieu, c’est tordant, ricana-t-il. Une mort ridicule, complètement ridicule comme lui, ajouta Stefano entre deux rires.

Ils finirent par se calmer doucement, haletant encore de ce rire qui ne pouvait pas s’arrêter. Il reprit doucement son calme avant de soupirer et de serrer la main de Lyanna.

-Je vois, c’est donc une mort accidentelle. Je comprends que t’as paniqué mais les deux autres ne sont pas un peu idiots de t’aider en sachant cela. Bref, c’est une mort accidentelle, si tu es assez maligne, évitant soigneusement cette femme, tu as des chances de t’en sortir. Sinon, envoie-moi un message et je t’aiderais. Pour quoique ce soit, après tout, t’es mon amie, déclara-t-il avec un petit sourire.

Il vint à secouer la tête d’un air décidé.

-Tu n’iras jamais en prison, s’enquit-il d’un ton assuré et confiant. T’oublies qui est ton avocat, continua-t-il.

Lyanna avait confiance en Stefano. Elle savait depuis longtemps que malgré son apparent excentricité, il était quelqu’un de juste, un homme intelligent avec des connaissances remarquables, et qu’il ferait ce qu’il pouvait pour l’aider en tant qu’ami, tout comme elle l’aurait fait pour lui. Elle avait peur, il devait le sentir. Elle se sentait coupable, même si évidemment elle n’avait pas assassiné Ypolite Saint-Yves. Mais ayant agi comme si c’était le cas, les circonstances ne jouaient pas en sa faveur. Néanmoins, Stefano Kray étant son avocat, la régente se devait de tout lui raconter dans les moindre détails. Lily évoqua son inquiétude face à Sanda Kane avec qui elle s’était entretenue. Le vampire eut une idée qui n’était en soi pas mauvaise.

- Une fausse piste ? Pourquoi pas, mais il faudrait qu’elle y croit, sans quoi elle me reviendra comme un boomerang et je risque de plonger encore plus vite. Quelle idée tu as ?

La sorcière avait donc raconté la totalité de l’histoire, la supercherie de l’ancien roi croquemitaine pour l’attirer dans un hangar en pleine nuit en se faisant passer pour un sorcier apeuré ayant besoin d’aide. Et comment il était lamentablement décédé en tombant après avoir sauté dans tous les sens dans l’obscurité sous sa forme de croquemitaine, espérant terroriser la sorcière, avant qu’une crise cardiaque n’ait raison de lui et le fasse tomber de plusieurs mètres pour s’exploser le crane au sol, aux pieds de sa victime. Là, Stefano éclata de rire tandis que Lyanna affichait un air médusé, mais face au rire de son ami, elle se détendit un peu avant de rire à son tour à sa remarque.

- C’est vrai que c’est une mort ridicule, concéda-t-elle rassurée de sentir la pression de la main de son ami qui tenait la sienne.

Le vampire assurait tout son soutien à la régente, ce qui la rassura.

- Je ne suis pas assurée de ne plus croiser Sanda Kane, c’est la sœur et bras droit d’ Ambrosia Kane, la nouvelle reine croquemitaine, que je suis amenée à voir dans le cadre professionnel.

Elle répondit à son sourire, un léger sourire mais la sorcière se sentait déjà plus en confiance

- Merci Stefano, heureusement que tu es là.

L’entendre lui dire avec certitude qu’elle n’irait pas en prison la rassura. Elle avait toujours eu très peur de la réputation de l’Asylum Island, cette prison, la seule prison pour surnaturels, avait de quoi faire froid dans le dos, et un séjour même restreint là-bas laissait des séquelles.

- Mon avocat est le meilleur. Je te fais confiance, Stef, mais comprends que la seule idée qu’on puisse me juger coupable devant une cour me terrifie. Qu’est-ce que je dois faire si un jour quelqu’un parvient à me faire accuser ?

Il était avocat, et bon de surcroît, Lily savait que Stefano aurait les réponses, qu’il saurait quoi faire.

- Est-ce que tu pourras défendre aussi Bradley et Clayton si par malheur ils sont impliqués aussi ?