Eleonore était parmi nous. Notre petite fille était née en plein milieu de la nuit alors qu’il pleuvait. Une nuit de printemps pluvieuse, mais qui emplissait mon coeur de joie. Elle avait été mise sur mon ventre mais elle ne pleurait pas. Je l’entendais simplement tousser en tentant de chercher son air. Je paniquais un peu, mais la sage-femme montrait à Arthur ce qu’il fallait faire. Elle guidait ses gestes le plus naturellement du monde. Notre Eleonore crachait le liquide encombrant ses poumons avant de se mettre à pleurer. Je continuais de verser des larmes de joies alors que mon Arthur coupait ce lien qui nous liait.

Eleonore était contre ma poitrine désormais et une couverture était posée sur nous. Le bébé continuant de pleurer comme jamais contre moi. Elle nous signifiait sa présence et je fermais les yeux quelques secondes. Arthur me complimentait et je souriais un peu. Je répondais à son baiser avec une immense douceur. Mon corps tremblait bien malgré moi en cet instant après tous les efforts que j’avais fait.

- Merci Arthur. Sans toi je n’aurais jamais réussi. Je t’aime tellement mon amour.

La petite se calmait graduellement alors que la sage-femme patientait le temps que je termine la délivrance. J’avais des crampes qui me faisait de plus en plus mal et je grimaçais un peu. Je caressais le dos de notre fille. Elle avait des cheveux châtains comme Arthur visiblement et une jolie petite moue. Elle ouvrait les yeux pour regarder son père un peu. J’avais l’impression que mes forces m’abandonnaient cependant. Je tentais de me concentrer sur Eleonore au maximum alors que la sage-femme appuyait sur mon ventre. Le placenta sortait mais je me sentais encore plus faible. Je devais sans aucun doute avoir palît car j’entendais la voix de la sage-femme comme dans un écho.

- A … Arthur …

Je me sentais tout simplement partir et je voyais des points noirs. Je fixais le plafond et non notre fille alors que la sage-femme faisait un massage sur mon ventre. Je perdais trop de sang et rapidement. Je perdais conscience alors qu’Eleonore était contre moi.

- Votre femme fait une hémorragie assez importante monsieur Fitzgerald.

J’ignorais ce qui s’était produit et encore moins combien de temps est-ce que j’avais perdu la carte. J’ouvrais les yeux péniblement. Eleonore était accrochée à mon sein et buvait lentement. J’étais sous les couvertures chaudes et au sec complètement. Visiblement, j’avais été inconsciente une bonne dizaine de minutes ou une vingtaine. Je cherchais Arthur du regard. Je me sentais beaucoup mieux. Il avait sans aucun doute usé de la magie du sang sur moi.

- Arthur … Qu’est-ce qu’il s’est passé ?
 

J’étais totalement submergé par la joie et le bonheur. Penelope était heureuse, notre petite Eléonore allait bien et était magnifique. Bien que l’accouchement eût été long et devenait difficile à supporter dans le temps pour Penelope, elle avait réussi. C’était à elle seule que revenait ce mérite.

« - C’est toi ma chérie qui a bien travailler. C’est à toi seule que revient le mérite d’avoir mis au monde notre magnifique petite fille! Je suis tellement fière de toi! Tu as enduré ce que peu endurent de nos jours. »

Je l’embrassais sur le front, puis déposa un baiser sur Elénore. Je l’admirais amoureusement. Penelope avait été si courageuse. Bons nombres de femmes pouvaient user de moyens d’anesthésier la douleur. A la Red House, cela était proscrit. L’accouchement était un art avec des coutumes particulières, l’acceptation de la douleur en faisait partie. Qu’importe si le soulagement était médical ou bien magique. C’est pourquoi, il était encore plus dur d’être mère sorcière (ou d’un mari sorcier ici), et pourquoi j’étais d’autant plus fier d’elle.
La sage-femme procédait à sortir le placenta. Elle était inquiète du sang que perdait Penelope qui d’ailleurs était d’une pâleur incroyable. Je la sentais partir.

« - Chérie ? Je suis là Peny chérie ! »

La sage-femme expliquait que mon épouse faisait une hémorragie. C’était grave, il fallait agir vite avant de la perdre. Je laissais la panique me prendre, me voyant impuissant tout en observant la sage-femme tentant de comprimer, et de calmer l’hémorragie comme elle le pouvait. Mais sans assistance et sans assez de matériel adéquat, je comprenais rapidement qu’elle n’y arriverais pas. Je pris sur moi mon angoisse, si je me la laissais m’envahir, je savais que je perdrais Penelope par ma faute. Je posa alors une main au niveau de son bas ventre.

« - Laissez moi faire, s’il vous plait. »

Je regardais la sage-femme droit dans les yeux, un regard significatif montrant que j’étais sûr de moi. Elle prit quelques secondes de réflexion pour finalement me laisser faire. J’utilisa la magie de sang et répéta plusieurs une formule latine, la même que j’avais utilisée pour Karl il y a quelques mois lors du bal de la mairie :

« -Vulnera Sanentur… Vulnera Sanentur… »

La sage-femme m’encourageait, cela fonctionnait parfaitement bien. Je sentis également à travers son flux sanguin que son corps réagissait bien. Je continua jusqu’à totalement arrêter cette hémorragie. Penelope avait repris quelques couleurs. Elle semblait reprendre également connaissance. Je lui caressais les cheveux.

« - Tu as perdu beaucoup de sang. Maintenant c’est fini, tout va bien aller. »

Je l’embrassais encore. J’étais mort de peur en réalité et encore sous le choc. Je venais d’échapper de très peu à la mort de mon épouse sous mes yeux.

« - Regarde comme Eléonore s’en sort déjà très bien. Elle a déjà compris où était la cantine ! » riais-je
« - Jamais tu n’aurais pu me faire de meilleurs cadeaux, deux beaux enfants… »
 

J’avais eu la sensation de partir bien loin. Je mentirais de dire que je n’avais pas eu peur de mourir en cet instant. Il y avait quelque chose d’effrayant en soi. Je gardais les yeux fermés et je sombrais dans un demi-sommeil malgré moi avant de me réveiller difficilement. J’étais épuisée et Arthur m’embrassait avec douceur en tentant de me rassurer. J’allais bien maintenant et c’était le principal. Je baissais un peu mon regard pour regarder notre petite fille boire calmement. Elle avait faim notre petite puce. Je posais une main avec douceur dans son dos pour la soutenir un peu.

- La cantine est difficile à rater si tu veux mon avis.

Un peu d’humour de ma part en cet instant. Mon utérus avait travaillé très longtemps et c’était ce qui avait causé le saignement important. Je souriais à Arthur et je passais une main dans ses cheveux avec une immense douceur. J’allais avoir besoin de lui dans les semaines à venir. Eleonore ne ferait clairement pas ses nuits tout de suite et je devais me remettre de mon accouchement aussi. Je sentais que j’avais soif et un peu faim.

- C’est toi qui as accepté de les faire avec moi ses cadeaux mon amour. Nous sommes deux à les avoir faits.

Je me redressais maladroitement en tâchant de ne pas trop déranger notre fille. Dès que mon mamelon sortait de sa bouche, elle se mettait à pleurer en cherchant immédiatement à le reprendre. Elle n’avait pas beaucoup de patience décidément. J’étais mieux assise dans le lit et je me replaçais pour la nourrir. Je me fichais de ma nudité. Je bâillais un peu avant de regarder Arthur dans les yeux.

- Tu voudrais bien me faire un petit thé et quelque chose à manger s’il te plaît ? Je crois que mon dernier repas date d’hier matin. J’ai un peu faim. Prends-toi quelque chose aussi. Nous pouvons manger ensemble ici.

Je voulais qu’il reste près de moi. Je voulais sentir sa présence sans arrêt. Je baissais le regard sur notre petite fille aux cheveux châtain. Elle devait faire environ trois kilos au maximum. Je caressais sa joue avec douceur alors qu’elle poussait un soupir.

- Bienvenue dans notre monde ma belle Eleonore. Si tu savais combien je t’aime ma petite surprise.

Oh oui, ce bébé était une surprise en tout point alors que je faisais des cauchemars et qu’Arthur tentait de les apaiser. J’en faisais encore, mais moi. Ils étaient cependant assez intenses lorsque cela arrivait. Je regardais les petites mains de notre fille avant de poser un baiser sur ses dernières avec douceur. 

C’était vraisemblablement l’Amour avec un grand A. Mon regard posé sur les deux femmes de mon cœur, je sentais cet amour m’envahir tout entier. Elles étaient belles. Cela me faisait encore étrange, tout nouveau plutôt, de penser qu’il y avait désormais deux femmes dans ma vie. C’était sans me tromper que je pouvais dire que j’étais à nouveau comblé grâce à l’arrivée de notre petite Eleonore. Sentiment que j’avais déjà ressenti du haut de mes vingt ans à la naissance de notre fils Karl.

« - Oui c’est vrai Peny. Voilà ce qu’à deux nous avons réussi … Non mais regarde ses petites mains ! Et cette petite bouche… Bonjour Eleonore, tu es magnifique. »

Elle était en train de téter au sein, à la fameuse et généreuse cantine de Penelope. Je l’observais avec amour tandis que la main de Peny passa dans mes cheveux délicatement. Je lui souriais, j’étais tellement soulagé d’avoir pu la sauver quelques minutes plus tôt. En un instant, notre vie n’aurait pas été la même. C'était tout bonnement impensable.
Parti dans de triste pensées, à caresser ma fille avec douceur, Peny me ramena à la douce réalité en demandant une collation. Cela faisait en effet plusieurs heures qu’elle n’avait pas mangé.

« -Évidemment mon amour. Je t'apporte ça tout de suite! »

Je filais aussitôt dans la cuisine préparer de quoi manger. Quelques bougies s’étaient éteintes pendant l’accouchement. J’éteignais les dernières encore allumées sur mon passage. Penelope avait demandé expressément du thé, à ma grande surprise. Personnellement, je ne connaissais pas d’autres boissons aussi réconfortantes, à part peut-être un bon whisky. Mais venant d’elle, c’était toujours un étonnement de l'entendre en vouloir un. Je prépara un plateau salé et sucré, ne sachant plus à cette heure-ci si l’on devait dîner ou bien petit-déjeuner. J’avais pris quelques viennoiseries de la veille car pour ma part car je comptais partir sur un début de petit-déjeuner. Je remonta avec le plateau, que je déposa près de Penelope. Elle regardais notre fille avec un regard rempli d’amour. Qu'elle était belle… Sa nudité ne m’incommodait pas, et de voir son ventre qui venait de porter la vie encore moins. J’avais garder mon tee-shirt qui n’était plus vraiment blanc maintenant. Mais je m’en contrefichais totalement.

« - C’est incroyable l’effet que cela me fait de te revoir jeune mère. Je te trouve vraiment resplendissante, tu es la maternité incarnée.»
Je l’embrassais et déposa un petit baiser sur Eleonore.
« - Je nous ai apporté un peu de tout. Vu l’heure, je ne savais plus trop quoi te ferai envie. »

Je tendais la tasse de thé à Penelope ainsi que le plateau pour qu’elle puisse se servir de ce dont elle avait envie.
Ce n’est que quelques minutes plus tard que j’entendis dehors des battements d’ailes. Mon familier tournoyait autour de la fenêtre, curieux de découvrir la nouvelle petite Fitzgerald. Heureux de pouvoir lui présenter Eleonore, je lui ouvris et c’est tout en délicatesse qu’il se posa aux pieds de Penelope. Je me remis ensuite près de mes deux femmes de ma vie.

« - Je te présente Eleonore... mon vieil ami. » lui disais-je avec émotion.

Il la regarda longuement, demeurant silencieux tout le long. Il ne m’a pas parlé, mais j'étais persuadé d'avoir lu dans son regard qu’il n’avait pas été insensible à cette rencontre. Il était reparti au bout de quelques minutes, sûrement se réchauffer les pattes près de la cheminée du salon où seules quelques dernières braises brûlaient encore.  

« - Comment te sens tu Peny ? Pas trop exténuée ? »

Je ne voulais pas perturber le premier câlin. Elles étaient si belles toutes les deux. Mais j’avais hâte de pouvoir la tenir dans mes bras, tenir ma petite fille contre moi.
 

Je laissais Arthur nous préparer un petit quelque chose à manger. Je n’étais pas bien difficile en fin du compte. Je voulais simplement me mettre quelque chose dans l’estomac. Il était pratiquement 1h30 du matin et mon ventre grondait de faim. Je me fichais bien de ce qu’il m’amènerait. Je voulais simplement rester avec lui et notre petite fille. Notre petite bulle avant de faire venir son grand frère. Je touchais les doigts de notre princesse et je posais des baisers sur le dessus de sa tête. Je n’avais rien à cacher à Arthur avec ma nudité et mon ventre qui venait de donner la vie. Je savais que ça ne le dérangeait pas. Je souriais à mon homme alors qu’il me parlait. J’étais amoureuse de lui depuis toutes ces années. Je l’avais dans la peau mon beau Arthur.

- Viens ici toi que je t’embrasse encore.

Il m’avait déjà embrassé, mais je lui offrais un autre baiser avec toute ma tendresse possible. Je prenais la tasse de thé avec douceur pour boire un peu. J’étais de nature sucrée et café normalement, mais là, j’avais envie de quelque chose de plus délicat pour me remettre de mes émotions. J’étais épuisée, mais comblée. C’était une drôle de sensation que j’avais oubliée.

- Le plateau est parfait Arthur.

Je prenais quelques bouchées ici et là alors qu’Eleonore terminait de boire à mon sein. Elle poussait quelques soupirs alors que je levais les yeux pour voir Arthur ouvrir la fenêtre. Cornelius venait se poser sur mes pieds avec douceur et regardait notre trio. Il était rare de voir le familier d’Arthur. Il y avait eu une sorte de rupture après la mort de Sophie. Le corbeau avait eu la petite souris blanche dans la peau. Ils avaient une relation comme j’en avais une avec Arthur. Une sorte de fusion magnifique. Je souriais à l’animal avant de le voir partir. Arthur me questionnait sur mon état et je lui répondais après une gorgée de thé.

- Je suis exténuée. Ça passera. La perte sanguine n’a pas aidé. Je vais probablement faire de l’anémie durant quelques semaines. Ce n’est pas grave. Tu veux bien retirer son chandail ?

Je me fichais bien qu’il soit sale. Je voulais lui donner sa fille qui somnolait avec mon mamelon dans la bouche. Un peu de peau à peau pour la garder au chaud alors qu’il serait à côté de moi. J’attendais qu’il s’exécute avant de lui donner notre petite merveille qui lâchait un pleur de protestation alors que je la détachais de moi.

- Ah non mademoiselle, c’est au tour de papa. Tu vas voir, il dégage beaucoup de chaleur.

Eleonore s’apaisait au contact du torse d’Arthur. Elle était calme contre lui et sereine. Je faisais un sourire à mon mari. Il était tombé amoureux de notre fille dès le premier regard. Le regard d’un père aimant pour sa fille. Il avait eu le même regard lorsque nous avions eu Karl.

- Alors, qu'est-ce que ça te fait d'être de nouveau papa ?

 

Je savourais le doux baiser de mon épouse que je rendais avec intensité. L’amour nous portait cette nuit. Je laissais Penelope se servir sur le plateau tandis que je prenais quelques bouchées de ma viennoiserie pour remplir le creux que j’avais dans l’estomac. Je pris ma tasse dans ma main, pensant que c’était peut-être le dernier que Penelope allait boire avant un bon moment avant de repasser aux cafés. Cela clôturait en quelque sorte ses dernières envies de grossesse, à moins que l’allaitement et le post-partum allaient lui donner envie de continuer.

« - Si tu continues à boire du thé, notre fille va y prendre goût à travers le lait maternel non ? »

Je souriais tendrement à cette pensée. J’étais content qu’elle veuille allaiter. C’était beaucoup de travail pour elle, de la fatigue. Encore une fois, elle était une mère très forte et très maternante à mes yeux.

« - A défaut d’avoir convaincu Karl, peut-être qu’Eleonore fera parti de l’équipe thé comme son père. » riais-je. « - Je peux toujours rêver ! J’ai au moins réussi à faire apprécier à Karl la dégustation de whiskys irlandais. Mais c’est sans compter ses drôles d’envie de pizzas ananas. Faisions-nous des enfants aux goûts étranges chérie ? Je crois que nous le saurons vite avec Eleonore dès qu’elle mangera des morceaux. »  

Je n’éveilla pas l’envie d’excès de sucre à Penelope, voulant éviter de transmettre cette mauvaise habitude à ma fille.
Penelope m’enjoignait à me déshabiller le haut. Je déposa mon tee-shirt dans une panière dans notre salle de bain attenante avec le reste du linge sale. Elle défit Eleonore de son mamelon qui rechignait.

« - Mince, tu es sûre que ça va aller ?  Si tu es fatiguée tu peux te reposer… » Eleonore chouinait encore plus fort. « - Oh mon ange…Papa va te prendre quelques minutes si tu me permets. »

Mais j’avais tellement envie de la prendre. Pauvre petite puce, la naissance a été une étape fatigante pour elle aussi. Peny m’invita à la prendre dans mes bras. Je me positionnais pour la prendre le plus en délicatesse. Elle était si petite ! Cela faisait tellement longtemps que je n’avais pas porté un nouveau-né contre moi que j’en avais oublié la sensation. La dernière fois c’était tout simplement avec Karl. Je n’en avais pas eu l’occasion avec Tyler malheureusement.

« - Ce que ça fait… » réfléchissais-je, beaucoup de choses me venaient en tête. « - Tellement de joie ! Et elle est si petite ! »

Elle entrouvrit à peine ses yeux et baillait fort. Elle m’attrapa un de mes doigt et le serra si fort. Je devenais tout chose en la sentant contre moi. J’étais chaud, et je la portais avec sa couverture, elle ne risquait pas d’avoir froid.

« - J’ai l’impression d’avoir vu la couleur de ses yeux, un bleu foncé. Je suis certain qu’elle aura tes yeux, tout comme Karl a hérité des tiens ! »

Je ne parlais pas trop fort, ne voulant pas la faire pleurer. Elle était calme pour le moment, je pouvais profiter de ce petit moment de douceur.

« - Je me demande si elle a hérité de tes capacités de médium ou bien de sorcier. Je sens bien sa nature magique sans arriver précisément à déterminer si c’est une petite sorcière ou non. J’imagine que quoiqu’il en soit, tu lui apprendras la botanique ? » riais-je doucement

Eleonore commençait à s’agiter dans mes bras. Je tentais de la bercer tout en marchant dans la chambre.

« - Je crois que ce petit ange n’est plus si bien. Sommeil ? Besoin de téter ? »

C’était comme si toutes ces questions étaient nouvelles pour moi. Je me sentais nouveau père et devais recommencer quasiment à zéro.

 

Arthur avait toujours eu le don de me faire rire. Notre union dépassait tout. Personne ne pouvait comprendre à quel point notre amour l’un pour l’autre était profond et intense. Je me rappelais son regard lorsqu’il avait posé les yeux sur moi alors que je revenais parmi les vivants. Ce regard rempli de doute et d’amour. Cette sensation de sentir son coeur battre à nouveau. Cela n’avait fait en sorte que de renforcir ce qui nous unissait à la base. Ma grossesse surprise avait également. L’allaitement m’avait paru logique. Je n’avais même pas envisagé de donner des biberons à notre fille. J’avais apprécié nourrir notre fils alors il en serait de même pour notre petite Eleonore.

- Je te souhaite qu’elle fasse partie de l’équipe thé. Oh tu sais, j’adore aussi cette pizza, car elle est bien sucrée même si ce n’est pas dans mes envies présentement. Je crois que c’est l’anémie.

Habituellement, je me serais enfilé un café avec trois sucres et de la crème sans le moindre souci. Là, j’avais choisi un thé sans sucre en laissant Arthur le préparer comme il l’aimait. Je le trouvais savoureux. J’avais donné Eleonore à son père et la petite n’avait pas vraiment apprécié le changement de température. Elle allait être fusionnelle avec nous je le sentais. Arthur était sous le charme de notre fille. Elle était confortable et en confiance dans ses bras. Il est vrai qu’elle était petite. Ça me rendait heureuse de voir Arthur avec cette dernière. Elle ne manquerait pas d’amour c’était une chose certaine.

- Ça veut donc dire qu’elle aura ton précieux caractère irlandais si elle a mes yeux.

Eleonore s’agrippait à son père en bâillant. J’écoutais Arthur me parler de la magie qui habitait notre fille. Je penchais la tête pour la regarder. J’avais perdu un peu cette capacité et la fatigue n’aidait absolument pas. J’espérais qu’elle ne serait pas une médium. J’avais vu des gens devenir complètement fous et je ne voulais pas qu’elle finisse comme ça.

- La botanique c’est la base et tu le sais parfaitement. Qu’est-ce que vous feriez sans mes précieux cocktails ? J’ai l’intuition qu’elle sera une sorcière de sang comme toi. Dans tous les cas, nous n’aurions pas pu faire une fille aussi parfaite.

La petite s’agitait dans les bras d’Arthur. Elle ne semblait plus très bien alors qu’il la berçait en marchant dans notre chambre. Elle venait de boire plutôt beaucoup. Elle était peut-être épuisée ? Seigneur, ça faisait tellement longtemps que j'avais décrypté les signaux d’un nourrisson! Je me sentais un peu perdue en réalité.

- Hum … Je ne sais pas… Je crois qu’elle a … Ah oui d’accord !

Je me mettais à rire alors qu’elle se tortillait pour faire la première surprise digne de ce nom à son père. Un méconium bien collant que seuls les nouveau-nés de quelques heures peuvent faire et dont ils ont le secret. Elle se calmait ensuite et je souriais. Je n’osais pas trop me lever seule par crainte de faire une chute de pression. Heureusement, nous avions prévu le coup avec une petite table dans la chambre avec quelques couches, des lingettes, de la crème, deux pyjamas et des petits bonnets.

- Tu te risques ou tu m’apportes les choses ?

Je souriais en coin avant de me redresser un peu. Je grimaçais en sentant la brûlure au niveau de mon entre-jambes. J’avais oublié cette sensation désagréable et la sage-femme m’avait rapidement fait des points de suture.
 

Mes yeux étincelaient à la vue de ma petite princesse que je tenais entre les bras, au chaud contre mon torse dénudé. Si elle héritait de mon caractère fort irlandais comme l’imaginait Penelope, combiné au caractère piquant de sa maman, Eleonore serait le résultat d’un cocktail assez explosif. Je savais que j’allais être plein de tendresse avec Eleonore, peut-être même plus doux qu’avec Karl. C’était sans doute lié au sexe de l’enfant, inconsciemment j’imaginais qu’un garçon devait être élevé avec une certaine rigueur tandis qu’une fille méritait plus de douceur. Cela ne voulait pas dire, en aucun cas, qu’un sorcier serait plus doué qu’une sorcière, j’étais persuadé que Penelope, quand elle était encore sorcière, avait un potentiel magique que je n’avais pas et n’aurais jamais. Encore aujourd'hui elle me surpassait en botanique.

« - Une petite sorcière donc… En tous cas, je suis sûr qu’elle sera encore plus douée que moi en botanique avec une maman aussi talentueuse. »

Eleonore s’agitait dans mes bras. Gémissant de plus en plus fort, j’avais du mal à interpréter son pleure. Finalement, elle se calma et une odeur assez puissante et nauséabonde se dégagea. Penelope avait compris avant moi et me lança un petit sourire.

« - Je vais m’en occuper mon amour. Reste là, je ne veux pas que tu te lèves tout de suite. Si tu veux, je te décris ce que je fais, tu seras comme à côté de nous. Et puis c’est une excuse pour garder un peu plus ma petite princesse. »

C’était une façon pour moi de pouvoir profiter d’Eleonore encore un petit moment rien que pour moi. Je me doutais qu’elle avait surtout besoin de sa maman dont elle reconnaissait la voix, mais surtout l’odeur qui la réconfortait. Je posais donc Eleonore sur le dos tout en douceur pour pouvoir la nettoyer. Cela faisait des années, même des décennies que je n’avais pas changé de nourrisson, surtout aussi petit. J’essayais de me concentrer sur les étapes du change pour oublier l’odeur du méconium. J’essayais de décrire ce que je faisais avec Eleonore, d’une part pour entendre se moquer maman dans la pièce d’à côté, et d’autre part j’avais cru comprendre que communiquer avec un nourrisson était important. D’après un des conseils que j’avais entendu d’un des médecins que l’on avait vu lors de la grossesse de Penelope, c’était très bénéfique pour le bébé et il appréhendait moins qu’on le manipule ainsi.

« - Bien, j’ai allongé Eleonore sur le plan à langer. Les lingettes sont là, couches ok, body et pyjama prêts. Je commence à te nettoyer mon ange. » je pris quelques lingettes et roula légèrement ses jambes d’un côté pour l’essuyer.  « - Eh bien, tu t’en es mis partout ma pauvre chérie. J’ai presque fini... Voilà ! » Fier, je pris ensuite une couche.  « - Alors, la couche, euh … dans quelle sens … voyons les dessins… huum comme ceci je crois. » La roulant une nouvelle fois pour positionner la couche sous son siège. « - Ca m’a l’air bien, je n'ai plus qu’à fermer. Bien le body maintenant. »  Prenant le body cache cœur. « - Dans quel sens dois-je le mettre… cela doit-être comme ça, un bras, puis l’autre, les boutons… Finalement on a réussi mon ange ! Plus que le pyjama. »

Je lui enfila le pyjama avec plus d’aisance que le reste. Je revins près de Peny et m’asseyais à côté d’elle, Eleonore dans les bras. J’étais assez fier de mon premier change, je m’y étais pris avec beaucoup de délicatesse et Eleonore s’était laissé faire sans pleurer.

« - Alors maman, comment tu la trouves dans ce premier pyjama ? Je crois avoir bien réussi mon premier change de jeune papa. Si tu te sens fébrile je peux m’en occuper mon amour. Tu as perdu tellement de sang tout à l’heure. »

Je savais de quoi je parlais, l’ayant vu se vider de son sang au point de faillit en perdre la vie, Penelope devait se sentir exténuée. Sans compter qu’elle devait être endolorie de l’accouchement.

« - Je comprendrais que tu aies besoin de dormir. Moi je me sens bien, si tu veux je peux gérer. Si elle a faim, je la poserai délicatement près de ton sein en essayant de ne pas trop te réveiller. »

Je n’étais pas vraiment fatigué. J’avais bien la fatigue d’une nuit blanche, mais rien de comparable avec la fatigue de Peny. De plus, j’étais tellement enjoué par la naissance que je ne sentais pas la fatigue.

 

Donner la vie à notre petite Eleonore avait été un supplice et un immense bonheur. J’avais grandement apprécié cette fusion que j’avais eue avec Arthur. J’avais apprécié chacun de ses gestes tout comme ceux de la sage-femme. J’étais heureuse de ma décision d’avoir donné la vie dans notre maison et non à Red House. J’avais été beaucoup plus détendue que lors de la naissance de Karl. J’avais laissé mon corps faire le travail durant de longues heures et maintenant, je me sentais bien. Ma nudité ne me dérangeait pas et comme je ne saignais plus beaucoup la sage-femme était partie. Elle reviendrait dans l’après-midi pour faire son travail et s’assurer que tout allait bien. Bien sûr, nous pouvions la contacter en cas de besoin. Il était relativement tard maintenant et je profitais de ma petite pause sans bébé pour manger un peu. J’avais tellement faim. Je n’étais pas près de me lever de toute façon. J’aurais besoin d’Arthur pour le faire, car je risquais fortement de faire une baisse de pression.

Eleonore nous offrait son premier cadeau de taille en se tortillant dans les bras de son père. Je la regardais tout de même avec amour avant d’offrir à Arthur de changer la petite. Il refusait catégoriquement que je le fasse. Papa voulait passer du temps avec sa petite princesse absolument parfaite et il avait absolument raison.

- Très bien papa poule. Amusez-vous bien.

Je souriais avant de le regarder partir avec notre fille. Je l’écoutais parler en rigolant par moment. J’avais pris soin de prendre mon téléphone pour envoyer un message moi-même à notre fils. Sa petite soeur étant venue au monde, je me doutais que Karl voudrait certainement venir la voir demain ou dans quelques jours avec Lyanna sans aucun doute. Pour l’instant, je voulais rassurer mon fils sur mon état. Je ne lui parlais pas de mon hémorragie massive. Je ne voulais pas l’inquiéter outre mesure. Eleonore ne pleurait pas durant son premier change. Elle était visiblement en confiance avec son père. Elle avait entendu sa voix tellement souvent lorsqu’elle était dans mon ventre. Notre petite surprise de lune de miel. Je posais mon téléphone alors que père et fille revenaient ensemble. Je souriais en les regardant. Ils étaient si beaux.

- Je t’avoue que je suis assez épuisée. Je dormirais bien quelques heures dans la mesure du possible. Ne pousse pas trop non plus. J’ai besoin de t’avoir en pleine forme pour m’aider.

Je ne mentais pas à ce niveau. J’avais grandement besoin de mon Arthur en pleine possession de ses moyens. Les journées et les nuits à venir n’allaient pas être tendres entre les boires, les changes et les siestes. L’allaitement se passait bien dans l’immédiat et j’espérais que ça allait continuer ainsi. Je me couchais en bougeant lentement. Je me crispais un peu, mon corps était endolori de partout. Je fermais les yeux rapidement. La fatigue avait raison de moi et mon sommeil était relativement profond. J’ignorais combien de temps j’avais dormir, mais je me réveillais allongée sur le côté et sentant une succion sur mon sein. J’ouvrais un oeil pour voir Eleonore boire avec un sacré appétit. Ma main venant se poser dans son dos avec douceur. Elle respirait fortement. C’était beaucoup d’efforts de boire ainsi. J’avais l’impression que le soleil était levé qui plus est.

- Arthur … Quelle heure est-il ?

J’allais devoir me lever une première fois. Je sentais que j’avais besoin d’aller aux toilettes. Je restais concentrée sur ma fille en fermant les yeux et en grimaçant. Tranchées utérines à cause de l’allaitement. Je respirais calmement en sentant également mon estomac faire du bruit.

- Tu as pu te reposer un peu ou alors tu as regardé ta fille dormir durant tout ce temps ?

Je souriais en coin en le regardant. Eleonore soupirait pour sa part en continuant son activité favorite.

 

Je n’avais aucune explication de comment ce nouvel amour me transformait une nouvelle fois. Ma vie avait pris un autre tournent lorsque j’avais rencontré Penelope. L’amour qu’elle me donnait m’avait fait grandir depuis toujours. La naissance de Karl m’avait comblé : fonder une famille avec Penelope avait été une continuité logique pour moi, ô grand jamais je n’avais douté de vouloir suivre cette aventure avec elle. Et en aucun cas, je n’avais douté une seconde fois qu’Eleonore allait me combler à son tour. Mes enfants étaient mon sang, mon essence, je les aimais d’un amour inconditionnel. J’acceptais aujourd’hui de me montrer plus qu’attentionné avec ma fille sous le regard bienveillant et taquin de sa mère.

Eleonore changée par mes soins, je retournais près de Penelope pour lui montrer notre merveille dans ses beaux vêtements de poupon. Elle était magnifique. Je ne pouvais malgré mes traits tirés de fatigue, cacher mes airs béats de bonheur. Je voyais Penelope tout aussi heureuse malgré l’épuisement, je lui proposa de se reposer. Je ne voulais pas qu’elle fasse une rechute, elle avait besoin de dormir.

« - Ne t’en fais pas mon amour, je peux très bien tenir encore le temps que tu te reposes. Tu as mis au monde notre merveille, tu as eu une énorme perte de sang. Tu dois te reposer Peny chérie. Et puis je crois qu’Eleonore ne va pas tarder à s’assoupir maintenant qu’elle est changée et qu’elle a tété. Aller, repose-toi autant de temps qu’il le faut mon amour. »

Je me pencha délicatement, Eleonore dans les bras, pour embrasser Penelope d’un tendre baiser. Il ne lui fallu que peu de temps pour s’endormir. Tout en gardant Eleonore dans les bras, je profitais de faire un peu de rangement dans la maison : le linge sale qu’on avait laissé pendant l’accouchement, les tasses, les collations à ranger. Eleonore se laissait porter tranquillement. Je revenais de temps en temps dans la chambre pour observer Penelope. Je veillais sur elle, je restais sur mes gardes après son hémorragie qui avait failli lui couter la vie. Au bout d’une petite heure, Eleonore s’endormi finalement. Je la posa dans le petit lit collé au notre dans notre chambre sans réveiller Penelope. Je profita pour prendre une douche revigorante et finir mon rangement. Une fois terminé, je rejoignais Penelope et Eleonore pour me reposer à mon tour. J’étais épuisé, mais l’excitation de tout ce bonheur m’empêcha de m’endormir. Je tourna plusieurs fois dans le lit avant de finalement m’endormir.

Quelques heures plus tard, je fus réveillé par des petits gémissements. Eleonore était tellement petite que ses cris n’étaient pas très forts, juste assez pour me lever de mon sommeil. La tête un peu dans le brouillard, je me leva et alla prendre doucement Eleonore.

« - Alors ma princesse ? Tu as fait un petit somme dans ton lit ? » vérifiant sa couche en la sentant.  « - Tu n’as pas l’air d’avoir refait dans ta couche. Hummm… ça fait plus de quatre heures que tu n’as pas mangé, tu dois avoir besoin de téter.»

J’avais promis de ne pas réveiller Penelope pour la laisser se reposer. Elle était allongée sur le côté, j’essayais alors de dévoiler sa poitrine de sous la couverture en douceur et de proposer le sein à Eleonore. C’était assez technique pour moi, je ne savais pas réellement si je faisais bien et je ne voulais surtout pas faire mal à Peny. Mais malgré tous mes efforts, elle se réveilla finalement.

« - Il est … laisse moi regarder… 6h10. L’heure du petit déjeuner apparemment d’après notre fille!»

Je me rasseyais près de mes femmes sur le lit en position demi-assise. J’avais des petits yeux fatigués que je frottais pour essayer de me réveiller.

« - J’ai dormi trois heures environ... ça m’a fait du bien. Veux-tu que je te prépare un petit déjeuner pendant que notre princesse prend le sien ? Un petit déjeuner au lit avec ce que tu veux dedans.»

Je descendais dans la cuisine pour préparer notre petit déjeuner. J’allais bien le garnir de tout ce qui faisait envie à Penelope, sans oublier ses scones qu’elle affectionnait. Les boissons chaudes, les viennoiseries et quelques pétales de fleurs tombées et ramassées dans la serre ornaient le plateau que j’apportais à Penelope. Je déposa le plateau près d’elle et attrapa ma tasse de thé.

« - Eleonore à l’air de s’en sortir à merveille. Tu n’as pas trop mal à la poitrine ? ou au bas ventre ? »