La joie illumine à nouveau mon cœur de vampire. La cause en est toute simple : ma sœur est de retour à Los Angeles. Tous ces mois sans elle m'ont crevé le cœur. Bien entendu, nous n'avions pas perdu contact et nous maintenions une communication épistolaire. Mais rien ne remplace les contacts humains. Le papier de bonne qualité et les lettres même écrites de mains d'une écrivaine aussi talentueuse qu'Ariane, ne remplacent pas l'étreinte chaleureuse des bras protecteurs de ma bien-aimée grande sœur. Les gens pourraient pourtant croire en nous voyant que je suis le plus âgé des deux et pourtant il n'en est rien. Ariane est bien l'ainée de la famille. Donc, qui dit retour de ma sœur, disent nouveaux conflits avec le paternel à venir ! Les relations entre eux deux ont toujours été très compliquées et pour cause, Stefano est responsable de la vie humaine misérable qu'a eue ma sœur et indirectement de sa mort humaine ! Je pense qu'au fond, jamais elle ne pourra oublier ce fait et cela malgré les deux millénaires qui se sont déjà écoulé depuis ce moment. Malgré tout, je ne perds pas espoir que nous puissions un jour former une famille. Je suis sans nul doute un peu trop optimiste... Mais en tout cas, il est certain qu'il est temps pour nous et surtout pour elle de mettre les choses au clair avec Stefano ! Voilà pourquoi j'ai convaincu ma sœur de me rejoindre au Moonlight ce soir. Cette fois, c'est ensemble que nous allons lui parler ! Nous allons l'affronter main dans la main et une fois pour toutes crever l'abcès qui pourri nos relations familiales. Il n'y a que comme ça que nous pourrons avancer.
Ce soir, la lune est bien visible. C'est donc sous son regard argenté que je me dirige vers l'entrée du club de mon père. Comme à son habitude, le Moonlight est plein et la musique moderne percent le silence de la nuit de ses accords assourdissant pour des oreilles vampiriques. Mon regard cherche des yeux ma sœur et fini finalement par la voir. Je m'approche d'elle et je l'admire. Sa beauté transcende la ténébreuse nuit et j'en suis éblouie. Souriant, je prends ses mains dans les miennes, je leur dépose un baiser à chacune avant de l'éteindre tendrement en baisant ses cheveux soyeux. Ma sœur ressemble tellement à notre mère. Je la vois dans chacun de ses traits et j'en éprouve à chaque fois la même émotion. "Merci d'être venue. Je sais bien que cela n'est pas facile pour toi. Mais c'est le mieux à faire pour toi, pour nous... Nous avons besoin d'avancer." puis main dans la main, nous, nous dirigeons vers le club.
Nous entrons et là, dès le premier pas à l'intérieur, une serveuse vient à notre rencontre affolée ! "Monsieur Wright, Mademoiselle. C'est affreux... Votre père est partie et... Ils ont tout saccagé !" Je fixe la jeune humaine d'un regard étonné, puis je regarde Ariane et j'ajoute d'un ton agacé : "bon sang mais qu'est-ce qu'il a encore fait ?" Je pensais que la soirée n'allait pas être calme, mais là, c'est au de là de ce que j'aurais pu imaginer.
Mon retour et mon installation à la cité des Anges était désormais officielle pour le grand bonheur de mon frère et le mien. Nous retrouver m’avait donné un second souffle de vie. Mon Ambrosos était définitivement tout pour moi. Il était mon pilier dans mon monde de ruines. Jusqu’à présent j’errai sur cette Terre sans but et le revoir, le retrouver m’avait permis de reconstituer ma famille même s’il y avait une ombre au tableau appelée Stefano. J’avais eu la surprise de le retrouver en même temps que j’avais retrouvé mon frère. Si une part de moi était heureuse de savoir mon paternel en vie, une seconde partie de mon être avait été réveillée par sa simple présence : la rancœur. Certains savait que je pouvais être rancunière et même si j’avais des capacités à pardonner, concernant mon père ce n’était pas chose aisée. Je le croyais mort et enterrer depuis plus de deux mille ans et pourtant je lui en voulait encore alors le savoir en vie, bien portant et profitant des joyeusetés de la vie c’était une pilule bien trop importante à avaler alors après en avoir parlé avec mon frère, j’avais fuit. Purement et simplement, j’avais besoin de retrouver mon Europe natale, ma Grèce, et en parallèle de régler des affaires sur Paris pour la vente de ma boutique. Si j’avais passé plus de temps que prévu loin de mon frère et que cela me peinait énormément, je passais également du temps loin de mon père et cela me touchait tout autant. Ce sentiment partagé d’être énervée après lui et en même de vouloir avoir une seconde chance à ses côtés. Il m’avait tout de même présenté de belles excuses et donné de bonnes explications. Mon cœur balançait alors entre ces deux sentiments comme il l’a toujours fait d’ailleurs. J’aime mon père autant que je le hais. Il est mon modèle et ma Némésis. Celui qui me rend forte et celui qui me rend vulnérable.
Alors maintenant que j’étais revenue sur L.A., j’avais ce sentiment partagé en moi mais également cette petite envie de lui pardonner. La petite flamme de petite fille en moi s’était réveillée et ne demandait qu’à être rallumée pour retrouver sa splendeur et sa grandeur tel le brasier d’un Phoenix renaissant de ses cendres. Est-ce que j’étais prête à la discussion? Franchement, je n’en savais rien et je ne laissais clairement rien transparaître de mon espoir naissant. Alors lorsqu’Ambrosos me demanda de faire l’effort de faire le second pas avec lui et d’aller parler à notre père pour réunir la famille à nouveau, j’avais fait la moue. Coléreuse et frustrée à l’idée d’aller vers lui à nouveau et prendre le risque de me retrouver à nouveau face à un mur, à un père absent et à un manque qui s’agrandirait à nouveau dans mon cœur. Pourtant j’avais finalement accepté et c’était pour cela que je me rendais en cet instant devant l’entreprise de mon père : Le Moonlight. Ce club ou je l’avais revu après tant d’années d’absence et où la vérité avait éclaté sans barrières et sans limites. Respirant un bon coup avant de tourner au coin de la ruelle pour rejoindre mon frère, j’avais finalement passé une jolie robe bleue nuit, des talons simples noirs. Les cheveux détachés et un sac sur l’épaule, je m’arrêtais une seconde pour souffler avant d’entrer en piste.
Voir Ambrosos m’arracha un sourire qui se voulait chaleureux mais qui restait crispé par la situation que j’avais imaginée depuis quelques semaines et quelques mois maintenant. Me retrouver dans la même pièce que mon père avec mon frère qui fait encore et toujours le tampon entre nous deux. Embrassant Ambros sur les joues après qu’il me fasse un baise main digne d’une princesse. Par Zeus, que j’aime mon frère. La pensée d’être en ces lieux uniquement pour lui faire plaisir à lui me traverse l’esprit mais cela serait un mensonge de penser que je faisais cela uniquement pour lui car une infime part de moi savait que je le faisais aussi pour moi et pour mon père. Notre relation est si complexe que j’ai toujours eu moi-même du mal à l’expliquer. Pourtant lorsque je m’adresse à Ambrosos c’est ma fierté qui reprend le dessus, bien malgré moi d’ailleurs.
“Je le fais pour toi et personne d’autre. Et il a intérêt à être dans un bon jour sinon je ne donne pas cher de sa peau.”
Menteuse que je suis. Je ne suis pas là uniquement pour mon frère et doublement, je ne pourrais jamais faire le moindre mal à Stefano, hormis une bonne gifle, mais cette dernière a déjà été faite. Pourtant je ne cille pas et je reste droite en prenant la main de mon frère avant d’entrer avec lui. Le simple fait d’entrer dans le club me fait monter la pression et bien malgré moi, je serre la main de mon frère un peu plus fort. Pourtant la pression redescend au moment même où nous voyons arriver une humaine en panique. Notre père est parti ! Qu’est-ce que c’est encore que cette histoire ? Je ne réponds rien à ses paroles puisque mon frère le fait parfaitement pour moi.
Finalement nous entrons dans le club est c’est le drame. Les explications de la serveuse sont décousues et confuses mais je comprends non sans mal que Stefano a littéralement disparu sans donner signe de vie et que de ce fait il n’a pas effectué les dernières commandes de boissons. Mon sourcil se fronce aux paroles de la serveuse. voyant que je ne comprenais pas elle s’explique. Ce n’est pas Stefano à proprement parler qui passait les commandes mais il n'a pas été présent pour signer les bons et de ce fait, le Moonlight n’a pas été ravitaillé et pourtant il a ouvert tout de même. Il était donc normal que les clients soient mécontents et comme il s’agit de créatures surnaturelles, pour la plupart, ils se sont vengés sur le personnel. Je vois directement deux serveuses, humaines, mortes sur le comptoir. Visiblement, elles ont servi de repas. Comprenant bien mieux la panique de la dernière serveuse, je me tourne vers elle pour la rassurer. Je me permets même de lui ordonner d’aller se réfugier dans le bureau de Stefano et que l’on arrive. Une fois partie, j’analyse rapidement les derniers saccageurs encore restant dans la salle. Nous arrivons après la tempête mais quand elle porte le nom de Stefano, l’on pourrait évoquer le terme d’ouragan. Il restait trois vampires en plein repas au niveau du comptoir plus deux autres en train de se battre, démolissant le mobilier sur leur passage. La salle était invoyable, des tables cassées, des chaises devenues brindilles, des morceaux de verre partout et du sang… beaucoup de sang.
“Bon on appelle la police surnaturelle ou l’on s’occupe d’eux directement?”
Mon frère comprendrait parfaitement ce que je voulais dire pour la seconde option et à la vue de la situation je l’envisageais sérieusement. Au moins, nous aurions régler le problème rapidement et nous n’aurions pas les autorités sur le dos à la place de notre père. Mais pour l’instant, je ne voulais pas penser à lui ou alors je voulais me défouler sur ces vampires indisciplinés qui n'avaient pas de morale. A défaut de tordre le cou de mon père, je pouvais tordre les leurs pour calmer mes nerfs. Mais je ne voulais rien faire sans l’accord de mon frère alors j’attendais sagement sa réponse avant de faire une quelconque action.
C'est un massacre qui s'étale sous nos yeux. Comme à son habitude, notre paternel a abandonné son poste ! Pour une fois, je pensais qu'il s'était posé et qu'il ferait les choses comme il le faut, mais c'était sans doute de trop grands espoirs que je mettais en lui... L'odeur du sang frais flotte dans tout le moonlight et alors que ma sœur ordonne au personnel encore en vie d'aller se cacher dans le bureau de notre père, j'ordonne pour ma part au reste des clients de partir d'ici et vite ! Certains récalcitrants voulurent me tenir tête, mais un seul regard à mes yeux vampirique leur suffirent à se raviser et à déguerpir rapidement ! Je suis en colère contre mon père ! Mais je me calme rapidement. Une fois de plus, je fais comme je le fais depuis des siècles, je porte un masque calme sur le visage à présent et je réponds à ma sœur sur la marche à suivre d'un ton posé. "Non. On ne préviens pas la BACS. Non pas que je veuille éviter des ennuis à Stefano, mais je pense que vue le climat actuel en ville, il vaut mieux faire profil bas. Des chasseurs sont à L.A ainsi que des anges. Aux dernières nouvelles il parait qu'ils font équipe et je ne veux pas attirer leur yeux sur nous. J'admet que Stefano le mériterait, mais je préfère être prudent. On est très fort toi et moi je le sais, mais face à des archanges et des chasseurs ultra entrainés, on ne fera surement pas le poids... Pour les vampires responsable de tout ces meurtres, Sigrid va s'en charger. Nous, nous allons devoir gérer d'autres problèmes..." Je soupire en réfléchissant à une solution pour les corps déjà et soudain l'idée me vient d'elle même. "Draven ! Il a quitté le métier de nettoyeur, mais il me doit encore un service. Je pense qu'il saura nous aider avec tout cela." Je sors donc mon téléphone et j'appel le sorcier.
Quelques minutes après mon appel, Ezechiel et ses équipes ont emporté le corps et le sang a presque entièrement disparut au bout de quelques heures de nettoyage. Je remercie le sorcier une fois tout fini et je promet de le payer grassement pour ce service, puis une fois seul avec ma sœur, je me tourne vers elle. "A présent, voyons voir ce qu'il en est vraiment de ce club ! Montons dans le bureau de notre père essayons de voir dans les documents où en est le club et voyons également si on ne trouve pas d'indices sur l'endroit où notre père peut-être est parti."
Une fois en haut, nous fouillons ensemble le bureau et alors que je pose mes mains sur une pile de documents administratifs non classé, je tombe sur une lettre. Un coup d'œil me suffit pour reconnaitre l'écriture soignée et aérienne de notre père. Stefano a bien des défauts, mais il a toujours eu une écriture très agréable, presque artistique. Je la montre à Ariane avant de l'ouvrir à coté d'elle pour qu'elle puisse aussi la lire.
"Ambrosos, Ariane. Je part pour quelques temps. Je vous laisse les clés de mon royaume. Stefano. PS : Pensez à nourrir ma chèvre !"
Je secoue la tête en lançant la lettre dans la poubelle face au bureau. "A présent on est fixé ! Il est parti et il nous laisse le ménage à faire ! Une fois de plus on va devoir se charger des pots cassés !" Je prends ensuite les mains de ma sœur dans les miennes et j'ajoute : "Ecoute, si tu ne désire pas assumer tout cela avec moi, je m'en chargerais. Par contre, si tu m'aide, je vais faire en sorte de mettre le club à nos deux noms ! Si on répare cet endroit, qu'on le remonte, il est hors de question que Stefano revienne et reprenne tout pour tout détruire à nouveau !" Oui, si on se charge des problèmes de Stefano, il est hors de question qu'il récolte le fruit de notre travail à Ariane et moi !
Mettre en ordre les affaires de père, voilà bien une chose que je n’appréciais pas faire du tout. Je soupirais alors qu’Ambrosos me disait ce qu’il voulait faire. Non pas parce que ce qu’il disait ne me plaisait pas puisque je respectais et je comprenais tout ce qu’il disait mais parce que c’était une fois de plus à nous de faire son sale boulot. J’étais hargneuse et pleine de rancœur dès lors qu’il s’agissait de lui alors que je pouvais être une véritable perle en d’autres circonstances. D’après mon frère, il était important de faire profil bas et il connaît bien mieux la ville que moi alors je lui fait entièrement confiance à ce sujet.
Quelques heures plus tard, le personnel et les clients étaient partis. Les nettoyeurs également. Je me retrouvais alors seule à seul avec mon frère qui me proposa d’aller dans le bureau de notre père pour savoir où il avait bien pu passer. Et surtout est-ce qu’il n’avait pas d’ennuis… Alors que nous entrons dans son bureau, je sens aussitôt l’odeur de Stefano, et aussitôt mon cœur de petite fille refait surface. Décidément c’est sans cesse, le chaud-froid avec lui. Mes yeux se posent sur l’étagère où il a rangé des artefacts de la Grèce Antique. Je pourrais presque sourire de nostalgie en pensant à nos années humaines mais Ambrosos m’interpelle pour que je lise en même temps que lui le mot laissé par notre père, et ce fut la douche froide.
Je respira fortement d’exaspération tout en me retournant vers le mur. Alors qu’Ambrosos commence à parler j’attrape une céramique et de colère je l’explose par terre. “Une fois de plus on va devoir se charger des pots cassés”
Incrédule, je relève les yeux vers mon frère alors même qu’il vient de formuler par des mots ce que j’ai fait par le geste. Rapidement je veux me baisser pour ramasser les morceaux que je viens d’éparpiller partout mais il m’attrape les mains pour me parler. Je plonge mon regard dans le sien et aussitôt tout mon cœur s’apaise. Il a ce pouvoir sur moi. Je garde le contrôle de mes émotions et je me rends alors compte que la colère a pu transformer mes yeux afin qu’ils deviennent rouge sang. Je me reprends et finalement lui répond plus calmement :
“Je t’aiderais mais j’aimerais aussi monter mon projet de librairie en parallèle. Tu penses que l’on pourrait faire les deux. Mais promets-moi que cela deviendra notre business. Tant pis pour lui, il est parti, il devra assumer ses actes.”
Je quitte lentement les mains de mon frère pour attraper la poubelle à mon tour et mettre tous les morceaux du pot que je viens de casser dedans. Un côté maniaque qui sommeille en moi ? Peut-être… En prenant un à un les morceaux de céramique je grogne :
“Décidément, il a ce don de tout gâcher… Je ne sais même pas si je suis en colère ou si je suis triste…”
Le tempérament latin de ma sœur refait immédiatement surface en lisant les mots de notre père. C'est fou comme il a le don de foutre en rogne même les plus douces créatures ! Par les dieux ! Mais comment peut il faire naitre en moi autant de réaction contradictoire ? Je voudrais tout laissé là et partir, mais d'un autre coté, mon instinct de fils m'oblige à rester et à faire le nécessaire pour arranger son merdier ! Ariane pense comme moi. Cette fois, il ne faut pas fléchir ! Nous devons tenir bon. On répare et garde tout pour nous ! J'en ai assez d'être le gentil garçon qui dit oui à tout. Il est temps pour une fois que mon père prenne ses responsabilités et la mesure de ses actes.
Je soupire rassuré que ma sœur veuille bien m'aider. J'admet, que sans elle, je ne sais pas si j'aurais encore la force de tout assumer. Stefano, nous le portons tous les deux comme un poids sur nos épaules. Un poids qui ne fait que s'alourdir avec le temps. J'acquiesce à ses mots. "Cette fois tout sera différent je te le promet. On va tout faire dans l'ordre. J'ai assez de relation et d'argent pour pouvoir reprendre ce club et le mettre à nos deux noms. On se partagera le travail. Tu pourras ouvrir ta librairie et moi continuer la haute couture. Et si ça doit empiéter sur nos activités, nous pourrions toujours prendre un gérant ? L'essentiel étant que ce club reste ouvert. Certains en ont besoin, pour se nourrir en paix. C'est un petit havre de détente pour bien des créatures. Le Moonlight rassemble beaucoup de communauté différentes. Stefano a eu le nez fin en rachetant l'endroit. Dommage qu'il ne l'est pas mieux exploiter." Ariane ramasse ensuite le pot qu'elle a brisée et moi je plonge dans mes pensées.
En colère ou triste ? J'avoue que moi même j'oscille entre les deux. Encore ce mélange d'émotions que fait naitre en nous notre père. "Je nourrissais une fois de plus trop d'espoir envers Stefano. J'aurais dû savoir qu'il nous décevrait, encore... Je te demande pardon de t'avoir fait une fois de plus espérer. Lire la déception sur ton visage me brise le cœur plus que tout autre chose." Je lui tourne ensuite le dos. Je n'aime pas montrer mes émotions. Je préfère les contenir, mais ces temps-ci, les choses sont difficile pour moi et elles transparaissent bien plus que je ne le voudrais.
Je me dirige vers le canapé où je prends finalement place. Un air pensif sur le visage, je pense à tout ce que j'ai perdu, Marc, puis Esteban et à présent mon père qui disparait à nouveau... Il y a 1 an j'ai tenté de m'ôter la vie pour ne plus souffrir et parfois, je ressens tellement le poids de la peine qu'il m'arrive d'y repenser... Heureusement, Ariane est là, de son bonheur dépend le mien ! Je ferais tout pour elle, même si ça veut dire affronter Stefano !
Nous n’aurions pas dû nous attendre à ce qu’il puisse véritablement changé mais nous sommes d'éternels optimistes Ambrosos et moi. Notre père nous as toujours, toujours, fait faux bonds, il n’a jamais vraiment su endosser ce rôle de père qu’il voulait tant et qu’il portait avec fierté à une époque mais être père n’est pas juste un titre, c’est une optique de vie. Les enfants ne sont pas là pour faire joli ou pour faire comme le veut la tradition. Non, ils sont là parce qu’il y a de l’amour, parce qu’il y a une envie de vie de famille, parce qu’il y a un désir d’être parent. Mais non Stefano n’était pas un homme qui avait ces envies. Il avait profondément aimé notre mère. Je pense même que d’une certaine manière il nous a aimés mais pas de la meilleure façon qui soit et surtout pas pour les bonnes raisons.
Alors oui, je suis en colère parce qu’après deux mille années d’existences, j’aurais vraiment cru qu’il pourrait changer. C’était un désir de petite fille et ça l’est encore aujourd’hui : avoir le père que j’aurais dû avoir depuis tant d’années. Ce désir s’était intensifié dès lorsque j’avais appris qu’il était toujours en vie mais la rancœur étant ce qu’elle est j’avais pris la fuite. Peut-être que d’une certaine manière je tiens de lui en matière de fuite. L’idée m’arrache alors un frisson tout pendant que je ramasse les morceaux de céramique qui sont sur le sol. Les mots d’Ambrosos m’ont aidé à y voir un peu plus clair quant à sa volonté de garder cet endroit ouvert. S’il est une sorte de refuge pour beaucoup de nos congénères alors autant faire ce qu’il faut. Il connaît mon côté bienveillant et je me sens responsable d’une certaine manière des bêtises ahurissantes que peut faire mon père alors soit nous remettrons cet endroit sur pied et il sera le nôtre.
Alors que je grogne en ramassant les restes de ma colère, mon frère quant à lui se désole de me voir ainsi frustrée et déçue. Je relève les yeux vers lui, comprenant qu’il s’en veut terriblement et qu’il se sent coupable. Je ramasse à la hâte les derniers morceaux alors qu’il se retourne pour se cacher de moi. Lentement je me place derrière lui l’enlace doucement. Plaçant mes deux mains sur son torse, je le prends dans mes bras. Il me tourne le dos et il ne veut pas que je vois son visage mais je tiens tout de même à lui montrer ma présence. Plaçant mon visage dans son cou je lui murmure :
“Je n’ai aucune colère envers toi, ne t’en veux pas je t’en prie. Ce n’est pas de ta faute. C’est la sienne et cela sera toujours ainsi. Je t’aime mon frère.”
Je le regarde partir vers le canapé et je le suis pour m’installer à ses côtés. Lentement mes pieds se placent sous mes cuisses alors qu’une de mes mains cherche le contact avec mon frère. Je vois la douleur et la peine sur son visage, cela me brise le cœur de le voir ainsi. Il a tant perdu ces derniers temps. Esteban lui manque, je le vois bien. Je joue alors mon rôle de grande sœur protectrice et je le prends dans mes bras à nouveau, plaçant mes mains de part et d'autre de son visage, je m’approche de lui collant nos deux fronts l’un contre l’autre.
“Heyyy, Ambros… Je suis là. Tu n’es pas seul. On va traverser tout ça ensemble. Plus jamais je ne te laisserais. Plus jamais. Nous deux c’est pour l’éternité.”
Il a besoin de moi autant que j’ai besoin de lui et cela a toujours été ainsi. Certains pourraient trouver cela étrange mais je l’aime d’un amour démesuré et indéfectible. Il a ma confiance, mon amour, mon âme.
“Je suis là.”
Des murmures dans notre étreinte qui est plus que nécessaire. il n’y a que son bien-être qui m’importe.
Je me sens coupable c'est plus fort que moi. Alors que je rumine de sombres pensées, Ariane me serre dans ses bras et place sa tête dans cou comme elle le faisait lorsque j'étais enfant et que j'avais peur. Elle a toujours été si douce et gentille. Elle était la meilleure de nous deux. L'est-elle toujours aujourd'hui ? Peut-être bien. En tout cas, elle est, et reste ma sœur. Au fond, je sais bien qu'elle est la seule à pouvoir me comprendre. Stefano est une ombre nocive pour nous deux. Ce nouvel abandon ne reflète en fait que ce qu'il est réellement. Un être égoïste et incapable de voir plus loin que ses propres besoins et envies ! Il y a longtemps, lorsque j'ai tenté de retrouver mon père Setesh m'avait dit qu'il me décevrait toujours, que jamais il ne me donnerait ce dont j'avais cruellement besoin, son amour ! Je me rends à l'évidence, je laisse tomber à présent. J'abandonne comme j'aurais dû le faire il y a bien longtemps à présent. Serrant dans mes bras ma grande sœur, je sens que je m'apaise. "Je t'aime aussi. C'est surement la seule chose dont je sois sur en ce moment."
Nos deux front collés l'un à l'autre, Ariane me dit que jamais plus elle ne me laissera seul. J'avais besoin d'entendre cela. Je me sens reprendre des forces. Je l'aime tellement. Au fond je me dis que mon âme sœur c'est elle. C'est étrange de penser cela de sa sœur ? Mais je ne peux rien y faire. C'est ainsi que je le ressens. Quand je regarde dans ses yeux je ne vois que son amour et dans ses bras je trouve la paix. L'amour c'est ça. Nul besoin de plus. L'étreinte affectueuse de ses bras, la douceur de sa voix suffisent à me faire me sentir à nouveau vivant.
Je me relève et je lui tends ensuite la main. Je lui souris de façon sincère. Je respire profondément en passant une main sur son doux visage. "Merci. Tu as toujours été mon ancre. Je peux te dire que tes mots m'ont fait plus de bien que je ne saurais te le dire. On va rebâtir cet endroit à notre image à toi et moi. On en fera un lieu de paix pour tous ! On peut même modifier son nom pour marquer notre renouveau et celui de ce lieu ? Je veux que tous sachent qu'une page se tourne. L'air de Stefano en ce lieu est terminée !" Je me sens capable de dévorer ce monde avec elle ! La vie et la joie renaissent dans mon cœur. Et je le dois une fois de plus à ma grande sœur.
Posant sur elle un regard joueur, j'ouvre soudainement la fenêtre du bureau. Mon regard se plante alors dans le siens et je lui lance d'un ton de défi : "Tu te souviens lorsque nous étions enfants et que nous volions les chevaux de père pour faire des courses à travers notre propriété ? Que dirais-tu de faire une course nocturne avec ton petit frère ? Le vent frais de la nuit nous fera du bien. J'ai besoin de quitter cet endroit qui respire un peu trop Stefano à mon gout... Nous y reviendrons lorsque nos nerfs à tout les deux seront un peu plus apaisés." Je lui souris en coin et je lui tend la main pour qu'elle me rejoigne sur le rebord de la fenêtre. Je suis impatient de savoir si elle sera aussi joueuse que lorsque nous étions deux enfants innocents.
Je n’aimais pas voir mon frère ainsi. Il semblait tellement abattu, tellement culpabilisé. Ce n’était pas le but de ma colère. J’étais et je serais toujours en colère contre mon père mais jamais contre Ambrosos. Il est mon amour, mon pilier, je l’aime de tout mon être et jamais je ne pourrais lui reprocher quoi que ce soit, encore moins tenter de me rendre heureuse. Car oui, il sait que je souffre de cette situation et de base, il voulait combler ce manque présent dans mes tripes depuis tant d’années en essayant de me réconcilier avec mon père. Ce fut un échec mais je ne lui en voulais pas, jamais.
Alors que nous étions dans les bras l’un de l’autre, il me dit qu’il m’aime. Je reste silencieuse, j’ai besoin de le sentir près de moi et pourtant je repense rapidement à ce qu’Esteban m’avait raconté lorsqu’ils n’étaient pas en pause tous les deux. Je songeais alors à sa tentative de se supprimer lorsqu’il n’avait plus rien. Je voudrais lui parler de l’amour qu’Esteban a pour lui également mais ce n’est pas mon rôle de me mêler de ses histoires de cœur alors à la place je lui parle de lui et moi. Je lui dis qu’il n’est pas seul, que je suis là, que je serais toujours là. Des paroles qui pourraient sembler désuètes mais qui sont nécessaires pour son bienêtre, pour sa survie. J’avais besoin de mon frère dans ma vie, sans lui le sens de tout ceci n’aurait plus aucun intérêt.
Il semblait alors retrouver l’intérêt de toute cette situation. Alors qu’il se levait, il m'entraîna avec lui pour finalement me prendre à nouveau dans ses bras. Nous avions toujours été très tactiles l’un comme l’autre mais avec les années, je crois que cette habitude a été accentuée.
« Je suis d’accord avec toi, cet endroit sera à nous et l’on va en faire quelque chose de bien et d’utile pour notre communauté surnaturelle. Un endroit où chacun se sentira comme chez lui. »
Il retrouvait alors le sourire en même temps que moi. Nous allions nous soutenir comme nous l’avons fait jadis. Maintenant nous sommes réunis, c’est pour ne plus nous quitter. Lorsque son regard change pour devenir plus joueur, je reconnais mon petit frère, me demandant de lui accorder du temps comme lorsque nous étions enfants. Je souris à mon tour en lui répondant:
« Je me souviens »
Il me propose de quitter le Moon et je dois dire que sa proposition m’enchante grandement. J’ai besoin d’air d’une certaine manière. Je ferme la porte du bureau de notre paternel. De toute manière, je n’ai pas besoin de vérifier le reste du bar, il ne restait que nous et tout était fermé. Je le rejoins alors sur le bord de la fenêtre et prend soin de la rabattre derrière nous.
« Prêt? »
Sans attendre son signal, je m’élance en première pour prendre de l’avance. Si je suis plus âgée, je songe à l’idée qu’il est bien plus habile que moi. Filant de toits en toits, je profite alors de cette douce brise qui me fait me sentir vivante. Je pense que c’est pareil pour Ambrosos. De temps en temps, nous nous regardons avec cet air malicieux et joueur qui nous caractérise tant lorsque nous sommes que tous les deux.
Arrivant sur un toit un peu plus grand, je ralentis le pas pour marcher un peu, non pas que je souhaite reprendre mon souffle mais je veux surtout profiter de la vue qui s’impose à nous. Regardant au loin les lumières d’une nuit calme je songe à voix haute :
« Notre famille n’a pas besoin de lui. Je t’ai toi et j’ai Clay, c’est tout ce qui importe à mon bonheur. »
J’ai parlé sans réfléchir. Ambrosos ne sait pas que je fréquente quelqu’un. La seule fois où je lui ai parlé de Rufus, c’était quand je suis rentrée et que je lui ai annoncé avoir retrouvé un ami de longue date. Mais je n’ai énoncé aucun nom et aucune allusion à notre relation. Pourtant, plus le temps passe, plus je passe de temps avec Rufus, plus je comprends que des sentiments bien plus forts que de l’amitié sont présents entre nous…
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