Reconnaître qu’on avait besoin d’aide était un grand pas en avant, paraissait-il. Des tas de gens voyaient des psy pour cette aide si précieuse dont ils avaient besoin, et visiblement ils allaient mieux. Pourquoi alors était-ce une telle épreuve pour Lyanna que de se rendre chez Grace Cooper ? Elle avait résolu d’aller lui parler malgré ce premier échange houleux voilà quelques semaines, cette fois personne ne l’avait forcée sinon elle-même, mais elle se sentait mal. Elle n’avait jamais eu besoin de personne hormis peut-être Brad. Mais cette fois, lui non plus ne pouvait rien pour elle. Son psychique lui faisait vivre des sentiments de craintes, de peur, plutôt de terreur qu’elle ne parvenait plus à supporter ni à gérer, et elle ne pouvait se le permettre. Elle avait même résolu de prendre des cours de self-defense chez Sigrid, la leader vampire qui était son amie depuis une dizaine d’années. Mais même avec ça, quelque chose clochait. En fait, tout dans sa vie clochait mais l’agression qu’elle avait subi et qui l’avait rendue craintive et méfiante vis-à-vis de tout avait été la goutte d’eau qui faisait déborder le vase. Alors la voilà à avoir pris un rendez-vous en toute discrétion chez Grace. Lily savait que Brad avait un faible pour elle, mais elle ne voulait pas faire l’effort de trouver un autre psy. En plus, Grace l’avait déjà vue, elle savaient à qui elle avait à faire et il y aurait des choses qu’elle pourrait plus facilement lui dire, vu qu’elle était au fait du surnaturel.

La régente de White Chapel avait malgré tout ce sentiment de ne pas savoir ce qu’elle fichait là ni pourquoi. Était-ce vraiment utile ? Ne pouvait-elle pas s’en sortir seule ? Elle le sentait, elle serait bouleversée suite à cette séance mais après tout, pourquoi ne pas essayer ? La situation ne pouvait pas être pire, de toute façon. La sorcière arriva donc à l’heure du rendez-vous (pour une fois qu’elle n’était pas en retard quelque part où on l’attendait) et alla s’installer dans la salle d’attente. Quand enfin la belle blonde vint l’accueillir, elle se leva pour la suivre dans son bureau.

- Bonjour Dre Cooper. Avant tout, je voulais vous présenter mes excuses pour le déroulé de notre première rencontre. J’espère que vous saurez en faire abstraction.

Bradley était possédé et le démon avait dit des choses affreuses qui la faisait encore frémir d’horreur rien que d’y penser.

- Voilà, j'ai bien réfléchi et je crois que j'en arrive à un point où j'ai besoin de parler à quelqu'un qui pourrait peut-être m'aider. Si c'est possible. Je ne veux plus inquiéter mes amis et pour ça, je ne peux pas tout leur dire.

Grace vint me chercher et étrangement, je me sentis comme apaisée. C’état très différent de la première fois où j’avais mis les pieds dans son cabinet, sûrement parce que cette fois-là, j’y avais été traînée de force et qu’en plus j’avais une gueule de bois monumentale. Cette fois-ci, j’étais venue seule, de mon plein gré, en connaissance de cause, et bien que je sois terriblement angoissée à l’idée de devoir me livrer à une parfaite inconnue, j’y étais résolue car j’avais peur. Moi qui avais toujours été courageuse, qui avait toujours su mener de front les problèmes et embûches, cette fois, j’avais terriblement peur de tout faire foirer, et aussi d’entraîner dans ma chute ceux que j’aimais. Les choses étaient différentes, je savais que j’avais un fils, et j’étais de nouveau amoureuse. Je ne pouvais plus me permettre d’agir comme si j’étais seule dans l’équation. Pourtant, celle de ma vie comportait encore tant d’inconnues. L’apaisement que je ressentis quand Dre Cooper me sourit me fit penser au jour où j’avais participer au recollage de la bopite de Pandore et où l’ange était venu. La première fois en dix ans qu’un ange revenait collaborer avec les autres espèces. Je n’avais pas pu voir ses traits tant la lumière blanche émanant de lui était aveuglante, mais j’avais ressenti un tel bien-être, un tel apaisement, c’était incroyable. J’en venais à me demander si cette charmante jeune femme blonde ne faisait pas elle aussi partie de cette espèce.

J’entrai dans son cabinet et lui présentai mes excuses par rapport à notre première rencontre. Elle semblait disposée à tout oublier. Je la suivis, hochant la tête avec un léger sourire de soulagement, malgré tout crispée, et finis par m’asseoir. Elle me demanda si je voulais boire quelque chose et j’esquissai un sourire en coin.

- J’imagine que vous ne proposez pas de Jack Daniel’s ?

Je me rappelai soudain que Brad, ou plutôt le connard de démon qui le possédait à ce moment-là, lui avait balancé que j’étais alcoolique. Ce qui était faux, évidemment. Aussi je préférai dissiper tout malentendu.

- Je plaisante bien sûr. Un verre d’eau ce sera très bien. Merci.

Je ne savais pas trop quoi lui dire ni par où commencer.

- Pour tout vous dire, je n’ai pas vraiment l’habitude de ce genre de consultation. C’est la première fois… Alors euh… Comment ça se passe, vous posez des questions ?

Je me sentais idiote mais après tout, il fallait bien démarrer quelque part.

- Je pense que je traverse une sorte de phase de déprime. J’ai découvert des choses il y a quelques mois, plusieurs même, et j’ai du mal à vivre avec ces découvertes. De plus, les actualités font que j’ai vraiment beaucoup de responsabilités à mon travail, et j’ai peur de ne pas être à la hauteur, pour la première fois en quinze ans, j’ai l’impression de ne pas être assez forte pour protéger ceux qui comptent sur moi.

J’avais dit tout ça à voix haute, c’était… déroutant. Je me sentais à la fois soulagée d’un poids mais également fragile. Ces mots, je ne les avais même pas dits à Brad. Que penserait-il de moi s’il savait que j’avais l’impression d’être faible ?

J’étais vraiment ravie que Lyanna ait prit la décision de revenir me voir sans en être contrainte. Je savais qu’elle avait besoin d’aide, et je savais que Brad se faisait beaucoup de soucis pour elle. Il avait pensé bien faire en l’emmenant car sur le coup, il avait paniqué et je ne pouvait que le comprendre. J’aurai sans doute fait pareil. Mais dans ce genre de situation, la force n’est pas le meilleur des moyens. Très honnêtement, je pensais ne jamais la revoir. Mais elle avait prit l’initiative de revenir et j’étais ravie de la revoir dans mon cabinet.

Je prenais place devant cette dernière et je riais à sa remarque. « Non, je ne possède pas ce genre de boisson dans mon cabinet. » En fait, je ne buvais pas du tout ce genre d’alcool. Chez moi, il m’arrivait de boire un verre de vin de temps en temps, mais sans plus. Je n’avais jamais prit de cuite et personnellement, je n’avais pas du tout envie d’essayer. Quand je sentais que je n’allais pas bien, je faisais ce que font la plupart des anges digne de ce nom, je me tourne vers le tout Puissant. Il y a eu de nombreuses fois où l’envie de quitter la terre me prenait. Mais je reprenais courage. Les humains avaient besoin d’aide et j’avais rencontré Brad.

Lyanna me demanda un verre d’eau. Je me levais et je posais devant elle le verre avec une bouteille d’eau fraiche. Je reprenais ensuite ma place en face d’elle. Je l’écoutais en souriant. Elle se sentait perdue et c’était tout à fait normal. « Non, ce n’est pas une obligation. Nous pouvons procéder de cette façon ou vous pouvez juste me dire ce que vous avez sur le coeur. » Il fallait qu’elle soit à l’aise. Je ne voulais pas la brusquer.

Je l’écoutais donc avec attention. « D’accord, je comprends. Alors nous allons dénouer un problème à la fois si vous le voulez bien. Quelle solution pourrait vous aider à résoudre ces découvertes qui vous posent problèmes ? Y avez-vous déjà songé ? » Je ne voulais pas être indiscrète et je ne savais pas de quoi il en retournait précisément. Mais pour pouvoir l’aider, il allait falloir que cette dernière me donne un peu plus de précisions. Il fallait qu’elle soit bien dans sa tête car le travail qu’elle faisait été vraiment important.

Bon, j’y étais, il était trop tard pour faire marche arrière et puis de toute façon, je perdais pied, il fallait que je trouve une aide adéquate sans quoi j’allais vraiment toucher le fond, si ce n’était pas déjà le cas. Au moins elle avait ri courtoisement à ma plaisanterie avant de m’apporter une petite bouteille d’eau bien fraîche et un verre propre.

- Merci.

Je l’ouvris et en versai dans le verre pour en boire une petite gorgée. Il faisait si chaud à Los Angeles et ce toute l’année. J’avais commencé à lui dire mon impression, mais je n’étais pas médecin, je ne savais pas exactement de quoi je souffrais, je savais juste que j’étais dans une impasse émotionnellement parlant.

- Avant de vous donner plus de détails, j’ai… j’ai besoin de savoir ce que vous êtes… Enfin… vous comprenez ?

Je ne devais pas trahir certains secrets, mais je savais qu’elle n’était pas une simple mortelle. Elle n’était pas une vampire, c’était certain, je sentais des onde bénéfiques émaner d’elle mais j’étais incertaine. J’avais besoin de l’entendre me le dire. Je me sentais bien en sa présence, mais il fallait que je sois sure. Je ne voulais pas trahir l’ordre des sorciers, je ne voulais pas trahir White Chapel. En attendant, je pouvais lui parler de ce qui n’était pas d’ordre magique.

- Plusieurs problèmes sont liés entre eux, en vérité. Quand j’étais adolescente, j’étais folle amoureuse d’un garçon que rencontré à l’ac… au collège. Il avait un an de plus que moi. Nous sommes sortis ensemble, et il se trouve que je suis tombée enceinte à seize ans. Seulement quand je l’ai découvert, nous nous étions séparés, en mauvais termes, et il était parti. Ce qui s’est passé, c’est que j’ai accouché en secret et j’ai confié l’enfant à quelqu’un pour qu’il soit adopté par une famille. J’avais alors dix-sept ans, je n’avais pas fini mes études, mes parents étaient à l’autre bout du pays, j’étais complètement perdue. Je suis parvenue à oublier ces éléments avec de l’hypnose, et finalement la vérité m’est revenue en pleine figure voilà quelques semaines. Ce jeune homme a à présent vingt-trois ans et... je... je n'ai pas pris la bonne décision.

Sur la fin, j’avais du mal à maîtriser ma voix, ce qui trahissait mes émotions. J’optai alors pour boire une nouvelle gorgée d’eau. Je me trouvais monstrueuse d’avoir abandonné mon propre bébé, surtout en constatant aujourd’hui qu’il n’avait pas été si heureux que cela loin de moi.

Une fois sa bouteille d’eau donnée je prenais place face à elle et je la laissais se mettre à l’aise. Je ne sortais pas de carnet, ni de dictaphone. Je ne voulais pas qu’elle ait l’impression d’être une personne étrange ou un cas pour la science. Car ce n’était absolument pas le cas. Elle me posa ensuite une question à laquelle je ne m’attendais pas du tout. Elle me demandait ce que j’étais. C’était la première fois que l’on me posait cette question. Ceci dit, je sentais moi aussi que cette dernière n’était pas humaine. Elle voulait la vérité, alors très bien.

« Je suis un ange. »

Je ne disais rien de plus. Je n’avais pas envie de lui dire pourquoi j’étais descendue sur terre. Ca ne regardait que moi. Ce n’était pas ma séance, c’était la sienne. Je répondrais à ses questions, mais pas tout de suite. Je gardais mon sourire rassurant sans la quitter des yeux. Je sentais qu’elle n’était pas mauvaise, mais quelque chose de magique flottait dans la pièce. Pour moi, il était fort probable que cette dernière soit une sorcière. Mais je n’allais pas lui poser la question. Elle était libre de me le dire ou non.

Je l’écoutais avec attention. Ce qu’elle avait vécu était vraiment très dur. Tomber enceinte, c’est une épreuve pour une femme. Mais elle était beaucoup trop jeune et pire que tout, elle était seule. Elle avait eu le courage de mener sa grossesse à terme et de faire adopter son enfant par la suite. Je la trouvais vraiment très courageuse. La plupart des femmes dans son cas auraient très certainement avorté. Même si je sais qu’aux yeux de Dieu, s’est plus que mal. Pour moi, elle avait prit la bonne décision. Mais pourquoi l’hypnose ? Avait-elle voulu oublier son enfant ? Ca aussi, je pouvais le comprendre.

« Si je peux vous dire ce que je pense, je trouve que vous avez vraiment été très courageuse de garder cet enfant et de mener votre grossesse à terme. Vous avez laissé une chance à cet enfant d’avoir une famille et de grandir au sein d’une famille équilibrée. Pour moi, vous avez prit une excellente décision. Donc, si j’ai bien compris, vous avez décidé volontairement d’oublier ces évènements, mais pourquoi vous avez voulu retrouvé la mémoire ? Comment vous avez su que vous aviez oublié ces évènements ? »

J’étais curieuse de connaître la suite. Il est clair que ce qu’elle avait du vivre à son âge avait vraiment du être dur. Mais pour moi, elle avait très bien réagit et elle n’avait rien à se reprocher. Je posais doucement la boîte de mouchoirs à côté d’elle.

Elle avait avoué sa nature, j’étais donc dans le vrai dans mes spéculations. Je n’avais aucun doute sur la parole de Grace Cooper, je le sentais, elle disait la vérité. De toute façon, les anges dégageaient quelque chose de particulier, et j’avais eu la chance d’être en contact avec l’un d’eux avant leur grand retour sur Terre, aussi, bien que cette fois, celle en face de moi ait revêtu une enveloppe charnelle humaine, je pouvais sentir cette aura particulière. Je hochai la tête avec un léger sourire.

- Bien, vous pourrez mieux comprendre ce que je vous dirai.

En effet, je pouvais ainsi parler librement de sorcellerie et tout ce qui m’était arrivé, elle avait connaissance de notre monde et des surnaturels. J’avais donc commencé à lui parlé sommairement de ma rupture avec Karl et la naissance de Zephyr. Le raconter à voix haute me donnait encore le frisson, je me sentais monstrueuse d’avoir abandonné mon bébé, surtout qu’il n’avait finalement pas eu une meilleure vie. La gentille psychiatre essaya de me rassurer, mais elle ne voyait que le bon côté, sans doute imaginait-elle une gentille adolescente innocente. J’avais l’impression que ce n’était pas mon cas.

- J’étais étudiante à l’académie de magie de Los Angeles, la Ravenwood academy, très réputée. Non, détrompez-vous, je suis loin d’avoir été courageuse. Quand j’ai remarqué que j’étais enceinte, j’avais dépassé le délai des trois mois, l’avortement n’était donc plus une option. J’ai mené à terme cette grossesse parce que je n’avais pas le choix, et je suis presque sure que si je l’avais eu, j’aurais essayé d’avorter. D’ailleurs, le vampire à qui j’ai demandé de m’hypnotiser, c’est ce souvenir qu’il m’a imbriqué dans la tête. Je voulais quand même me souvenir d’une partie de l’histoire pour que cela me serve de leçon… Je crois que j’étais déjà cinglée à l’époque, soufflai-je avant d’éclater en sanglots.

Grand dieu, que m’arrivait-il ? Il était si rare que je laisse mes émotions ainsi m’affaiblir devant quelqu’un. Rares étaient les personnes à m’avoir déjà vue pleurer.

- Je... pardon… hoquetai-je en essayant de me reprendre. Ce vampire m’a trouvée, je faisais une hémorragie, j’allais mourir. Il m’a sauvé la vie. Et je lui ai demandé de confier le bébé et m’enlever le souvenir de sa naissance en le remplaçant par celui d’un avortement. Je n’ai pas voulu retrouver la mémoire puisque je n’avais aucune idée que tout ceci n’étaient que des souvenirs factices. Il s’est passé quelque chose…

Je repris une gorgée d’eau en regardant sur le côté la décoration sommaire du cabinet.

- J’ai revu son père. Jusqu’à présent, nous avions réussi à nous éviter, nourrissant une certaine haine l’un envers l’autre. C’est assez ironique, nous sommes régents de deux covens rivaux. Nous avons procédé à un sort d’invisibilité basique qu’on apprend en première année. Un sort qui ne peut être contré que par une personne du même sang. Et une personne a bel et bien réussi à nous voir. J’en ai conclus que ce gamin de vingt-trois ans que j’ai pris sous mon aile depuis à peu près trois années ne pouvait être que de notre enfant à tous les deux. J’ai été demander la vérité à mon ami vampire et il m’a avoué que j’avais raison. C’est sordide. Je suis un monstre. J’ai gâché sa vie par pure ambition, et où cela m’a-t-il menée ?

Voilà, c’était chose faite à présent. Je venais de lui avouer ma véritable nature. Mais j’étais persuadée que ce détail n’allait rien changer entre nous. J’étais remplie de bonnes intentions et je voulais l’aider. Elle devait le sentir au fond d’elle. Nous allions donc pouvoir continuer notre séance. Au fond, j’espérais vraiment que je pourrai l’aider. Car la première séance que nous avions eu, m’avait un peu refroidie sur mes compétences de psychiatre. Je lui rendais son sourire et je prenais une gorgée de thé. Le début de son histoire avait vraiment été dur, je sentais que le reste à venir aller l’être tout autant.

« Non, vous n’êtes pas cinglée Lyanna. De ce que vous me dîtes, vous n’aviez pas eu le choix. Mais ça ne sert à rien de ressasser le passer. Il est très important de continuer votre chemin et de laisser tout ça derrière vous. Oui, je sais, ce n’est pas facile, mais je vais vous aider. Tout d’abord, vous devez vous fixer un but. Est-ce que vous savez ce qu’est devenu votre fils ? Avez-vous encore des contacts avec lui ? »

J’attendais avant de continuer. Je ne voulais pas la bombarder de questions. Elle devait très certainement avoir encore tout un tas de choses à me dire. Je poussais doucement la boîte de mouchoirs vers elle. Mon coeur se serrait de la voir dans un tel état, mais il fallait que ça sorte. Elle m’expliqua la suite. J’avais donc bien fait d’attendre. Un vampire l’avait aidé ? Alors ça, c’était vraiment impressionnant. Un sort d’invisibilité ? Mais pour faire quoi exactement ?

« Ne vous excusez pas de pleurer, il est imporant d’évacuer votre tirtstesse et de montrer vos émotions.Pourquoi avoir effectué un sort d’invisibilité ? Lyanna vous devez comprendre une chose importante. Vous ne pourrez pas revenir en arrière même avec la meilleure volonté du monde. Vous avez retrouvé votre fils, est-ce que vous réalisé la chance que vous avez ? Vous auriez pu passer le reste de votre vie avec vos souvenirs sans savoir ce qu’il était devenu. Est-ce qu’il est au courant que vous êtes sa mère ? »

L’honnêteté de Grace me permit d’être un peu plus en confiance. Elle était compréhensive et avait l’air de prendre mon parti, pourtant, moi je trouvais que j’étais impardonnable. J’avais gâché la vie de Zephyr et à présent il fallait rattraper une grande partie de son éducation magique pour lui redonner confiance en lui. Je me contentai de hocher faiblement la tête lorsque la psy déclara qu’il était inutile de ressasser le passé. Je savais qu’elle avait raison, mais ce n’était pas facile pour autant.

- Cela fait trois ans qu’il est entré dans mon coven. A vrai dire, il n’est pas ce qu’on peut qualifier de sorcier exceptionnel… Mais c’était comme si quelque chose m’avait poussée à l’intégrer, et le faire rester. Je comprends mieux pourquoi maintenant.

En temps normal, un sorcier aussi médiocre n’aurait jamais pu intégrer White Chapel, surtout avec les boulettes commises qui risquaient d’entacher le coven et ses sorciers.
Je continuai donc l’histoire et à un moment, mes émotions étaient devenues trop difficiles à contenir et j’avais éclaté en sanglots, bien que tachant de me reprendre assez vite. J’acceptai de prendre un mouchoir de la boîte qu’elle avait subtilement avancée vers moi. Je me calmai un peu avant de reprendre l’histoire. Tout était si complexe, je ne savais pas si elle allait bien tout saisir. Parfois les mots n’étaient pas assez juste pour expliquer.

- Le sort d’invisibilité, c’était parce qu’après avoir combattu des zombies pour sauver deux jeunes imprudents et retrouver le fragment de boîte de Pandore manquant, on avait besoin de décompresser et donc… ben… on s’est envoyés en l’air, lâchai-je en haussant les épaules.

Elle me demanda si Zephyr était au courant que j’étais sa mère biologique.

- Bien sûr, aussitôt que j’ai eu confirmation, je lui ai dit toute la vérité, et après j’en ai informé son père. Là, nous avons discuté longuement et avons réalisé que nous étions sous le joug d’un envoûtement. Apparemment, personnes nous ont ensorcelés pour que l’on se sépare quand nous étions adolescents. J’ai donc grandi et vécu toute ma vie d’adulte en détestant l’amour de ma vie pour rien, en pensant que l’amour n’était qu’un leurre et j’ai bâti ma vie en conséquence. Et lui aussi. Nous nous sommes haï, méprisés et évités pendant vingt-quatre ans. Tant de temps perdu. Nous avons réussi à annuler le sort et nos sentiments sont de nouveau là, comme avant, et malgré ce bonheur de le retrouver, j’ai vraiment peur. J’ai peur qu’il soit déçu, qu’il finisse par se dire qu’il était très bien sans moi. Je crois que je n'aurai pas la force de le perdre une seconde fois.

J’écoutais Lyanna avec attention. Je ne voulais pas que cette dernière pense que tout était de sa faute, car en ce qui me concernait, ce n’était pas du tout le cas. Elle avait très bien réagit en faisant adopter le bébé. Je comprenais très bien qu’elle regrettait son geste, mais c’était uniquement car son fils était tombé dans une mauvaise famille. Si ça n’avait pas été le cas, elle ne culpabiliserait pas. Elle avait senti qu’il était son fils avant même de le savoir. Une mère sent ce genre de chose.

« Oui, et vous avez bien fait de le faire. Ca vous a permis de renouer les liens avec lui et d’apprendre à le connaître un peu mieux. Même si au début, j’ai bien compris que vous ne saviez pas qu’il était votre fils. Mais vous savez, je vais vous dire ce que je pense. Vous culpabilisez aussi car vous avez constaté qu’il est tombé dans une mauvaise famille. Est-ce que la situation aurait été différente si ça n’avait pas été le cas ? Car je pense que c’est aussi pour cette raison que vous culpabilisez. »

Au fur et à mesure que Lyanna m’expliquait son histoire, tout devenait plus clair. Je comprenais mieux la situation. Mais elle se mettait bien trop la pression. Ca allait certainement prendre plusieurs séances pour qu’elle arrive à reprendre sa vie en main. Mais j’étais là pour elle.

« Ce que je vais vous dire n’est pas du tout méchant Lyanna, mais vous réfléchissez beaucoup trop. Vous avez retrouvé votre fils et l’amour de votre vie. Il est important de vous concentrez sur ça et de faire un pas après l’autre. Si ça se trouve, le père de votre fils a les mêmes peurs que vous. Vous avez grandi et vous avez tous les deux étaient abîmés par la vie. Vous avez besoin de trouver un équilibre ensemble. Il le sait et vous le savez.  Je ne vois pas pourquoi il en arriverait à une telle conclusion. Est-ce que vous arrivez à vous voir et à passer du temps ensemble juste tous les deux ?»