Elle ne fait que de la magie blanche. C'est sûre. Je ne sens rien d'autre en elle. Je peux sentir, habituellement, non? C'est certain qu'elle ne fait que de la magie blanche...
Solette se rongea l'ongle un moment, à fixer Elisabeth, en poussant toute motivation à se convaincre qu'elle ne pouvait lui faire aucun mal.
« Solette, rappelez-vous que la magie n'a strictement rien à voir avec son porteur. Aucune arme à feu ne peut tuer le vivant, il s'agit de la main de l'homme qui appuie sur la gâchette et commet le meurtre... »
« Oui, oui, oui... Tes comparaison de boîte de céréales, ça va faire! Je sais très bien tout ça. Mais je la connais pas, justement. »
Basile la regarda, comme s'il tentait d'hypnotiser sa prochaine victime rongeur. Elisabeth me proposa de me laisser se débrouiller avant de tourner les talons. Cette simple proposition la soulagea, et lui donna davantage de confiance. Elisabeth semblait réellement vexée, bien davantage que de jouer à la vipère. Solette soupira, roula les yeux, et n'importe quoi qui pouvait témoigner de son manque d'adresse dans les situations d'inconfort.
« Bon, si ça ne vous dérange pas trop!! Ça peut pas nuire j'imagine... Je peux... » La sorcière hésita, puis conclue : « Je peux te faire confiance, là... »
Et elle grimaça même à Basile une moue de troll mécontent pour traduire son manque d'habileté à prendre la défaite, aussi immature soit-il.
Je sais pas dans quoi je me suis embarquée, mais il faut que j'écoute Basile au moins après... après ce que je lui ai fait. Et si Elisabeth me tend un piège, on sera quitte.
Basile se tourna vers Snow, et la jugea un moment en remuant sa langue de vas-et-viens. Tout ce qu'il répondit c'est :
« Non merci, j'ai mangé avant-hier. » ce qui était peut-être un peu froid pour les hospitalières platitudes infinies qu'il déversait normalement à chaque dialogue. Néanmoins, il avait toujours une digestion de python qui pouvait prendre de quelques jours à plusieurs semaines. Assez pratique, selon lui, sauf qu'il dirait qu'on trouve un fort manque de confort à avaler une proie plus grosse que son corps.
Je prends place, et saisie la tasse de thé qu'elle m'offre. Bien sûre que j'adore ça. Je veux la boire, sans hésitation... mais je renifle tout de même son contenu sans gêne. Je bois. J'aime bien. Je répète.
« J'suis désolée... C'est rare de trouver des gens qui veulent pas profiter de toi dans une ville comme LA. J'voulais me défendre pour pas me faire voler, t'sais. »
De la dope. Le pire des vols, quoi. Ça, je ne lui dirait pas. Mais le reste était vrai. Aussi vrai que mon plan était de profiter d'elle au bout du compte. Mais là... Je joue à quoi? Je sais pas trop. Je m'ouvre, sans le vouloir... Je me tais. J'attends qu'elle me soigne, si elle le veut bien. Et je me demande toujours pourquoi une sorcière blanche a une boutique ésotérique en plein Los Angeles dans ces temps merdiques.
Plus Solette me parlait, et plus elle s’enfonçait. La voler ? Non mais sérieusement ? Donc, résumons la situation, je l’aurai mise à l’abri, j’aurai sauvé son familier et ensuite, je lui aurai donné un coup sur la tête, ou je l’aurai empoisonné ? Non mais là, on nageait vraiment en pleine crise de paranoïa. Franchement, je n’étais pas du tout en colère, j’étais juste triste qu’elle pense que je pouvais être comme ça et Snow le sentait bien. Je buvais mon thé en l’ignorant ouvertement. Je peux te faire confiance j’imagine ? C’était tout ce qu’elle trouvait à me dire ? Elle m’avait laissé la vie de son familier entre mes mains, ce n’était pas une preuve de confiance ça ?
Snow regardait Basile avec calme. Si elle avait pu, elle aurait très certainement haussé un sourcil. ‘’’D’ accord, je suis désolée de vous avoir poser la question.’’ Elle commença à se nettoyer le plumage sans ajouter quoi que ce soit. Sa question partait d’une bonne attention tout comme ma proposition envers Solette. Je pouvais comprendre qu’elle se méfiait des gens, mais après ce que je venais de faire à Basile, je ne trouvais pas sa remarque justifiée du tout.
Je pose ma tasse et je vais m’asseoir en face d’elle dans un premier temps. Quand je ne vais pas bien ou quand j’ai un problème envers une personne, je préfère en parler. « Ecoute Solette, je peux tout à fait comprendre que tu te méfies de moi. Car on ne se connaît pas. C’est humain comme réaction. En revanche, ce que je ne comprends pas, c’est pourquoi tu te méfies de moi maintenant ? J’ai sauvé la vie de tom familier. Donc je trouve que ta réaction n’est pas du tout justifiée. » J’étais tout à fait calme dans ma voix et je ne l’agressais pas du tout. Je voulais juste qu’elle m’explique son point de vue pour que je puisse comprendre.
Basile observa Solette avec insistance. Il n'avait besoin de comprendre la langue des humains pour saisir les paroles de Elisabeth. Elles étaient évidentes. Solette croisa les bras, et piétina quelques fois le sol du talon. Bien sûre, qu'elle avait comprit l'incohérence de ses gestes. Bien sûre, qu'elle en restait réfractaire. C'était comme de voir Basile faire preuve d'insolence envers Snow pour une jalousie complètement inutile et enfantine...
J'hésite un peu à m'ouvrir. Parce que tout déballer révèle tout de suite que j'ai un passé pas net.
Solette baissa le menton et vit des gouttelettes rouge aller tacher son chandail. Elle se résigna.
« C'est juste bizarre. C'est la première fois de ma vie que je rencontre une sorcière qui veut du bien d'autrui. Et jamais vu non plus une sorcière qui était motivée par la gentillesse. »
Certainement, Solette venait d'une famille rude, motivée par la colère et dirigée par une violence traduite de noire magie. Que ce soit des claques derrière la tête dès qu'elle s'entêtait, ou de son arrière-grand-mère qui l'avait intimer de toutes les assassiner, les sorcières - y comprit elle-même, cela va de soi - n'avaient vécu que pour leur bien-être familial ou individuel. Fin de la discussion. À dire vrai, Basile était le premier « sorcier blanc » (ou ce qui en restait, plutôt) qu'elle n'eut jamais côtoyer. Déjà un début meilleur que son précédent.
Pendant que Solette faisait les cents pas, je prenais soin de terminer ma tasse de thé, la tisane avait toujours eu cette capacité de me calmer. Mais quelque part, je ne pouvais que la comprendre, nous vivions dans un monde où la gentillesse était une chose rare et la plupart du temps, elle exigeait quelque chose en retour. Et puis, ce n’était pas non plus écrit sur mon visage que je n’exigerai rien en retour, ça aussi c’était une raison de se méfier de moi. Je prenais donc tout ça en compte et je regardais Basile en souriant. Je savais que je n’avais aucune raison d’avoir peur de lui.
Qui sait, après tout, j’allais peut-être pouvoir me réconcilier avec les serpents grâce à lui. Je souriais à Solette après avoir écouté ce que cette dernière avait à me dire. « Oui, je te comprends tout à fait. Sache que je ne demande rien du tout en échange, ce n’est pas du tout mon genre. J’estime que c’est normal de s’aider. Si j’avais été dans ta situation, j’aurai été contente que l’on m’aide moi aussi. » Elle ne devait pas avoir beaucoup de personne positive autour d’elle, si elle voulait que l’on devienne amie, ça pourrait changer sa vision des choses.
Je ne bougeais pas de ma place car je ne savais pas si elle voulait que je l’aide ou non. Je gardais mes mains autour de ma tasse et je lui faisais un petit sourire. « Est-ce que tu penses que Basile serait d’accord de venir me voir ? J’aimerai bien essayer de l’approcher pour vaincre ma peur. » Pour tout dire, je n’en avais jamais eu l’occasion. Je faisais souvent des cauchemars sur ce qu’il s’est passé quand j’étais petite .Là, j’avais l’occasion de corriger le tire et même si j’en avais peur, je devais quand même bien reconnaître que Basile était un magnifique serpent. Ses couleurs étaient vraiment incroyable.
Solette se sentit fondre. Son visage se fit déconfit. Il y eut l’aurore d’un sentiment qui éclata dans son ventre. D’après ses souvenirs, aucune sorcière n’avait été gentille. C’est pour n’avoir côtoyer que des énergies noires et malignes que Solette s’était lancée sur cette idée. Mais lorsque le ton de Elisabeth la percuta, quand ses mots lui sonnèrent familiers, quand son sourire gicla l’honnêteté chaude… la punk se souvint de l’unique sorcière en qui elle avait toute sa confiance, qui avait été infiniment gentille avec elle : sa mère. Sa mère qu’elle avait tuée. C’est en s’obstruant d’un côté de monde inconnu qu’elle accepta d’un geste de tête l’aide de Elisabeth. Et elle se sentait davantage petite qu’elle ne l’était réellement de ses cinq pied et quelques piètres pouces. Des choses qu’elle s’avouait dans le secret de son être, conscient ou non.
Je me fige. Je sais pas trop qu’en penser. Mon ventre se serre, et je claque des dents. C’t’embêtant, cette vente de drogue interminable, enfin… Mais, elle me prend pas surprise - encore, la demoiselle!! Elle me demande de se rapprocher de Basile. Je lui souris, et ça fait du bien malgré ma tronche déglinguée. C’est Basile qui va être heureux.
« Bah ouais, pas de problème… »
Solette se tourna vers Basile qui la fixa droit dans les yeux. Elle ne put s’empêcher de pouffer de rire en se payant sa tête.
« Elle a peur des serpents!! C’est ta chance, Casanova!! »
Je reconnais son sifflement comme un « va chier » bien propice à sa politesse habituelle.
« Elle demande à se que tu t’approches d’elle pour qu’elle vainque ses peurs. »
Le serpent ne se fit pas demander à deux reprises et rampa vers Elisabeth. Inutile de mentionner que c’était sans danger. Il la regarda un instant, puis rampa doucement sur sa jambe avec une pression moindre. Puis, sans prévenir, grimpa d’un geste souple et rapide jusqu’à son bras, puis son épaule. Il appuya sa tête, que la femme ressente son battement de coeur contre son pouls. Solette - qui se retenait de rire devant les arabesques charmantes de Basile - observa la scène audacieuse du serpent sous l’oeil sérieux de la chouette. Elle n’avait jamais reçu d’aussi tendres gestes de la part de son familier, et n’en recevrait pas tant qu’elle ne devienne pas l’élégance incarnée comme Elisabeth.
« Si tu hausses les épaules, il comprend que c’est pour descendre… »
Il est plus rapide en affaire qu’on aurait pu le croire, le sage galant petit Basile…
Solette se retenait toujours de rire, un magnifique sourire en coin qui témoignait de son aise. Visiblement, cette situation l’amusait assez qu’elle s’en prenne maintenant à une connaissance amicale, et non une menace aléatoire. Après un instant, elle se laissa choir de paroles :
« D’accord, alors. C’est pas de refus. Je peux bien me faire soigner, tant qu’à y être… »
Après tout, je me fais redresser le nez gratuitement, nah? Je me sens me détendre si drastiquement que je goûte enfin à la douleur et au sang dans ma gueule.
Impossible de se dire avouée vaincue. Pour le moment.
En attendant que Solette se décide, je décidais d’en profiter pour vaincre ma peur des serpents. Certaines personnes trouvaient sans doute que ma peur était ridicule mais après ce que j’avais vécu, je ne trouvais pas. Au fond, on avait tous des peurs, certaines personnes avaient peur des souris, ou des araignées, moi s’était les serpents. Mais avec l’aide de Basile et l’accord de Solette, j’étais certaine que je pourrais vaincre ma peur. Il s’avança doucement vers moi et sans crier gare, il me grimpa dessus. Par reflex, je me figeais. Mon coeur commençait à battre bien trop vite à mon goût. Je me détendais au bout de quelques minutes et je regardais Solette.
« Je rêve où tu es en train de te moquer de moi ? »
J’avais un petit sourire en coin. Je savais qu’elle ne le faisait pas méchamment. Elle m’expliqua comment faire comprendre à Basile que je voulais qu’il descende. Je caressais doucement la tête de ce dernier. C’était drôle comme sensation. Mais je sentais qu’il appréciait et moi, je commençais à me sentir mieux. Snow était calme, car elle savait que le serpent ne me ferait jamais de mal. Je le savais moi aussi.
« D’accord, merci pour cette information. »
Je gardais Basile contre moi et j’allais préparer toutes les choses dont j’allais avoir besoin pour soigner Solette. Les hommes qui l’avaient frappée n’y étaient pas allée de main morte. J’allais donc devoir lui faire un cataplasme pour son nez et une potion pour la douleur. Son nez se remettrait mais ça allait prendre un peu de temps et elle allait certainement avoir mal. Une fois que mes mixtures furent prête, je donnais un petit coup d’épaule pour faire comprendre au serpent que j’avais besoin qu’il descende.
« Je t’ai préparé un cataplasme qui va t’aider à redresser ton nez. Comme il est pas mal abîmé, compte trois jours maximum. Je t’ai aussi préparé ça pour la douleur. »
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