Songer à la beauté d’une œuvre d’art tout en contemplant une œuvre tout aussi fascinante qu’offrait une ville de nuit entièrement illuminée, cela était particulièrement grisant mais j’avais comme une impression de ne pas être totalement libre. De ne pas être disposée à profiter de la soirée comme je l’entendais. Je me disais qu’en sortant je pourrais prendre un peu l’air (façon de parler pour une vampire) mais cela eut l’effet inverse. Sans m’en rendre compte je m’étais isolée du reste des personnes. Alors que je restais figée vers le vide et les autres buildings je sentis une présence derrière moi. J’aurais voulu bouger et peut-être partir mais si jamais c’était la personne qui me suivait depuis le début de la soirée… Je devais en avoir le cœur net. Alors je restais immobile et lorsque cette voix masculine s’adressa à moi, j’eus un léger sourire quant à la question.

Il était vrai que la plupart des personnes qui sortiraient prendre l’air, le feraient pour fumer mais ce n’était pas mon cas. Personnellement je n’aimais pas trop jouer avec le feu quand je savais que cela pouvait être une arme mortelle pour moi. Je tournais alors doucement la tête pour enfin voir le visage de cet homme tout en continuant de lui sourire avec bienveillance, comme j’en avais toujours l’habitude.

« Bonsoir, Navrée de vous décevoir mais je ne fume pas. »

Certains diraient que je n’étais pas une vampire comme les autres, si l’appel su sang était un besoin insatiable, je restais en toutes circonstances, une femme polie, douce et aimante envers chacune des personnes qui croiserait mon chemin, qu’elle soit humain ou non, bienveillante ou non. C’était comme ça depuis la nuit de ma transformation. J’avais toujours voulu faire preuve d’autant de gentillesse que ma mère en avait.

C’est pourquoi je parcourus du regard rapidement toute la terrasse avant de croiser à nouveau le regard brun de cet homme pour lui répondre avec douceur, un sourire sur les lèvres :

« Mais ces jeunes femmes derrière nous seraient ravies de vous rendre ce service. »

Je n’avais pas pu m’empêcher de remarquer le gloussement de ces deux femmes qui visiblement avaient abusés de l’alcool et qui semblaient trouver mon interlocuteur à leurs gouts. Il était vrai qu’il était bel homme mais ce n’était pas ce qui m’avait le plus marqué. Non c’était le regard qui avait pour moi. Comme s’il semblait me connaître….

« Excusez-moi mais… est-ce que l’on se connait ? »

L’homme semblait déçu de ma réponse mais sa façon de me parler il me semblait de plus en plus familier. Comme si je l’avais déjà connu mais son visage ne me disais rien. Seules ses gestes et sa façon d’être me rappeler quelque chose sans pour autant réussir à me dire quoi. Cette impression mêlée à mon instinct me disaient de m’éloigner de lui alors je l’orientais vers deux demoiselles qui, elles, semblaient sous son charme.

Pour ma part, je le trouvais également séduisant mais cette impression de déjà-vu me retint quelque peu dans mon élan. Ce regard qu’il posait sur moi… Cette façon de parler… Je ne pus me retenir plus longtemps avant d’évoquer le sujet. Et sa réponse fut sans équivoque. Il me reconnaissait sans que je puisse faire de même. Je fronçais un instant les sourcils avant de reporter mon regard sur le vide qui se tenait devant nous. Pas dans cette vie alors. Mais alors il n’y avait pas tant de mystères. Soit il s’agissait d’un esprit que j’avais connu par le passé soit une créature bien plus sombre… La suite de ses mots me fit frissonner. Partager des instants dans des vies antérieures… Le destin… Je sentais qu’il posait surmoi un regard des plus insistants et je l’imaginais sans mal avec un sourire charmeur mais mon regard était fixé droit devant moi. N’osant pas l’affronter… Peut-être par peur de découvrir ce que mon inconscient me hurlait dessus depuis plusieurs secondes.

Puis il détourna l’attention en me demandant la raison de ma présence alors que je n’avais toujours pas répondu à ces précédents mots. J’aurais pu répondre n’importe quoi mais ce ne fut que la stricte vérité qui traversa mes lèvres :

« Mon amour pour l’art m’a fait venir ici mais pour être totalement franche je crains que la solitude me pèse de plus en plus alors peut-être que je suis venue ici uniquement pour rencontrer des nouvelles personnes. Et découvrir de nouvelles choses. »

A ces derniers mots, mon visage se tourna à nouveau vers cet homme. Et mon cœur parla à nouveau :

« J’ai connu bien des tourments par le passé. Et dans mes autres vies… alors j’aspire à un peu de paix maintenant même si je crains qu'en venant ici, dans cette ville, ce n’est pas ce que j’ai trouvé. »

Mon regard devint alors triste tandis que je le plongeais dans celui de cet homme. Il semblait être hostile envers ma personne mais j’avais à cœur qu’il pourrait peut-être lire entre les lignes comme d’autres ont su le faire par le passé pour voir que dans le fond, je ne suis pas heureuse et peut-être que je ne le serais jamais. Je le regardais alors s’approchais du balcon afin de contempler à son tour la vue de la ville devant nos yeux. Mon regard suivait sa silhouette alors qu’il s’exprimait tel un philosophe. J’entendais ses paroles et tout devint limpide.

J’écarquillais les yeux alors qu’il reposait sur moi un regard plus mélancolique. C’est en cet instant que je le reconnu. L’homme que j’avais devant les yeux était bien différent de celui que j’avais connu mais une aura ne s’oublie pas si facilement et j’avais passé tant de temps avec lui par le passé qu’il était évident qu’il me revint en mémoire comme si c’était hier. Mon regard sur lui changea lorsque je compris et malgré les personnes qui se trouvaient derrière nous, je voulais partir en courant. Pas pour le fuir mais par peur des représailles.

« Az’ ? »

Je n’avais rien besoin de dire de plus alors que les larmes me montaient aux yeux. Des larmes de tristesse… car j’ai aimais ce démon d’un amour tellement profond car le quitter a été une des choses les pires que j’ai dû faire dans ma vie de vampire. Par la suite j’ai mis du temps pour m’en remettre et en le revoyant en cet instant je me rends compte que les plaies ne sont toujours pas refermées. Je m’adosse à mon tour sur le balcon sans pour autant m’éloigner de lui.

« Je … J’imagine que tu m’en veux toujours de mon départ et tu aurais tant raison… Si  tu voulais me tuer je ne t’en empêcherais pas. »

J’interromps mon regard sur lui pour le laisser vagabonder dans le vide devant nous alors qu’une larme de sang coule sur ma joue.

« Si tu as souffert alors autant que j’ai souffert de cette séparation mais je crains que tu n’ais jamais rien ressenti pour moi. En tant que démon qui se respecte, tu n’as jamais rien ressenti pour personne, je me trompe ? »