- Pour ta meilleure amie ?

Donc Lyanna Johnston à ce que j’ai pu comprendre. Je ne sais pas ce que la sorcière blanche pense de la meute après les derniers événements, mais…

- Pourquoi pas, si tu es proche d’elle tu dois avoir une idée de ses gouts.

Un parfum est quelque chose de très personnel. J’ai créé un parfum pour Élisabeth parce que je connais ses fleurs préférées à force de travailler à ses côtés et que je la connais depuis des années (que j’ai pu sentir les différents parfums qu’elle a portés pendant tout ce temps), mais ça n’en demeurait pas moins un coup de poker. Elle aurait pu détester l’odeur.

- Si tu n’es pas pressée, je pourrais te faire sentir quelques parfums après la tisane.

Je ne suis pas partisan de faire renifler toute la collection d’un coup, surtout pas aux nez humains qui se perdent facilement dans les senteurs.

- Tu es charmante Elisabeth, n’oublie pas que les loups-garous paraissent plus jeune qu’ils ne le sont réellement. Mais je ne suis pas contre le fait de me considérer comme un jeune.

Je souris amusé. Je me demande si elle sait que j’ai soixante-dix ans, je sais que cela ne changera rien à ses yeux, mais ce n’est qu’un fait. Je l’écoute me parler de son mari, de son hésitation légitime. J’opine du chef concernant la livraison.

- Bien sur, préviens-moi quelques jours avants. Je regrette que tu n’aie confiance en personne, pas même en tes employés, pour garder ta boutique ouverte.

J’ai laissé Avalon sous la responsabilité de mes employés pendant des années, durant toute mon absence. J’avais confiance et je n’ai pas eu tord, cet endroit demeure un refuge en ville pour la meute. Mais je me rend compte à cet instant que c’est un luxe d’avoir des personnes de confiance, d’avoir un cercle, une meute. Les gens se sentent bien seuls dans la vie, les loups ne sont pas des animaux solitaires dans leur ensemble. Il y a toujours des exceptions, mais nous sommes faits pour une vie sociale et hiérarchisée.

- J’espère que tu retrouvera les sentiments de bonheurs qui t’ont poussé à épouser cet homme, et si ce n’est pas le cas, celui qui cause ton malheur devra en découvre avec un certain loup.

Je lui adresse un sourire amusé avant de boire une gorgée.

- Si tu retrouve la personne que ton cœur hait le plus au monde…

Celui qui a gâché son mariage.

- Sache que l’Alpha de la meute de Los Angeles te soutiendra, que ce soit pour t’épauler ou te donner asile.

Et pourtant la meute n’a jamais accueilli de non-loup sur son territoire, mais les choses peuvent changer après tout. Une sorcière à nos côtés peut être une ressource unique, la meute n’est pas prête pour cela, mais s’il s’agit d’aider une amie un jour…

Je termine mon breuvage réconfortant tout en écoutant ses paroles.

Elisabeth ne manque pas de paroles positives à l’égard de son amie Lyanna Johnston, je ne doute pas qu’une sorcière blanche n’a pas l’âme pourrie jusqu’à la moelle sans pervertir sa magie. Alors je ne me fais pas de souci concernant la bonté de la sorcière, je me méfie davantage d’Arthur Fitzgerald avec lequel j’ai déjà eux des conflits par le passé. Un homme qui a basculé à une période de sa vie, parait-il qu’il a changé, qui suis-je pour juger ? Je ne peux cependant que rester méfiant vis-à-vis de cet homme.

- Une véritable amie que tu me décris là.

Je ne peux pas dire que je n’ai pas d’amis, mais quand l’on est Alpha, les amitiés ont malgré tout leur dose de rapport de forces. Ceux qui furent mes amis les plus proches sont resté près de moi malgré les changements récents. Un soutien précieux.

J’incline la tête pour affirmer que je lui ferais sentir quelques parfums avant qu’elle ne s’en aille, c’est bien rare dans ce monde d’avoir du temps pour les autres. Un luxe que les gens ne prennent plus vraiment la peine de s’offrir. Je ne pu m’empêcher de sourire alors qu’elle affirme que l’âge est une question de mental, si seulement, mais même les guerriers finissent tôt ou tard par se fatiguer. C’est le cercle de la vie, je n’y échapperais pas, je n’ai pas peur de la mort contrairement aux vampires.

- Si je me laisse aller, la meute ira droit dans le mur.

Comme mon prédécesseur l’eu fait, quel gâchis.

La boutique de fleurs sera porte close pendant son voyage, elle n’a en réalité pas d’associé, ce qui force davantage le respect. Je pensais qu’elle avait un appui, mais il n’en était rien. Cette femme est particulièrement indépendante, ça je le savais, mais en affaires, il est toujours agréable d’avoir un binôme. C’est tout à son honneur de s’être révélée capable de faire tout cela en solo avec uniquement un livreur.

Finalement la conversation prit une tournure un peu plus sombre, admettant que je la soutiendrais si elle cherchait à se venger, je ne pouvais me résoudre à la laisser dans l’ignorance de l’appui que je peut représenter ou la cache que je peux tout autant lui offrir. Après tout, je compte bien ouvrir les portes du territoire à quelques élus, mais pourquoi pas aussi, faire preuve de bonté et offrir asile à ceux qui ont toujours été de notre côté ?

Sa main se pose sur la mienne, un geste que je ne tolère que de mes amis dont Elisabeth fait partie. Mon regard soutien le sien sans difficulté, avec bienveillance, je pose ma seconde main par-dessus la sienne et lui dit très sérieusement :

- Je serais vraiment contrarié qu’il t’arrive quelque chose parce que tu n’as pas su demander de l’aide. Ne te lances dans rien de fou, seule. Et puis, tu sais que je n’ai jamais rien contre un peu de baston.

Et bon pour le moment, on peut dire que je suis sage, je met en avant la paix des peuples, la guerre peut être divertissante, mais provoque bien trop de pertes inutiles. Il y a eut trop de morts lupins en 2020, les choses doivent impérativement s’arranger, les meutes voisines ne doivent jamais apprendre que nous sommes affaiblis.

Les yeux toujours rivés sur les siens :

- Tu vas t’en remettre, tu peux aussi choisir de ne pas te livrer à la haine. La haine a rendu fou bien des gens, alors je veux au moins être là pour t’empêcher de sombrer à la folie si cette vengeance t'est inaccessible, tu vaux mieux que ça. Je n’ignore pas que tu n’es pas une sorcière sans reproches, mais ton âme n’est pas corrompue.

Son désir de vengeance est compréhensible, chez nous, les loups-garous, la justice est primordiale bien que la loi du plus fort règne. J’aurais aimé venger la mort d’O’Hare, tuer Sigrid, mais j’ai renoncé pour ne pas plonger dans la même folie.

- Je t’imagine tout à fait fracasser un sac de frappe, c'est un très bon défouloir que tu t'es trouvé.

Il n’y a rien de mieux pour se défouler après tout, me concernant, j’ai bien assez de batailles à mener, même si je ne suis jamais contre un peu d’action. Je vais sans nul doute avoir besoin comme elle le dit de trouver un moyen de faire partir la pression. Je ne suis pas stressé, mais ce genre de négativité s’installe sournoisement et vous prend à la gorge quand il est trop tard.

- Tu es devenue une femme de grande sagesse.

Il faut dire que trois années nous ont séparé lorsque j’étais au Mexique et qu’à l’instar de tous ceux que je connaissais, elle a évolué. Les changements ne sont cependant une mauvaise chose, bien au contraire. Je suis fier d’être l’ami d’une sorcière de cette trempe.

- Je suis heureux d’apprendre que tu as surmonté ta colère, tu vaux mieux que ça.

Je ne sens pas de mensonge chez elle, aucun battement de coeur accélère. Elle est sincère lorsqu’elle dit qu’elle est prête à passer à autre chose, à reconstruire sa vie avec son époux. Elle a bien raison de le faire, de voir les choses sous cet angle.

- Mais certainement, suis-moi je te prie.

Lui disais-je en me levant pour débarrasser nos tasses vides que je laverais un peu plus tard, j’invite la sorcière à me suivre vers la boutique, les étales épurés et élégants sont disposés avec soin par mes employés. Qui songerait à un tel raffinement de la part de loup-garou ?

- Quelles senteurs pourraient correspondre à ton amie ?

Les possibilités sont si nombreuses, il est compliqué de ce lancer à l’aveugle sans avoir une idée, un aperçu des probable gout de Madame Johnston, une manière un peu atypique d’apprendre à connaitre la régente de la White Chapel. Une femme qui, malgré notre cohabitation à LA, m’est une parfaite inconnue.

- Nous avons une nouvelle collection, mais je ne l’ai pas confectionnée… Elle a été réalisée par mes employés pendant mon absence, mais ils n’ont osé les sortir du laboratoire avant mon retour. Une gamme que j’approuve, si tu veux jeter un oeil.

Je lui désigné alors le présentoir sur lequel est disposée la dite collection qui valorise par leur présence ici, le travail de mes fidèles loups, qui malgré la distance, ont tout fait pour qu’Avalon puisse survivre jusqu’à ce que je puisse enfin revenir auprès d’eux.

J’ignore qui est ce Clayton, mais j’imagine qu’il s’agit d’un ami à elle. Ma longue absence ne me permet pas d’avoir connaissance de l’entourage de tout le monde, la population de Los Angeles a cette caractéristique de se renouveler. Des gens partent, d’autres arrivent. C’est une ville immense, seuls les robots peuvent se venter de connaitre tout le monde et encore !

- Tu n’as pas dû y aller de main morte pour te faire  du mal.

Lui lançais-je pour faire un trait d’humour.

Je m’avoue rassuré de savoir qu’elle semble avoir mis sa colère de côté, je peux sentir qu’elle ne me ment pas, elle est apaisée. Je ne peux espérer mieux pour elle.

Nous nous dirigions vers la boutique, délaissant nos tasses vidées. J’écoute donc les gouts de Miss Johnston en termes de parfum, des odeurs naturelles il n’y a que cela ici, les loups ont une faible tolérance aux odeurs chimiques. Nos parfums ne sont pas particulièrement puissants olfactivement en cette raison. Tout en l’écoutant je nous dirige vers la nouvelle collection sur laquelle je n’ai pas vraiment travaillé si ce ne fut pour donner mon accord pour la production et le mise en rayon. Mes employés ont tout fait, et je suis fier d’eux.

Je la laisse choisir une des fioles, curieusement pas forcément celle qui attire le regard de la clientèle en général, je l’observe sentir avant de sourire à sa remarque.

- J’en pense inévitablement du bien !

Sans quoi, ils ne seraient pas en rayon, pas même pour faire plaisir ! Je tend la main pour attraper un second flacon de cette nouvelle collection pour le faire sentir à la sorcière.

- Mais peut-être que celui-ci pourrait davantage satisfaire ton amie. Si tu veux je peux te préparer quelques échantillons pour que tu puisse les sentir chez toi et réfléchir à la question.

Tout comme elle peut également se laisser séduire par celui que je lui propose, il est le plus raffiné de cette gamme. Je ne suis pas un vendeur qui force la main, surtout pas avec une collaboratrice et amie. Je sais qu’elle peut m’apporter des clients, je n’aurais aucun bénéfice à ce qu’elle ne reparte pas satisfaite d’Avalon.