C’était une rencontre incroyable, une de celles qui vous font oublier qu’un drame aurait pu se produire si d’infortune, la destinée n’avait point consenti à faire croiser tous ces protagonistes. Karl qui reprenait contenance, avait conscience qu’il était passé près d’une funeste issue et qu’il devait son salut au jeune homme qui lui faisait face. D’autant plus que c’était la deuxième fois qu’un membre du « peuple de l’océan » venait à sa rescousse, eux qui refusaient traditionnellement de prendre part à la vie des « surfaciens ».
« - Rassurez-vous, je n’avais nullement l’intention de dompter l’océan. Je me contentais d’une vague, mais j’ai été trop ambitieux. » Il esquissa un léger sourire, désolé malgré tout d’avoir meurtri Lyanna d’inquiétude, elle qui ne gérait que trop difficilement ses émotions en ce moment. « - L’océan est source de rêve. » surenchérit-il avec sincérité, lui l’amoureux de l’océan, malgré le fait que ce dernier ne soit pas son élément. Il ne pouvait nier toutefois, le pouvoir apaisant de ce même océan qu’il venait consulter de temps à autre pour se vider la tête.
Puis ce fut Lily qui se montra tout aussi curieuse que le dénommer Morgan. Une curiosité presque juvénile qui amusa Karl. Mais soucieuse, la sorcière ne put s’empêcher de mettre en garde le jeune triton sur les possibles dangers qui l’entouraient. Et dans le fond, elle n’avait pas tort, les humains avaient depuis toujours, cette fâcheuse tendance à coloniser les mers sans vraiment prendre la pleine mesure de leurs agissements, ni du danger qu’ils faisaient encourir impunément aux habitants de l’océan. « - Ma compagne a raison. Tous les humains ne sont malheureusement pas aussi bienveillants que nous à l’égard de l’océan et des créatures qui le peuplent. »
A son tour et parce qu’elle se sentait sûrement aussi redevable que son Fitz, Lily proposa la prémisse d’une compensation de concert avec le sorcier à ses côtés, sans trop savoir quoi proposer au sauveur d’un jour. « - Voudriez-vous que l'on vous invite, si c’est possible ? Nous pourrions vous faire découvrir quelques spécialités du coin. Vous en pensez quoi ? C’est la moindre des choses que nous puissions faire après tout. »
Morgan était ravi que la sorcière lui pose tant de questions et s'intéresse à son peuple. Il sentait que ces deux terrestres étaient bienveillants avec lui, il ne se sentait pas en danger et pensait qu'il ne craignait rien à parler avec eux. Après tout, c'était son rôle de discuter avec les habitants d'en haut. Il tâcha donc de répondre de son mieux.
« C'est un nom que j'ai choisi pour quand je viens sur la terre. Je suis seul en effet, je fais partie d'une colonie, mais ils ne sont pas intéressés par le monde d'en haut, contrairement à moi. J'ai passé des années à étudier les terrestres de loin, et à présent je suis enfin en âge de marcher parmi vous. J'ai fait ma première exploration de la ville il y a quelques nuits, c'était passionnant ! »
Il sourit de plus belle, estimant avoir fait un résumé correct. Son rôle d'ambassadeur se dévoilerait sur le long terme, pour le moment il devait surtout observer, apprendre, et lorsqu'il connaîtrait suffisamment le monde d'en haut, il pourrait envisager de commencer des négociations. La tâche serait longue et ardue, mais cela ne l'effrayait pas le moins du monde. C'était son rêve depuis tout petit. Il ajouta simplement, à l'intention de Karl :
« Pour moi, c'est la terre qui est source de rêve. »
Le terrestre lui fit alors une proposition qui l'emplit de joie. L'inviter ? Mais quelle belle idée ! Il serait ravi de pouvoir discuter plus longuement avec eux, échanger sur leurs cultures respectives. Il n'était pas sensé monter aujourd'hui, mais il aurait été dommage de rater une telle occasion ! Il était certain que sa tante ne lui en voudrait pas. Pas trop.
« Oh oui, avec grand plaisir ! Hum... Par contre, auriez-vous un pantalon à me prêter ? Lorsque je me transforme, j'ai un pénis qui pousse, et on m'a expliqué que cela ne se faisait pas de le montrer. »
C'était l'une des premières leçons qu'il avait apprises lors de sa première excursion à la surface, et il était assez fier de pouvoir prouver qu'il retenait les bons conseils que l'on lui prodiguait.
Lily était extrêmement curieuse d’en apprendre plus sur Morgan et son peuple, à commencer par son prénom, qui lui était d’une étrange familiarité, mais le triton expliqua qu’il l’avait choisi pour ses passages sur terre. La sorcière hocha la tête en souriant.
- Donc tu es déjà venu ? C’est très courageux, surtout en étant seul.
La régente s’étonna même qu’après un premier passage sur la terre des bipède, le jeune triton ait encore envie d’y venir. Sans doute voyait-elle tout sous le prisme de la négativité au vu des événements qu’elle traversait.
- On est sans doute toujours passionné par la nouveauté, commenta-t-elle.
C’était amusant d’entendre Karl et Morgan échanger, chacun étant émerveillé par l’univers de l’autre. L’ancien régent venait de lui proposer de l’inviter pour découvrir d’autres choses, ce qui suscita l’enthousiasme du triton et de Lyanna également.
- Quelle bonne idée, Karl !
La belle brune ne put s’empêcher de rire face à la remarque de Morgan quant au fait qu’il ne fallait pas montrer son pénis.
- En effet, les terrestres, comme tu dis, sont plutôt pudique. Cela dit, il existe des plages de nudistes.
Elle prononça une formule pour faire apparaître quelques vêtements de Karl pour les prêter au triton : un caleçon, un pantalon et une chemise.
- Attendez, vous n’avez pas de pénis sous votre forme aquatique ? Comment font ceux de ton peuple pour se reproduire alors ?
Elle savait si peu de choses sur les tritons et sirènes, il fallait dire que ce n’était pas une espèce habituée à cohabiter avec celles présentes sur terre, aussi les aquatiques étaient-ils source de mystère. Mais ayant toujours eu une grande soif de connaissance, la sorcière ne tarissait pas de questions mais se faisait violence pour ne pas en inonder le pauvre triton. Les vêtements posés sur le sable n’attendaient plus que lui.
- Nous habitons la maison juste là, dit-elle en désignant derrière elle un peu plus haut la villa qu’ils s’étaient offerte sur la colline. Il y a un chemin pour y accéder. On peut t’emmener et te montrer comment vivent les terrestres, comme tu dis. Tu pourras aussi goûter les choses qu’on mange si tu veux.
Elle lança un regard à Karl.
- Je suis sure que tu vas vouloir lui faire goûter ta pizza poulet-ananas, je me trompe ?
Il n’y a pas d’âge pour apprendre et la présence de Morgan, « jeune » triton de son état, attestait de cela. Eh bien qu’il eût été secouru par le peuple de la mer à deux reprises, Karl ne pouvait prétendre les connaître aussi bien qu’il aurait voulu. Ce qui instaura en lui, une légère culpabilité qu’il se sentait obligé d’amoindrir ça et le fait qu’il ait bien failli mourir. Lily n’avait vraiment pas besoin de ce genre de frayeur, pas après le drame qu’ils venaient de vivre et qui continuait de peser sur un équilibre déjà bien précaire. Mais là n’était pas la question et par ce qu’il sentait vraiment redevable, Karl proposa au dénommé Morgan de l’inviter au restaurant. C’était la moindre des choses et puis ça permettrait à chacun d’en apprendre un peu plus et sur l’océan et sur la terre. Une proposition qui sembla ravir et Lyanna et le triton qui ne se retint d’amoindrir son exaltation à la grande joie de Karl, qui ne résista point à s'esclaffer lorsque son sauveur évoqua le fait qu’il ne fallait pas montrer son pénis en public. Lyanna aussi ne put se résoudre à contenir son éclat de rire, ce qui réchauffa presque instantanément le cœur de son fiancé qui la regardait avec tant d’amour présentement.
« - Effectivement c’est un bon enseignement pour mieux se fondre en société. Ça tu le caches par pudeur. Mais il existe aussi des personnes qui préfèrent vivre sans vêtements et on leur alloue des plages spécifiques. Comme ça chacun est heureux de son côté. Tout ça pour dire qu’effectivement il te faut des vêtements. »
Lyanna étant un peu plus réactive, elle se chargea de faire apparaître de quoi vêtir leur nouvel ami, préservant ainsi sa pudeur et celles des autres. « - Ca devrait aller je pense. » Mais de toute évidence, le « penis gate » n’avait pas encore trouvé son épilogue, ni la curiosité de Miss Johnston qui se demandait comment sans organes sexuels, les tritons pouvaient se reproduire. « - Je pense que ça, c’est typiquement le genre de questions que l’on pose ou pas pour apprendre à se connaître. » Pas sûr de toute façon, que le sorcier, du moins pour l’instant, ait envie de savoir comment s’accouple un triton. Toujours est-il qu’il fallait l’habiller avant de le conduire vers ce là-haut sur lequel trônait leur habitation.
« - Et pour ce qui est de la nourriture, je vais lui épargner mon abomination culinaire. A moins bien sûr que tu désires tenter de découvrir une pizza avec du poulet et de l’ananas mon ami. » Il lui laissa et le temps de répondre et le temps de s’habiller avant que tous ne prennent la direction du petit chemin menant à l’imposante villa que partageaient les amoureux le week-end.
Les humains avaient vraiment un rapport particulier avec leur corps, ça le triton l'avait vite compris. La notion de pudeur n'existait pas sous l'océan, mais sur terre les gens cachaient leurs corps avec des tissus, et ces tissus formaient un vrai langage, signifiaient de nombreuses choses selon leurs couleurs, leurs formes, leurs matières… C'était un mode de communication que Morgan ne comprenait pas encore très bien, mais il tâcherait d'en décrypter les codes. Il avait bien saisi, en attendant, que parler de son corps, et surtout de son "appareil génital", suscitait des réactions étranges : la surprise, la gêne, le rire… comme si les terrestres ne savaient pas comment réagir, alors que pourtant ils avaient tous un pénis ou un vagin.
Le triton fut cependant ravi d'apprendre que certains terrestres ne souffraient pas de pudeur, et qu'ils avaient des endroits rien que pour eux, pour pouvoir vivre sans vêtements. Morgan nota cette information dans un coin de sa tête, en se disant qu'il faudrait absolument qu'il se rende sur une de ces "plages de nudistes", ainsi il pourrait voir de ses propres yeux ce qu'était un vagin. Il se garda bien d'en parler aux deux terrestres cependant, car il avait bien compris que c'était un sujet compliqué à aborder avec eux, même si ces deux-là semblaient pouvoir en parler sans trop de gêne. Il fut amusé de constater que Lyanna lui posait la même question que Sean, à propos de son mode de reproduction. Ce devait vraiment être important pour eux. Il s'avança alors vers eux, afin que le haut de sa queue soit à découvert, pour bien montrer qu'en effet, il n'avait pas de pénis, puisque le bas de son corps était issu du poisson.
« Lorsque deux océaniens doivent se reproduire, la femelle pond des œufs et le mâle répand sa semence dessus pour les féconder. Contrairement aux terrestres, il n'y a pas de notion de plaisir dans la reproduction, c'est un acte naturel que nous faisons quand nous le devons, et tout le monde n'a pas à le faire. Chacun a son rôle dans la colonie, et ce n'est pas le mien. »
Jugeant avoir été suffisamment clair dans ses explications, il sortit enfin de l'eau et s'allongea sur le sable. Dès qu'il fut émergé, ses écailles se résorbèrent, ses griffes se rétractèrent, ses nageoires et sa queue se muèrent en deux jambes parfaitement humaines. Morgan esquissa une grimace de douleur mais n'émit aucun son, il commençait à être habitué à la souffrance que provoquait cette transformation. Il se mit alors debout, tout en cachant son pénis d'une main, et observa les vêtements que la magicienne avait fait apparaître. Il y avait deux pantalons, un long et un très court, et une chemise. Il hésita quelques instants, et finalement choisit de porter le plus court - le caleçon, vêtement dont il ignorait la fonction - car il semblait plus confortable. Puis il enfila la chemise, sans toutefois la boutonner, avant d'adresser un grand sourire aux deux terrestres.
« Merci ! C'est très joli ! Je veux bien goûter la pizza avec du poulet et de l'ananas ! »
Il n'avait aucune idée de ce qu'étaient ces trois aliments, et c'était ce qui l'enthousiasmait d'autant plus. Il avait appris que les terrestres ne chassaient pas pour manger, ou du moins pas tous. La plupart d'entre eux achetaient leur nourriture, avec ces fameux bouts de papier qu'on appelait "argent" et qui servaient à se procurer les choses qu'on ne pouvait prendre tout seul. Il s'en remit donc totalement à ses deux nouveaux guides, les suivant vers leur maison.
Lyanna n’était pas spécialement pudique, loin de là, mais elle n’irait pas non plus s’exposer nue sans raison au risque d’avoir des ennuis avec la justice, et c’était ce qu’il fallait enseigner à un jeune homme appartenant à une espèce dont les vêtements n’existaient pas. Mais visiblement, Morgan avait déjà appris qu’il ne fallait pas montrer son pénis, ce qui ne manqua pas d’amuser les deux sorciers. Il sortit de l’eau et se transforma aussitôt, une action très impressionnante que Lyanna observa, au risque de paraître indiscrète. Mis pour des bipèdes, c’était un phénomène rare.
- ça a l’air douloureux. Est-ce que ça va ? demanda-t-elle le regard légèrement inquiet.
Face à la soif d’apprendre sur les humains qu’avait le triton, et le même désir de connaissance de la régente, il parut naturel au couple d’inviter le sauveur de Karl chez eux pour discuter, lui faire découvrir des plats et boissons, apprendre à le connaître pour qu’il puisse ainsi se fondre plus facilement dans la société des « terrestres » puisque ce monde, nouveau pour lui, l’intéressait. Alors que Lily lui avait fait apparaître des vêtements, le charmant triton répondit à sa question sur la reproduction. La sorcière hocha la tête pensivement alors que Karl commentait sur le genre de question peu diplomatique pour une rencontre.
- Je vois. Y a pas beaucoup de plaisir là-dedans en effet. C’est drôle, vous vous reproduisez donc à la manière des poissons, mais le haut de votre corps est plutôt humanoïde, commenta-t-elle comme pour elle-même. Et toi, quel est ton rôle dans la colonie ?
C’était très intéressant malgré tout. Elle lui indiqua ensuite leur maison et comme le triton accepta l’invitation, ils purent commencer à remonter le chemin, Lyanna récupérant leurs affaires au passage, repliant la serviette qu’elle mit dans le sac avec les magazines. Ils marchaient donc en direction de la maison tandis que Karl proposait quand même son hérésie de la gastronomie italienne, qui fit rouler les yeux de sa fiancée. Mais Morgan semblait enthousiaste.
- Bon, je vais commander une pizza normale en plus de celle de Karl qui est loin d’être traditionnelle.
Tout en parlant, elle passa la commande via son smartphone avant de le ranger tandis qu’ils arrivaient sur le côté de leur petit jardin où la piscine trônait face à la vue imprenable sur l’océan, puis une terrasse couverte et les baies vitrées qui donnaient sur la maison.
- Alors bon… ce n’est pas une habitation forcément traditionnelle des humains. En fait, il en existe plusieurs sorte, cela dépend du budget de chacun. Nous, on est plutôt aisés. Le tout, c’est d’avoir un toit pour s’abriter des intempéries, se sentir en sécurité. En général, on a plusieurs pièces, quand c’est possible : une chambre pour dormir, une salle de bain pour se laver, une cuisine pour stocker la nourriture et préparer les repas, et une salle à manger pour les prendre, et un salon pour se détendre.
Puis elle désigna la piscine.
- ça, c’est pour les plus chanceux. Quand il fait chaud, on aime bien se rafraîchir dans l’eau, et nager aussi. Sans doute beaucoup moins bien que toi, ça va sans dire, ajouta-t-elle avec un petit sourire.
Karl maudissait parfois la curiosité maladive de Lyanna qui malgré la quarantaine approchante, continuait à s’émerveiller d’apprendre de nouvelles choses ; en l’occurrence le système de reproduction des Océaniens ; une question que Fitz ne s’était même pas posée sûrement parce qu’ils venaient de se rencontrer et qu’il se voyait mal parler de ce genre de chose avec un parfait inconnu, aussi sympathique soit-il. Lyanna, elle ne s’embarrassait pas de tant de simagrées et mettait les pieds dans le plat, curieuse d’en apprendre davantage sur une nouvelle créature aussi mystérieuse qu’insaisissable. Après une transformation légèrement douloureuse, mais coutumière de toute évidence, Morgan se prêta donc sans gêne au jeu des questions et des réponses. Karl, qui était gêné de prime abord par la curiosité de sa compagne, faisait à présent montre d’un certain intérêt, car dans le fond lui non plus ne se lassait jamais d’apprendre de nouvelles choses.
« — Je dois reconnaître que c’est intéressant… » surenchérit Karl en observant le triton enfiler les vêtements que venait de faire apparaître Lily. « — Attends mon grand ! En fait, c’est un ensemble, le pantalon va au-dessus du caleçon. Les humains “mâles”… » commença-t-il en mimant des parenthèses « — … nous portons un caleçon par confort et hygiène aussi. Le pantalon est en lin, tu verras c’est léger. » Le pauvre triton, lui qui ne se posait aucune question sur la nudité était à présent confronté aux humains et à leur pudeur presque excessive, régi par bon nombre de codes. « — Après franchement si tu préfères ne porter que le caleçon why not. Nous sommes entre nous non ? » Il chercha l’appui de sa fiancée pour aussi lui prouver qu’il n’était pas trop coincé ; ce que l’on pouvait penser de prime abord sans le connaître.
« — Aller on y va ! J’espère vraiment que tu apprécieras ma pizza non traditionnelle. » Il accentua le dernier mot en réponse directe à Lyanna pour qui cela relevait de l’hérésie culinaire depuis des années. Le trio quitta donc la plage pour regagner le sentier menant à l’imposante villa que Lyanna présenta à leur invité. Le sorcier croisa les bras et esquissa un léger sourire à mesure que sa compagne s’exprimait pour présenter la maison à leur invité. « — En résumé, c’est notre lieu de vie. » finit-il par lancer après les quelques explications de la sorcière. « — Tu cherches à te reconvertir dans la vente immobilière ? » demanda-t-il un brin moqueur avant de reporter son attention sur Morgan. « — J’adore l’océan, alors pour moi c’était important d’avoir un lieu d’habitation qui se trouve tout près. Ça te plait ? »
Morgan aimait bien la sorcière. Elle lui posait des questions sans préjugé, se montrant curieuse sur lui et sur son peuple, et il était ravi de pouvoir l'éclairer. Après avoir parlé de reproduction, elle s'interrogea sur son anatomie, ainsi que sur son rôle au sein de sa colonie. Elle s'inquiéta même de sa grimace de douleur lorsqu'il s'était transformé en terrestre. Il lui adressa donc un sourire rassurant et expliqua :
« Oui, c'est douloureux, mais je vais bien. C'est un bien mince sacrifice, et je commence à m'y habituer. Au sein de ma colonie, je suis ce qu'on appelle un explorateur. Je suis chargé de parcourir le territoire, connu et inconnu, afin de dénicher notamment des zones de chasse. Mais ce que je préfère, c'est la visite des épaves de bateaux. On y trouve toujours des trésors merveilleux. »
Karl, quant à lui, lui expliqua à quoi servait le caleçon, même si Morgan avait du mal à saisir en quoi il était plus confortable de porter deux habits qu'un seul. Peut-être par rapport aux températures, les humains ne supportant pas bien le froid. Quant à la notion d'hygiène, elle lui était assez étrangère, même s'ils avaient leurs propres techniques de propreté sous l'eau. Le choix que lui proposait le terrestre le plongea dans une réflexion rapide mais intense : valait-il mieux qu'il suive son conseil et enfile le deuxième habit, quitte à ne pas apprécier la double épaisseur, ou pouvait-il suivre son instinct premier et ne conserver que le caleçon, vu que Karl semblait d'accord pour cela également ? Hum. S'il avait toujours dû faire ce qu'on lui demandait de faire par respect des convenances, il ne serait jamais arrivé jusqu'ici. Il décida donc de rester en caleçon, et haussa les épaules comme pour signifier qu'il se sentait bien ainsi.
Il suivit le couple jusqu'à leur lieu de vie, l'observant d'un air intrigué tout en écoutant attentivement les explications de Lyanna. N'étant pas conscient des standards humains, il ne fut pas vraiment impressionné par la taille de la maison ni par son luxe. Il la trouva néanmoins plus spacieuse et plus lumineuse que celle qu'il avait déjà eu l'occasion de visiter. L'appartement de Sean faisait bien pâle figure à côté de cette villa au bord de l'océan.
Le trou empli d'eau l'intrigua beaucoup. Il s'en approcha doucement, les sourcils froncés. L'eau ne lui plaisait pas. Elle avait un aspect étrange, peu naturel, une odeur désagréable, et elle lui semblait plate, sans vie. Il s'accroupit sur le bord et prit un peu de cette eau artificielle entre ses mains, avant de la laper. Il esquissa alors une grimace de dégoût et frotta sa langue contre ses dents, comme pour tenter de faire partir un mauvais goût, dans une attitude assez animale. Comme Karl lui demandait si l'endroit lui plaisait, il se redressa et resta dubitatif quelques instants, avant de répondre avec honnêteté :
« La maison est jolie, mais je ne comprends pas l'intérêt de ce trou. Pourquoi vouloir emprisonner de l'eau ici et la transformer, alors que vous avez l'océan juste à côté ? »
Ce n'était pas dit méchamment, même si l'on pouvait sentir une pointe de reproche dans sa voix. Il était surtout très perplexe, et songea que jamais au grand jamais il ne nagerait là-dedans.
LLily n’avait pas pu ne pas s’inquiéter pour le jeune triton tant sa transformation avait semblé douloureuse. Elle aurait voulu l’aider mais la surprise des ce qu’elle voyait n’aidant pas, et la rapidité également, elle n’avait pas pu se rendre utile. Mais Morgan semblait à présent aller bien, et, rassurée, la sorcière continua à gentiment le questionner pour en apprendre davantage, tout en lui offrant un possibilité de se vêtir.
- Explorateur ? Ce doit être très intéressant. Même chez nous ça l’est, alors pour toi, j’imagine que c’est aussi quelque chose de génial.
Il parlait d’épaves de bateaux, cela semblait fascinant. Les explications de Karl sur les vêtements, et surtout l’air perplexe du triton amusèrent la régente de White Chapel qui ne pouvait s’empêcher de sourire. Voilà donc leur invité en caleçon. De toute façon, le couple était en maillot de bain alors inutile de le forcer à revêtir tout une tenue complète juste pour visiter une maison et passer peut-être un peu de temps dans l’enceinte de leur propriété, personne n’irait crier à l’attentat à la pudeur.
Avec plaisir, Lyanna, main dans la main avec Karl, guida le triton jusqu’à leur maison nichée plus haut et puis finit par décrire un peu le tour et la fonction des différentes pièces. La remarque de Karl la fit sourire.
- Tu peux parler, monsieur le vendeur de fringues.
Pendant ce temps, Morgan sembla intrigué par la piscine. Lily n’eut pas le temps de lui dire de ne pas goûter l’eau. Il s’agissait d’une piscine avec de l’eau non chlorée, mais plutôt avec du sel mais évidemment cela n’avait rien à voir avec l’eau iodée de l’océan.
- Eh bien, les humains aiment la piscine pour sa tranquillité autant qu’ils aiment l’océan pour son impétuosité. Dans une piscine, tu peux te détendre et juste te tremper pour te rafraîchir, sans recevoir de vague, sans te faire emporter par le courant, et aussi sans déranger les poissons. Il n’y a pas de sable. L’océan, c’est… disons… plus sportif, tu vois ?
La sorcière comprenait que c’était assez inédit pour un individu tel que Morgan, mais elle essayait de lui expliquer un peu comment eux vivaient. Le partage de connaissance était toujours intéressant. Elle attrapa son téléphone portable afin de commander, comme promis, les pizzas.
- Est-ce que tu veux boire quelque chose ? Est-ce que vous buvez sous l’eau ? Directement l’eau salée j’imagine…
Elle regarda Karl, se demandant ce qu’ils pouvaient proposer au triton. L’alcool avait disparu de la maison puisque Lily était en sevrage et devait reprendre de bonnes habitudes.
Salut tout le monde, désolé pour le retard j'avais une fois encore oublié
Alerte à Santa Monica
Ft Lyanna & Morgan
À n’en pas douter, c’était une découverte aussi surprenante qu’intéressante pour les deux sorciers qui n’avaient pas l’habitude de croiser ce type de créature. Karl ressentant une forte connexion avec la mer et appréciant ce peuple aquatique qui l’avait déjà sauvé d’une noyade certaine quelques années auparavant ; écoutait avec une attention quasi religieuse. Il y allait même de ses petits conseils et ne sembla s’offusquer de voir le dénommé Morgan opter pour seulement le caleçon. Après tout, ils n’étaient qu’entre eux, alors à quoi bon s’offusquer par ce qui pourrait aisément être qualifié de « grève du style » chez le commun des mortels.
Le petit groupe délaissa donc la plage au profit de la villa qui surplombait les lieux et conférait à ses deux propriétaires, une vue sans pareil sur l’horizon. Curieux des réactions de son invité, Fitz gardait un œil discret sur sa personne, tandis que Lyanna continuait à échanger avec le triton qui sembla intrigué par la piscine. Et alors que Fitz s’apprêtait à l’en dissuader, Morgan avait déjà commencé à gouter l’eau et laissait paraître sur son visage une bien étrange grimace qui fit rire Karl. De toute évidence, le triton peinait à comprendre l’intérêt d’une piscine.
« — Il y a du chlore à l’intérieur… » Il n’eut pas le loisir de développer davantage, Lily s’en chargea à sa place. Étant plus pédagogue, il était évident que par son biais, les explications seraient plus limpides. « — Je n’aurai pas dit mieux. Et je me permettrais d’ajouter que nous sommes une espèce assez contradictoire. Nous aimons la plage quand nous pouvons être tranquilles, mais nous la désertons au profil d’une piscine lorsqu’il y a trop de monde. Cependant, je peux comprendre que cela puisse vous paraître étrange, plus encore parce qu’il s’agit de votre habitat. »
Lily qui venait de se saisir de son cellulaire s’enquit du choix de boisson de son invité soucieuse d’être une bonne hôtesse. « — Peut-être, voulez-vous essayer une boisson humaine ? Il me semble qu’il y a du ginger ale dans le frigo. Je vais voir ce que je trouve. » Par chance, il était sûr de ne pas trouver d’alcool ; une chance relative il est vrai, mais salutaire pour Lyanna. Il se dirigea donc sans attendre vers la cuisine ouverte de surcroit et ouvrit le frigo américain qui se trouvait à l’extrémité gauche du plan de travail. « — Je sors tout ce qu’on a ? » demandait-il sans certitude à sa sorcière.
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