Cela faisait des jours que j'avais reçu une convocation à un rendez-vous avec un courtier de la ville, et j'avais laissé trainer le document sur ma table basse, si bien qu'une tache de café avait fini par se mettre sur son nom à force de me servir du papier comme sous-verre, et que finalement, m'habituant à la présence de ce papier, j'avais fini par oublier le rendez-vous... Jusqu'au jour J, où une petite voix dans ma tête me disait que ce n'était pas un jour OFF ordinaire, que j'avais un truc à faire... Soudain, mon regard se posa sur ma table basse et j'aperçus le document. Me ruant dessus, je constatai que ce fameux truc, c'était ce rendez-vous. Je me préparai alors en speed, stressant autant d'être en retard que de savoir pourquoi un courtier me convoquais.

Il commençait à faire froid avec l'approche des fêtes de fin d'année, et je décidai par conséquent d'emprunter le métro, moi qui pourtant avais toujours préféré marcher. Mais il fallait dire que j'étais déjà en retard... j'avais beaucoup dormi pour me remettre de ma semaine, j'avais énormément travaillé et surtout j'avais une drôle d'impression concernant James... Je ne me souvenais que vaguement de notre sortie cinéma, ce qui me surprenait, moi qui étais si impatiente de faire ce genre de sortie avec lui... Notre relation était inattendue sur tous les plans et je ne savais plus trop sur quel pied danser avec lui... J'avais peur de m'attacher et de souffrir comme avec Ambrosia voilà plusieurs années... et pourtant, j'avais l'impression que malgré tous les efforts que j'y avais mis, l'attachement commençait déjà à faire des siennes.

La station à laquelle je devais descendre arriva et je m'engouffrai à l'extérieur comme plusieurs autres passagers du métro. Une fois à l'extérieur, le froid me giffla le viage, et lorsque je levai la tête, l'imposante tour Wilkins se dressait devant moi. Je n'étais jamais venue dans le quartier d'affaires... Qu'aurais-je eu à y faire ?
J'entrai dans la tour en montrant mon document et on m'indiqua l'étage. Je commençai à réellement me demander ce que je fichai ici, ce n'était clairement pas mon milieu. Je m'échaffaudais toutes sortes de plans dans ma tête, me demandant si mes parents ne devaient pas de l'argent à des créanciers sans que je ne l'aie su... Après tout, ma mère avait étét souvent malade les dernières années avant leur assassinat...

A force de divaguer mentalement, je n'avais pas vu un homme s'approcher de moi, je ne réalisai sa présence qu'une fois que je vis son charmant visage.

- Oh, bonjour, je... j'ai rendez-vous avec Albart Muranov, dis-je en tendant ma lettre telle une élève passant un examen et montrant sa convocation.

J’étais de retour depuis un moment de nos vacances en amoureux. Notre lune de miel devrais-je dire en fait. Nous avions passé un délicieux moment au Japon avant de prendre un vol pour Vancouver. Je voulais lui montrer le chalet et j’avais le pressentiment que ma femme avait besoin de se retrouver dans un espace loin  de la vie en ville. Un moment en communion avec ces fleurs qu’elle aimait tant et dont elle détenait le secret. Je taisais son petit commerce illégal en cachant le tout, je n’en étais pas à cela près de toute façon. Un matin comme les autres qu’était celui-ci. Je me levais tôt et je regardais mes messages avant de prendre le petit déjeuner en compagnie de ma femme.

Un message de mon assistante et secrétaire pour me dire que je devais aller au bureau plus tôt que prévu. Complet Armani noir sur le dos avec boutons de manchettes en or blanc, je volais un tendre baiser à mon épouse avant de me rendre directement au bureau. Mon chauffeur m’attendait avec la voiture de luxe à deux rues de chez moi. Je montais dans cette dernière et j’appelais mon assistante. Une discussion rapide sur mon horaire du jour. Elle devait quitter pour préparer des papiers chez le notaire et je hochais la tête. J’arrivais sur place et je montais via l’ascenseur une fois que j’avais fait un signe de tête à l’un des gardiens de sécurité. On filtrait tout le monde ici. Malette dans la main, je saluais l’éditrice d’un magazine de mode populaire avant de finalement arriver à mon étage.

Je saluais quelques collègues avant de me rendre à mon immense bureau. Réunion qui débutait rapidement alors que je discutais avec des investisseurs sur l’état de leurs finances et les investissements à faire. La réunion se terminait et j’allais me chercher un café. Je marchais lentement avant de croiser une jeune femme. Elle semblait un peu perdue et je lui faisais un signe de tête avant de rigoler un peu.

- Albert … Albert Muranov. Je vous en prie, veuillez me suivre madame Cortez.

J’avais bien pris soin de mémoriser son prénom et son nom. J’ouvrais la porte de mon bureau en lui faisant signe d’entrer. Une secrétaire s’approchait de moi avec une pile de documents.

- N’avrez du délai monsieur Muranov. Voici les documents pour le dossier Cortez.

- Ce n’est rien Daphnée. Prenez donc une pause, je me débrouillerai. Merci à vous.

Un petit sourire avant de fermer la porte. Je m’approchais de mon bureau et j’y posais les documents avant de me tourner vers Eva Cortez en lui tendant la main.

- Albert Muranov lui-même madame Cortez. Ravi de faire votre connaissance. Puis-je vous servir quelque chose à boire ? Un verre d’eau, un café ou peut-être un thé ?

J’étais si nerveuse, je me demandais ce que je fichais ici. Le gentil monsieur corrigea mon erreur sur le prénom de l'homme que je devais rencontrer. Je regardai une nouvelle fois ma lettre et compris alors que l'erreur venait d'une petite tâche de café qui avait camoufflé le E, le transformant en A.

- Oh... oui, pardon, gloussai-je un peu plus nerveuse.

Je le fus encore plus quand je compris que c'était lui, le monsieur Muranov de la lettrem grâce aux propos de la jeune femme. Je me fis alors toute petite, tâchant de rentrer ma tête dans mon cou en le suivant dans son bureau. Puism il vint face à moi après avoir pris congés gentiment de sa secrétaire. Je lui tendis la main pour serrer la sienne timidement.

- Bonjour monsieur Muranov, toutes mes excuses pur avoir écorché votre prénom...

Je devais certainement être rouge pivoine en ce moment. Tout ce que j'avais retenu, c'était qu'il y avait un dossier à mon nom et qu'en plus j'avais fait preuve d'impolitesse en écorchant son prénom... Quelle idiote.

- Merci, c'est très gentil... Un verre d'eau ça ira...

J'étais déjà suffisamment nerveuse, inutile d'ajouter à cela de la caféine ou de la théine.

- S'il vous plaît monsieur, pourriez-vous m'expliquer pourquoi il y a un dossier à mon nom chez vous ?

Mon coeur était serré, je redoutais la réponse mais tôt ou tard il allait me la donner, alors autant écourter ce suspens intenable. Qu'avais-je pu faire pour avoir un dossier chez lui ? Je ne devais d'argent à personne, je payais toujours mes impôts en temps et en heure, je n'abais même jamais eu aucune contravention, puisque je n'avais pas de voiture...

La charmante madame Cortez n’était pas la première à tuer mon prénom ou mon nom. Il n’était pourtant pas si difficile à prononcer. Du moins, je ne pensais pas. Je prenais une inspiration légère en lui faisant un sourire. Je l’invitais à s’asseoir tout en lui offrant un breuvage. Je ne comptais pas la laisser ainsi sans rien à boire. J’étais le genre d’homme qui appréciait la politesse et je comptais bien rendre la pareille à tous mes clients du moins riche au milliardaire. Il faut dire que mon empire financier avait décuplé dans les dernières années. Je n’allais pas me plaindre. Elle s’excusait d’avoir écorché mon prénom et je continuais de lui sourire gentiment.

- Ne vous en faites donc pas pour cela. Vous n’êtes ni la première et encore moins la dernière à écorcher mon prénom. Ne soyez pas mal à l’aise pour ça madame Cortez.

Elle me demandait un verre d’eau et j’allais dans le petite réfrigérateur du mini-bar. Oui, j’avais un mini-bar dans mon bureau comme de nombreux hommes d’affaires. Je prenais une bouteille d’eau Evian avant d’aller la poser sur le bureau en face d’elle avec douceur. Je m’installais derrière mon bureau et j’ouvrais le dossier en regardant les pages rapidement pour m’assurer qu’il ne manquait rien. Je levais finalement le regard vers dernière en fronçant très légèrement les sourcils.

- Savez-vous ce que je fais exactement comme travail madame Cortez ?

Je prenais ma tasse de café pour en prendre une gorgée en la regardant dans les yeux. Tête légèrement penchée sur le côté. Elle n’avait certainement jamais eu de contact avec un courtier en bourse de haut niveau.

- Je gère les investissements de mes clients. Je fais fructifier leur argent de la meilleure façon possible en prenant une commission. C’est ce que font les courtiers en bourse comme moi. Vous êtes dans l’un des plus gros bureaux des États-Unis et j’ai un dossier à votre nom depuis très longtemps. Selon ce que je vois et le stress dans notre posture et votre voix … Vous l’ignoriez complètement ou alors je vous intimide. Je vous assure que vous n’avez rien à craindre de moi. Je ne suis pas là pour vous faire des misères. Je dirais même que ce serait plutôt le contraire.

Sourire en coin avant d’ouvrir l’ordinateur pour vérifier quelques détails. Tout était en ordre.

- Les documents ont déjà été fait par le notaire. Il ne manque que votre signature et vous pourrez toucher l’argent en totalité. Vu la somme, je vous suggère d'en réinvestir une partie.

Je me sentais vraiment honteuse d’avoir à ce point écorché le prénom de ce monsieur, et devant lui en plus. Ce n’était pas très sérieux, en plus j’avais l’habitude de lire des patronymes de patients plus ou moins prononçables, et celui de Mr Muranov n’était pas si complexe… La faute à cette fichue tasse de café… Je n’étais pas très organisée quand ce n’était pas à l’hôpital, hélas. Néanmoins, mon interlocuteur était un homme charmant, poli et indulgent, en tout cas de ce qu’il me laissait paraître.

- Merci, soufflai-je en guise de réponse alors qu’il essayait de me détendre.

Il me proposa à boire et alla me chercher une bouteille d’eau. Il était très gentil et prévenant, mais j’étais toujours aussi mal à l’aise, me demandant ce que je fichais ici. Je pris la bouteille en le remerciant encore tandis qu’il me demandait si je savais ce qu’il exerçait comme profession. J’avais déjà une gorgée d’eau dans la bouche, j’aurais voulu répondre que je savais lire étant donné mon niveau d’études, et qu’il l’aurait su s’il connaissait ma profession aussi, mais je n’en eus guère le temps. En fait, l’objet de mes interrogations étaient surtout ce que je fichais chez un courtier en bourses alors que je n’avais jamais investi d’argent dans quoi que ce soit d’autre que mes études.
Déglutissant ma gorgée d’eau et refermant la bouteille, je l’écoutais m’expliquer les tenants et aboutissant de son travail. Ce devait être intéressant et pas mal stressant aussi, quoi que Mr Muranov avait l’air plutôt détendu. J’eus un petit rire nerveux quand il commença à songer qu’il pourrait m’intimider.

- En fait, je me demande surtout ce que je fais là et pourquoi vous avez un dossier à mon nom, puisque je n’ai jamais fait le moindre investissement. Êtes-vous sûr qu’il ne s’agit pas d’une erreur ? Un homonyme peut-être, je ne dois pas être la seule Eva Cortez de Californie.

Voilà qu’il me parlait de document à signer. J’en eus des sueurs froides. Il me parlait d’argent, en quantité suffisante pour réinvestir. C’était impossible, ma famille avait toujours été dans la classe (très) moyenne, nous n’avions même pas assez d’argent pour soigner ma mère correctement, c’était d’ailleurs la raison qui m’avait motivée à faire médecine et finalement chirurgie.

- Ecoutez monsieur Muranov, je suis absolument confuse, j’ai bien peur que vous n’ayez perdu votre temps. Vous devez sans doute avoir comme cliente une autre Eva Cortez, c’est tout simplement impossible que cette personne soit moi. Je ne veux pas signer quoi que ce soit en risquant de prendre le bien de quelqu’un d’autre.

Ce serait immoral et en plus je ne voulais pas être accusée de contrebande ou je ne sais quoi pour finir en prison. J’aspirais à une toute autre carrière. Pour le moment, j’étais loin de comprendre ce dont il s’agissait, pour moi, il était tombée sur la mauvaise Eva Cortez, et il devait exister à Los Angeles une autre femme du même nom, assez chanceuse pour recevoir un petit pactole dont j’ignorais les chiffres. Et je ne voulais pas le savoir, cela ne me regardait pas car ce n’était assurément pas moi… N’est-ce pas ?

Elle doutait. Elle doutait comme la plupart des héritiés que je recevais dans mon bureau. Plusieurs n’y croyant tout simplement pas, d’autres me disant que je faisais erreur. Pourtant, je savais que j’avais la bonne madame Cortez en face de moi. Des recherches avaient été faites en ce sens. Je restais calme en la regardant. Un sourire léger sur le visage après lui avoir expliquer mon travail. Elle ne croyait pas de l’argent pouvait être à son nom. Je restais paisible. Un calme que je n’avais qu’en présence de ma femme et au bureau. Je savais hausser le ton, mais ce n’était jamais bon signe lorsque cela se produisait. Je me passais une main à l’arrière de la tête avant de prendre une gorgée de café.

- Je comprends votre surprise madame Cortez, mais sachez qu’il n’y aucune erreur sur la personne que vous êtes. Je vais vous le prouver soyez sans crainte. Personne ne vient dans mon bureau par hasard ou par erreur. Ce n’est pas vous qui avez investie l’argent, je le sais parfaitement.

Je tournais quelques pages habilement avant de lire ce que j’avais en face de moi. Crayon dans les mains que je faisais tourner lentement. Toujours aussi calme dans mes faits et gestes. Je ne voulais pas la brusquer. Elle pourrait toujours faire don de l’argent. Ça lui ferait une belle déduction d’impôt au final ce qui n’était pas négligeable.

- Vous êtes Eva Cortez, vous êtes née ici à Los Angeles. Vous êtes la fille de Katerina et Eduardo Cortez. Vous êtes sortie majeure de votre promo à l’UCLA et vous êtes présentement chirurgienne au Martin Luther King Jr Community Hospital. Est-ce exact madame Cortez ?

Je la regardais dans les yeux en reposant mon crayon. Je me passais une main dans les cheveux avant de continuer à lui parler. Je ne comptais pas en rester là.

- L’argent qui a été investie à votre nom à lentement fructifié. Vos parents ont fait des choix judicieux à une époque. Il était convenu dans le contrat que vous ne pourriez pas toucher la somme avant vos trente-trois ans. J’ignore pourquoi cet âge en particulier et ce n’est pas de mes affaires au final. Disons que l’investissement était intouchable en dehors de le faire fructifier ce que j’ai fait depuis de nombreuses années. Je vous laisse constater le solde. Si vous refusez cet argent, vous pouvez toujours en faire donation en entier ce qui apparaîtra sur votre déclaration d’impôt. Vous pouvez le réinvestir, le flamber en entier … Même si ma suggestion reste la même de garder une partie pour le plaisir et l’autre dans les investissements.

Je lui donnais le dossier avec les informations. Je me levais et j’allais regarder la ville par la fenêtre de mon bureau. J’adorais la vue que j’y avais.

Il avait l'air si sûr de lui... Déjà, tout en lui dégageait l'assurance, comme moi quand j'étais sur mon lieu de travail, mais en ce jour et en ce lieu, je ne me sentais pas du tout à ma place... et j'avais clairement l'impression que Mr Muranov croyait parler à une autre. Et pourtant, lui m'assurait du contraire. Il avait mon nom complet, l'hôpital où je travaillais, le nom de mes parents... mes regrettés parents. J'eus un pincement au coeur en entendant leurs noms, me contentant de hocher la tête. Je n'étais jamais très à l'aise quand on connaissait autant de détails sur moi sans que moi je n'en connaisse aucun sur mon interlocuteur... hormis que j'avais massacré son prénom.

Voilà qu'il me parlait d'argent ayant fructifié. Moi qui croyais qu'il allait m'annoncer que j'avais des dettes ou encore qu'il parlait de l'argent de quelqu'un d'autre, le courtier était en train de me dire qu'il y avait de l'argent à mon nom ? Placé par mes parents ? J'étais bouche bée.

- C'est ... C'est à n'y rien comprendre... Mes parents n'avaient que peu d'argent, je suis très étonnée qu'ils aient investi...

Mais pourtant, il avait les bons noms, tout coïncidait. Je repris une gorgée d'eau, ce fut ce moment qu'il choisit pour m'afficher sous le nez le montant de la somme qui était sensée me revenir. Je manquai alors de m'étouffer, avant de finalement tousser dans mon coude, les larmes me montant aux yeux.

- C'est sérieux ?! Non, impossible... Je ne peux pas être titulaire d'une telle somme enfin... Ma mère est morte parce qu'on n'avait pas assez d'argent pour la soigner adéquatement... Comment je pourrais aujourd'hui disposer de tout cet argent alors que je n'en ai pas un besoin vital ? C'est injuste !

Je le regardais se lever, allant vers sa baie vitrée et m'expliquant les options qui s'offraient à moi. Nom de dieu ! Bon... Au moins je pourrais enfin prendre mon billet d'avion pour la conférence de Londres le mois prochain, sans attendre la paie...

- Très bien... Je vais suivre votre conseil...

Je commençais à songer à quelle fondation j'allais aider... Sans doute celle pour la recherche de la maladie qu'a eu ma mère.

- L'argent est-il disponible tout de suite ? Quelle est la marche à suivre ?