Je regarde les flammes supprimer les seules preuves que j'avais contre Jesus et contre ses parents. Je n'arrive pas à mettre les mots sur ce que je ressens. J'éprouve du soulagement car je n'ai plus rien contre la personne qui est actuellement dans mon appartement, de la peur car il peut désormais partir, il pourrait s'en prendre à moi ou recommencer ce qu'il faisait auparavant, de la colère envers ses parents et moi-même. Désormais je ne sais plus trop quoi faire... Il faudra que j'enquête sur ses parents sans savoir par quoi commencer. Et je vais devoir essayer de montrer à Jesus qu'il peut encore avoir confiance en moi...
Après avoir parlé j'entends Jesus rire légèrement... Ok... Donc il se moque de moi... Je l'ai sans doute mérité un peu... Selon lui avoir des sentiments pour lui pourrais me mettre en danger ? Dois-je comprendre à demi mot qu'il ne ressent vraiment pas la même que moi ? Que je dois me sentir en danger avec lui ? Que... Je ne sais pas... Et comment je vais l'expliquer à mes patrons ? Alors là... Je ne sais pas du tout... Je vais devoir en parler à Morgana, je n'ai pas le choix... Je pense que je dois lui dire la vérité... Peut-être qu'elle me comprendra... Elle n'est pas seulement ma supérieure... Elle est également ma mère adoptive et ma meilleure amie... Et puis... C'est la première erreur que je commets... Un frisson d'effroi me parcourt le corps lorsqu'il dit qu'il pourrait tuer un gamin... J'espère qu'il ne fait pas cela...
- Je trouverais bien un moyen d'avouer ce que j'ai fait sans entrer dans les détails... Lui dire que je ne regrette pas ce que j'ai fait et que j'en assumerai les conséquences. J'ai toujours été un bon élément... C'est ma première erreur que je commet depuis toutes ces années... Elle sait qui je suis et me comprendra... Enfin j'espère... Elle est bien plus que ma chef alors si je la déçois... Je ne pourrais m'en prendre qu'à moi-même...
Et si jamais je dois entrer dans les détails j'avoue que je ne saurais pas comment m'y prendre. Parce que je ne sais pas moi-même pourquoi j'ai finir par agir comme cela, pourquoi j'ai commencé à développer des sentiments pour un monstre recherché... J'ai juste cru voir quelque chose de bon en lui... Et je suis sûre que je ne me suis pas trompée. Enfin j'espère.
Je lui demande ensuite ce qu'il a prévu. Et ce qu'il me répond me surprend totalement. Il compte rester ici ! Il ne va pas prendre la fuite ? Je le regarde avec un air étonné, bouche bée. Il n'est plus en colère contre moi ? Décidément cet elfe noir me surprend encore. Pour le coup je le regarde s'allonger sans rien dire. Il m'a prise au dépourvu. Et il pense que je vais le jeter dehors ??? Alors que je lui ai dit que je tenais à lui ?
- Euh... ben non... Je ne veux pas que tu partes... Je veux que tu restes... Et trouver un moyen de te faire comprendre que je ne serais pas une menace pour toi, et que je regrette pas mal de choses... Si tu veux vas plutôt dans mon lit, ce sera sans doute plus confortable...
Et au moins là je n'aurais pas l'impression de le gêner. Parce que, personnellement, je n'ai pas envie de dormir. J'ai juste besoin de... De remettre en marche mon cerveau pour qu'il fonctionne à nouveau normalement. Je dois essayer de comprendre ce qu'il vient de se passer. On était en colère tous les deux, et pouf il est redevenu comme avant et je le retrouve installé dans mon canapé comme si de rien était. Mais personnellement je ne sais plus comment me comporter. J'ai l'impression qu'il va me surveiller pour décrypter tout ce que je vais faire.
Je retourne vers la cuisine. J'ai besoin d'un verre. Je choppe ma bouteille de vodka et ramène deux verres. Si jamais Jesus a envie de boire. Le canapé étant déjà occupé je m'installe par terre, devant la table basse. J'aurais aimé m'asseoir à côté de lui mais... Je ne sais pas si je peux. Je me sers un verre et lui demande s'il en veut un par la même occasion. Sans attendre sa réponse je bois cul sec le mien et me resserre.
Jesus est pas mal perturbé par les informations qu’il vient de glaner sur ses parents, mais au moins, Myranda a la présence d’esprit de ne pas revenir sur le sujet. Il a très envie de lui dire de ne pas se lancer à leur poursuite, que ça ne servira à rien et qu’ils seront bientôt morts, probablement. Néanmoins, il n’a pas envie de parler d’eux, encore moins à une humaine, et la flemme le gagne, de toute façon, à l’instant où il se jette sur le canapé et s’allonge. Il est certain qu’il ne lui faudra guère de temps pour s’assoupir, si Myranda décide de rester muette plus de cinq minutes…
Elle reprend néanmoins la parole et l’elfe noir ne fait pas mine de la regarder. Il garde ses yeux noirs fixés sur le plafond et pense à autre chose. Il n’en a pas grand-chose à faire, au final, de ce qu’elle va dire à ses parents. C’est elle qui est dans la merde maintenant, pas lui. Ils n’ont plus la moindre preuve sur lui et même s’il ne donne pas cher de sa parole contre celle de leur agent, elle a tout de même fauté à l’instant où elle l’a sauvé d’un loup-garou et qu’elle a accepté de le laisser entrer dans son appartement. Sans parler du reste. Il n’a, certes, pas de preuve, lui, mais il veut bien voir qu’elle tête elle fera, s’il s’amuse à dire haut et fort ce qu’ils ont fait d’autre.
Sa première erreur mais pas la moindre. Il ne sait pas qui est cette Morgana, lui, et il aura sûrement oublié son nom dans deux secondes, mais il se demande, quand même, si la BACS peut pardonner à un agent de s’être entiché d’un criminel. Criminel n’est peut-être pas le mot approprié. Psychopathe, assassin, meurtrier, serial killer ? Il n’arrive pas à se décider. Tant de mots se battent la place, dans son esprit. Ce qui est certain, en tout cas, c’est qu’on lui a toujours dit qu’il est un monstre et qu’il ne faut pas lui demander de nier. Jesus sait ce qu’il a déjà fait, ce qu’il est prêt à faire et ce qu’il, sans doute, fera un jour ou l’autre, incapable de résister longtemps à sa véritable nature.
La métamorphe l’autorise à rester, ce qui lui fait hausser un sourcil. Toujours allongé dans le canapé, il la regarde se diriger vers la cuisine, prendre la vodka et revenir. Quand elle lui propose un verre, il grimace et refuse. Jesus ne boit jamais d’alcool. Il a besoin du contrôle complet de ses pensées pour vivre. Perdre ses facultés cérébrales n’est franchement pas au programme. Encore moins devant un agent de la BACS. Elle a beau faire l’innocente, la meuf choquée de voir qu’un psychopathe profite de son canapé, il refuse de se laisser berner plus que nécessaire. Évidemment qu’il compte l’épier, discrètement (ou pas discrètement pour la faire chier) et qu’il ne baissera plus sa garde devant elle ! Comment pourrait-ce être autrement ? Ils sont ennemis, tout de même. La seule ennemie de Jesus qui peut se vanter de ne pas l’avoir assez énervé pour qu’il s’en prenne à elle. Sinon, l’un d’eux serait reparti avec un ou deux membres en moins, ou aurait crevé, à voir.
« Alors, Myranda, fait-il, innocemment, en se regardant les ongles. Comment t’as fait pour récolter tout ce dossier sur moi ? Et pourquoi m’avoir mis sur le dos un truc que j’ai pas fait ? »
Ce qui est, sans doute, la chose qui le perturbe le plus, dans cette histoire. Ça fait deux ans, presque, que Jesus n’a plus tué aucun humain de la manière dont les meurtres étaient décrits, dans ce dossier. Pourtant, Myranda a jugé bon de lui mettre celui-là sur le dos. Il ne comprend pas. Certes, il a tabassé plus d’un gars ou femme, depuis deux ans qu’il se tient plus ou moins à carreaux. Mais il n’est jamais allé trop loin. Dans sa propre définition du trop loin, en tout cas. Alors pourquoi celui-ci parmi d’autres ? Pourquoi lui, alors que les rues de Los Angeles grouillent de cinglés ? Ce n’était même pas à L.A. !
« Je vais t’avouer un truc, cocotte. Ça fait deux ans que je me tiens à carreaux. Je peux même te dire que depuis la guerre, je me suis pas mal calmé. C’est pas tous les psychopathes qui peuvent en dire autant. »
La guerre, et il parle, bien sûr, de la Seconde Guerre Mondiale, ce qui n’est pas forcément évident pour un humain, a changé pas mal de choses, en lui. Pouvoir assouvir sa soif de sang l’a transformé. Il a fini par se poser des questions. Pas forcément celles que l’on attendrait d’un homme comme lui. Voir tous ces humains s’entre-déchirer, la folie s’emparer des tranchées, des hôpitaux improvisés. Ça lui a fait comprendre que les humains ne sont pas si différents des elfes noirs, au final. Dans le sens où, eux aussi, ils sont sujet à la haine et savent l’exprimer dans la violence extrême. Il a fini par se dire que ses ancêtres n’ont pas eu tort de rejeter la race humaine. Après tout, les humains sont fragiles, pactisent trop facilement avec les démons et font des guerres plus sanglantes, encore, que celles des elfes. Pourtant, eux, personne ne leur en veut.
Ce qui l’a perturbé le plus, évidemment, ce n’est pas vraiment ceci, même s’il ne l’avouera pas si facilement. C’est, surtout, la folie derrière les actes, la limite à ne pas dépasser que tous ces humains ont dépassé de manière irréversible. Cette folie qui habite ses propres parents et qui lui pend au nez. Non, Jesus ne veut pas devenir fou. Pourquoi ? Bonne question. Il ne veut juste pas.
« Alors, ça t’en bouche un coin, hein ? » (Il glisse un regard vers Myranda et sourit comme le petit con qu’il est.) « Je peux même te dire que le jour où tu es venue me « sauver » des méchants, je l’ai fait exprès, en fait. J’ai cherché ces débiles, je les ai provoqués pour qu’ils me tapent dessus. Qu’est-ce que tu dis de ça ? Tu savais pas, hein ? »
Après avoir pris la vodka je me souviens que Jesus n'en boit pas. Je sors alors un coca avec un verre et les pose sur la table basse du salon. Si jamais il a soif il pourra se servir. Pour ma part j’enchaîne deux verres de vodka. Ce n'est pas dans le but de me saouler, parce qu'il en faudrait bien plus pour que cela fonctionne... Merci ma nature d'animorphe. On continue ensuite de parler du dossier. Il pense que c'est moi qui ai récolté les informations. Mais ce n'est pas du tout le cas. Ce dossier est un vieux dossier. Il a été rempli par plusieurs membres de la bac au fil du temps. Je n'ai jamais ajouté quoi que ce soit, sauf au tout début lorsque j'espionnais un peu Jesus et qu'il se faisait souvent tapé la gueule... Pour moi il se faisait fracasser par des gens qui cherchaient à se venger de ce qu'il avait pu faire par le passé ou pendant que je n'étais pas dans les parages. Ce dossier a toujours été agrémenté par les collègues sans qu'ils ne puissent réellement attraper l'elfe noir. Je pense que personne n'a jamais voulu réellement se plonger dedans et arrêter Jesus. Morgana me l'a refilé pour m'occuper, j'avais envie d'un gros dossier, de mener une enquête importante et quoi de mieux que de résoudre un super vieux dossier qui n'a jamais été clôturé.
- Ce dossier n'a pas été rempli par moi... Je n'ai fait que l'étudier lorsqu'on me l'a donné. Je pense que ce dossier était déjà là avant que je n'entre à la BACS... Pour les trucs que tu n'as pas fait je pense que c'est parce qu'on savait que c'était en rapport avec un elfe noir et qu'ils ont donc mis ces crimes sur ton dos... Je n'ai fait que t'espionner de temps en temps avant d'entrer en contact avec toi. Je ne l'ai que très peu alimenté, et personne n'avait vu mes notes.
Et ce n'est que pure vérité. Je pensais donner le dossier une fois que je l'aurais résolu. Mes supérieurs ne savent donc pas que Jesus a été mêlé à pas mal de bagarre de rue. Ils ne savent pas non plus que je suis entrée en contact avec lui et que je suis tomb... Et que j'ai développé des sentiments pour lui. Je n'ai jamais pu me résoudre à en parler. Il faut dire que ce dossier n'était pas une priorité... Je l'ai eu parce que j'ai joué ma curieuse.
Lorsqu'il m'annonce qu'il veut m'avouer quelque chose je le regarde en haussant un sourcil. Je suis toute ouïe. Ca fait deux ans qu'il ne fait plus rien ? Il a arrêté d'être un meurtrier ? Pourquoi ce revirement ? Et donc les bagarres que j'ai pu voir se sont bien des gens qui cherchent à se venger ?
- Depuis quelle guerre ? Je ne suis sur ton dossier que depuis peu de temps et effectivement j'ai bien vu que tu ne commettais plus d'actes horribles.
Je me retiens de lui demander pourquoi il a autant changé. Mais j'avoue que cela m'intrigue grandement. Il parle d'une guerre... Mais je n'arrive pas à deviner de quelle guerre il parle. Et est-ce à cause de celle-ci qu'il a changé ? Si c'est le cas je me demande comment c'est possible. Décidément cet elfe n'est qu'un grand mystère pour moi...
Son sourire me perturbe, il fait ressurgir des petits papillons dans le ventre. J'avais peur qu'il ne m'en fasse plus jamais. Même si je sais bien que celui-ci est pour se moquer de moi. J'ouvre soudainement grand la bouche et grands les yeux. Il a provoqué des gens pour se faire taper dessus ? Mais il est fou !
- J'avoue que je ne comprends pas ce changement chez toi. Passez de meurtrier à... A un homme qui pousse les autres à le taper... Je... Wahoo je ne sais même pas quoi dire... A part Pourquoi ? Pourquoi tu fais ça ?
Il cherche à mourir ou quoi ? Et si c'est le cas je suis contre ! Il veut racheter ses pêchés ? Non ça j'en doute grandement... Mais alors pourquoi ? Je crois que j'ai besoin de m'asseoir un peu mieux que par terre, il faut que je sois bien calée... Il prend toute la place sur le canapé et depuis tout à l'heure je me tâte entre m'asseoir au niveau de ses jambes ou au niveau de sa tête ou rester à terre. J'opte pour la solution la plus éloignée mais la plus confortable. Je ne sais pas s'il va accepter que je sois si proche de lui... Je soulève donc ses jambes délicatement et me glisse en dessous pour m'asseoir. Je replace ensuite ses jambes sur les miennes. Je regarde mes mains ne sachant pas où les poser. Finalement je pose mes avant bras sur les tibias de Jesus et laisse pendre mes mains. Son contact me rassure, et je ne sais même pas pourquoi. En fait si je sais... C'est parce que cela signifie qu'il n'a pas pris ses jambes à son cou. Il est resté malgré tout ce que je lui ai avoué. Et j'avoue que j'aime le toucher, j'aime être en contact avec lui même si un bout de tissu nous sépare... Mais ce n'est pas le moment de penser à cela. Je dois mettre de côté mes sentiments pour le moment, peut être même pour toujours alors autant commencer maintenant.
- J'ai du mal à cerner tout ça... Je suis paumée avec toutes ces infos... Dans le dossier ils ont dépeint quelqu'un que je n'ai jamais rencontré, même toi tu dis que tu as changé en deux ans, mais tu ne nies pas que tous les crimes présents dans le dossier sont de ton fait, hormis ceux de tes parents bien sur. On croirait que tu as une double personnalité... Et en plus tu me dis que maintenant tu fais en sorte de te faire fracasser par des gens dans la rue... Je ne comprends vraiment plus rien... Ce changement chez toi est étrange...
Je sens que je vais avoir une jolie migraine plus tard...
Jesus rit. Il rit comme il n’a pas ri depuis un certain temps, avec un amusement non-feint et, pourtant, une certaine pointe de nervosité. Non pas que la situation le mette mal à l’aise, mais les mots de Myranda se plantent en lui comme de petites aiguilles qu’il n’arrive pas à enlever. Ça le titille, ça le gêne, ça lui donne envie de frapper. Évidemment, il sait se retenir, l’elfe noir. Il a appris, depuis le temps, à ne pas se laisser gouverner par ses envies de meurtre, son besoin de sang. Il sait faire face, ravaler sa salive et le goût de fer, dans sa gorge, pour poser sur Myranda un regard un poil méprisant. Il n’aime pas ce qu’elle ose lui dire comme s’il s’agit de la seule chose valable, de la seule vérité possible.
Évidemment, ça ne l’étonne pas que le dossier pourrisse à la BACS depuis bien longtemps avant que la métamorphe ne devienne agent. Il serait même prêt à parier, sans trop de risque, que ce dossier a été ouvert bien avant qu’elle soit née. Peut-être même que ses propres parents n’étaient pas encore nés ! La vie humaine est si courte, si fragile. Elle n’était même pas une idée, ni sa mère ni son père n’en étaient une, non plus, que Jesus frappait pour la première fois de sa vie et goûtait au sang avec délectation. C’est ça d’être plus vieux qu’on en a l’air à l’échelle humaine.
« Ouais, c’est vrai, ça paraît logique. C’est pas comme si notre race était connue pour sa méchanceté gratuite. Du coup, forcément, un elfe noir qui tabasse des humains, ça pouvait être que moi. Pardon, pardon, ma faute, je pensais pas comme un humain. »
Jesus n’aime pas cette habitude de juger les gens si hâtivement. Il est peut-être un psychopathe qui s’assume, qui ne regrette rien, mais il ne veut pas être puni pour les crimes de ses parents, tout comme il a été élevé dans la haine de ses ancêtres, de vieux machins décrépis qu’il ne connaîtra jamais de sa vie. Il trouve ça idiot et est persuadé que n’importe quel autre elfe aurait pu faire la même chose que ces crimes, dans son dossier. Et pourtant, c’est lui qu’on accuse !
Il préfère rejeter cette parenthèse avant de s’énerver. Si ça amuse les humains de lui inventer des torts et, de toute évidence, de ne rien en faire ensuite… grand bien leur fasse ! Ce n’est pas lui qui va aller les convaincre de se réveiller un peu et d’agir autrement. Si les agents de la BACS se mettent à être efficaces et enfermer des psychopathes… ils se rendront bien vite compte que leur prison moisie est loin d’être assez grande pour contenir tout le monde.
« Personne ne t’a demandé de comprendre, répond-il, un peu sèchement, visiblement soûlé par les questions. Et je parle de la seule vraie guerre, évidemment : la Seconde Guerre Mondiale. Oh, un vrai divertissement, crois-moi. Les humains n’ont même pas besoin d’aide pour s’éviscérer les uns les autres. Un vrai carnage. »
Myranda, apparemment, cherche à comprendre quelque chose à tout ce que lui raconte l’elfe noir. Il est presque tenté de lui dire d’abandonner, qu’elle ne comprendra jamais rien avec son cerveau d’humain. Les elfes et les humains n’ont vraiment rien en commun. Il doute que qui que ce soit puisse comprendre son problème, et encore moins l’approuver dans ses choix. Il ne cherche, de toute façon, pas à ce que ce soit le cas. Si, un jour, quelqu’un ose lui dire « Je comprends », Jesus pourrait être tenté de le faire taire à jamais. Rien que l’idée lui donne un petit frisson.
Un sourcil imberbe dressé sur le front, Jesus regarde la panthère se glisser sous ses jambes et faire de son corps ce qu’elle veut. Il a presque envie de le lui faire regretter d’une bonne vingtaine de manières différentes. Il pourrait l’écraser, sous sa force d’elfe, même s’il doute d’arriver à grand-chose contre la résistance de l’animorphe. Ou il pourrait lui écraser la tête contre la table, lui faire bouffer ses verres de vodka… Il préfère se détourner de ces visions, histoire de ne pas trop se laisser tenter.
« Tu aimerais que je nie ? ricane-t-il, en se moquant ouvertement de Myranda. Tu crois quoi, à la fin ? Qu’il y a erreur sur la marchandise ? Que je suis un petit lapin tout mignon et inoffensif ? Redescends sur terre, Myranda. Je suis un psychopathe. J’ai tué et torturé beaucoup plus de gens que ce qu’il y a de noté dans ton dossier. Et tu sais quoi ? Je regrette même pas. »
Peut-être essaie-t-il de la provoquer un peu, mais Jesus n’aime pas cet étrange déni dans lequel elle essaie de se réfugier. Une double personnalité ? Non, il n’a pas besoin de ça pour être ce qu’il est ! Jesus a juste une logique à lui et une vie que personne d’autre n’aurait pu supporter.
« Ce changement, chez moi, ne te regarde pas, déjà. Et je vois vraiment pas le rapport avec une double personnalité. Ne crois pas que tu as, en face de toi, que le gentil petit Jesus qui se fait taper dessus. Je suis toujours le Jesus que tu as vu dans ton petit dossier. J’suis pas un ange, chérie. Et je peux même te dire que ton petit-ami le démon, il m’aime pas non plus. Un démon, qui n’aime pas un mortel, tu imagines ? Avoue-le que tu te voiles la face toute seule. Il est là, le Jesus de ton dossier, mais tu refuses de le voir. Tant pis pour toi. »
Soudain Jesus se met à rire. Je n'avais encore jamais entendu ce genre de rire chez lui. Je me demande pourquoi il rigole de l'information que je viens de lui donner... C'est parce que j'ai dit qu'ils ont mis tous les cas d'elfe noir sur son dos ? Ce n'est pas exactement ce que je voulais dire. Je voulais surtout dire les cas d'elfe noir là où il traînait si j'ai bien compris. Et pour la défense de mes collègues il n'est pas un cas facile. Ils n'ont jamais réussi à le cerner et à être sûr de son identité donc forcément quand plusieurs crimes se ressemblaient ils pensaient que cela venait de Jesus... Et comme j'ai dit, je n'ai fait que récupérer un très vieux dossier...
- Mais non ce n'est pas ça. C'est que pour eux tu étais dans les parages et que cela pouvait être toi...
Je préfère ne rien ajouter... Parce qu'en vrai je ne sais pas quoi dire de plus... Mes collègues ont fait des erreurs il est vrai. Mais il n'a jamais été attrapé de toute façon... Et le dossier n'existe plus... Ils ont voulu lui faire payer le plus de crimes possible sans doute pour qu'il ne revoit plus jamais la lumière du soleil... Mais ils ont lamentablement échoué. Tant mieux dans un sens...
Il ne veut pas que je comprenne pourquoi il a changé... Mais cela m'intéresse réellement. Cela me permettrait de le connaître plus. Je n'insisterai malgré tout pas sur mon questionnement. Il parle de la seconde guerre mondiale ! J'oublie toujours qu'il est bien plus âgé qu'il ne laisse paraître. C'est assez déroutant d'y penser. Il a raison sur les humains... Ils n'ont besoin de personne pour se faire du mal... Ils sont très doués dans ce domaine...
- Il est vrai qu'ils n'ont besoin de personne pour s'entre-tuer... Ils sont très doués pour ça...
C'est encore une partie de sa vie que je ne connais pas. Et je comprends que je ne peux rien lui demander... J'espère qu'un jour il se confiera à moi... Seul l'avenir me le dira...
Il me laisse m'installer mais je vois bien que cela le gêne un peu. Ou qu'il est supris... Je ne saurais dire. Je n'ai jamais pensé qu'il était un lapin tout mignon... Même si c'est le surnom que je lui ai donné pour rire.
- Non, c'est mieux que tu confirmes. Je sais que tu n'as rien d'inoffensif. Je ne sais même pas la moitié des choses que tu es capable de faire. C'est juste que cela me fait bizarre de voir ces deux facettes chez toi si différente. Je ne saurais même pas expliquer ce qui me perturbe là dedans.
Je n'arrive pas à trouver les bons mots. Je n'arrive pas à m'expliquer correctement. Comment un elfe noir qui a torturé autant d'humain peut se montrer gentil et coucher avec moi. Dans son dossier on voit une pure haine envers les humains. Est-ce parce que je ne le suis qu'à moitié ?
- Je pense que ouais je me voile la face sur toi. Mais peut être parce que je n'ai pas encore réellement vu le monstre dépeint dans ton dossier. Asmodée, qui n'est pas du tout mon petit ami te hait oui je l'ai bien vu. Et tu mets en rogne un tas de gens. Mais... Cela pourrait être à cause de plein de raisons... Je nie pas que tu es un monstre sanguinaire. Je dis juste que depuis que je te connais j'ai du mal à t'imaginer en ce monstre... Tu as envie que je te vois tel que tu es dans le dossier ? Tu veux que j'ai peur de toi et que je prenne la fuite ? C'est ça ? Mais si oui pourquoi ? Et si je m'en fiche de découvrir cette facette de toi ? Si j'ai envie d'avoir confiance en toi ?
Et de continuer à vivre ce que nous vivions avant que je n'avoue tout et que je joue la conne aussi avec le démon … Je ne sais pas où va nous mener cette conversation mais je n'aime pas cela... J'ai vraiment l'impression qu'il me pousse à le sortir de ma vie et je n'en ai mais tellement pas envie... Il a bien compris désormais que j'étais amoureuse de lui non ? Et en vrai je crois que je m'en fout de ce qu'il a fait par le passé... C'est dur à expliquer... Je ne me sens pas en danger avec lui et cela me va parfaitement. Et il oublie que je suis également une meurtrière... Ma panthère a tué... Des gamins, des adultes... Parce que je n'arrivais pas à la maîtriser... Mais c'est arrivé et je dois vivre avec ce sang sur mes mains.
Jesus ne sait pas trop pourquoi ça le dérange autant qu’elle ne veuille pas comprendre l’homme qu’elle a face à elle. Ça ne lui plaît pas, ça, c’est sûr et certain, mais la véritable motivation, derrière cette envie qu’elle pige une bonne fois pour toutes qu’il est un psychopathe… il n’en a pas la moindre idée. Et il s’en fiche un peu, il faut bien l’avouer. Il se dit que c’est comme ça, parce qu’il est ce qu’il est et qu’on ne peut pas accepter le fou sans accepter le cinglé. Ou quelque chose comme ça. Il a déjà bien assez de Lucas pour le prendre pour un « gentil », ça va bien cinq minutes ! Non, Jesus n’est pas gentil !
Il ronchonne dans son coin, perturbé par ses propres pensées. Imaginer le petit phénix en train de lui donner un cadeau emballé de noir, lui donne envie d’aller le trouver, peu importe où il est caché. Lucas est une bouffée étrange d’oxygène, comme un objet curieux autour duquel il tourne sans cesse, incapable d’en comprendre le mécanisme. Il gravite autour du petit soleil, mais ne sait pas sur quel côté il faut appuyer pour faire tourner le casse-tête et dévoiler la vérité. Ou peut-être que lui aussi, il se fourvoie un peu. Dans ce déni qu’il reproche à Myranda. Peut-être que Lucas n’a tout simplement rien à cacher. Il est juste… un gros bébé. Jesus n’arrive pas à l’imaginer.
À la mention des choses qu’il est capable de faire, Jesus se pare d’un sourire mauvais. Il a bien quelques idées à mettre en marche pour lui faire comprendre ce dont il est capable, par pur barbarisme, envie de sang, folie meurtrière. Il est un elfe noir, pas un enfant de chœur. Un banni, un exilé. On ne peut pas attendre des gens méprisés qu’ils soient tout doux et tout rose. Jesus n’est que haine et baston, besoins de meurtre. Elle n’arrive, pourtant, pas à le piger. Que faut-il faire pour qu’elle voit que, dans son comportement, se cache le psychopathe qu’il a toujours été ? Pourquoi ne voit-elle pas qu’il se laisse battre seulement pour évacuer sa tension sans avoir à tuer ? Ce n’est pas pour les autres. Il se fiche bien d’éradiquer quelques humains de la planète. Il y en aura toujours huit autres milliards pour remplacer les quelques uns qu’il aura zigouillés. Non, il ne fait ça que pour lui-même, parce qu’il ne veut pas plonger dans la même folie que ses parents. À la place, il se forge la sienne. Une folie qui n’appartient qu’à lui.
Il a envie d’être méchant avec elle, juste pour qu’elle le lâche un coup et comprenne qu’elle n’a pas de temps à perdre avec lui. Il ne sait pas trop pourquoi ça le titille. Sûrement au même titre que tous ces autres humains qu’il adore emmerder, voir enrager. Il veut qu’elle s’énerve un bon coup, qu’elle comprenne qu’elle est du côté des gentils et lui, qu’il restera, à jamais, du côté des méchants. Ils sont faits pour se déchirer, c’est ça, qui est amusant ! Pas pour s’allonger sur le même canapé à essayer de faire de la psychologie à deux sous. Non, non, non. Il veut des cris et du sang ! Que ça bouge ! Mais elle est aussi molle qu’une limace qui vient d’apprendre qu’elle ne pourra jamais épouser son crush l’escargot. Mauvaise espèce, chérie.
« Allez, vas-y ! impression-moi ! dis-moi donc pour quelles raisons les gens me détestent ! Si c’est pas parce que je suis le méchant de l’histoire, alors c’est quoi ? »
Elle a du mal à l’imaginer ou elle ne veut pas l’imaginer ? C’est la question qui tombe dans le crâne de Jesus, un sourcil haussé sur l’incompréhension. Ne vient-il pas de lui montrer un avant-goût de ses pouvoirs ? De ce qu’il est prêt à faire pour avoir la paix ? Ce n’était qu’une toute petite mise en bouche, mais tout de même ! On ne peut pas espérer d’un héros qu’il menace une cinglée qui a fait un pacte avec un démon. Non, sinon les héros seraient bien plus amusants qu’ils ne le sont !
« Y’a un truc que tu comprends pas, Myranda. »
Il articule chaque syllabe de son nom pour attirer son attention et lui faire comprendre qu’il est temps d’arrêter de jouer et d’être un peu sérieux. Ce qu’elle dit n’a, pour lui, aucun sens. Il a bien compris, l’elfe noir, qu’il a réussi à s’attirer l’affection de l’agent de la BACS, même s’il n’a pas bien saisi comment, puisqu’elle connaît le personnage. Néanmoins, il comprend pas pourquoi elle continue de se heurter à un mur, sciemment, au lieu de reculer d’un pas, de regarder le tout et de réfléchir un instant.
« Je veux pas que tu aies peur et que tu prennes la fuite. Je m’en tamponne sévère, de ça. C’est, soit dit en passant, tout de même la chose la plus normale à faire face à un type comme moi. Tous les gens « censés » du coin te le diront. Mais passons. » (Il reprit ses jambes pour s’asseoir dans le canapé, le regard dur.) « Je te dis juste qui je suis vraiment. Celui que tu connais et celui du dossier, c’est le même Jesus, c’est moi. Tu peux pas avoir l’un sans avoir l’autre, cocotte. Non, en effet, je n’ai tué personne depuis que tu me suis. Oui, je pourrais très bien t’éventrer là, dans la seconde, et repartir en sifflotant. Tu crois que je n’ai jamais pensé à te faire du mal ? Que je me contente de déconner avec quelques blagues de merde ? Ha… ha… ha… L’un ne va pas sans l’autre, faut pas que tu oublies ça. Tu ne peux pas avoir confiance en moi. Ce serait une connerie encore plus débile que de passer un pacte avec un putain de démon. »
Jesus se relève, finissant son verre de coca d’une seule traite. Les bulles lui brûlent la gorge, mais il se contente d’une grimace et d’un « aaah » sonore, comme s’il était chez lui. Cette histoire de confiance ne lui plaît pas. Il ne comprend pas comment c’est possible. Lui-même ne se fait pas confiance et ne se fera jamais confiance jusqu’à sa mort, il est en sûr et certain. Personne ne peut faire confiance à un elfe noir, c’est la règle. Il est un tueur, après tout, pas un bisounours.
« T’sais quoi ? Je crois que le mieux, c’est que tu fasses un peu marcher ta cervelle d’humaine et que tu réfléchisses, dans ton coin, à tout ce qui est arrivé. Quand t’auras bieeeeeen tergiversé, là, on pourra reparler. On verra, alors, si tu trouves encore une envie de t’amuser ou si tu préfères pas plutôt m’égorger. » (Jesus a presque déjà choisi où va sa préférence, même s’il est d’avis qu’il s’amuserait dans les deux cas.) « Tu sais quoi ? T’es une animorphe, chaton, t’en es capable. Y’a qu’une chose qui pourrait t’en empêcher : t’as pas la moitié de mon âge, donc… pas mon expérience. »
Ce qui ne garantit pas à l’elfe noir de gagner en combat contre une panthère noire, mais il fait semblant que si, en profitant de l’inexpérience de l’agent. Si elle sait qu’il ment, alors elle pourra peut-être se décider à lui faire la peau. Sinon… ils verront bien.
Pour quelles raisons les gens le détestent ? Je n'en sais rien... Peut être parce que c'est une tête de mule qui provoque les gens rien qu'avec son sourire narquois. Parce qu'il est sûr de lui et que parfois cela peut énerver. Parce que... J'en sais rien... Est-ce que les gens ont toujours de bonnes raisons de ne pas aimer quelqu'un d'autre ? Il y a toujours de la jalousie, de la haine, de la rancoeur... C'est comme ça... Il faut dire aussi qu'il a commis des actes horribles et donc cela n'aide pas à la sympathie... Il m'énerve à me poser cette question parce que pour le coup je ne sais pas quoi répondre. Et surtout je ne sais pas ce qu'il pourrait penser de ma réponse.
- J'en sais rien moi ! Parce que tu es un petit con prétentieux, parce que t'es trop sûr de toi, parce que tu provoques les gens. J'en sais rien ! Les gens sont cons, les gens aiment avoir des gens à détester même sans raison particulière.
Je sais que c'est un méchant, je sais que je devrais le détester moi aussi mais j'y peux rien si je n'accepte pas cette idée ! Je n'ai pas choisi de tomber amoureuse de lui. Cela serait tellement plus simple pour moi de le haïr comme les autres, de le fuir. Il me dit alors qu'il y a un truc que je ne comprends pas. Si seulement il n'y en avait qu'un... Je me redresse pour l'écouter. Je sais qu'il va m'expliquer les choses.... Il s'en moque de ce que je peux ressentir... Il s'assoit pour mieux m'expliquer les choses et pour être sûre que j'ai toute mon attention sur lui. J'ai compris qu'il est un monstre qui a des bons côtés et des mauvais. Et... Il a déjà pensé à me faire du mal... Mais pourtant il ne l'a jamais fait. Il aurait même pu me laisser mourir la première fois qu'on s'est rencontré... Et il finit par dire que je ne peux pas avoir confiance en lui... Pourtant il ne m'a jamais donné de raison de ne pas lui faire confiance, enfin pas vraiment quoi... Mais peut être que je refuse d'ouvrir les yeux...
- Jesus, j'ai compris que tu es un monstre dangereux qui peut tuer facilement. C'est bon j'ai compris. Mais tu ne m'as jamais fait de mal sauf dans tes mots, tu m'as même sauvé la vie... Et cesse de me rappeler que j'ai été assez conne pour passer un pacte avec un démon, c'est bon j'ai compris, tu me gaves là. T'es vraiment un crétin quand tu veux. Je comprends pas pourquoi tu n'acceptes pas l'idée que je t'apprécie. Je sais que tu peux me faire du mal mais tu ne l'as jamais fait ! J'ai le droit de vouloir être proche de toi non ? Tu ne tortures pas et ne tues pas tous les gens qui t'approche sinon il n'y aurait plus grand monde dans cette ville. Pourquoi tu ne veux pas que je fasse partie de ta vie ? Pourquoi tu veux que je ne vois que le mauvais côté de toi ?
Soudain il se lève et termine son verre. Je comprends qu'il va partir... Il va me laisser seule et ne jamais revenir... Je le sens... N'a-t-il donc jamais eu d'ami? Il n'a aucune personne dans son entourage ? Il est seul au monde ? Il veut que je réfléchisses... Et pour lui je n'ai que deux options... M'amuser ou l'égorger... Pour l'instant j'avoue que j'ai envie de faire les deux.... Et il pense que je ne ferais pas le poids face à lui. Mais ça on en sait rien tous les deux.
- En gros c'est soit je veux continuer de m'amuser avec toi soit j'ai envie de t'étriper ? Ok... Et donc tu vas partir et me laisser seule pour faire le point ? Dis plutôt que tu vas disparaître de ma vie et ne jamais revenir. Toi seul aura le dernier mot... Tout simplement parce que tu es têtu et que tu refuses que quelqu'un entre dans ta vie, que quelqu'un soit proche de toi. Et ce n'est pas juste !
Ma panthère et moi-même n'aimons pas ce qui est entrain de se passer. On l'apprécie toutes les deux. Mais là nous avons juste envie de lui foutre une bonne baffe si possible avec des griffes pour lui faire comprendre qu'il nous fait du mal. J'ai vraiment peur de ne plus jamais le revoir... Ou que la prochaine fois que nous allons nous croiser ce soit pour nous entre-tuer... Et je ne sais pas si j'en serais capable. Le blesser oui, le tuer non. Comment lui faire ouvrir les yeux ? Comment lui faire comprendre que rien ne l'empêche d'être proche de moi ? Et de faire ce qu'il fait de mieux, c'est à dire s'attirer des ennuis ? Euh ai-je vraiment pensé cela ? C'est une très mauvaise pensée... Je ne peux pas avoir envie de le laisser continuer à tuer. Mais je sais que je ne peux pas lui demander de changer sa nature, de changer pour moi... Mon dieu je suis paumée. Je ne sais plus quoi penser. Je ne sais pas quoi faire. Je le veux lui mais il est vrai que je n'ai pas spécialement envie de savoir qu'il continue de tuer et torturer des gens. Si je suis entrée à la BACS c'est justement pour éviter que des gens fassent ce genre de chose... Pour éviter également que des gens paumés, comme j'ai pu l'être suite à ma première transformation, se retrouvent à faire des choses qu'ils ne veulent pas, des choses qu'ils ne peuvent pas contrôler sans aide.
Jesus n’est pas peu fier de lui. À demander à Myranda pourquoi les gens le détestent, la voilà qui s’énerve aussi. Preuve que l’elfe noir a un don pour se mettre le monde à dos et qu’il… adore ça. Ça le fait vibrer comme peu de choses, au monde. Il aime voir les bouches se tordre sous la haine, les sourcils se froncer, le sang bouillir et les poings se serrer. Il adore voir qu’il dérange, qu’il n’est pas « à sa place », qu’il ne fait rien comme on l’attend de quelqu’un de normal. Mais Jesus n’est pas normal. Et il est temps que tout le monde s’entre ça dans le crâne. Jesus n’est pas normal. Jesus ne sera jamais normal.
Petit con prétentieux, oui, ça colle plutôt bien au personnage. Jesus approuve de quelques hochements de tête, fier des insultes qu’elle lui balance en pleine tête. Même si l’elfe noir n’est pas tout à fait d’accord sur les mots, il comprend ce qu’elle veut dire. Lui, il ne se pense pas « prétentieux », dans la limite où la prétention laisse à croire qu’il aurait tort, que ce n’est que de la poudre aux yeux. Non. Jesus sait ce qu’il vaut. Jesus sait ce qu’il est, ce qu’il peut faire. Il est sûr de lui parce qu’il a ses raisons. On ne vit pas aussi longtemps que lui, en emmerdant absolument tout le monde, et en restant vivant, sans avoir une raison de se prendre pour un petit génie. Au fond, il est un petit génie, que ça plaise ou non.
Il préfère ne pas répondre et laisser les propres mots de l’humaine se frayer un passage dans son esprit. Si elle peut piger, une bonne fois pour toutes, qu’elle sait ce qu’il est, mais qu’elle refuse d’ouvrir les yeux… Peut-être que les choses changeront. Peut-être pas. Au fond, il s’en tamponne sincèrement. Il ne veut juste plus l’entendre parler de confiance et d’être « gentil ». Jesus n’est pas gentil, Jesus n’est pas un homme de confiance. Jesus est un fou, élevé par des fous, qui finira sa vie dans la folie. Il le sait. Il le sait et il essaie de s’arranger pour que les choses se terminent avant qu’elles aient commencé. Il a déjà demandé à Clionestra de le tuer, le jour où il finira comme ses parents. Jesus ne veut pas être aussi cinglé qu’eux. Il préfère être arrêté avant. Et, bizarrement… il fait confiance à la louve, pour ça. Même si c’est une affreuse elfe blanche. Même s’il crie partout qu’il la déteste. Quoi de mieux qu’une ennemie pour le tuer ?
Jesus n’aime pas la suite. Il grimace et ne répond rien. Myranda lui prouve encore qu’elle se leurre elle-même, qu’elle essaie de croire des choses qui n’ont pas lieu d’être. Doit-il être pardonné pour ses crimes, parce qu’il lui a sauvé la vie ? Parce qu’il n’a, encore, jamais essayé de la tuer pour de vrai ? Il n’est franchement pas sûr, là. Il a presque envie d’essayer, de se rendre à la BACS et d’attendre son jugement pour clamer que, désormais, il est un bon samaritain et qu’il a le droit au pardon. Haha ! Jamais de la vie ils n’accepteront de le relâcher pour ça. Jesus reste un criminel, un meurtrier. Peu importe le nombre de vies qu’il sauvera. D’ailleurs, rien ne lui dit qu’il n’a pas fait une erreur en sauvant Myranda.
Il préfère partir, il est gavé, soûlé, il en a marre. Il reviendra quand elle sera calmée. Il finit son verre et se lève, décidé. Sauf que, là non plus, Myranda prouve qu’ils ne sont pas sur la même longueur d’ondes. Devant lui, la furie se réveille, elle hurle, elle crie, elle s’énerve. Jesus la fixe sans comprendre. Qu’a-t-il fait ? Qu’a-t-il dit ? Il finit par croire qu’elle aurait été moins bruyante s’il l’avait achevée, bien avant. Qui a parlé de disparaître ? Pas lui. L’elfe n’a pas envie de quitter la ville, il aime bien Los Angeles. Pourquoi disparaîtrait-il, de toute façon ? Il a envie qu’elle le lâche pour la soirée, oui. Qu’elle réfléchisse un peu, oui. Mais le reste, il ne comprend pas d’où elle sort cette histoire et ça ne lui plaît pas. Voilà pourquoi il n’aime pas les humaines. Elles se montent la tête toute seule et ça lui tape sur le système. Encore un pétage de câble de la sorte et là, c’est sûr, elle pourra tirer une croix sur lui. Jesus ne veut pas supporter ses sautes d’humeur alors qu’il lui donne juste le temps de réfléchir au cinglé qu’elle invite tranquillou chez elle.
« Eh oh, la folle, on se calme. J’ai jamais parlé de disparaître, alors redescends sur terre. Je te donne le temps de penser, et franchement, regarde-toi, t’as vraiment besoin de temps pour penser. » (Il était peut-être un dur, mais il ne voulait pas faire garderie d’une gamine en plein caprice.) « Je rentre chez moi pioncer, que ça te plaise ou non. Je compte pas disparaître de la ville. La suite, ça dépend que de toi. Ré – flé – chis ! Bordel ! C’est pas si compliqué ! Prouve-moi que t’es pas aussi con que les autres humaines, et on reparlera. On re – par – le – ra. C’est dur à comprendre ça ? »
Jesus est gonflé. Il ne veut pas avoir à s’expliquer à une humaine, ni même à supporter ses cris parce que madame ne veut pas le voir disparaître ou il ne sait pas trop quelle autre connerie. L’elfe noir est-il homme à disparaître ? Franchement, si elle le connaît aussi bien qu’elle le croit, elle devrait le piger, ça. Moins il est désiré dans un entourage, plus il traîne dans le coin ! C’est ça, qui le fait marrer. Alors même si, plus tard, elle dit qu’elle veut le tuer, elle peut compter sur lui pour tourner autour de l’appartement comme un moustique insaisissable prêt à piquer. Un vrai parasite.
« Je suis têtu, oui. Alors, tu redescends et tu me laisses partir. Je te demande pas ton avis, de toute façon. Mais là, les choses rentrent pas dans ton crâne, alors ça sert à rien d’insister. T’as des choses à digérer, donc digère. Moi, j’ai pas que ça à faire. »
Il est déjà bien gentil, l’elfe noir, d’être revenu de son petit voyage pour libérer l’humaine de l’emprise d’Asmodée. Il aurait très bien pu la laisser dans sa merde. Mais non, plutôt que d’être reconnaissante, elle lui prend le chou comme pas permis ! Il veut et a besoin de calme, là. Loin des cris. Chez lui, caché dans ses draps, à dormir jusqu’à la prochaine nuit. Ça, c’est l’idée du siècle. Pas de poireauter dans son appartement à attendre qu’elle se calme un coup.
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