J’avais imaginé que lorsque je saurais enfin qui m’avait transformé, quand j’aurais enfin l’identité de celui qui m’avait abandonné il y a plusieurs années de cela, j’aurais...je ne sais pas, une espèce de paix intérieure. Et bien il n’en est rien. Certes, depuis que je connaissais Alessandro, depuis que nous étions ensemble, j’allais beaucoup mieux, j’étais moins impulsif, moins en colère. Normalement, j’aurais dû relativement bien réagir, mais….J’étais sorti boire un verre en ville, sans Alessandro et j’avais rencontré un type qui avait commencé à vouloir me draguer, même s’il ne s’y était pas pris comme un manche, je n’aurais pas succombé parce que j’étais avec Alessandro et que je n’avais besoin de personne d’autre. Ce type, Stefano, n’insista pas et nous nous retrouvâmes à parler tranquillement autour d’un verre. Une parole en entraînant une autre, il finit par me faire comprendre qu’il était celui qui m’avait transformé, il était, en quelque sorte, mon père vampirique. Je m’étais toujours dit que lorsque je connaîtrais son identité, je me vengerai de lui, mais...je ne l’ai pas fait, sans doute le fait qu’Alessandro ait réussi à tempérer quelque peu mon comportement depuis que je le connais y est pour quelque chose, mais j’avais conservé un semblant de calme et avait demandé des explications.
J’avais fini par partir du club. Si je ne m’étais pas vengé sur lui, j’avais besoin de me défouler, j’avais donc commencé une partie de chasse. Oh bien sûr je ne m’en étais pas pris à n’importe qui, en général, quand je tuais des humains, il s’agissait de criminels. Je m’étais nourri deux fois ce soir. De retour à la maison, je n’étais pas vraiment calmé. J’avais toujours un peu de sang autour de la bouche. Même si je m’étais débarrassé des corps et avais fait en sorte de ne pas laisser de preuves derrière moi, je n’avais pas porté d’attention particulière à mon apparence.
Ainsi, j’arrivais dans le hall d’entrée et me retenais de briser un vase ou quelle qu’autre décoration que ce soit, Alessandro n’apprécierait pas des masses, mais j’étais révolté, pouvoir mettre un visage et un nom sur celui qui était le responsable de ma condition ne m’avait pas soulagé comme je l’avais imaginé et j’étais déçu de cela, c’était sans doute cette déception qui attisait cette colère. J’avais l’impression d’être revenu quelques mois en arrière à l’époque où Alessandro et moi nous fîmes connaissances.
Un hurlement de rage sortit de ma gorge. Il me semblait qu’Aless était à la maison, je n’en avais pas la certitude, mais pour le moment, je ne m’en préoccupais pas trop, il n’était pas dans mon champ de vision. J’attrapais un coussin et mordis dedans, le déchirant. Je fis la même chose à un deuxième coussin et les balançais au loin devant moi, puis je m’affalais sur le canapé, me prenant la tête dans les mains.
La nuit est calme et paisible ce soir. Assis dans ma chambre ma grande baie vitrée ouverte, je profite les yeux fermés du calme de la nuit bercé par le son des vagues. Je me sens tellement apaisé. Le temps s'écoule, le secondes deviennent des minutes, les minutes des heures et peu à peu je sens le sommeil s'emparer de moi. Emporter dans le pays de rêves, je n'entends pas la porte s'ouvrir, ni les pas rapide de mon bien aimé lorsqu'il revient chez nous. Seul son cris me sort de ma rêverie et je me lève en sursaut du canapé de ma chambre où je m'était assoupi. Je descends en bas pour rejoindre le salon et je constate alors que mon amour semble pris d'une rage qu'il ne contrôle pas.
Son visage se tourne vers le miens et là, sur l'instant je semble apercevoir l'Esteban haineux et colérique que j'ai rencontré il y a quelques mois dans la parc de Los Angeles. Mon regard marron doré se plane dans le siens interrogatif cherchant silencieusement à comprendre ce qu'il se passe.Je le rejoins toujours silencieux sur le canapé et je prends sa main.
Je lui donne un baiser sur le dessus et enfin je prends la parole. "Alors, tu compte me dire ce qu'il t'arrive ou je dois deviner ?" Je retire ensuite le coussins hors de prix de ses mains et je lui souris tendrement. Je l'aime tellement et je veux revoir son sourire et sentir la quiétude habiter à nouveau son cœur. J'entends son cœur et son pouls battre si rapidement. Je suis inquiet pour lui. J'ai peur qu'il se renferme à nouveau et refuse de me parler. Nous avons fait tellement de chemin. Je ne vais pas laisser cela se produire non !
Je ne savais pas vraiment si j'étais en colère ou simplement déçu par ce que je ressentais. Je m'étais imaginé tellement de fois que je ressentirais une certaine libération quand je saurais qui était mon créateur que j'étais frustré de voir que ce n'était pas le cas. Je m'en étais pris aux coussins d'Alessandro, parce que je ne savais pas à quoi m'en prendre d'autres et puis il n'était pas responsable, je ne me voyais pas tout casser chez nous pour une simple crise de nerfs. Bien qu'empêtré dans ma fureur, j'entendis les pas d'Alessandro lorsqu'il arriva. Je relevais ma tête et nos regards s'accrochèrent. Immédiatement, il me semblait que j'allais déjà mieux. Le seul regard d'Aless avait un pouvoir apaisant sur moi et ce depuis la première fois où nous nous étions rencontrés.
Je le laissais venir vers moi. Il prit une de mes mains et posa un baiser dessus. Un petit sourire étira mes lèvres lorsqu'il fit ce geste. Alessandro était devenu, depuis le peu de temps que nous étions ensemble, un être essentiel de mon univers, peut-être même le plus important, je l'aimais au-delà de ce que les mots pouvaient le dire. Je ne supporterai pas de le perdre. Il enleva ces pauvres coussins que j'avais martyrisé. Il me demanda ce qu'il se passait. Au début de notre rencontre, je ne lui aurais pas répondu, j'aurais éludé la question parce que je ne lui faisais pas encore confiance, mais aujourd'hui les choses étaient différentes. Je lui confierai ma vie sans la moindre hésitation. Je posais un instant mon front sur le dos de sa main que je tenais toujours.
- Je suis désolé, je ne voulais pas ruiner tes coussins. C'est simplement que...tu sais quand je te parlais du fait de savoir qui était mon créateur, je te disais toujours que quand je le saurais enfin, je serais apaisé, soulagé...
Je poussais un profond soupir et me levant du canapé, lâchant la main d'Alessandro, j'entrepris de faire les cent pas.
- Et bien je peux t'affirmer aujourd'hui qu'il n'en est rien.
Je me tournais face à Aless.
- Je l'ai vu, je sais qui c'est à présent. Et quand il m'a fait comprendre qui il était pour moi....la rage a déferlé en moi comme jamais. Oh je ne lui ai rien fait, mais ce n'était pas l'envie qui m'en manquait.
Je n'avais rien fait à Stefano parce que d'une part j'aurais perdu un combat contre lui et, d'autre part, cela n'aurait servi à rien, ce qui est fait, est fait et puis...je n'allais pas le revoir, alors à quoi bon ?.
Toute cette tension qui habite l'esprit de mon amour m'inquiète. J'avoue que je me demande ce qui a pu le mettre dans un tel état ? J'attends donc avec patience qu'il m'en dise plus. Il est hors de question de le presser et de le forcer à se livrer à moi. Je veux qu'il se sente libre de me parler. Nous sommes un couple à présent et ce qui lui fait me fait également souffrir. Voilà les explications arrive de façon timide mais elles viennent. Tout concerne donc son créateur. Oui, tout s'explique. Il a toujours éprouvé une rage sourde pour celui-ci.
Il se lève ce qui a pour résultat de lui faire lâcher mes mains. Mon dieu toutes ses émotions qui se bousculent en lui me brisent le cœur. Il continue et je me sens inquiet. Ces paroles suivantes sont très inquiétantes. Il a rencontré son créateur et celui-ci lui a fait une révélation bouleversante sur ce qu'il est pour lui ? J'ai beaucoup de mal à comprendre.
Je soupire, je passe une de mes mains dans mes cheveux et je m'approche ensuite de lui. "Dis moi tout. Quoi qu'il ait pu te dire ou te faire ne changera rien. Explique moi ce qu'il t'a révélé de tellement bouleversant. J'ai l'impression d'avoir face à moi le vampire apeuré et enragé du début." Puis je prends avec affection son visage entre mes mains et j'ajoute : "Tu sais que je suis là pour toi ? Il ne pourra plus jamais te faire de mal. Je te protègerais quoi qu'il m'en coute je te le promet." Puis je l'embrasse sur le front avant de relâcher son visage.
Je ne savais pas vraiment ce qui était le pire ? Savoir qui était mon créateur, ou bien savoir que s'il m'avait créé, c'était pour me "sauver" en quelque sorte, rattraper une boulette qu'avait fait un de ses "enfants". Je n'en avais pas la moindre idée, les deux m'étaient aussi inconfortable l'une que l'autre, cela donnait vraiment la sensation d'être non désiré et c'était loin d'être agréable. Est-ce que si la transformation avait été voulu de sa part, est-ce que s'il avait réellement souhaité faire de moi ce que j'étais cela aurait été moins douloureux ? Honnêtement, je n'en ai aucune idée et je ne le saurais probablement jamais et maintenant que je savais qui il était est-ce que cela changerait quelque chose à ma vie ? Oui, parce que je vais enfin pouvoir arrêter de m'interroger sur chaque vieux vampire que je croiserai, je vais enfin pouvoir arrêter de me demander si untel ou untel est mon créateur, cela aidera peut-être à calmer mon esprit.
Alessandro s'approcha de moi et je l'écoutais. Je fermais les yeux, sentant les mains de mon amour sur mon visage. Je posais mes propres mains sur les siennes comme une supplique silencieuse pour qu'il ne me lâche pas.
- Il ne m'a pas fait de mal...enfin pas vraiment, pas physiquement. Simplement...il m'a simplement dit que s'il avait fait cela c'est parce qu'il avait voulu me sauver la vie. Le sang de vampire ayant certaines propriétés de guérison, cela aurait pu me sauver...si il était arrivé un peu plus tôt. Ce n'est qu'une simple erreur de timing.
J'eus un sourire triste.
- Je sais, c'est complètement idiot et je passe sans doute pour un gamin capricieux, mais savoir que ma transformation n'a pas spécialement été voulue par mon créateur, savoir que je ne suis qu'un "accident de parcours"....ça me fait mal.
Je posais ensuite mon front sur l'épaule d'Alessandro, entourant son corps de mes bras.
- En tout cas, une chose est certaine...je vais tout faire à présent pour éviter Stefano Kray, puisque c'est lui mon créateur.
Je sens mon amour agité comme jamais et lorsque j'en comprends finalement la raison je me sens sur le point de défaillir ! Heureusement pour moi je suis déjà mort et je n'ai pas à me soucier d'un arrêt cardiaque car cette nouvelle aurait pu me tuer sur place. Le salaud qui a créé Esteban n'est autre que celui dont le sang et les gènes sont en moi ! Stefano encore lui ! Esteban m'embrasse sur le front et relâche ensuite mon visage. Je me force alors à lui sourire et à paraitre tout à fait normal et cela même si à l'intérieur de moi je suis brisé... Mais que va penser Esteban de moi ? Que va t'il penser lorsqu'il saura qui est mon père et surtout que c'est lui qui est responsable de ses malheurs. Je suis brisé à cette pensée. L'idée que cette haine qu'il a pour son créateur me rejaillisse dessus me détruit. Je ne peux pas concevoir qu'il ne soit pas à mes cotés.
Une fois de plus mon père est responsable du chamboulement de toute mon existence ! Pourquoi est il incapable de réfléchir à ses actes avant de faire quoi que ce soit ? Voulait il vraiment créer Esteban et l'abandonner ? A quoi pensait il à ce moment là ? Les pensées se bousculent dans ma tête et pourtant je dois dire la vérité à Esteban je le sais. Si il ne l'apprend pas de moi mais d'un autre il m'en voudra surement plus encore. Je prends alors mon courage à deux mains et je me décide à lui dire la vérité.
Je m'approche de lui, je le serre fort dans mes bras et enfin, mon regard dans le siens je lui dis : "Je connais ton créateur... J'ignorais jusqu'à ce que tu me dise son nom que c'était lui l'ordure qui a fait de toi un vampire. Je t'assure que si je lavais su je te l'aurais dit. Il s'agit de... De mon père biologique. Je suis l'enfant humain de Stena Kray..." Puis je le relâche et je lui tourne le dos. "Tu as toutes les raisons du monde de m'en vouloir. Mais sache que je t'aime et que si je devais choisir entre lui et toi, tu serais mon choix. Je ne suis jamais passé au premier plan pour lui et jamais il ne sera plus important que toi dans mon coeur. J'espère que tu le sais..." Ma voix est triste et faible pour dire ces derniers mots. Je suis tellement triste pour Esteban que ma gorge se noue et que je suis incapable de rien dire de plus...
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