1920 - LA - Dans les montagnes

Pourquoi mais pourquoi je m’étais impliquée dans cette histoire? Tout ça pour une bonne vieille vengeance d’un homme contre sa femme. Un homme qui au final était un loup, et un loup membre d’une meute. Non mais quelle idée j’avais eu de revenir en Amérique pour venger cette femme morte dans mes bras sans que j’ai pus la transformée. Je le souhaitais et elle aussi mais alors pourquoi cela n’avait pas fonctionné. En y repensant, je me dis qu’elle était trop blessée et que finalement lorsqu’elle a bu mon sang, elle était déjà morte. Maintenant j’étais là dans les montagnes rocheuses en périphéries de Los Angeles, j’étais dans cette grotte depuis quelques heures maintenant à courir dans tous les sens pour échapper à cette meute de loup qui ne voulait pas en démordre avec moi.

De chasseur, j’étais devenue la proie. Ma robe était déchirée limite en lambeaux, mes épaules à nues, mais qu’importe, je continuais de courir pour leurs échapper. Je voulais rester en vie; Moi qui il y a encore quelques années à peine voulait mourir d’avoir connu un démon. J’avais finalement fui la France pour l’Amérique et après quelques temps j’étais repartie en France. Pourtant en amérique j’avais connu un vampire qui avec lequel je m’étais attachée mais les aléas de la vie et nos choix ont fait que nos chemins ont pris des routes différentes. Je pense régulièrement à lui en espérant qu’il est en vie quelque part mais là tout de suite ce n'est pas le moment.

Alors que je pensais être retrouvée par les loups et alors que je réalisais que peut-être je vivais mes derniers instants, j’entendis un coup de feu. Je me retournai aussitôt et revint sur mes pas rapidement pour constater qu’un loup s’en prenait à un homme, un vampire. Dans la précipitation de l’action, je regardais rapidement. tous les autres loups étaient mort, c’était le dernier. Je repris l’arme à feu qui était à terre et visa la tête du loup qui tomba de tout son poids sur le vampire. Je n’étais une grande fan des armes à feu mais je devais bien admettre que là elle nous avait rendu un fier service. D'épuisement, de relâchement, je tombais lourdement sur le sol assise. en regardant le vampire se relever en jetant la dépouille du loup plus loin. Son odeur m’était familière et je ne mis pas longtemps à retrouver de qui il s’agissait car il se retourna sur moi immédiatement:

“Clayton? Oh Dieu soit loué…”

Je soupirais de soulagement en tendant son arme pour qu’il la reprenne. Je voulais me relever mais j’étais fortement affaiblie. Ces loups m’avaient affamés volontairement. je titubais doucement et j’allais retomber sur mes fesses lorsque je sentis un bras entourer ma taille.

Je me sentais particulièrement vulnérable et vacillante. Je songeais au fait d’être à nouveau en sécurité et que tout ceci était terminé. Les loups n’étaient plus et j’étais en présence d’un vampire que je connaissais et que j’étais soulagée et ravie de revoir. Pourtant une fois debout, je sentais mon corps lourd comme du plomb. Le manque de sang humain dans mes veines devenait critique. Clayton me reconnut aussi rapidement que moi. En même temps, nous nous étions quitté à peine 8 ans auparavant. En vie de vampire 8 ans c’est très peu. Il ne put que constater rapidement que je n’étais pas très bien et alors que j'oscillai pour trouver un équilibre, il me rattrapa. Doucement mes mains se posèrent sur son torse alors que je relevais les yeux vers les siens. Retrouver les bras de ce vampire fort et protecteur fut pour moi un réel réconfort. 

“Je… J’ai voulu les pourchassés pour venger la mort d’une amie mais ils étaient plus nombreux que prévus. Cela fait des heures que je ne me suis pas nourris.”

Clayton me donna son manteau et je fermais les yeux en appréciant cette odeur si masculine et cette attention envers ma personne. Clayton était peut-être un rustre parfois mais il savait être aussi doux qu’un agneau et j’aimais beaucoup cette partie de lui. Elle m’avait manqué, je devais l’admettre.

“Merci Clayton. Vous m’avez sauvé la vie.”

Doucement et sans vraiment contrôler mes gestes, je m’approchais de lui pour me blottir dans ses bras. J’avais beau être une vampire de plus de 1900 ans, je me sentais fragile en cet instant et j’avais besoin de sa présence, de sa protection, de lui. 
Après quelques instants de silence, je rouvrais les yeux pour croiser à nouveau son regard avant d’échanger avec lui un baiser digne des plus belles retrouvailles que j’avais pu vivre. Quitter ce vampire quelques années plus tôt fut pour moi compliqué car je l’avais vécu comme un échec. Un échec en tant que femme, mais également en tant que vampire plus ancienne qui voulait le protéger. Finalement il me montrait une fois de plus qu’il s’en sortait bien ainsi. Pourtant je ne l'imaginais pas traquer des loups. 

“Et vous Clayton, que faites-vous ici ?”

Les paroles de Clayton eurent le mérite de me faire lâcher un sourire. En effet, si une croisade solitaire afin de décimer un loup n’était pas dans mes habitudes, le vampire à mes côtés savait que si je voulais venger quelqu’un, rien ne pourrait m’arrêter. Bizarrement j’avais du mal à le quitter des yeux, peut-être trop contente de retrouver cet homme, ce vampire avec lequel j’avais eu une intimité certaine et cela malgré nos choix et nos convictions opposées. 

Sa gentillesse me fut confirmée lorsqu’il me proposa sa flasque de faux sang dans son manteau. J'acquiesçai d’un signe de tête et d’un léger sourire de remerciement avant de fouiller doucement, tout en le remerciant de m’avoir sauvé. Il ria en retour. Je relevais alors les yeux vers lui pour essayer de comprendre le pourquoi de son rire avant de me rendre compte que c’était finalement moi qui avait porté le coup fatal au loup. Le voir rire me faisait penser que j’avais réellement eu un manque en le laissant dans cette maison abandonnée. Alors sans réfléchir, je l’enlaçai. J’aurais pu être stoppée dans mon élan par lui mais visiblement c’était plutôt l’inverse. Sentant son menton sur ma tête, je devinais qu’il appréciait ce contact tout autant que moi. Puis j’eus comme une légère pulsion, une envie. Alors je me redressai pour l’embrasser. Fermant les yeux pour ressentir le moindre contact, la moindre sensation, je souris intérieurement en sentant qu’il y répondait à son tour. Cette traque au loup aurait une fin totalement inattendue est inespérée. 

Après quelques instants, je lui demandais à mon tour comment il était arrivé ici. Rufus, enfin Clayton car il n’aimait jamais vraiment qu’on l’appelle par son prénom, me répondit qu’il me contera cette histoire bien volontiers mais après avoir fait le ménage dans cette grotte. Je savais que la première ville était à des kilomètres mais en effet il avait raison. Toutefois je fronçai légèrement les sourcils à l’idée que lui y songe. La dernière fois que nous nous étions vu, ce genre de propos ne faisait guère parti de son vocabulaire. Je reculais légèrement pour le laisser agir à sa guise - en répondant avec amusement :

“Mais qui êtes-vous et qu’avez-vous fait du Clayton sans foi ni loi ?”

Un petit pic certes qui pouvait faire mal mais avec le sourire que j’accompagnais de ces mots, je savais que le vampire ne le prendrait pas mal. Et puis ce n’était pas son genre. Je baissai les yeux pour partir à nouveau à la recherche de cette fameuse flasque dans son manteau que j’avais toujours sur le dos. C’était une sensation agréable d’avoir son long manteau sur les épaules. J’appréciais vraiment cette petite attention anodine mais sincère de sa part. Une fois la flasque trouvée, j’en bus quelques gorgées et je me sentis instantanément mieux, plus apaisée. La soif pouvait être dévastatrice et je n’étais pas comme ça. Les seules fois où j’avais fait des massacres, la culpabilité m’avait poussé à jeûner durant des jours. Alors maintenant je faisais en sorte de contrôler cette soif par diverses méthodes sans tuer. C’était assez efficace, sauf bien sur si une meute de loups est à vos trousses. Je m'appuyais contre le mur de pierre puis finalement m’assit et regardais le vampire agir, faisant le ménage de tous ces cadavres de loups. J’espérais intérieurement que l’on avait eu l’entièreté de la meute sinon nous deviendrons à notre tour les cibles d’une vengeance certaine. Mais des dires que j’avais pu entendre, la meute était au complet devant nous.

Après plusieurs minutes, Clayton revint vers moi. Je l’invitais alors à s’installer à mes côtés, plongeant alors mon regard dans le sien. Son regard avait pour habitude d’être toujours de couleur rouge sang, signe que l’envie de carnage et que la soif de sang humain est présente. Pourtant en cet instant, ses yeux ont une couleur plus naturelle, de couleur marron. J’ai alors un léger sourire en demandant avec douceur :

“Que vous est-il arrivé Clayton ?”

Naturellement ma main se posa sur la sienne. Si j’étais très tactile, je savais que lui n’était pas des plus démonstratif mais qu’importe. Il s’était passé quelque chose. Il avait changé et j’étais déterminée à en connaître la cause.

Avant de commencer son nettoyage il m’avait d’ores et déjà dévoilé que le vampire qu’il était avait dû revoir ses priorités pour avoir le droit de continuer à vivre. Ce ne fit qu’amplifier mon inquiétude sur ce qu’il avait pu lui arriver. Il semblait particulièrement amer de cette nouvelle condition de vie. Je l’avais longuement observé le temps de son « nettoyage » et si j’avais eu envie de boire chaque litre de sang des cadavres devant nous, je m’étais retenue non sans difficultés. Avec les années, j’étais devenu moins sensible et je réussissais à me contenir mais je savais d’ores et déjà que je devrais me trouver un véritable humain pour me nourrir prochainement. Sans le tuer bien sûr, c’était évident mais je ne me contenterais pas d’une gorgée ou deux, j’avais besoin de plusieurs litres.

Si nos retrouvailles s’étaient déroulées sous le signe d’une bagarre et d’un véritable règlement de compte, nous étions à présent assis tous les deux au calme dans une grotte qui désormais ne serait que pour nous seuls. Nous avions alors tout le temps nécessaire pour discuter, même si je savais pertinemment que ce n’était pas le genre du vampire à mes côtés. Il avait besoin de se confier sur sa nouvelle situation et j’avais besoin de comprendre qu’elle était cette fameuse nouvelle situation.

Clayton me confirma qu’il aurait dû écouter une de mes nombreuses mises en garde. Je fronçai les sourcils. J’aurais tellement préféré avoir tort en cet instant. J’aurais tellement préféré qu’il n’est pas à subir cela. Je le regardai avec désespoir alors que lui avait désormais les yeux rivés sur le sol. Je compris alors que cette nouvelle vie le faisait souffrir, le torturait.

Ecartant doucement sa chemise pour me laisser voir un nouveau tatouage. Celui d’un ordre de chasseurs qui l’avait maudit. Qui l’avait contraint à faire partie à son tour de l’ordre pour garder la « vie » sauve. Je ne prononce pas un seul mot, je l’écoute mais mon regard sur lui devient de plus en plus désolé. Je comprends alors qu’il est contraint de contenir sa soif, sous peine de mort. Je le laisse terminer son explication alors que je sens bien malgré moi que j’aimerais le soutenir d’une manière ou d’une autre mais je ne peux pas faire grand-chose. C’est bien trop tard, le mal est fait.

Clayton termine en disant que s’il avait su son avenir, il se serait plié à chacune de mes règles. Je pose alors ma main sur son épaule. J’aurais tellement voulu m’être trompée. J’aurais tellement voulu qu’il puisse conserver son libre arbitre.

« Oh Clayton… »

Il a un petit rire amer mais je sens bien que cel pourrait bien le détruire de l’intérieur. Il n’est plus que l’ombre de l’homme que j’ai connu. Il me demande alors si mon retour en ces lieux est permanent mais je n’ai pas le cœur à lui répondre tout de suite. Mon regard se perd à mon tour dans le vide alors que ma tête se penche pour se poser sur son épaule.

« J’aurais tellement voulu avoir tort. J’aurais tellement voulu me tromper et que tu puisses garder ta liberté d’agir. Même si nous n’avons pas les mêmes façons de faire, je ne t’aurais jamais souhaité pareil châtiment. »

J’ai beau réfléchir, essayer de trouver une solution. Je n’en vois aucune.

« J’imagine que vous n’avez pas d’échappatoire à tout cela… »

Mon regard se tourne à nouveau vers le vampire alors que je me redresse pour enfin répondre à sa question :

« Je ne suis revenue que pour quelques jours malheureusement. Je dois repartir en France. Je suis désolée. Si nos retrouvailles étaient inespérées, je ne les imaginais pas ainsi. »

J’ai tout de même un faible sourire en levant la main vers son visage. Mes doigts caressent sa peau alors que mon regard se fond dans le sien.

« J’aurais tout de même eut le plaisir de voir vos yeux dans leur teinte naturelle et même si vous êtes différent désormais, vous aurez toujours la même importance à mes yeux Clayton. »

Par Até (Déesse grecque des fautes et de l’égarement), le Clayton que j’avais en face de moi semblait tellement perdu et désemparé que cela me brisai le cœur de le voir ainsi. Sa nature profonde de vampire était ancrée en lui. Si moi, je faisais taire cette nature bestiale, pour lui c’était tout autre. Pour lui, le fait de tuer et de se nourrir à outrance était ce qui le rendait heureux. Clairement, l’avoir priver de cette partie de lui faisait qu’il n’était plus que l’ombre de lui-même.

Lorsqu’il me demanda la durée de mon séjour, j’imaginais bien que le but de sa question était pour changer de sujet de conversation car le sujet de sa malédiction devait le hanter profondément. Je ne fus pas offusquée de sa curiosité et lui répondit avec douceur que je n’avais pas l’intention de rester aux Etats Unis.

Mais en gardant le contact avec lui j’avais exprimé toute l’affection que j’avais pour lui et le plaisir que j’avais de le retrouver. Le sourire que j’aperçus alors sur ses lèvres me réchauffa le cœur. Si il était différent désormais, il restait tout de même l’homme au cœur tendre que j’avais connu malgré son côté brute. Je lui souris à mon tour lorsque sa main retrouva la mienne. Il me demanda alors de rester à ses côtés pour la soirée – et sous-entendu la nuit. J’eus un bref regard vers l’intérieur de la grotte pour suivre son regard avant de replonger dans ses yeux couleur noisette. A sa proposition de disposer de la grotte à notre guise, je lui souris doucement. Je remarquais bien l’éclat de malice dans son regard. Il avait clairement une idée derrière la tête et je me mentirais à moi-même si je disais que l’idée ne me plaisait pas.


Doucement je me levais alors et tournant doucement sur moi-même, rêveuse d’un moment de paix dont clairement il fallait que je profite. Je retirais alors le manteau de Clayton en me tournant à nouveau vers lui, le disposant là où j’étais précédemment assise. Ne quittant pas le vampire des yeux, je m’avançais alors vers lui le sourire aux lèvres. Du pied, je décalais ses jambes afin de me tenir debout devant lui. Une de mes mains lui fit relever la tête en appuyant doucement sur son menton alors que je lui répondais :

« Alors profitons de ces lieux et de cette soirée qui s’annonce bien meilleure maintenant que nous ne sommes que tous les deux. »

Je concluais ma phrase en déposant un doux baiser sur ses lèvres alors que mon autre main se perdit derrière son cou, à la naissance de ses cheveux afin d’y jouer avec tout en profitant de cet instant qui deviendrait passionné et passionnant. Entre deux baisers, j’arrive tout de même à articuler quelques derniers mots avant de sombrer dans la passion d’une nuit :

« Je suis ta dévouée pour la nuit Clay’ »