Même si je le voulais, je ne pouvais ignorer le temps qui passait. Je ne pouvais passer à côté du joli ventre rond de Penelope qui ne cessait de s’arrondir au fil des semaines. Ce doux petit refuge qu’elle avait constitué pour notre fille. Je chérissais son corps plein de grâce qui nous permettait de revivre ensemble cette aventure merveilleuse. J’adorai caresser cette rondeur du bout de mes doigts et sentir notre fille bouger. Penelope était indéniablement magnifique, je la trouvais resplendissante enceinte, même malgré quelques cernes et son chignon décoiffé d’après sieste.

Bien que parfois le côté idyllique me portait, la plupart du temps j’étais honteusement pris par l’angoisse. La peur de perdre Penelope et Eléonore m’occupait l’esprit, me prenait aux tripes et au cœur. Mon côté digne me poussait à masquer mes émotions, mais face à Peny mon humilité reprenait le dessus. Mon épouse était consciente de mes craintes, elle faisait de son mieux pour me rassurer, chose qui me faisait culpabiliser puisque je considérais que cela devait être mon rôle d’être un soutien et non l’inverse.

J’étais en pleine réunion lorsque mon bras droit s’était empressée de me donner le téléphone avec finesse pour ne pas perturber la discussion avec des collaborateurs sorciers, me faisant comprendre de par son regard qu’il s’agissait de quelque chose de très important. Je pris le téléphone, comprenant très rapidement de qui était au bout du fil. Je m’excusa auprès de mes confrères et sorti de la pièce pour plus d’intimité.

« - Allô… Peny ?! »

A peine au téléphone avec elle que je l’entendais déjà s’arrêter brusquement. Je comprenais immédiatement ce qui se passait à son souffle long et au timbre de sa voix. Ce n’était pas le moment pour moi de paniquer.

« - Je pars immédiatement Peny chérie. » lui répondais-je le plus calmement possible.

Qu’il était difficile de rentrer rapidement chez soi avec la circulation d’une ville comme Los Angeles. Les embouteillages et les accidents étaient le lourd quotidien. Mais aujourd’hui je n’avais aucunement la patience et le temps d’attendre. J’usais de mes dons pour avoir tous les feux tricolores au vert pour aller plus vite et accélérais plus que d’habitude pour rentrer plus tôt. Mais concernant l’accident sur l’autoroute pour atteindre les nord de Los Angeles, je n’avais guère trouver de solution de suite. Une téléportation pouvait faire l’affaire, mais cela signifiait laisser la voiture sur le bas-côté de la route et ne plus avoir de moyen de transport pour l’emmener à la clinique au cas où… J’espérais que ça se décoince au bout de quelques petites minutes. Je décidais de rappeler Penelope pour prendre ma décision. J’essaya une première fois, elle ne décrocha pas.

Peny… j’espère que ne pas arriver trop tard…

Je rappela une fois et parvenu à l’avoir.

« - Peny ? Tout va bien ?? Ma chérie, je suis coincé dans un embouteillage sur l’autoroute. Ça n’avance pas du tout ! Je peux laisser la voiture sur le côté et te rejoindre immédiatement si tu sens qu’Eléonore arrive très vite. Je ne sais pas vraiment pour combien de temps j’en ai. »
 

Les minutes étaient longues, les secondes que je voyais défiler sur le cadran noir de ma montre devenaient presque des minutes. J’avais l’impression de n’avoir bougé que de quelques mètres avant d’avoir pu rappeler Penelope. Et puis ce soleil, j’avais chaud, le printemps californien ne m’épargnait pas avec mes origines écossaises, à moins que ce ne fusse l’âge, manquais-je d’un peu de potion de Peny? ou bien le stress… Bon sang, Peny, j’espérais que tout aille bien.

« - Bon, si tu sens que c’est plutôt calme, profite de ton bain, c’est une excellente idée. J’espère que ça va avancer, je…  Peny ? Peny chérie ? »

Je venais d’entendre un étrange bruit venant de son téléphone. Je reculais mon smartphone de mon oreille pour voir si cela ne venait pas de ce dernier. Penelope me confirmait qu’elle venait de lâcher son téléphone sur le sol. Je lui répondais avec le plus grand calme possible dont j’étais capable malgré mon angoisse.

« - Penelope, écoute-moi, je me laisse 5 minutes pour voir si je dépasse ce fichu accident. En soit, il ne me reste même pas 10 kilomètres, j’ai bon espoir de rentrer vite mon amour. Je serai là à la sortie de ton bain, promis. Courage Peny chérie, j’arrive très vite. Je t'aime.»

Nous raccrochions tous les deux. En réalité je n’avais absolument pas envie d’attendre dans ce foutu embouteillage. Je perdais complétement patience, et la savoir seule dans un moment pareil n’aidait pas.

Merde qu’est ce que je dois faire… Et si elle accouchait rapidement ? Et si elle perdait connaissance ou je ne sais quoi ? Elle a besoin de moi...!

Je n’avais pas envie de laisser la voiture, c’était notre seul véhicule si on devait se déplacer en urgence quelque part, et puis c’était un cadeau de Karl, quelque chose de symbolique pour moi. Mais à choisir entre ma voiture et mon épouse, le choix était vite fait. Je déboita d’un coup, klaxonna pour qu’on me laisse me déporter sur la bande d’arrêt d’urgence et arrêta la voiture. J’utilisa un sortilège d’illusion d’optique pour que les personnes dans les véhicules sur la route ne me voient pas m’éclipser en usant de la magie. Et une fraction de seconde je me retrouva en plein milieu du salon. Je pris la direction de la chambre parentale, Penelope se trouvait dans la baignoire dans la salle de bain attenante. Au fur et à mesure que je m’approchais, j’entendais son souffle long, l’expiration de sa douleur. Je déposa ma cravate et ma veste sur l’un des fauteuils de la chambre, je les rangerai plus tard. Au pas de la porte de la salle de bain entre ouverte, je pris une grande inspiration avant d’annoncer ma présence. Je toqua doucement.

« - Peny chérie ? Je peux entrer ? »

Avant, la naissance de Karl, j’avais lu dans un livre sur le thème de la naissance chez les sorciers, que le moment de l’accouchement devait rester intime pour la future mère. Les femmes devaient rester entre femmes, la future mère sorcière restait parfois seule s’il n’y avait pas de doula ou d’accoucheuse sorcière. Ce temps là était révolu certes, mais je ne négligeais pas le besoin d’intimité de Penelope s’il elle le souhaitait. Mon côté vieille école je suppose.
J’entra pourtant dans la pièce, ignorant mes vieilles lectures et mes vieilles croyances, pour ne pas dire archaïques… J’attrapa immédiatement sa main un peu mouillée. Je voyais son visage d’ange fatigué par la fin de grossesse et tiraillé par la douleur qui venait par vague. Et encore coiffée de son chignon décoiffé, elle demeurait belle dans n’importe quelle situation.

« - Comment te sens-tu Peny chérie ? Veux-tu que je prépare la chambre ? ou bien le salon si tu es plus à l’aise ? Veux-tu que je prévienne Karl et la sage-femme ? »

Ma pauvre Penelope, mon stress reprenait le dessus, et me voilà à la harceler des questions. Je me taisais et posais une main en douceur sur son ventre, la laissant me guider sur ses désirs.

 

J’avais laissé tomber le téléphone à cause d’une contraction. J’avais gémi en tentant de trouver une position qui me serait un minimum confortable. Je commençais lentement à avoir mal au coeur aussi. La douleur me donnait la nausée, mais je tentais de rester le plus calme possible. J’entendais la voix d’Arthur au loin, car il n’était pas sur le haut-parleur. J’entendais qu’il arriverait vite et qu’il m’aimait. Je souriais toute seule à ses mots et je fermais les yeux.

- Je t’aime mon amour.

Je m’étais mise un peu sur le côté et je caressais mon ventre en restant calme. Arthur avait sans aucun doute entendu que c’était lentement plus intense. Je ne voulais qu’une seule chose c’était ses bras et écouter sa voix. Il était vieux jeu sur bien des aspects et c’était ce qui le rendait si beau à mes yeux. Je restais dans ma bulle alors que je passais des contractions. Je respirais lentement avec une sorte de râle. Moins intense que les autres que j’avais pu avoir en entrant dans la baignoire. J’avais à nouveau froid cependant. Je n’entendais pas Arthur entrer dans la chambre. J’entendais simplement sa voix me demander s’il pouvait entrer.

- Oui, s’il te plaît.

À l’origine, Arthur n’aurait pas eu à être présent. Pourtant, lors de mon accouchement à Redhouse pour la naissance de Karl, l’accoucheuse sorcière était allée chercher Arthur pour me soutenir dans les dernières heures. J’avais trop besoin d’être rassurée par mon mari et les choses ne se passaient pas très bien non plus. J’avais tout de même réussi, mais j’avais refusé de redonner la naissance. J’espérais simplement ne pas revivre la même chose dans ce cas de figure. J’ouvrais les yeux pour regarder mon mari qui s’approchait dans la pénombre. Je lui faisais un sourire doux malgré la douleur. Je devais avoir une mine assez horrible avec mon chignon décoiffé.

- Attends un peu s’il te plaît…

Eleonore bougea directement au contact d’Arthur. Elle savait que son père était enfin arrivé. Je me tournais un peu pour faire face à Arthur. Je tentais de rester détendue. Une nouvelle contraction me prenait en me faisant gémir. J’agrippais le bras de mon mari et sa chemise. je m’accrochais à lui dans cette vague de douleur. À peine la contraction était terminée que je murmurais doucement à Arthur.

- Je veux sortir de l’eau s’il te plaît mon amour.

Je profitais de ce répit pour sortir avec son aide. J’allais dans ses bras alors qu’il posait la serviette sur mon corps un peu trop frais. J’appuyais ma tête dans son cou et je caressais sa nuque en bougeant lentement. Eleonore pesait lourd dans mon bassin en ce moment.

- Je ne sais pas ce que je veux. Je veux juste rester dans tes bras.

Je restais ainsi de longues minutes en silence. J’écoutais la respiration de mon mari en me rappelant à quel point c’était un marathon intense. Je me sentais rassurée par sa présence. J’allais finalement dans notre chambre et j’enfilais une petite culotte et un vieux t-shirt. Je n’avais pas envie de mettre autre chose. Les contractions semblaient s’espacer dans l’immédiat. Je me passais une main dans les cheveux en soupirant.

- J’espère que ce n’est pas un faux travail. Tu veux bien appeler la sage-femme tout de même ? J’aimerais qu’elle vienne m’examiner pour savoir si … ah merde … Arthur …

Je m’appuyais sur le rebord du lit en gémissant une contraction très forte. Il était déjà 18h00 au final. Mon ventre était dur comme de la pierre et la contraction très longue. Je me tenais après le bois avant de respirer plus normalement et me redresser.

- Elle était intense… Hum le traiteur devrait arriver bientôt aussi.

C’était tout moi ça, je me souciais du traiteur pour que mon mari ait quelque chose dans l’estomac.
 

Au contact de ma main sur son ventre, je senti réagir notre fille. Peut-être m’envoyait elle une réponse à mes angoisses. Me faisait-elle comprendre que je devais être fort pour elles ? S’il en devait être ainsi, je serai l’homme dont mes femmes auraient besoin dans ce moment si important.
J’acquiesçais avec un baiser la demande de Penelope pour sortir de l’eau. J’avais le visage plus doux, moins tiré par la peur. J’étais convaincu que le geste d’Eléonore n’y était pas pour rien, cela m’avait apaisé quelque part, quelque chose de presque magique. Je devais rester ce soutien dont Penelope avait besoin. Elle s’agrippa à moi, ma manche désormais mouillée, ce qui était le cadet de mes soucis. J’attrapa au vol une longue serviette pour l’envelopper dedans tout contre moi. Mes mouvements étaient lents, mes mains autour d’elle pour la réchauffer. J’écoutais son désir de rester avec dans mes bras, j’étais heureux qu’elle veuille de moi malgré mon arrivée quelque peu stressante.

« - Avec plaisir ma chérie, prends tout le temps que tu désires, je suis tout à toi. » lui soufflais-je.

Nous restions encore un moment ainsi, un peu hors du temps, enlacés presque encore qu’à deux dans la douceur. Puis je la suivais dans la chambre. Il commençait à faire sombre, le soir commençait à tomber doucement, seuls quelques derniers rayons de soleils résistaient et éclairaient la belle silhouette tout en rondeur de mon épouse. Je pris mon smartphone dans ma veste et chercha à la demande Penelope le numéro de la sage-femme.

« - C’est plus prudent de l’appeler oui. » Je m’arrêta net et releva les yeux sur Peny qui gémissait. Je me rapprocha d’elle immédiatement. Je mis une main dans son dos. « -Peny ? »

Je la laissa reprendre son souffle et la laisser se redresser. Mon visage doux laissa place à une grimace d’étonnement.

« - Bon sang, tu penses à ça maintenant ? On ne te changera pas !» riais-je. « -Je vais m’occuper du traiteur, toi tu te détends et ne penses à rien d’autres que toi ! »

Je l'embrassais avec plein de douceur. Puis, dans un moment d’accalmie, j’appela la sage-femme. Elle aussi devait traverser le fameux embouteillage si elle décidait de venir en voiture pour venir jusqu’à chez nous. Je la prévenait d’éviter ce passage, même si j’imaginais que la route devait être dégagée depuis. A peine je raccrocha que Penelope eu de nouveau une contraction. Moins forte que la précédente me semblait-il. Je posa mon téléphone sur la table de nuit et me rapprocha d’elle. J’étais dans son dos, pour pouvoir lui masser les hanches, le bassin, les épaules, ce qu’elle souhaitait, je laissais guider mes mains sous les siennes.
Je me posais des questions sur le terme. Notre fille n’allait-elle pas arriver trop tôt ? J’espérais que si elle naissait aujourd’hui sa santé ne serait pas trop fragile. Au beau milieu de mes pensées, je senti une nouvelle fois une caresse provenant du ventre de Penelope sous ma main. Ma fille savait déjà me rassurer à sa façon, c’était déjà le portrait de sa mère.

« - Quelques bougies pour une lueur tamisée, ça te dit ? Je vais réchauffer la maison aussi, tu vas avoir froid à la longue. »

Je recevais un message sur mon téléphone. Sûrement la sage-femme qui indiquait qu’elle était en route. J’avais d’ailleurs l’intention d’envoyer un message à Karl dans la foulée, histoire que notre grand garçon sache qu’il allait devenir grand frère dans quelques heures. Je lisais d'abord le message de la sage-femme qui disait qu'elle aurait un peu de retard. Heureusement que je n’avais pas vraiment à préparer la maison pour l’accouchement de façon que cela soit un accouchement traditionnel sorcier de magie rouge. Les représentants sorciers supérieurs de l’état avaient accepté en grinçant un peu des dents à la naissance dans notre demeure. Mais puisque mon épouse accouchait sous mon œil de régent, j'eu le droit à cet avantage dont j'usais volontiers.

"- La sage-femme est en route mais aura un peu de retard. J'espère que ça ne sera pas trop long."
 

Je ne cherchais rien d’autre que cette intimité qui était la nôtre. Je me sentais bien et à l’aise devant mon mari. Je l’avais toujours été d’ailleurs. Je laissais ce dernier contacter la sage-femme alors que la seule chose que j’avais en tête était le traiteur que j’avais commandé pour la soirée. Mon pauvre Arthur n’allait mourir de faim tout de même. Arthur en profitait pour me taquiner un peu à ce sujet d’ailleurs et je souriais en riant un peu avant de lui répondre.

- Je ne peux pas m’empêcher de penser à ton estomac. Tu as travaillé toute la journée Arthur.

Alors qu’il était au téléphone avec la sage-femme. Je passais une nouvelle contraction beaucoup moins forte que la précédante. Arthur ne manquait pas de s’approcher de moi pour m’offrir son soutient. Je le laissais surtout masser mes hanches et le bas de mon dos en le dirigeant avec douceur. Je posais les mains de ce dernier sur mon ventre en m’appuyant contre le lui. J’avais l’impression de danser une danse imaginaire pour soulager mon bassin du poids qui avait descendu. Eleonore bougeait doucement aussi entre les contractions. Elle appréciait le contact de son père semblait-il. Pour ma part, je restais dans ma bulle avec mon homme.

Arthur me proposait d’allumer quelques bougies pour tamiser la chambre et de réchauffer la maison. Je n’étais pas contre cette idée, bien au contraire. Je faisais oui de la tête en gardant ses mains sur mon ventre.

- Oui s’il te plaît. Ferme les rideaux en bas si jamais j’ai envie de descendre.

Je profitais de ce moment pour tenter de m’allonger un peu dans le lit. Je m’installais sur le côté en fermant les yeux un peu. Arthur s’occupait du reste. J’étais beaucoup plus détendue qu’à l’accouchement de Karl. Je me laissais aller tout simplement même si je savais que ça durait des heures. Nous avions cette chance que j’accouche ici car Arthur était régent. Il pourrait faire des rituels traditionnels pour notre fille quand elle serait là. Je passais une contraction difficilement dans le lit. Je souffrais davantage alors, je décidais de me relever. Je m’assoyais au bord du lit lorsque Arthur arriva pour me donner des nouvelles de la sage-femme.

- Ne t’inquiète pas. Je n’ai pas perdu les eaux encore et je ne sens pas que ça pousse. Je suis incapable de rester dans le lit. Je ne suis pas … Oh … Arthur … Ça recommence…

Je me levais et j’allais dans ses bras. Je le laissais me masser le dos. Combien de contractions ont passés avant que la sage-femme n’arrive ? Je l’ignore, mais elle était arrivée en même temps que le traiteur. Elle m’installait dans le lit pour m’examiner à ma demande. J’avais attendu que Arthur soit là. Le verdict tombait finalement.

- Quatre centimètres.

- Seulement quatre …

- Penelope regardez moi. Vous faites ça parfaitement bien. Eleonore va très bien et son coeur est bon.

Elle regardait aussi Arthur pour le rassurer. J’étais définitivement en travail actif donc, mais il m’en restait pour plusieurs heures. Je me remettais en mouvement dans une roue sans fin. Des contractions aux quatre minutes qui semblaient toutes de la même intensité. Les mains d’Arthur me soulageaient bien. Je sortais finalement de ma bulle vers 22h30. Tout ce temps qui était passé ? C’était interminable. J’avais des contractions depuis presque douze heures. Je marchais dans le corridor lentement et il commençait à pleuvoir dehors. Je m’appuyais sur le petit meuble pour passer une contraction très forte. Je criais cette fois.

- ARTHUR !

J’avais de la difficulté à tenir sur mes jambes alors que du liquide coulait sur le plancher de bois. La sage-femme laissait Arthur me soutenir et plaçait une serviette sous moi, le temps que ça arrête.

- Je veux qu’elle arrive … Je suis fatiguée Arthur …
 

La sage-femme arrivait presque en même temps que le traiteur. Je lui ouvrais tandis que Penelope était dans la chambre allongée dans le lit. Je récupérais ensuite les mets apportés par le traiteur. Cela sentait divinement bon ! Je les apportais en cuisine, déposais sur un meuble les plats chauds et au réfrigérateur les froids. Il est vrai que j’avais un petit creux, Penelope était toujours si bienveillante même dans un moment pareil, toujours à penser aux autres plutôt qu’à elle-même.
Je remontais les escaliers en direction de la chambre. La sage-femme était avec Penelope et avait commencé à l’ausculter. Elle précisait qu’elle était à quatre centimètres. Penelope devait être à dix pour pouvoir commencer à pousser, il y avait encore du chemin à faire. Je m’approchais d’elle et lui déposa un baiser sur la tempe. Je gardais mon doux sourire.

« - Mon amour, tu as bien géré durant tout ce temps, je suis certain que tu vas très bien t’en sortir pour le reste. »

Je laissais quelques minutes la sage-femme et Penelope le temps d’allumer quelques bougies dans la maison, d’allumer plus fort le chauffage et d’installer quelques pierres dans des parties spécifiques de la maison, afin de tenter d’apaiser un peu les maux de Penelope par leurs pouvoirs. Je lança la bouilloire pour faire un peu de thé. Je remonta voir Penelope. Elle était en train de se bercer par des mouvements lents. Son visage étaient de plus en plus fatigué.

« - Je fais un peu de thé, tu veux quelque chose mon amour ? ou un petit encas ? » Puis je m’adressa à la sage-femme : « Un peu de thé ? »

La sage-femme acquiesça. Quant à Penelope, j’avais posé la question innocemment sans savoir que cela était déconseillé pendant un accouchement. La sage-femme m’expliqua qu’il fallait éviter mais accepta quelques biscuits et une boisson pour Penelope au vu du temps qu’il nous restait. Je redescendis en vitesse et prépara un plateau pour tout le monde, ainsi chacun choisira ce qu’il voudra. Je posa le plateau sur une commode et restais près de Penelope qui je sentais avait besoin de moi. Elle déambulait, je la voyais fatiguer. Soudain, elle eu une violente contraction accompagnée de perte de liquide. Je l’accompagna dans son mouvement.

« - Peny, je suis là ma chérie… »

La sage-femme épongeait comme elle pouvait le liquide pour que Penelope évite de glisser. Ma douce Peny commençait à perdre les eaux selon elle. Mon épouse poussait un cri de douleur et de détresse. Ce devenait dur de la voir souffrir ainsi. Je la laissais d’abord reprendre son souffle avant de m’exprimer. Je me mettais derrière elle et l’enlaçait doucement.

« - Peny chérie. Je suis certain que le travail a avancé maintenant que tu as perdu les eaux. Tu es très courageuse. »

La sage-femme demanda à Penelope de s’allonger dès qu’elle le pouvait pour l’ausculter à nouveau. Je l’aidais à s’installer et lui laissais serrer sa main dans la mienne autant qu’elle le voudrait. La sage-femme s’y prenait avec douceur et nous confirmait qu’elle était à 6 centimètres. Je sentais une pointe de déception de la part de Penelope. Je l’embrassais à nouveau.

« - Tu fais du très bon travail Peny chérie. Et cela va aller plus vite maintenant normalement. Tu veux une infusion avec quelques-unes de tes plantes pour t’aider ? Je n’ai pas le droit d’utiliser la magie pour te soulager… mais les plantes c’est possible si tu le souhaites. »

Encore des lois pour respecter les règles de l’art de l’accouchement sorcier. La magie était proscrite surtout venant d’un homme, sauf cas extrême, et la péridurale était mal vue.  
 

Pas vraiment de bruit dans notre maison en dehors de mes gémissements. Je ne me rendais pas compte de beaucoup de choses. Je n’avais pas envie d’écouter de la musique. Le bruit de la pluie s’occupant de me détendre lorsque j’en avais besoin. Arthur m’offrait un thé avant que je perde les eaux et je me contentais de faire non de la tête. J’avais trop la nausée pour boire quelque chose. La perte de mes eaux engendrait une douloureuse plus intense et vive. Je criais ma douleur alors que Arthur venait se placer derrière moi pour m’enlacer avec douceur.

Mes mains rejoignaient les siennes et ma tête penchait vers l’arrière pour trouver le support de son épaule et de son cou. J’avais le front en sueur. Il me parlait avec douceur et me rassurait. J’avais l’impression d’être de plus en plus en sueur, mais j’étais incapable de me détacher de ses bras. J’aurais donné n’importe quoi pour soulager ma douleur, mais ce n’était pas possible. C’était mal vu. Je devais le faire naturellement en entier pour le bien du coven et de notre fille.

- Mais je suis fatiguée mon amour …

Ce n’était pas faux. Je me réinstallais dans le lit pour un autre examen que j’avais en horreur. Je serrais fortement la main d’Arthur en gémissant de douleur. Malgré toute la douceur du monde, les examens me faisaient toujours très mal. La déception totale devant un 6 centimètres seulement après de nombreuses heures. Arthur m’embrassait, mais je n’avais qu’envie de pleurer.

- Non … J’ai pas envie. Je veux juste que ça arrête ...

Les contractions s’intensifiaient en douleur. Je n’avais plus que très peu de répit et j’étais incapable de sortir du lit dans l’immédiat. La sage-femme avait apporté un bol d’eau avec des glaçons et des petites serviettes. J’avais tellement chaud que ça me faisait du bien.

00h00

Le carillon de l’horloge dans l’entrée qui résonnait dans la maison. Mon hurlement de douleur qui passait par-dessus avant de se changer en grognement alors que j’étais dans notre lit. La sage-femme avait mis les protections. Je saignais un peu, rien d’anormal dans l’immédiat, mais signe que le travail avançait.

- Arthur ! Ça pousse !

J’étais placé un peu de travers en écartant les jambes naturellement. Je poussais sur ma douleur. La sage-femme me disant simplement de suivre mon instinct en cet instant. Je tentais de le faire au mieux, mais ça devenait très intense.

00h36

Depuis combien de temps est-ce que je poussais notre fille ? Je me mettais à pleurer avec la fatigue et les nerfs. Mon corps tout entier tremblait sous l’effort soutenu. La sage-femme était rassurante au maximum tout comme mon Arthur qui devait trouver le temps bien long dans cette nuit.

- Non … Ça recommence… Arthur!

La tête de notre fille pointait alors que je poussais. La sage-femme me disait de ralentir alors que je criais de douleur. Cette sensation de brûlure était insupportable. La tête sortait rapidement suivie des épaules. La sage-femme posait Eleonore sur mon ventre. Je me mettais à pleurer. Eleonore était parmi nous.

- Arthur… Elle ne pleure pas.

Une toux plutôt pour notre petite fille qui tentait de prendre son air.   
 

Des heures étaient passées. Je ne regardais plus vraiment ma montre que j’avais d’ailleurs enlevée. Il faisait chaud dans la maison, je commençais à avoir quelques sueurs. J’avais changé de tenue pour me mettre en tee-shirt blanc et en jean noir, j’étais beaucoup plus à l’aise ainsi. Je restais le plus possible avec Penelope, qui, soit déambulait et se berçait, soit était allongée. Je la voyais s’épuiser au fil des minutes. Ses complaintes me faisaient mal au cœur, mais je me devais de l’accompagner le mieux possible, c’était mon devoir de mari qui chérissait sa femme plus que tout au monde.

« - C’est long, je vois que tu souffres mon amour. Mais je vois aussi que tu travailles très bien. Tu es la femme la plus exceptionnelle que je connaisse. Combien aurait ton courage mon amour ? Je t’admirais toujours. » lui susurrais-je

J’ignorais si elle m’écoutait vraiment. Elle semblait être parfois dans un état second, entre la douleur et l’apaisement. J’avais délaissé ma tasse de thé à moitié bu quelque part dans la maison. J’avais grignoté quelques cuillérées du plat commandé par Penelope du traiteur pour tenir le coup. Le bruit de la pluie sur les fenêtres m’apaisait, cela me faisait venir l’envie de dormir. J’avais envoyé un message à Karl pour le prévenir de l’arrivée de sa petite sœur. Ma Penelope, elle était si forte et courageuse. Le travail était long. elle était complètement éreintée.


00h00

Le rythme semblait changer. Penelope criait différemment et plus fort, elle ne voulait plus que je la touche sur certaines zones de son corps. Je lui donnais mes mains autant qu’elle voulait, mes bras, mes câlins, mes caresses. Je l’avais aidé à se mouvoir lorsque la sage-femme avait voulu préparer le lit, signe que les choses avançaient bien. Je voyais le sang sur les protections, la sage-femme me rassurait m’indiquant que c’était absolument normal.
Soudain, Penelope hurla de douleur, criant qu’elle sentait que cela poussait.

« - Je ne te lâche pas Peny ! Tu vas y arriver mon amour. »

J’embrassais la main de mon épouse à plusieurs reprises. Je restais calme et lui parlais doucement pensant que ça pouvait l’apaiser. C’était toujours mieux qu’un mari stressé dans tous les cas. Je l’accompagnais pendant des minutes. Je ne les comptais pas, mais je sentais que c’était long pour elle. Son corps n’était plus que contractions et spasmes. Ses cris déchirant de douleurs me peinaient.


00h36

« - Peny, mon amour, tout cela est presque fini, encore un petit effort et ce sera terminé ! »

Elle était au bout du parcours. Nous allions enfin rencontrer notre petite fille dans quelques secondes. Penelope souffrait terriblement aux dernières poussées, c’étaient les plus difficiles. Mais au bout du chemin, la délivrance. J’étais au niveau des épaules de Penelope et je commençais à voir la tête qui sortait petit à petit, puis les épaules, et puis…

« - Penelope… mon amour… » je l’embrassais sur le front, lui laissant reprendre sa respiration. J’étais totalement pris d’émotion. « - Elle est magnifique… »

Eléonore fut posée sur le ventre de sa mère, mais ne pleurait pas. Les secondes étaient longues. Penelope était morte d’inquiétude et moi également. Maintenant notre fille née, je pouvais utiliser ma magie. Je n’étais pas soignant et ne savais trop quoi faire, alors je vérifiais promptement son flux sanguin avec ma magie de sang, les battements de son cœur qui étaient normaux. La sage-femme me pris ma main rapidement pour me montrer les gestes à faire sur Eléonore. Au bout de quelques massages sur le dos, Eléonore cracha et respira pour enfin libérer ses premiers cris. Ce fût un immense soulagement. Je ne sentis pas la larme tomber directement sur mon tee-shirt, tellement pris dans l’émotion.
La sage-femme me proposait de couper le cordon, elle me donna les ciseaux et je m’exécuta tout en délicatesse. Elle apporta une couverture pour réchauffer notre petite fille et la maman. Je souriais à mes femmes, j’étais complétement amoureux d’elles.

« - Tu as bien travailler ma chérie. Regarde ce que tu as accompli toute seule. Elle est magnifique… Tu as été merveilleuse. »

J’embrassais amoureusement Penelope. J’admirais Eléonore allongée sur la poitrine chaude de sa maman. La sage-femme nous laissait prendre le temps de la rencontre avant de faire quelques contrôles. Elle se concentrait sur la fin de travail de Penelope.