Devin était comme bien souvent installé à son bureau sur lequel s’entasse pléthore de paperasses en tout genre. Il ne soupire cependant jamais, pas face au travail. S’il n’avait pas cela, il s’ennuierait énormement. Le travail c’est une manière de s’occuper de se sentir accompli. Il n’est pas du genre à se blottir dans une montagne d’or toute la journée, il est jeune on dira, il a fait gagner beaucoup d’argent à sa famille, assez pour pouvoir quitter l’Alaska après la seconde guerre mondiale. Mais Devin est loin d’être sage ou tout simplement aigri. Il est farouche, comme tout dragon qui se respecte, fermé sur ses sentiments et matérialiste à sa manière. Le roux ne s’attend pas à obtenir le moindre encouragement de la part de ses parents et il s’en moque éperdument. Certes ce qu’il fait aujourd’hui est beaucoup moins rentable que la publication de best seller en tout genre sous divers pseudonymes et encore moins les activités peu honorables de son père.

Il fut cependant dérangé pendant son travail administratif par le bénévoles qui fit irruption dans son local sans avoir eu la politesse de frapper, chose qu’il lui fit remarquer d’un froncement de sourcil qui fit reculer le gamin jusqu’à la sortie pour frapper timidement contre la vitre. C’est que parfois, on pourrait presque dresser les humains comme les animaux qu’il garde ici, même si ce n’est pas son but, il ne doute pas que la tâche serait aisée.

- Victor, vous n’êtes pas sensé être à l’accueil ?

Le fait qu’il n’y est personne pour les visiteurs, c’est assez dérangeant. Mais le jeune homme justifie son absence par un problème d’ordinateur.

- Soit, prenez les formulaires papiers en attendant, je vais tâcher de jeter un coup d’oeil.

Le jeune se retrouve avec une pile de papier qu’il se trimbale dans les bras, Devin le suivi à bonne distance, quand finalement il rattrape le benevoles les yeux rivés sur une potentielle cliente. Un peu plus et il y aurait de la bave qui sortirait de la bouche de cet idiot.

- Victor, déguerpissez tout de suite.

Le “ou je me fâche” n’est pas nécessaire à prononcer, celui-ci disparu au pas de courses. On pourrait trouver ça lassant, et à voir l’air fermé de Devin, agaçant. Mais au contraire, il trouve ça particulièrement amusant, mais comme tout dragon qui se respecte, il sait masquer ses ressentis et émotions, il n’est plus un enfant et on l’a bien élevé malgré tout.

- Veuillez l’excuser, il est…

Stupide ?

- Nouveau.

Politiquement bien plus correct !

- Avec vous besoin d’une aide quelconque, je puis vous trouver quelqu’un pour vous orienter.

Parce que lui les visites, c’est rarement son rayon. Parler aux gens, mine de rien, c’est épuisant. Il s’occupe de conclure les adoptions, c’est déjà bien suffisant à ses yeux, oui il apprécie les humains, mais il ne tient pas à le leur montrer.

Elle lui dit être revenu pour deux raisons. Il écoute avec patience, l'adoption de deux chiens est assez courante.  Ainsi les deux animaux peuvent se tenir compagnie pendant l'absence des humains. La femme est très spécifique dans sa demande et banale à la fois : elle veut deux jeunes chiens. Les vieux chiens n'ont pas vraiment la côte en général, on les boude parce qu’ils commencent à coûter cher en frais médicaux, et parce que leur temps et encore plus compter. Cependant Devin trouve assez de charme chez ses vieux chien, ils ont leur histoire, une personnalité déjà établie, des manies amusantes qui les rendent singulier. Mais il comprend que ce n'est pas au goût de tout le monde, ou à la porté de tous.  Tout simplement à un challenge trop important de devoir se plier au passé d'un animal  pour composer avec dans le présent. Les jeunes chiens sont bien plus malléables, on en fait un peu ce que l’on veut, c’est peut-être moins éprouvant.

La seconde raison de la présence de cette femme ici, lui fait hausser les sourcils.  Lui qui habituellement est impassible, imperturbable, ne peut guère masquer complètement sa surprise. Il est bien rare qu'il entende parler de son vieux père, surtout de la part d'étrangers. Cette expression de surprise ne dure cependant pas, il sait se mesurer, avoir la maîtrise parfaite de son image. Il a été élevé de la sorte.

- Nous venons de recevoir un frère et une soeur croisés Beauceron, ils ont un an. Nous avons également un chiot type berger des montagnes des Pyrénées si vous désirez plus dans le géant que le gros. Et un jeune Cane Corso de trois ans que voici.

Il lui désigne d’un geste ample un chenil dans lequel le molosse ronfle bruyamment. Pas sous son meilleur angle, mais On peut voir sans peine quel bel animal il est.

- J'ignore ce qui est le plus impressionnant. Le fait que vous connaissez mon père et que vous semblez vous entendre avec ce dernier, ou le fait qu’il vous ait parlé de ce refuge qu'il abjecte tant. Quoi qu’il en soit, vous êtes la bienvenue ici.

Même si le fait qu’elle soit Dragon ne facilitera pas pour autant l’adoption la concernant. Si les gens adoptent un chien, le chien adopte une famille. Devin a à coeur que les choses soient parfaites. Certes, les affaires sont les affaires, mais la réputation de la fondation est plus important à ses yeux que d’enchainer les adoptions.  

- Vous avez un nom j’imagine ?

Demande-t-il avec cette pointe d’ironie qui lui sied parfaitement.

Même s’il connaît ses animaux sur le bout des griffes, il est bien rare qu’il s’occupe lui même de visiter le refuge aux clients. Mais l’évocation de son paternel avait suffit de le convaincre de passer un peu plus de temps auprès de cette femme. Il a l’impression que les dragons sont bien plus nombreux en ville qu’il ne l’aurait imaginé, il compte bien mener son enquête, lorsqu’il aura un peu de temps pour lui, ce qui est loin d’être gagné !

- Ses motivations sont loin d’être sentimentales, l’on parle de Eveon après tout.

Son père avait trahis sa mère a une époque pour lui dérober sa fortune, laissant une balafre sur le visage de la mère adorée de Devin. Ils se sont réfugiés des années en Alaska dans une demeure cachée, avant que l’amour pousse sa mère a pardonner le monstre d'égoïsme qu’est Eveon. Devin le respecte car il s’agit de son père, mais il ne place aucun espoir en lui. Celui-ci a eu des siècles pour tenter de s’améliorer, mais il est toujours le même.

Cependant il ne compte pas mener l’enquête sur son père, parce qu’il sait que c’est ce que son géniteur désire. Qu’il s’occupe de dragons plutôt que d’humains, de chiens et de chats. Devin est prêt à prouver qu’il est tout aussi forte tête que ce cher Eveon.

Par politesse il serre la main de la dragonne, il peut immédiatement sentir son feu, comme elle peut sans nul doute sentir sa glace.

- Suivez moi Ornòra.

La nurserie est à quelques mètres d’ici, les chiots beauceron s’y trouvent et y jouent probablement à cette heure. Devin écouté les inquiétudes de la femme quant au fait d’adopter des frères, des inquiétudes qui sont justifiées et qui prouvent qu’elle s’y connait un minimum en matière de chiens ou d’animaux.

- Des jumeaux, c’est bien rare.

Lui répondit-il au sujet de son frère qu’il connaissait évidemment, la ville est décidément beaucoup trop petite pour tous ces reptiles.

- Il m’est arrivé de croiser votre frère.

Inutile d’ajouter le terrain du frère de l’une en plus du père de l’autre !

- Pour en revenir aux chiens, il est vrai qu’adopter une fratrie présente un risque, mais aussi certains avantages. Il convient de les éduquer séparément pour qu’ils s’individualise et vous imposer dans leur duo. L’avantage étant qu’ils ont le même âge, donc les mêmes besoin et qu’ils s’entendent bien. Si vous prenez deux chiens ici, il n’est pas certain qu’ils s’entendent particulièrement. Nous avons sur le refuge un éducateur canin qui peut vous prêter main forte et moults conseils pour une adoption réussie.

La fondation apporte un réellement accompagnement, c’est ce qui fait son succès après tout. Ils arrivent à la nurserie où une demi douzaine de chiots batifolent ensemble. Devin ne se fait pas de soucis pour eux, la plupart des chiots partent rapidement dans dans familles. Certes ces deux là on déjà un an, mais ça reste très jeunes, assez pour leur assurer une seconde chance prochaine, il n’en doute pas.

Devin sait que les naissances de Dragons sont de plus en plus rares, des jumeaux encore plus. Il suspectait Ciaran d’être particulièrement âgé, il constate qu’il n’a pas fait fausse route. Cependant ça ne l'impressionne pas, il est assez sûr de lui le petit Belvin.

- Rien ne vous empêchera d’adopter un second plus tard.

Une fois un chien bien dans ses pattes à un domicile, c’est plus facile de faire entrer un second individu. Mais il ne force la main à personne, Devin est assez strict dans ses conditions d’adoption, il fait remplir des questionnaires, pour les chiens, le domicile est même visité avant adoption par l’un des employé afin de s’assurer que tout est “en règle”. Ils sont une fondation, pas un vulgaire chenil ou refuge. Ils ont une réputation à tenir et les adoptions doivent être un succès. Il arrive qu’il y est des retours parfois, mais en général, les choses se passent bien quand l’on respecte le protocole qu’il a mit en place.

Il laisse la femme faire connaissance avec les chiens de la nurserie. Il croise les bras devant son torse, observe, cherche à s’assurer qu’elle est bel et bien là pour les chiens et qu’elle n’est pas en train de lui faire perdre son temps au nom d’Eveon. Elle n’a pas l’air d’être quelqu’un qui obéit aux ordres, mais qui doit avoir une sens de l’amitié assez… Loyal ? Étrange de parler de loyauté au sujet de son père, lui qui n’a pas hésité à attaquer la propre mère de son enfant pour voler son or… Enfin passons…

- Vous avez un neveu ?

La famille se rallonge de plus en plus. Est-ce que ce cher Ciaran aurait un enfant ? Imaginer cela est presque risible, il ne voit pas ce bagarreur pouponner qui que ce soit, ou simplement se caser avec une dragonne bien que l’on ne soit jamais à court de surprise dans la vie...

- Pour une connaissance de mon père, vous semblez curieusement “branchée famille”.

Il peine à croire que ces deux là puissent s’entendre, peut-être que tout ça n’est qu’un stratagème pour découvrir où se terre Eveon. Cela ne l’étonnerai guère...